29. Charlie
Je regagne les gradins en compagnie de Cam, totalement déboussolée par cette courte entrevue avec Carter. Je ne lui ai pas montré mais son air inquiet et paniqué m'a laissé perplexe. Je ne sais pas si c'est à cause du match ou si il est perturbé par autre chose. J'espère de tout coeur qu'il s'est calmé, qu'il est prêt à tout déchirer pendant le match. Il mérite tellement de réaliser son rêve que j'en serais tout aussi peinée si la partie ne se déroule pas comme prévu, si les recruteurs ne le sélectionnent pas. Carter est fait pour le basket, rien ne peut l'empêcher de réussir.
Je m'installe à ma place, entourée par toute la famille de Carter. Je suis heureuse de les retrouver, surtout la mère de Carter. Clarisse est une femme exceptionnelle et d'une gentillesse incroyable, elle m'a accueilli comme une des leurs dès notre première rencontre et je lui en serais toujours reconnaissante. Carter m'a emmené souvent chez ses parents et à chaque fois j'ai passé de très bons moments. Je me sens bien avec eux.
Clarisse me sourit chaleureusement. Elle a l'air aussi stressée pour son fils que moi. Tout se joue ce soir. Duke est l'une des meilleures équipe du championnat universitaire et Reece Jefferson est aussi doué que Carter. C'était l'occasion idéale pour les recruteurs de venir faire leur marché pour la saison prochaine en NBA. Je n'y ai pas vraiment réfléchi mais je me demande comment évoluera notre relation quand la distance s'installera entre nous.
Ne pense pas à ça, Charlie, pas maintenant !
Au bout de dix minutes d'attente, l'équipe de Carter entre sur le terrain sous les applaudissements du public. C'est dingue, tout le monde est en transe en les voyant courir et les saluer. Mon regard est de suite prostré sur Carter. Il porte le numéro vingt et un, et bon sang qu'est ce qu'il est sexy dans sa tenue de basketteur !
Je ressens une vague de chaleur me parcourir le corps et se loger dans mon bas ventre. Il me fait beaucoup trop d'effet dans son short et son maillot de basket qui fait ressortir ses muscles saillants. Je ne fais pas attention aux autres joueurs, je ne vois que Carter. Il semble aller mieux. Il n'a pas loupé un seul shoot à trois points. Je suis certaine qu'il va impressionner les recruteurs. Ce soir, il réussira à décrocher un contrat pro pour l'année prochaine. Son rêve est à porter de mains, et rien ne pourra se mettre en travers.
Après un échauffement interminable, le match est enfin sur point de commencer. Je suis stressée pour eux. Duke possède une équipe très expérimentée et adroite. Reece Jefferson peut carrément concurrencer Carter. Ils seront en compétition pendant tout le match, les recruteurs n'en prendront qu'un. Chacun d'eux doit donner le meilleur d'eux mêmes pour les impressionner, pour les convaincre qu'ils sont celui qu'ils leur faut.
Cam m'a raconté dans la voiture que Reece possédait lui aussi des stats hallucinantes, que lui et Carter étaient au coude à coude. Il est stressé pour son frère, ce qui est plutôt mignon. Il lui voue une admiration sans faille. Carter est le modèle de Cam, je crois qu'il préférerait voir son grand frère réussir que lui même. L'année prochaine, Cam fera son entrée dans l'université de Chapel Hill et nulle doute qu'il intègrera rapidement l'équipe des Tar Heels pour battre tous les records de son frère.
Les premières minutes du match sont très tendues. Les deux équipes ne se démarquent pas, aucune d'elles ne prennent l'ascendant sur l'autre. Carter et Reece sont aussi forts l'un que l'autre, bien que Carter le surpasse en shoot. Il n'a raté qu'un tir tandis que Reece deux. Je suis impressionnée par les compétences de Carter, il dribble excellement bien, a une vision de jeu inoui, défend comme un forcené qui ne lâche rien. Je savais qu'il jouait mais à ce point non.
