XIV. Une nouvelle chance pour toi et moi

Nous ne sommes pas tous nés égaux, bien au contraire et cela se remarque particulièrement lors des moments d'injustice que l'on ressent lorsque l'on prend l'avion. On ne va pas se mentir, c'est dans ce genre de voyage qu'on remarque qui fait partie de l'élite ou non. Il y a des gens qui posent leur sac, s'installent, se mettent le casque sur les oreilles et roupillent pendant huit heures d'affilée. Comment ? Comment ils font ? Tour par tour j'essaye d'imiter les positions que chacun s'est trouvées en espérant que l'une d'entre elles me conviennent mais rien n'y fait : ma main glisse, mon dos me fait mal et...les ronflements d'une certaine personne à côté de moi me dérangent.

- Nick...Nick ! Tu ronfles.

- Hmm...

- Nick...

Rien à faire.

Je ne sais même pas pourquoi j'essaye, Nick a décidé de prendre je ne sais quelle drogue avant de monter dans l'avion justement pour "faire passer le voyage plus vite". Évidemment, quand on roupille comme un bébé, tout passe plus vite. Sauf pour moi qui suis là comme un con à me demander pourquoi je nous ai embarqués dans ça. Je ne peux même pas me lever, mes jambes sont engourdies, Nick a sa tête callée sur mon épaule et je me vois mal l'enjambé pour aller me promener dans les minuscules coursives de l'appareil. Est-ce que les hôtesses le remarquent si on se faufile en première classe dans la nuit ou pas ? Non, non, non. C'est justement pour éviter de se faire remarquer que l'on voyage en classe éco et c'est justement parce qu'on est en classe éco, que Nick a décidé de dormir tout le long parce qu'autrement monsieur se serait "fait chier". En attendant, c'est moi qui m'emmerde à regarder tout un avion dormir tranquillement.

Bon, je pourrais regarder un film. Pour la je ne sais combientièmes fois.

- Voyons voir...Non...Non...Non....Non...

Vais-je réellement me rabattre sur les films d'animation ?

- Bon quitte à choisir...

Totalement.

Au moment même où je mets mon casque et lance le film, je sens un souffle chaud dans mon cou et quelques mots sifflent

- Je ne savais pas que les dessins animés c'était ton truc.

Nick s'est redressé et je ne peux m'empêcher de le trouver terriblement...pas sexy du tout. Je retiens un rire qui ne demande qu'à sortir tandis qu'il a de la bave au coin des lèvres, que ses cheveux sont en bataille et que ses yeux ne demandent qu'à se refermer même s'il maintient un sourire amusé.

- Quoi ?

- T'as vu ta tête ? Je croyais que tu dormais ?

- Ouais, mais j'ai un foutu mal de dos...

- C'est parce que t'es de travers aussi.

- Tu ne dors pas, toi ?

Comment pourrais-je ?

- Je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à trouver ma position et puis l'appel du "dessin animé" a été plus fort.

- On va faire des tours. J'ai dormi quoi ?

- Pratiquement quatre heures et demie.

- Parfait ! Maintenant, c'est toi qui dors.

Sans me demander mon avis, il déchire le petit sachet se trouvant devant moi et m'enfile le cache-oeil sur la tête, déplie la couverture sur mes genoux et sa main vient appuyer ma tête contre lui.

- Voilà. Dodo.

- Nick ?

- Hmm ? Quoi ?

- Ça ne marche pas comme ça.

- Je ne suis pas assez confortable pour toi, c'est ça ? Tu vois si on était partis en première classe alors on aurait eu de l'espace et...

- Non, ce n'est pas ça.

J'ai eu quatre heures pour y penser, mais c'est la première fois que l'on se retrouve à voyager Nick et moi. Tous les deux et rien que tous les deux. Avant c'était toujours des trajets autour de la ville et forcément accompagnés de Rachel, mais là...Il n'y a que lui et moi...Et après tout ce qu'il s'est passé, je me demande si vraiment on peut se permettre une telle insouciance. Certes, c'était mon idée première en plaquant tout derrière nous, mais même en ayant le cul dans l'avion, je ne peux pas m'empêcher à Marley qui semble persister comme un mauvais souvenir.

- Tobias, je sais à quoi tu penses et c'est une mauvaise idée. On s'est promis en mettant le pied dans l'avion qu'on laisserait ça derrière nous.

- Je sais et je m'y efforce, crois-moi, c'est juste que...

- Tu t'es assuré qu'on s'en aille le plus loin possible. Crois-moi, personne ne viendra nous chercher là où on sera. Il n'y aura que toi et moi. Et la plage, les cocotiers, les boissons alcoolisées...

Je suis presque sûr que dans sa tête, Nick chante "Y'a du soleil et des nanas".

- C'est un nouveau départ. Une nouvelle chance pour toi et pour moi, de faire les choses correctement. On a un peu merdé jusqu'ici, non ? Enfin, j'ai beaucoup merdé ! Donc je vais clairement profiter de ça pour me rattraper.

- Dit-il alors qu'au départ, il n'était pas vraiment enclin à partir.

- Je l'admets, mais tu m'as fait comprendre qu'on se laisserait une chance et que quoi qu'il arrive, on serait ensemble...alors, je t'ai suivi. Tu te rappelles ce que je t'ai dit il y a six mois quand tu m'as demandé pourquoi je t'avais aidé alors que l'école t'avait viré à gros coup de pied dans le derrière ?

- Parce que je t'ai aidé...

- Non, tu m'as tendu la main. Tu m'as sauvé. Et encore une fois, tu l'as fait. T'es un mec qui passe son temps à sauver les autres sans même s'en rendre compte et je trouve ça plutôt exceptionnel moi !

J'aimerais vraiment que ce soit le cas. J'aimerais être une sorte de super héros comme Nick me voit, mais je sais au plus profond de moi que ce n'est pas le cas. Je ne pense pas avoir sauvé qui que ce soit si ce n'est mon royal petit derrière ces derniers temps. Être avec Nick et jouer à l'escort ça allait bien cinq minutes, mais c'était pour le fric et l'alternative que je faisais ça. Le quitter, ça a réellement été pour me sauver la peau comprenant dans quel monde de dingues il vivait alors. Je l'ai délibérément laissé seul au milieu de cette merde en sachant combien ça le détruisait à petit feu de lutter seul encore et encore. Le truc c'est que je suis un froussard. Peut-être que ouais, aller à sa rescousse avec Rachel, c'était le seul truc héroïque que j'ai fait de ma vie. Mais j'ai eu une peur bleue.

Et je n'ai pas envie de revivre ça ni même de l'expérimenter. Je n'ai pas envie de sentir mon corps tremblé, mon coeur se comprimé et mes espoirs se brisés. Je n'ai pas envie d'avoir mal, d'angoisser, de stresser, de paniquer...

Je veux juste aimer. Aimer cet homme se trouvant présentement à côté de moi. Est-ce trop demander ?

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