Chapitre 1
Forks a toujours été chargée d'une atmosphère bien particulière. Ce n'est pas tant la pluie ou l'incroyable pâleur de la plupart des habitants qui lui donne une allure si singulière, mais cette étrange mysticité sous-jacente au lieu.
Pour être tout à fait honnête, je ne m'en serais sans doute jamais aperçue sans Gwen, l'imprégnée de Jacob Black et, lorsqu'elle a le temps, ma sœur par intérim. L'existence des loups-garous me serait demeurée inconnue si elle n'avait pas croisé leur route six ans plus tôt lors sa dernière année de lycée. Elle sourit à mon objectif en cet instant même alors que je la complimente sur sa beauté.
-Tu penses qu'il aimera ?
J'acquiesce en imaginant la tête de son fiancé devant les clichés. Gwen n'était pas à l'aise à l'idée qu'un autre photographe puisse capturer des images d'elle en petite tenue. L'idée d'un album coquin lui est subitement venue à trois heures du matin et elle n'a eu aucun remords à me réveiller pour me supplier de lui consacrer la journée.
J'ai créé cet endroit il y a à peine six mois sans lui prévoir un tel succès. Mon objectif était simple : redonner confiance aux individus. Je voulais mettre en œuvre une sorte de thérapie par la photo, leur apprendre à se voir autrement, réinstaurer en eux une estime de soi qu'il m'a fallu des années pour entrevoir chez moi. J'ai détesté mon corps si longtemps que j'en ai presque honte. Enfant, j'étais jalouse de ma sœur à la silhouette longiligne lorsque la mienne était tailladée de bourrelets. Mon adolescence s'est en partie résumé à me priver, puis à engloutir tout ce qui me passait sous la main. L'idée que je puisse inspirer la moindre attirance à un garçon m'était inconcevable jusqu'à mon entrée dans la vingtaine, avant que je ne comprenne que le problème ne concernait pas de mon corps, mais ma prestance. Je me revois parfois dans les sanglots de mes clientes à la vue de leurs clichés, elles se reconnaissent à peine, pourtant ce sont bien elles, splendides avant comme après être passé derrière mon appareil.
Gwen ne tient plus sur sa chaise tamisée d'un fond rouge, elle veut changer de décor. Je change l'éclairage avant de l'aider à installer du lierre sur la toile blanche. Malgré la légèreté dont elle fait toujours preuve, je la sens tendue.
-Et si le karma me rattrapait ? Et s'il refusait au dernier moment ?
-Alors, il ne ressortirait pas de ce mariage vivant, je glousse.
Elle me toise.
-Ça n'a rien de drôle Aurore.
-Demain, tu seras mariée grande sœur et monsieur biscoteau et toi aurez des enfants aux biceps incroyablement développés de nature, un véritable happy ending.
-T'es bête, ricane-t-elle. Mais tu as raison,
Elle glisse ses mains dans les miennes en hochant la tête,
-ça va bien se passer. Nous nous aimons, ce mariage sera merveilleux. Nous sommes destinés à être ensemble.
Je dépose un baiser sur sa joue avant de placer une tulipe au coin de son oreille. Elle se faufile sous le paravent pour enfiler une lingerie d'un doux violet.
-Au fait,
Elle émet un léger bruit en guise d'approbation tandis que son soutien-gorge rouge vif claque l'air et s'abbat contre le haut du paravent.
-Pourquoi le karma te rattraperait ?
-Tu te rappelles ma copine Elizabeth ? Nous sommes allées au mariage d'une amie en commun il y a peu, je n'ai pas pu m'empêcher de rire aux mesquineries sur la robe qu'elle me chuchotait, j'ai beau me sentir coupable, ses jeux de mots étaient irrésistibles. Même deux pieds dans la tombe elle n'aurait qu'à me siffler un de ses commérages dont elle a le secret pour que mon corps convulse en guise de ricanement.
-Tu es une véritable petite peste. Un être condamné à la damnation !
Elle réapparait avec sa mine d'ange.
-Une petite peste bientôt mariée, corrige-t-elle.
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Bien que je n'ai jamais cru cela possible, je suis bien plus stressée que ma mère. Je suis dans un tel état de panique avant la cérémonie que celle-ci me serre fort la main pour me détendre. Le vent glacial de la région me fouette le visage alors que je me tiens fébrile devant les grandes portes de l'église, ma mère m'adresse un dernier sourire avant de me quitter pour y pénétrer. Je suis la témoin, je ne ferais mon apparition que bien plus tard, lorsque tous les invités seront installés et l'homme du jour en place. Deux paumes chaudes tombent sur mes épaules,
-Ne t'inquiète pas la belle au bois dormant, raille Rachel, j'ai garé ma voiture juste devant l'église.
-Pourquoi faire ?
-Pour fuir pardi ! Ta sœur est une girouette sans nom, nous pourrons la consoler au Jackson bar, j'ai un abonnement à vie là-bas depuis que je me suis tapé son propriétai...
Elle s'interrompt à la vue du fiancé. Son nez se retrousse devant son nœud papillon.
-Même pas fichu de s'habiller correctement dans un jour pareil !
Rachel lui fond dessus, l'agrippant si fort par le cou qu'on la croirait prête à l'étrangler. Paul, à la suite du marié, éclate de rire en bon garçon d'honneur.
-Il rira moins lorsqu'elle lui remontera les bretelles lors de leur propre mariage.
Je sursaute. Je n'ai pas senti son ombre passé derrière moi. Malgré le froid intrinsèque à La Push sa chaleur irradie dans mon dos.
-Qu'il ose bafouiller durant ses vœux, je m'esclaffe, il ne recouvrira pas d'aussitôt l'usage de la parole !
Jacob hoche la tête avec une gaieté forcée. J'hésite un instant à porter ma main sur son épaule, mais y renonce. Aujourd'hui son imprégnée se marie avec l'homme de sa vie, un homme qui n'est pas lui. Je lui adresse un regard tendre, de ceux qui souffle à l'autre que nous serons là quoi qu'il arrive.
-Tu as grandi Crépuscule, je t'aurais à peine reconnue sans ta jolie couleur rousse.
-L'humour légendaire des Black mesdames et monsieur.
Il m'accorde une révérence exagérée. Il est toujours aussi chaleureux malgré la déception. Je ne peux m'empêcher de le contempler bien que je me sois interdit de le faire. Je me suis promis que mon penchant pour lui était de l'histoire d'ancienne, je n'ai pas le droit de ressentir quoi que ce soit pour quelqu'un qui a partagé la vie de ma sœur pendant presque deux ans. Il a même accepté d'être le témoin de Cameron. Celui-ci choisit cet instant pour enfinnse décider à pousser la lourde porte de l'église. Je sais qu'il aimera ma soeur, qu'il l'honora avec la tendresse dont il fait preuve depuis trois ans, cette pensée me réchauffe le coeur.
-Bon eh bien, je crois que le devoir m'appelle,
Jacob trottine à la suite de Paul et Embry avant de se retourner,
-Si tu es disponible, passes me voir à l'école demain, j'aurai un service à te demander.
J'accepte naïvement sans me douter un seul instant de la porter de mon acte.
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