Il joue pour les autres, les met en valeur, c'est un meneur exceptionnel. Après une faute dans la raquette pendant un shoot, Carter obtient deux lancers francs qu'il réussit facilement, il regarde vers les gradins et souris quand il croise mon regard. Je me sens rougir et ne peux m'empêcher de glousser.
- Mon frère est devenu un sacré canard, se moque Cam.
Je lui tape l'épaule pour le faire taire.
- Tu es jaloux parce qu'aucune fille est avec toi, le taquiné je.
- Tu te trompes, belle soeur préférée, j'ai un tas de filles à mes pieds !
- Oh excuse moi le tombeur, j'avais oublié à quel point ton charme légendaire faisait des ravages, ris je.
- Je suis un Bass, Charlie, rien que mon nom est un aphrodisiaque ! Je vais faire un malheur dans cette fac l'année prochaine. Toutes les nanas seront folles de Cameron Bass et je compte bien en profiter, dit il en avalant une gorgée de sa bière.
- J'espère pour toi que tu les traiteras avec respect Cameron Alexander Bass, le met en garde Clarisse qui a tout écouté des inepties de son fils.
J'éclate en rire en voyant le visage effrayé de Cam. Il sait que la mise en garde de sa mère n'est pas à prendre à la légère. Elle a élevé ses enfants en leur inculquant le respect des femmes et elle ne supporte pas qu'ils puissent faire volontairement du mal à une femme. Elle n'a jamais approuvé le comportement volage de Carter pendant sa deuxième et sa troisième année universitaire.
Cam me bouscule doucement l'épaule pour que je cesse de rire. Il n'apprécie pas vraiment que je me moque de lui. Il clame haut et fort que c'est déjà un adulte mais force est de constater que c'est faux, il est encore bien susceptible.
- Promis, maman, je serai un parfait gentleman, la rassure t'il en déposant un baiser sur sa joue.
Je souris attendrie par cette scène. J'espère que mes enfants seront aussi proches de moi que le sont ceux de Clarisse envers elle. Jamais je ne les laisserai seule, ne leur refuserai la moindre affection, je serai toujours derrière eux. Je me demande si je construirai ma propre famille avec Carter. C'est un peu tôt pour nous imaginer parents, notre relation vient à peine de débuter et pourtant au fond de moi je rêve d'une vie de famille avec Carter.
Mon Dieu, je suis pathétique !
Cam me fait un clin d'oeil lorsque Carter me sourit après avoir marqué un autre trois point. C'est dingue comme ils se ressemblent tous les deux, c'en est même assez troublant. Je suis certaine que Cam rendra une jeune femme heureuse le jour où il se décidera à nouveau à être en couple. Son ex petite amie lui a fait énormément de mal et je pense que c'est pour cette raison qu'il tient à profiter de son célibat. Une rupture peut réellement vous anéantir.
Reportant mon attention sur le match, je ne peux m'empêcher de le trouver étrange. Une tension a l'air d'émaner à chaque fois que Carter a le ballon. Deux joueurs de l'équipe adverse lui jettent un regard si noir qu'il me donne des frissons dans le dos. Mon mauvais pressentiment se réveille. Peut être que Reece Jefferson a demandé à ses coéquipier de mettre Carter hors circuit pour s'assurer une place en NBA. Certains sont prêts à tout pour réussir.
A la mi temps, l'équipe des Tar Heels mène de deux petits points. Rien est gagné encore. Carter est dans une très bonne dynamique, son jeu est excellent, il est déterminé à se faire remarquer, à montrer ce dont il est capable. J'ai confiance, il va être choisi, j'en suis persuadée. Comment ne pourrait il pas être pris ? Carter est né pour jouer au basket.
Je profite de cette pause pour faire un tour aux toilettes. Carter m'a fait promettre de ne pas bouger des gradins, de rester avec sa famille, mais je ne peux plus me retenir. Lorsque je suis dans le couloir qui mène aux gradins, je me fige net, intriguée par la silhouette familière d'un homme. Je me dis que je deviens folle, parce que ce n'est pas possible qu'il soit là, il est en France ou dans un autre pays d'Europe. Je secoue la tête pour chasser cette idée de mon esprit.
