Chapitre 2
Le lendemain, je suis à neuf heures pétantes devant l'institut de mécanique automobile où travaille Jacob. Il pleut averse pourtant je ne suis animée que d'une seule émotion, la curiosité. Bien que le choix de sa vocation surprenne une grande partie de son entourage, je n'étais pas étonnée qu'il devienne professeur. Il est de ceux qui aiment le partage, de ceux qui font preuve de patience même lorsque l'individu en face ne la mérite pas. Jacob voit le potentiel chez les autres, il ne se moque jamais à l'entente de leurs projets les plus fous. A l'époque j'avais déjà l'intime conviction que ce métier était fait pour lui, c'est pourquoi j'éprouve aujourd'hui une certaine impatience à l'idée de découvrir cette facette de lui en pleine action.
Le Black quitte enfin l'un des bâtiments. A ma vue, je distingue un grand sourire étirer ses lèvres depuis le préau. C'est sans surprise que je l'observe courir jusqu'à moi en t-shirt alors que je grelotte emmitouflée dans mon manteau. Sa main droite tient fermement un parapluie dont il n'a pas dû saisir la fonctionnalité.
-Content que tu aies pu te libérer !
Je hausse les épaules.
-Qu'est-ce qu'un emploie du temps surchargé lorsque Jacob Black instaure un tel suspens ?
Il rit sans pour autant me révéler de quoi il en retourne. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, le voir endosser le rôle de professeur n'est pas la seule raison de ma curiosité, celle qui prédomine est son fameux service. Je me demande si le cadavre d'un élève turbulent est planqué dans l'un des coffres lorsqu'il ferme la porte de l'atelier derrière nous. L'espace est grand, il y a la place pour une dizaine de vielles carcasses. Je serais incapable de déterminer d'un seul coup d'œil les marques des véhicules, mais, de toute évidence, il n'a pas gâté ses élèves en les choisissant. Ces pauvres tas de ferraille sont aussi cabossés que Paul après ses bagarres au lycée. Nous nous dévisageons un instant avant que Jacob ne tape soudain dans ses mains en me proposant un café.
-Assez de politesses Black,
Je plisse les yeux,
-quel est le service que tu as à me demander ?
Au petit air machiavélique qui se glisse sur son visage, je comprends qu'il ne me confiera rien pour le moment. Il place deux tabourets l'un en face de l'autre avant de m'inviter à m'asseoir. Un sentiment de nostalgie m'envahie. L'époque de nos longues discussions sur le perron de la maison de mes parents me manque. Comme tout le reste, elles ont pris fin le jour de sa rupture avec ma sœur, me laissant le goût amer que notre relation se limitait à la leur. Je me débarrasse de mon imperméable, libérant ma tignasse blonde de ma capuche. L'humidité les a fait gonfler comme un halo autour de mon crâne. Je me débats avec mes doigts pour les discipliner lorsque Jacob m'interpelle,
-Dis moi Crépuscule, ta culture automobile n'a pas évolué d'un pouce, n'est-ce pas ?
-J'ai bien peur que non.
Il se lève pour saisir un tournevis dans un des établis. Le garçon porte l'outil à sa bouche tel un micro, tandis que son sourire malicieux capte le mien.
-Quizz surprise, la première question revient à cette splendide candidate du nom de...
Je me dresse sur ma chaise, bombant le torse en énonçant fièrement mon nom. Le présentateur hoche vivement la tête avant de poursuivre,
-Mademoiselle, combien de roues à une voiture ?
Réponse A : 2
Réponse B : 5
Réponde C : 4
Réponde D : je ne le saurais que lorsque j'aurais un jour la motivation de passer mon permis.
J'arque un sourcil redoublant son hilarité.
-Faites gaffe monsieur Black, avec l'âge vous devenez comme ses vieux oncles qui radotent sur l'amour, les enfants et le permis de conduire.
Il porte la main à sa poitrine comme si je venais d'y cocher une flèche. Nous n'avons que trois ans d'écart, toutefois j'ai toujours prit un malin plaisir à lui rappeler notre différence d'âge. Alors qu'il s'apprête à répliquer, la porte du garage s'ouvre sur Embry. Le brun glisse sa tête dans l'encadrement de celle-ci sur le ton de la confidence.
-Les élèves attendent à l'arrière, tu lui as dit ?
-Pas encore, souffle Jacob.
