XI. Monstre que tu es
- Où est-il ?
- À l'étage, dans la bibliothèque.
- Sait-il que je viens ?
- Je ne l'ai pas prévenu.
Je n'ai même pas pensé à passer un coup de fil avant de me pointer. Non, je suis venu directement. Je n'ai pas hésité. J'ai fini mon service avec ce qu'il me restait de concentration et de retenue et dès que l'aiguille s'est mise sur le douze, j'ai attrapé mes affaires et je suis parti en courant. J'ai couru aussi vite que j'ai pu vers l'arrêt de bus le plus proche. Puis, en descendant, j'ai couru aussi vite que j'ai pu jusqu'aux grilles de cette maison. Et moi qui ne voulais pas me revenir. Rebelote, me revoilà.
Rachel est restée en bas des escaliers, me laissant monter seul. Elle sait probablement qu'elle n'a rien à faire au milieu de Nick et moi. De toute façon, qu'est-ce qu'elle pourrait bien changer ? Moi-même je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire. Je suis venu sans m'annoncer comme un mal propre, tout paniqué, le cœur battant en me disant "Mon dieu, il s'est passé un truc de dingue !". Mais qu'est-ce que j'espère au fond ? Que Nick me protège de son frère ? Je le connais, si je lui en parle, il va me séquestrer ici et ne voudra certainement pas que je retourne chez moi. Or n'est-ce pas pour ça que je me suis éloigné ? Pour éviter son côté possessif et sur-protecteur ?
Seigneur...Pourquoi je suis venu ?
Alors, j'hésite. Je m'arrête au milieu du couloir, devant la porte de la bibliothèque. Je tends une main que je retire aussi sec.
Et puis la porte s'ouvre sur moi et Nick manque de me rentrer dedans en sortant. À sa réaction, je vois bien sa surprise et puis la surprise est rapidement balayée par la joie. Je connais chaque expression de son visage, chaque trait qui le compose donc je sais. Je sais que présentement, il se demande ce que je fiche ici devant lui. Surtout après notre dernier échange. Ça tombe bien,nous sommes deux à nous poser la question.
- Tobias ? Qu'est-ce que tu fais là ?
- On peut parler ? J'ai besoin...besoin de...
- Oui bien sûr. Viens.
Il s'écarte et j'entre dans la bibliothèque en me laissant tomber lamentablement sur le premier fauteuil que je trouve sur mon passage. J'ai les jambes en vrac.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Marley est venu me voir aujourd'hui.
Je savais qu'à la simple mention de son nom, cette conversation prendrait une tout autre tournure. Nick s'est précipité à mes genoux, se saisissant de mon visage pour l'examiner et allant même jusqu'à soulever mon tee-shirt en passant sa main dessous pour palper mon torse.
- Je vais bien.
- Tu en es sûr ? Tu n'as pas la tête de quelqu'un qui va bien ? Pourquoi Marley est venu te voir ? Qu'est-ce qu'il veut ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Une question à la fois ! Je n'ai pas tout compris non plus. Il a dit qu'il allait m'utiliser pour te faire du mal.
À cet instant, il a un mouvement de recul et son rire explose et remplit la pièce jusqu'à présent silencieuse.
- Et ça te fait rire ?
- Pardonne-moi, mais...comment tu pourrais me blesser Tobias ? Tu es plus frêle que moi et je sais ce que j'avance.
- Tu ne t'es pas dit que j'ai changé depuis la dernière fois ?
Ses yeux m'examinent. Ils passent et repassent sur moi. Et puis, il a ce petit sourire en coin du Nick satisfait.
- Non. Ça ne m'a même pas frôlé l'esprit.
- Bon écoute, j'étais venu te dire ça. Je vais rentrer maintenant.
- Tu rigoles ?
Je me suis à peine levé du fauteuil que ses deux mains viennent se poser sur mes épaules pour me forcer à me rasseoir. Je l'ai vu venir celle-là. Nick ne me laissera pas partir comme ça.
- T'as vue l'heure qu'il est ?
- Je suis venu comme un grand. Si t'as peur, demande à Rachel de me déposer chez moi.
- Non. Il est hors de question que je te laisse retourner là-bas à cette heure-ci et tout seul.
- Donc qu'est-ce que tu vas faire ? Me séquestrer ?