Je suis sur le point de retourner à ma place quand je tombe sur lui. Ce n'était pas mon imagination. Il est bel et bien là. Mon père se tient devant moi, un putain de sourire satisfait sur le visage. Qu'est ce qu'il fiche ici ? Sa présence ne me dit rien qui vaille. Voilà pourquoi j'avais un mauvais pressentiment. Il va tout faire pour gâcher ma vie, afin de se venger de mon silence, de mon ignorance envers ses appels et ses messages. Son sms n'était rien comparé à ce qu'il est capable de faire.
Comme à son habitude, il porte un costume trois pièces noires qui vaut sûrement une fortune, des chaussures italiennes, sa coiffure est parfaite chaque cheveux est à sa place. C'est un très bel homme, il le sait et en joue avec les autres. Le pire est que je lui ressemble énormément. Je tiens mes yeux verts de lui, tout comme la couleur de mes cheveux, la forme de ma bouche. Je déteste lui ressembler autant.
- Bonsoir mon trésor, lance t'il en français pour que personne ne le comprenne.
- Papa, qu'est ce que...
- Je suis venu te voir, tu n'es pas heureuse de me voir ?
Je n'aime pas le petit jeu qu'il est en train de jouer. Il n'est pas naturel. Il essaie de se montrer agréable parce que nous sommes en publique. Je le méprise tellement.
- Qu'est ce que tu veux ? je demande méfiante.
- Que tu arrêtes de me prendre pour un con ! Tu croyais quoi, qu'ignorer mes appels et mes sms te débarrasserait de moi ? se moque t'il. Tu me connais bien mal, mon trésor...
Je hais quand il me surnomme de la sorte. Je ne suis pas son trésor, je ne l'ai jamais été. Il fait exprès de jouer avec mes nerfs, de montrer qu'il a le contrôle sur moi. Je ne peux pas lui faire voir qu'il me fait peur, qu'il a encore de l'ascendant sur moi.
- Tu vas m'écouter attentivement, Charlie, m'ordonne t'il. Ta petite relation avec ce joueur de basket est terminée, c'est bien clair ?! C'est mon dernier avertissement...
- Sinon quoi ? je comprends.
- Sinon je serai obligée de te faire payer ! me menace t'il.
Alors là c'est le pompom. Comment peut il croire que je vais me laisser faire aussi facilement ? Il n'a rien à exiger. Je n'abandonnerai pas Carter parce qu'il me l'ordonne. C'est fini le temps où il pouvait me dicter quoi faire, à qui parler, qui fréquenter. Je ne suis plus sa chose qu'il peut manipuler à sa guise. Je ne sais pas qui l'a prévenu pour Carter et moi, mais je jure de trouver et de le faire payer à cette personne.
- Tu n'as rien à m'ordonner, je suis majeur et plus jamais je ne t'écouterai ! Peu importe tes menaces, je refuse de t'obéir, je balance sûre de moi. Je ne suis plus un jouet que tu peux manipuler à ta guise, c'est terminé...
Je suis sur le point de partir mais il me retient violemment par le bras. Ses yeux sont furieux, la veine sur son front est prête à exploser. Je ne l'ai jamais vu aussi en colère contre moi. Si il pouvait me tuer en un seul regard je serais déjà six pieds sous terre. La colère fait place à un air beaucoup plus flippant et menaçant.
- Tu es une vraie déception, Charlie, assène t'il. Tu nous as toujours fait honte à ta mère et moi, jamais tu nous as rendu fiers... Une enfant terriblement banale et ennuyante, une ado sans aucun talent et une jeune femme sans ambition aux goûts affligeants... Si décevante. Mais c'est fini maintenant ! Tu arrêtes de n'en faire qu'à ta tête, de te la jouer rebelle comme ta très chère tante Greta. Cette parenthèse américaine est terminée. Tu rentres avec moi en Décembre et tu ne remettras pas les pieds dans ce pays débauché !
