XIII. Sans commentaire

Il y a bien longtemps maintenant que j'ai compris que Nick et moi étions de la même catégorie de personne : celle qui ne lâche jamais l'affaire et que par conséquent, aucun de nous deux ne ferait de concession pour faire en sorte que ça puisse fonctionner à nouveau entre nous. Nick était bien trop buté et moi bien trop lucide pour voir la catastrophe arriver.

- Tu sais quoi ? Ça ne peut pas continuer comme ça. Nous sommes pris au piège dans un cercle infernal et on en voit pas le bout. Il n'y a rien de pire. Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais en venant ainsi, sans doute à rien étant donné que je ne suis même pas surpris ni même étonné...mais je ne vais pas cacher le fait que j'avais peut-être encore une lueur d'espoir te concernant.

- Je sais que je dois très certainement te décevoir Tobias. J'en ai conscience.

- Je suis au courant. Il est arrivé un moment dans la vie où je suis quasiment capable de deviner ce que tu penses ou bien ce que tu ressens. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'il est grand temps que je prenne les choses en main.

Je l'ai donc laissé sur la première marche des escaliers, par terre tandis que je me suis dirigé vers sa chambre, attrapé un sac dans son énorme dressing et jeté toutes sortes d'affaires sur son lit.

- Besoin d'aide ?

- Rachel...

- Tu crois vraiment que tu peux l'aider ?

Honnêtement ?

- Peut-être pas, mais si personne n'essaye alors on aura jamais la réponse.

- Est-ce que tu sais ce qui t'attend si tu pars avec Nick ? Il ne s'arrêtera pas là. Il vous suivra.

- Qu'il le fasse.

- Tobias.

Et peut-être qu'il ne le fera pas. Peut-être que tant que j'emmène Nick le plus loin possible il nous laissera tranquilles et que toute cette histoire prendra fin. J'arrive à un point où je ne suis sûr de rien, mais où se questionner des heures durant et hésiter ne sert à rien. Parfois la vie nous coince jusqu'à nous obliger à prendre une décision et voilà que j'en prends une.

- Soyez prudents. S'il y a le moindre problème, appelle-moi. As-tu une idée où vous irez ?

- Pas la moindre. Je suis plutôt quelqu'un d'impulsif qui aime agir sur un coup de tête. Je pense que tu le sais ça.

- Oh oui.

Depuis presque un an maintenant, ma vie s'est résumée à une succession de choix prit à la va-vite ou bien sur un coup de tête et où est-ce que tout ça me mener ? Jusqu'à Nick. Encore et toujours Nick. À croire que je suis incapable, malgré tous mes efforts, de me défaire de lui et pourtant, ce ne sont pas les occasions qui m'ont manqué. Là encore, je pourrais partir, seul. Je pourrais lui tourner le dos et le laisser dans sa merde, mais j'en suis bien incapable. Pourquoi ? Je n'en sais fichtrement rien et j'en ai marre de me poser des questions. Peut-être que je suis trop bon, mais trop con et que Nick n'est pas digne de tous mes efforts...Je ne le saurais jamais. Tout ce que je sais, c'est que le jour où j'avais les genoux à terre...le jour où j'étais au plus bas...c'est sa main qui s'est tendue vers moi.

Je referme le sac, sors de la chambre en y laissant Rachel derrière moi et retourne me planter devant Nick qui n'a pas beaucoup bougé en dix minutes.

- Lève-toi. On y va.

- Où ?

- Tu verras.

- Tobias, je...

- Ta gueule. Je ne veux pas entendre de protestations ou de "je ne peux pas". Tu peux et tu vas le faire. On va partir ici et maintenant. On va tout planter et s'en aller le plus loin possible.

- C'est de la folie.

- Ou du génie. Je m'en carre un peu l'oignon pour le moment. Tout ce que je veux c'est te sortir de tout ça. Donc tu vas te lever, prendre ma main et quitter cette maison avec tout ce qu'elle renferme. Tu vas oublier cette vie et la laisser derrière toi. Tu m'as offert une seconde chance face à la vie Nick et tu m'as montré comment l'utiliser...Je te retourne à présent la faveur.

Il se lève avec une pointe de lumière dans le regard et un large sourire.

- Je ne peux pas partir comme ça.

Je sors alors un tee-shirt du sac que j'ai préparé et lui jette à la figure.

- Monsieur se contentera-t-il de cela ?

- Ça devrait faire l'affaire. C'est bien la première fois que je suis bien moins habillé que toi.

- Et qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ça ?

- T'as des goûts de merde en mode.

- Parce que je suis pas là à parader dans ma grande maison pour plaire aux tableaux qui sont accrochés aux murs.

- Dites donc, est-ce un reproche que j'entends là?

- Une vérité générale. Tu te pavanes comme un paon d'habitude. Faut bien que ça change. Tu vas voir Nick, le changement, c'est pas si mal. C'est un peu déroutant, mais ça fait du bien, car c'est lorsqu'on pense se connaître le mieux qu'on arrive encore à se surprendre soi-même. Il n'y a rien de plus beau que ça. Que d'en apprendre encore sur soi.

- Mais quel philosophe. Si ta langue n'était pas occupée à sortir de si belles phrases, je m'en occuperais.

- Ça, tu vois, c'est une mauvaise habitude, faut la changer.

- De quoi ?

- Le fait que tu tournes absolument toutes les situations en sous-entendu plus ou moins d'ordre sexuel.

- C'est faux. J'exprime mon amour.

- T'as une étrange façon de dire "je t'aime" à quelqu'un toi.

- Parce que les mots sont trompeurs Tobias, tu devrais le savoir mieux que quiconque en ce bas monde. Les actes sont quant à eux une preuve concrète. Et en parlant d'acte...

- Oui bon...Peut-on arrêter et se concentrer cinq minutes ?

- Dès que tu auras répondu à ma question : où est-ce que l'on va ?

- Aucune idée. Mais peu importe, on y va avec les moyens du bord. Hors de question d'y aller en jet ou je ne sais quel truc de riches hyper coûteux. Plus tardivement Marley apprendra qu'on s'est fait la malle, mieux pour nous ça sera.

- Ne me dit pas...Tu comptes voyager avec...tous les autres gens ?

- Bienvenue dans le vaste monde Nick ! Il y a sur terre, d'autres gens que toi et moi.

- À mon plus grand regret.

Dans de rares moments d'inconscience, j'oublie que Nick reste un bébé né avec une tétine en or dans la bouche.

- Où est-ce que l'on va ?

- À l'arrêt de bus.

- Tobias ? Tu sais, je ne ...

- Pas de protestations j'ai dit.

- Avoue que t'aimes ça ? Me donner des ordres.

- J'avoue prendre mon pied. Je devrais même faire ça quand...

Je m'arrête un moment avant même de finir ma phrase tandis que Nick me dévisage avec un petit sourire satisfait suspendu au coin de ses lèvres tout en jouant avec ses sourcils.

- Ah tu vois, je ne suis pas le seul à tout transformer.

- Sans commentaire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top