XVII. Naufrage et épave
- Bien entendu. Oui, faisons comme ça. Bien sûr que je veux être mis au courant s'il y a quoique ce soit, tu le sais. Non, non pour l'instant tout va bien. Tobias ? Il dort à côté... Est-ce qu'il sait ? Bien sûr que non, tu le connais.
Cela fait dix minutes que je suis réveillé. Dix minutes que je suis allongé là, faisant mine de dormir, écoutant la conversation que Nick a au téléphone. Vue l'intonation, je dirais que c'est probablement Rachel. Je ne sais même pas quelle heure il est et je m'en fiche totalement car tout ce que je sais présentement, c'est que Nick me cache des choses. Encore. Cela ne prendra-t-il donc jamais fin ?
- Je vais te laisser. Oui bien sûr, envoie moi un message dès que c'est prêt. Merci beaucoup.
Il raccroche, je ferme les yeux et enfonce ma tête dans l'oreiller avant de sentir un poids dans le lit, puis ses bras venant m'entourer. Je sens toute sa chaleur dans mon dos. Je sens aussi toute la froideur que je peux ressentir à cet instant. Nick n'a pas changé. Nick n'a pas fait d'effort et Nick va certainement continuer à être comme il est. Non pas que je m'attendais à ce qu'il change ou quoique ce soit, mais je crois qu'une part de moi espérait qu'il essaye. Une part de moi aurait aimé que Nick fasse des efforts et qu'il se sorte de cette boucle infernale dans laquelle il s'est enfermé depuis tant d'années.
- Qui s'était...au téléphone ? sifflé-je faussement d'une voix endormie.
- Oh un faux numéro, ne t'inquiète pas. Je suis désolé si ça t'as réveillé.
- Non, non...ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave.
Il ment.
Je pensais qu'après tout ce que l'on venait de vivre lui et moi, on aurait passé ce stade des cachotteries, des mensonges et des faux semblants. Je pensais qu'on allait enfin pouvoir avancer, se construire mutuellement et peut-être bien même aller de l'avant en laissant derrière nous toute cette histoire. Mais j'oubliais : Nick n'avancera jamais. Il n'a pas ce désir. Il ne cesse de faire les mêmes bêtises encore et toujours. Et à l'heure actuelle, le fait d'être dans l'ombre de ce qu'il prépare m'effraie. Je ne sais pas s'il veut continuer à se battre contre sa famille contre Marley ou qui sais-je encore, mais tout ce que je sais, c'est que pour qu'il ne m'en parle pas, cela sera forcément quelque chose qui ne me plaira pas car contrairement à ce que je peux penser Nick, lui, me connaît par cœur. La preuve est là, sous mes yeux : J'ai été assez idiot pour croire qu'on pourrait prendre un nouveau départ juste tous les deux, loin de tout ça, mais même ici, tout semble nous poursuivre.
Alors je me redresse et me détache de son étreinte tandis qu'il me regarde curieusement.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il
- Nick...
- Quelque chose ne va pas ? Dis-moi !
J'ai envie de pleurer, de lui jeter un oreiller à la figure et de partir en courant, mais j'ai également envie d'avoir le fin mot de cette histoire. J'ai ce besoin constant d'essayer de le comprendre pour me dire que ce qu'il fait est juste, légitime et sans risque, mais...je sais que ce qu'il s'apprête à me dire ne va certainement pas me plaire et je déteste ce qui va s'en suivre juste après.
- Je sais que ce n'était pas un faux numéro. C'était Rachel, n'est-ce pas ?
- Mais non, je...
- Ne me mens pas, s'il te plaît. Je suis fatigué de tout ça.
Alors il préfère garder le silence, baissant la tête honteusement, tel un enfant que l'on gronderait après l'avoir surprit à faire une connerie. Sauf que je déteste avoir ce rôle là. Je déteste être le garde-fou de Nick. Je ne veux pas de ça.
- Qu'est-ce que tu prépares encore ? lui demandé-je
- Rien de bien important...
- Mais suffisamment pour recevoir un coup de téléphone au milieu de la nuit ? Arrête de me mentir ! Pour une fois dans ta vie, regarde-moi droit dans les yeux et dis-moi la vérité putain !
- Si je te la dit, tu ne vas pas l'aimer. Tu vas me regarder avec ce regard dont tu as l'habitude d'user et tu vas partir.
- Quel regard ?
- Celui qui me fait comprendre que j'ai merdé. Mais Tobias, écoute-moi avant de t'énerver...Ce que je fais, là tout de suite, tout ce que je fais, je le fais pour nous ! Pour que l'on soit tranquille ! Pourquoi ces fous arrêtent de nous poursuivre et...
- C'est ce que tu te dis pour te convaincre, hein ?
- Comment ça ?
- Lâche l'affaire Nick. T'as tout ce qu'il te faut pour recommencer une nouvelle vie, à zéro. Partir sur des bases saines. Loin d'eux. Loin de leurs emprises.