- Jamais je ne rentrerai avec toi, lui tiens je tête. Ma place est ici, loin de toi. Tu devrais être ravi que ta décevante fille ne veuille pas être dans tes pattes.
- Si ça ne tenait qu'à moi, je t'aurais abandonnée depuis bien longtemps mais ton grand père s'est laissé attendrir par toi, balance t'il avec dégoût.
Je fais tout mon possible pour ne pas laisser ses mots m'atteindre mais c'est peine perdue. Il sait comment me faire du mal.
- Quoiqu'il en soit, aujourd'hui j'ai besoin de toi et de ton joli minois pour conclure une affaire et je suis prêt à tout pour parvenir à mes fins ! Atteindre tes proches en m'attaquant à ce qu'ils tiennent le plus est un jeu d'enfant. Ton bon à rien de petit ami ne rêve que de son basket, son père un minable garagiste à qui il est facile de retirer son entreprise, quant à ta tante et son abruti de mari, je leur réserve une très bonne surprise... Mais tu peux empêcher tout ça. Il te suffit de rentrer avec moi...
- Plutôt mourir que de rentrer avec toi ! Tes menaces ne sont rien. Tu n'as pas autant de pouvoirs que tu le prétends. Je ne t'écouterai pas, je ne cèderai pas. Tu aurais mieux fait de m'abandonner parce que je considère que je n'ai pas de père... Je n'en ai jamais eu, craché je pleine de confiance.
La réponse de mon père ne se fait pas attendre. Il lève la main et me gifle si fort que j'en tombe sur un siège. Jamais il ne m'avait frappé. Il m'a toujours blessée avec ses mots, mais jamais physiquement. Je suis complètement sous le choc, et ai honte de m'être faite gifler en plein milieu des gradins. Il vient de m'humilier publiquement sans le moindre remords, pour me montrer que je ne suis qu'un insecte pour lui, qu'il n'a aucune considération pour moi. Cependant, je refuse de verser une seule larme pour lui. Je ne lui ferai pas ce plaisir.
- Tout va bien ici ?
Je me retourne faisant face à Cam. Nulle doute qu'il a tout vu de la gifle. Son visage est déformé par la rage et le regard qu'il lance à mon père ne me dit rien qui vaille. Je profite de son intervention pour me dégager de la prise de mon père.
- Oui, je dis en forçant un sourire. Le match va recommencer, il est temps d'y retourner...
Je ne fais pas attention à mon père puisque pour ma part, j'en ai définitivement fini avec lui. J'entraîne Cam par le bras ne voulant m'éterniser ici. J'ai seulement hâte de retrouver Carter et de me blottir dans ses bras. Je le choisis lui malgré toutes les menaces de mon père. Je sais qu'ensemble nous pourrons le contrer.
- Tu vas le regretter, trésor, me menace mon père pendant que je regagne les gradins.
Toi aussi, me dis je.
Il est hors de question qu'il gagne. Je ne l'écouterai pas. Plus jamais. Avant d'arriver vers la famille Bass, Cam m'oblige à m'arrêter. Le regard inquiet qu'il me lance fait monter les larmes au coin de mes yeux.
- Qui était ce ?
- Mon père...
- Pourquoi est ce qu'il t'a...
- Parce que je refuse de lui obéir... S'il te plaît, Cam, n'en parle pas, surtout pas à Carter. Il risquerait de vouloir le tuer ou de lui casser la gueule, il ne pourra pas entrer dans une équipe de NBA si il a comportement violent. Promet moi de ne rien dire, le supplié je.
- Mais...
- Cam, s'il te plaît. Je vais bien... Je te demande d'oublier ce que tu as vu...