Celui-ci me dévisage, embarrassé. Au lieu de m'inquiéter, sa réaction m'amuse, elle m'indique que la suite des évènements s'annonce intéressante. J'enfouis mes coudes sur mes genoux, puis rassemblent mes paumes en coupe pour y nicher mon menton.
-Allons, ne sois pas timide, dis-moi tout.
Mes cils papillonnent. Jacob déglutit. Il se tourne vers son ami qui lui envoie un baiser via les airs en le laissant à ses problèmes. La porte claque, nous sommes à nouveau seuls.
-L'école a besoin d'une promotion, m'explique-t-il. Beaucoup de parents ne voient pas d'avenir dans ce domaine pour leurs enfants, les filières professionnelles sont souvent dévalorisées à tort.
Je hoche la tête sans percevoir où se situe ma place dans tout cela.
-L'école a placé une grande partie de ses économies dans sa participation à un grand salon de l'automobile de New York. Mes élèves y présenteront trois véhicules qu'ils auront eux-mêmes restaurés et grandement améliorés.
-C'est génial, ils doivent être ravis !
-Très.
Ses traits s'attendrissent à l'image de ses petits protégés.
-Comme tu t'en doutes, ce concours serait une belle publicité pour l'école, à la fois pour motiver de nouveaux élèves à s'y inscrire, mais aussi pour inciter leurs parents à dépasser leurs aprioris. De ce fait, une photographe qui couvrirait l'évènement serait plus que la bienvenue.
Mes yeux s'écarquillent. Ne sachant si cela est de bon ou mauvais augure, le garçon s'empresse de continuer,
-Tu serais parfaite pour ce job ! J'ai vu de quoi tu es capable, c'est impressionnant. Tu seras bien sûre généreusement rémunérée, et ça ne durait que quelques mois, le temps de suivre la restauration des véhicules et leur présentation au salon.
-Je ne sais pas... c'est inattendu Jacob.
-Ils sont tellement passionnés, il leur faut seulement un coup de pouce Aurore...
Je me tortille sur mon tabouret sous son regard implorant. Mon entreprise vient de débuter, je ne me serais jamais imaginée superviser un projet d'une telle ampleur. Je suis habituée à diriger mes modèles, à gérer l'espace à ma guise, pas à prendre sur le vif une bande d'adolescents.
J'entrouvre à peine les lèvres qu'il argue,
-Tu l'as dit toi-même, tu souhaites donner confiance à ceux qui passent derrière ton objectif, c'est précisément à cela que sert ce projet.
-Combien de temps ?
-Six mois.
-Je vais y réfléchir.
Jacob rapporte son poing à lui en signe de victoire. Je soupire.
-Je n'ai pas accepté.
Occultant d'un revers de la main ce que je viens de dire, le garçon saisit mon visage et embrasse ma joue.
-Tu ne le regretteras pas, c'est promis !
Je roule des yeux en riant, je ne peux rien lui refuser.
-Un dernier petit détail, annonce-t-il.
Mon sourire se crispe.
-Oui ?
-Il se pourrait que je n'aie pas mentionné ma rupture à mes élèves.
Je plaque mes paumes contre mes hanches, consternée. Ils sont séparés depuis trois ans, je n'en reviens pas qu'il ne leur en ait pas fait part.
-Ils ne savent pas que ma copine m'a plaqué, encore moins qu'elle s'est mariée.
-Je ne leur dirais rien, je bougonne, mais tu exagères vraiment.
Je peux comprendre que ce soit un sujet délicat à aborder. Je m'attends à ce qu'il me remercie simplement, mais le loup se triture les doigts avec une gêne palpable.
-Il se pourrait aussi que je leur ai laissé entendre que tu es ma copine.
Ma mâchoire se décroche. Jacob effectue un pas en arrière, levant les mains en l'air pour témoigner de son innocence. Je le pointe de mon index, prête à en découdre lorsqu'une bande d'adolescents se ruent dans le garage. Leurs regards curieux sont imprégnés d'une affection enfantine.
-Alors c'est vous ? se lance un grand blond.
Il me tend sa main que je serre fébrilement.
-Je suis trop content de vous voir enfin !
Un second le bouscule et me gratifie d'un grand sourire.
-Jamie, enchanté ! On était tous impatients de rencontrer mam'zelle Black.
Au fond de la pièce, Embry donne un coup de coude moqueur à Jacob qui ne sait plus où se mettre. Cette collaboration s'annonce... surprenante.
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