- Sauf que ça ne me satisfait pas. Je n'ai pas envie de fuir. Ce sont eux les coupables de l'histoire ! Ce sont eux qui ont détruit ma vie, tu peux l'entendre ça ou t'es juste naïf au point de croire qu'on va vivre une belle romance sous les cocotiers ? Merde à la fin ! Tobias grandis un peu !
- Grandir ? C'est toi qui me parle de grandir ? Je me suis démené comme un con pour te sortir de ta propre merde et toi t'es là, tel un abruti fini à y replonger. C'est quoi ton délire à la fin ? T'aimes ça te faire frapper ? Te faire tabasser à mort c'est ton truc ? Ta drogue ?!
- Mais t'es con ma parole...Est-ce que tu m'entends quand je te parle ou quoi ? C'est si dur pour toi de comprendre que ce que j'ai besoin c'est de me débarrasser de ce poids que je trimbale depuis trop longtemps ?
- Bah tu sais quoi ? T'as peut-être raison, peut-être que je suis trop con et trop naïf.
Sortant du lit à la vitesse éclair, je rassemble mes affaires, attrapant le sac que j'avais posé dans l'armoire et y fourre tout ce que je peux sans le moindre ménagement avant de me rhabiller sous son regard médusé.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je me casse. J'en ai assez de tes conneries. J'ai assez donné et tu sais quoi ? Ces quelques mois passés loin de toi m'ont fait comprendre que je valais mieux que d'être traité comme un simple bouche-trou affectif. Je mérite d'être heureux et de vivre une vie heureuse sans avoir constamment peur, sans avoir à constamment regarder par dessus mon épaule. Je mérite de vivre une vie NORMALE !
- Tobias...
- Alors ouais, je suis con. Con de croire que t'aurais fait un effort. Con de croire que t'aurais été un minimum reconnaissant que je sois venu sauver ton cul de merde et de me mouiller dans tes affaires. Con de croire qu'on aurait pu recommencer et repartir à zéro toi et moi. Quel putain d'abruti naïf j'ai été ! Attendre que tu m'aimes, mais bien sûr que c'est pas possible pour toi, tu penses qu'à ta petite et singulière personne !
- Attends, attends, attends ! Tu ne peux pas partir comme ça. Ok, j'ai merdé, j'ai dis des choses qui ont dépassées ma pensée, mais...
- Mais quoi ? Si je pars tu te retrouves seul ? Tant mieux ! Peut-être que dans ta solitude tu arriveras à utiliser ta main droite pour te réconforter !
Arrivant à hauteur de la porte, Nick vient me faire barrage. Je connais ce regard. Je connais ces yeux larmoyants me suppliant en silence. Je l'ai croisé à plusieurs reprises. Je l'ai croisé quand j'ai notamment compris à quel point Nick était un gars tout cabossé, abîmé et j'ai vaguement eu la prétention de croire que moi, Tobias, je pourrais le réparer. Sauf que non. On ne peut pas aider une personne qui ne veut pas l'être comme on ne peut pas la sauver d'elle-même. Nick est un bateau à la dérive sur l'océan de la vie et moi, son capitaine, m'apprête à sauter à l'eau avant d'être entraîné par le fond. Tout ce que je peux faire à présent, c'est de le voir couler et devenir l'épave qu'il est destiné à être.
- Pousse-toi, craché-je
- Si tu pars, je serais tout seul.
- Excellente déduction, t'as compris ça tout seul comme un grand ?
- Ne pars pas...ok ? Je suis désolé. Je suis sincèrement et profondément désolé. C'est juste que..ça fait beaucoup ok ? Tout ce qui s'est passé, toute cette histoire...C'est trop pour moi et je ne sais pas comment gérer. Tiens, je te donne même mon téléphone si tu veux. Tu peux en faire ce que tu en veux ! Fous le dans la cuvette des toilettes, je m'en fou !
- Ne comprends-tu donc pas Nick ? C'est pas ton téléphone le souci, c'est toi. Je ne peux pas t'aider...je ne peux plus t'aider. Je ne suis rien de moins qu'un homme et moi-même j'ai mes propres limites. Si je reste, je me perdrais avec toi.
- Et est-ce une si mauvaise chose ?
Je peux sentir sa main, ses doigts venant caresser les miens délicatement. C'est léger, mais c'est là. C'est léger, mais ça me donne envie. Envie de me raccrocher. Envie d'y croire...Mais voilà, c'est là tout le talent de Nick. Il réussit toujours par me faire croire en lui.
- Ne m'abandonnes pas...s'il te plaît. Ne refait pas ça, souffle-t-il dans une voix tremblante
- Il fallait y penser avant. Je n'ai sincèrement pas envie de te voir couler Nick, mais je préfère largement fuir lâchement plutôt que de me laisser entraîner. Je ne peux plus rien pour toi. Personne ne peut rien pour toi.
- Tobias...
- Aimer quelqu'un, c'est aussi savoir lâcher prise. Alors lâche prise, Nick.
- Tobias, s'il te plaît...par pitié...supplit-il les yeux larmoyants
- Lâche...prise.
J'aimais ce garçon pour ce qu'il était : Un amour passionnel mais mortel.
Alors, il est grand temps de se séparer tant que je le peux encore.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top