Il finit par accepter en me voyant aussi alarmiste et apeurée. Je ne veux pas que Carter l'apprenne, je sais qu'il est capable de tout pour me protéger et mon père a franchi une limite en levant la main sur moi. Carter ne laissera pas cette histoire passée. Cam me prend dans ses bras pour m'apporter le réconfort dont j'ai besoin en ce moment. Je sais que je peux compter sur lui, il ne me laissera pas tomber.
Nous regagnons nos places comme si de rien était. Je sens que Cam est perturbé mais fait de son mieux pour ne rien laisser paraître. Tout comme moi. Je me concentre sur le match en ayant une peur monstre qu'il arrive quelque chose à Carter. Je cherche mon père du regard, mais il a l'air d'avoir disparu. Le connaissant, il est déjà en train d'essayer de mettre ses plans à exécution pour se venger.
Est ce que j'ai bien fait de lui tenir tête ? Peut être que j'ai été un peu trop confiante sur ce coup...
La deuxième mi temps est aussi serrée que la première. Je n'arrive pas à suivre le match tant je ne cesse de penser à mon père, à ce qu'il prépare. Cam me parle, mais je ne parviens pas à déchiffrer ce qu'il me dit. J'essaie de me concentrer sur Carter pour réussir à oublier la présence de mon père, mais c'est peine perdue. Mon esprit est ailleurs. J'ai l'impression d'être physiquement présente mais mentalement je suis en France, en plein dans mon enfance malheureuse.
Soudain tout bascule à seulement cinq minutes de la fin du match. Carter dribble pour aller au panier quand un joueur adverse le percute volontairement à l'épaule et avec une violence inouïe. Carter pousse un cri de douleur qui me brise le coeur. Le joueur a fait exprès de lui rentrer dedans pour le blesser. Il est au sol, ne bouge plus, et se tient l'épaule en pleurant. Je me lève de mon siège choquée par la scène. J'ai peur pour lui, pour la gravité de sa blessure. Si son épaule est cassé, il lui faudra des mois pour s'en remettre, et il devra dire adieu à son rêve.
Ce n'est pas possible. Dites moi que je suis en train de rêver ?!
Au même moment, mon portable vibre dans ma poche. Je le sors et pousse un cri d'effroi en lisant le sms de mon père.
[ Tu ne pourras pas dire que je ne t'ai pas prévenu. Échec. ]
Bon sang, il est encore plus pourri que je ne l'aurais cru !
J'arrive pas à le croire. Comment a t'il pu être aussi cruel en s'en prenant physiquement à Carter ?! Il n'a aucune morale, aucun coeur, le diable peut aller se rhabiller à côté de lui. C'est de ma faute. A cause de moi, Carter est sûrement blessé. Je n'ai pas pu m'empêcher de provoquer mon père, de jouer à la fille forte, et c'est Carter qui en paye les pots cassés. Mon père est un monstre, prêt à tout pour son fric. Je ne suis qu'un pion qu'il s'amuse à manipuler quand il en a besoin. Je n'ai aucune autre utilité pour lui que servir ses intérêts.
Putain, mais quand est ce qu'il va me laisser vivre en paix ?
Je suis partie à l'autre bout de la terre pour vivre ma vie loin de lui, pour que je réussisse à me construire sans ces parasites que sont mes parents. Il ne s'est pas soucié de moi depuis que j'ai emménagé dans la Caroline du Nord, j'étais parvenue à me défaire de leur autorité. Ils ne parvenaient plus à me contrôler, à me manipuler, mais je réalise que je me suis royalement fourvoyée. Quelle conne !
Ce soir, il vient de me prouver qu'il ferait tout en son pouvoir pour ruiner la vie de ceux que j'aime, uniquement pour m'obliger à le suivre à Londres pour son rendez vous si important pour lui. Les affaires comptent plus que tout pour lui, peu importe si il fait du mal aux autres, et surtout à moi. Mes états d'âmes n'ont aucune importance pour lui. Tant que je fais ce qu'il me dit, il ne se préoccupe pas du reste. J'ai perdu la bataille mais en aucun cas je m'avoue vaincue.
Mon Dieu, Carter doit être complètement désespéré.
Je n'attends pas la fin du match pour me précipiter à l'infirmerie de la salle. Je m'en fous si je n'ai aucun droit d'entrer, il faut que je vois Carter, que je m'assure que ce n'est pas aussi grave que je le pense. La fin du match ne m'intéresse pas. J'aimerais que les Tar Heels gagnent puisqu'ils le méritent, mais seul l'état de santé de Carter m'importe.
Malheureusement pour moi, on ne me laisse pas entrer. Les kinés et les médecins sont en pleine consultations et personne n'est autorisée à venir. Attendre me fait péter un câble. Je ne suis pas la seule d'ailleurs, les parents de Carter sont inquiets, surtout son père. Il sait à quel point une blessure grave peut empêcher son fils de devenir pro, tout comme lui l'a vécu. Dès qu'un kiné sort de l'infirmerie, Bruce se précipite vers lui pour avoir des nouvelles de son fils.
J'entends quelques brides de leur conversation, à savoir des mots comme " examen" " cassés " et " rééducation ". Je ferme les yeux ne pouvant supporter cette nouvelle. C'est encore pire que je ne le pensais. Je jure sur ma vie que je ferai tout payer à mon père. Il ne s'en sortira pas comme ça. Dans quelques semaines j'aurais vingt et un ans, je serai indépendante financièrement et je sortirai une bonne fois pour toute de l'emprise de mon maudit géniteur. L'argent qu'il m'a versé chaque mois servira pour une bonne cause, je ne le toucherai jamais pour moi.
La mère de Carter vient vers moi et pause sa main sur mon épaule.
- Tu peux aller le voir, Charlie, si tu le veux, me dit elle gentiment.
- Et vous ?
- Je crois qu'il préférerait te voir toi en premier lieu... Vas y, nous irons après, me sourit elle.
J'acquiesce et la remercie. Je ne perds pas une seule seconde et entre dans l'infirmerie. En moins d'une minute, je trouve Carter. Il est assis sur une table d'auscultation l'épaule et le bras immobilisés dans une attelle épaulière. La douleur sur son visage est perceptible et me fait mal au coeur. Sans moi, il ne serait pas dans cet état. Je devrais sûrement lui dire que tout est de ma faute mais j'ai peur qu'il me laisse. Je l'aime beaucoup trop pour envisager d'être sans lui.
Je m'avance doucement lorsqu'il lève les yeux vers moi. Je lis dans son regard toute la peine qu'il ressent. Il a pleuré. Si je n'étais pas entrée dans sa vie, il n'en serait pas là. Je n'apporte que le malheur auprès de ceux que j'aime. Je me place à sa hauteur et caresse sa joue du bout des doigts.
- Ma saison est fichue, mon rêve est mort, je...
- Rien est fini, Carter, le coupé je.
Je prends son menton entre mes doigts pour le forcer à me regarder. Je suis responsable de toute cette merde, mais je peux encore me rattraper. Carter réussira à revenir sur les terrains avant la fin de la saison, je m'en fais la promesse.
- Tu as fait un match exceptionnel. Tu étais meilleur que Jefferson et les recruteurs l'ont vu. Je ne sais pas pour combien de temps tu en as, mais je suis persuadée que tu reviendras dans l'équipe rapidement... Les meilleurs kinés vont être engagés par l'équipe voire même les recruteurs. Tu vas leur montrer à tous que Carter Bass est un battant, qu'il n'abandonne pas ! Rien est fini, Carter, d'accord ?
Il acquiesce difficilement puis réfugie sa tête dans mon cou.
- Le seul point positif c'est que j'aurais le droit à tes massages plus tôt que prévu, plaisante t'il tentant de dédramatiser.
- Tu auras le droit à tous les massages que tu veux, lui promis je.
Je souris avant de déposer mes lèvres sur les siennes. Il faut absolument qu'il garde le morale ou il ne réussira pas à atteindre son but. Je le soutiendrai du début à la fin s'il le faut. Je détache mes lèvres des siennes pour lui parler de mon père, il doit savoir ce qui s'est passé même si il risque de me détester ensuite.
- Carter, je...
" Avoue que c'est pour cette raison que tu m'as prise Charlie ? "
Je connais cette voix. C'est celle que de Gabriel. Pourquoi est ce qu'une conversation entre lui et Carter a été enregistrée ? Et sur quoi est ce qu'il est diffusé ? Sûrement une enceinte...
Putain qu'est ce que c'est que ce délire ?!
" Est ce qu'elle sait qu'elle est l'objet d'une stupide vengeance ? Jay m'a tout avoué... Tu m'as pris Lili pour te venger de Lucy et moi ".
Je n'arrive pas à comprendre ce que j'entends. Qui est Lucy ? Qu'est ce que j'ai avoir avec cette histoire ? Je regarde Carter essayant de chercher des réponses mais son air apeuré et désespéré ne me dit rien qui vaille.
" Tu veux savoir la vérité ? Oui, c'est vrai. J'ai adoré la voir se rapprocher de moi et s'éloigner de toi. J'ai adoré te voir mort de jalousie en sachant que c'est avec moi qu'elle couchait, qu'elle avait envie d'être. J'ai adoré te voir souffrir comme moi j'ai souffert quand Lucy est partie pour toi... "
Mes yeux se remplissent de larmes sans que je puisse y faire quoique ce soit. Ce n'est pas difficile à comprendre au finale. Je n'ai été qu'un moyen pour Carter de se venger de son ennemi de toujours.
- Charlie, je...
- Qui est Lucy ?
Aucune chance pour lui que je le laisse s'en sortir aussi facilement. Je m'éloigne de lui instinctivement regroupant toutes les paroles que j'ai entendu.
- Mon ex petite amie, marmonne t'il mal à l'aise.
- Elle t'a laissé pour Gabriel ?
- Oui...
- C'est pour ça que tu le détestes, je comprends. Putain, c'est pour ça que tu m'as approché ! Tu savais pour Gabriel et moi depuis le début alors tu t'es dit que j'étais la personne idéale pour te venger. Lui prendre quelqu'un à qui il tient comme il t'a pris ta précieuse Lucy... C'était quoi ton but exactement ? Coucher avec moi et me laisser tomber par la suite ? Tout faire pour que je tombe amoureuse de toi et me briser le coeur ? Tu t'assurais de mon dégoût envers la gente masculine...
Comment j'ai pu être aussi conne ? Tout est tellement clair maintenant ! Je ne comprenais pas qu'il puisse s'intéresser à moi, qu'il insiste autant pour un simple rencard. Il a tout fait pour s'introduire dans ma vie pour une simple histoire de vengeance. Jamais il n'a vraiment été intéressée par moi. Je ne devais même pas lui plaire. Je ne suis pas son style quand j'y repense. Hannah et Lauren sont deux bimbos, à côtés d'elle je suis fade.
Je tombe de haut, de très haut même. Qu'est ce que je croyais après tout ? Qu'un mec comme Carter Bass allait tomber fou amoureux de moi, une pauvre fille nunuche et sans grand intérêt ? Ma naïveté ne cessera de me jouer des tours. J'ai mal, tellement mal. J'ai l'impression que mon coeur est comprimé dans ma poitrine, comme si quelqu'un était en train de le serrer dans sa main. Les mots qu'il a utilisé ne cesse de me revenir à l'esprit.
- Charlie, je peux tout t'expliquer. C'est beaucoup plus compliqué que ça...
- C'est très simple pourtant. Tu as joué avec mes sentiments pour te venger de Gabriel, tu n'en as jamais rien eu à faire de moi, tu...
- C'est faux, me coupe t'il. Au début, c'est ce que je voulais oui... Ma haine envers Sheffield me rendait aveugle, je n'étais motivé que par ma vengeance... Mais, au fil du temps passé avec toi, je t'ai trouvé extraordinaire, belle, intelligente, forte...
- Ce que je retiens moi, c'est que je ne suis qu'un putain de jouet ! Tu l'as dit toi même, tu voulais seulement que Gabriel souffre comme tu as souffert... Tu...
Je m'interromps étant submergée par une vague de peine. Je crois que je comprends maintenant à quel point il s'est joué de moi. Je l'ai choisi lui contre mon père, et voilà ce que je gagne. Carter se lève de sa table et tend la main vers moi, mais je recule.
- Ne me touche pas, éructé je. Je ne veux plus jamais que tu me touches !
- Je t'en prie, laisse moi t'expliquer, me supplie t'il.
- Mais c'est très clair ! Tu m'as utilisé, tu as joué avec moi, tu t'es servi de moi, de mes sentiments pour une histoire dont je ne faisais même pas partie... Comment est ce que tu as pu te foutre autant de moi ? je demande, la voix brisée par la peine. J'avais une confiance aveugle en toi. J'ai osé affronter et défier mon père pour toi et tu te fous de moi depuis le début !
Cette fois, je ne peux retenir mes larmes. Rien de ce qu'il pourra me dire n'atténuera la souffrance que je ressens à cette instant. Je lui en veux tellement de m'avoir utilisée. Je ne peux pas le supporter. Toute ma vie on s'est servi de moi égoïstement. Mon père m'a toujours vu comme un jouet et voilà que je le suis aussi pour l'homme dont je suis amoureuse.
- Non, hurle t'il désespéré. Je te jure que je ne me fous pas de toi... Je... Charlie, je... Je t'aime...
Je fonds en larmes sans aucune raison. Carter s'avance et me prend dans ses bras. Je me laisse faire uniquement parce que je suis complètement anéanti, sans forces. J'aimerais croire à ses mots. J'ai espéré les entendre une centaine de fois depuis que nous sommes ensemble, mais aujourd'hui je ne parviens pas à les croire comme si encore une fois il se jouait de moi. Il a trahi ma confiance et je crois que rien ne pourra me la faire retrouver.
Je m'écarte de Carter et essuie mes larmes. J'en ai fini de pleurer devant lui. J'ai seulement envie de partir loin d'ici. Cette soirée est trop lourde à supporter pour moi, mes émotions sont au point mort. J'ai la sensation d'avoir été percutée par un camion, d'être broyée. Je m'éloigne un peu plus de Carter qui a enfin compris qu'il ne valait plus m'approcher. Arrivée vers la porte, je déclare sans aucune émotion, la plus neutre possible.
- C'est fini.
- Charlie, l'entends je crier lorsque je passe la porte.
Trop tard.
Je cours sans me préoccuper de la famille de Carter. .Je sais qu'ils ont entendu les cris échangés entre Carter et moi, mais ça m'est égale. J'ai bien trop peur qu'ils essaient de me retenir, d'affronter une nouvelle fois Carter. Je ne pourrai le supporter. Si je ne m'écroule pas dans les deux minutes c'est un miracle. La vie est une belle garçe, et l'amour une saloperie sans nom.
Je ne sais pas comment j'arrive à trouver la force de sortir du gymnase, à rentrer dans ma chambre. Je ne suis qu'un zombi vide de toutes émotions. Je me sens perdue, dans l'incapacité de respirer. Une fois dans mon lit, je pleure toutes les larmes de mon corps, à croire que la seule émotion que je puisse encore ressentir est la tristesse. Je n'arrive plus à respirer tant mes sanglots sont forts et irréguliers. J'ai mal partout, mais surtout dans la poitrine. Mon coeur se serre, ma respiration se bloque. Je suis en miettes.
Mon monde vient de s'écrouler. Le bonheur que je vivais avec Carter s'est envolé en un instant, comme si une bulle qui nous entourait venait de s'éclater. Je suis redescendue sur terre et la chute fait horriblement mal. L'amour ne sera jamais pour moi. J'ai mal et rien ne peut atténuer la douleur.
J'ai besoin de me tirer d'ici. De cette ville. De ce pays. De tout.
Fin de la première partie...
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