- Tu sais que j'ai un talent inné pour les nœuds et ce genre de choses. Ne m'oblige pas à faire ça. Sois gentil et mignon et passe la nuit ici, ok ? Je peux demander à Rachel de préparer ton ancienne chambre si ça te chagrine autant que de dormir dans la même chambre que moi.
Je déteste quand il lance ce genre de sujet, car je sens toute la tristesse et la déception dans sa voix et il le sait. Il en profite. Nick devrait avoir un oscar tellement son jeu d'acteur est parfois excellent. Il pourrait tromper son monde avec son air de chien battu et ses grands yeux malheureux. Il pourrait, oui, mais avec moi, ça ne prend pas.
- Nick. Sérieusement ? On en a parlé je ne sais combien de fois.
- Si tu me connais aussi bien que je te connais, Tobias, tu saurais déjà que je ne prends pas "non" pour une réponse définitive.
- Et c'est ce que je n'aime pas chez toi. Cet aspect là de ta personnalité. Regarde où ça te mène cette histoire ? Tout seul transi chez toi, dans ta grande maison...C'est ce que t'appelles une vie ?
- Ah parce que vivre dans un petit appart' qui sens le moisi et ayant pour seule compagnie les cafards du coin, c'est mieux ?
Touché. Coulé.
Voyant que le silence devient gênant, il prend place sur la table basse en face de moi, prenant alors mes mains dans les siennes lâchant alors un soupire lourd de sens.
- Je suis désolé. Je n'aurais pas dû.
- Non...C'est moi. Nick, écoute...
- Je sais. Je sais ce que tu vas me dire. Mais tu ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour toi Tobias. Ça, c'est un fait.
- Mais vivre caché, ce n'est pas une vie.
Tout ce temps où ses mains tenaient les miennes, nos doigts se sont inconsciemment entremêlés, s'agrippant si fortement les uns aux autres que je ne le réalise que maintenant.
- Il faut croire que ton corps ne m'a pas oublié, lui.
- Mon corps. Ma tête. Mon cœur. Tout ce que tu as devant toi. Tu n'es pas quelqu'un que l'on peut chasser facilement.
- J'y compte bien.
Alors que son pouce caresse ma main, son visage s'approche, son front se colle au mien et je sens son souffle contre le mien.
- Tu me manques Tobias.
Ces mots suffisent à déclencher des tempêtes. À me faire soulever des montagnes et à vouloir lui décrocher la lune, mais Nick est aussi une drogue. C'est là tout le problème de notre relation. Nick s'arrange pour avoir l'effet d'une drogue sur quelqu'un. Il vous rend dépendant de lui petit à petit et s'en séparer vous brise en deux. Vous l'avez dans la peau et parfois, la nuit, ça vous monte à la tête. Ça vous rends dingue de ne plus le sentir contre vous. De ne plus l'entendre vous parler dans le creux de l'oreille. De ne plus sentir ses mains vous toucher.
- Nick...je sais ce que tu fais...Je sens tes mains.
- Et ? Vas-tu m'arrêter ?
Oui. Il le faut.
- On ne devrait pas...
- Peut-être. Mais Tobias, j'en ai besoin. J'ai besoin de toi.
Et alors que je le sens se débarrasser de ma ceinture, je lève brusquement la tête pour l'empêcher d'aller plus loin tant qu'il en est encore temps et que je ne me suis pas totalement abandonné à lui et ses sorts, mais aussi rapidement, ses lèvres viennent sceller les miennes qui s'apprêtait à sortir le commandement de l'interdit. Ses mains me lâchent, tiennent mon visage de part et d'autre et puis...et puis plus qu'une main tandis que l'autre s'occupe de m'enlever mon tee-shirt. Chose que je lui rends bien en lui déboutonnant cette chemise noire bien trop moulante à mon goût.
- Et n'oublie pas..Pas de bruits sinon Rachel va nous entendre.
- Alors, sois doux bordel !
- Comme qui dirait une certaine personne : Tu ne t'es pas dit que j'avais changé ?
- C'est bien ça ton problème, tu ne changes pas. Monstre un jour, monstre toujours.
Et ça le fait rire.
- Mon pauvre Tobias, tu n'as pas idée.
À la base je n'étais pas venu pour ça moi.
- Je ne suis pas venu ici pour souffrir, ok ?
- Tu dis souffrance quand je dis plaisir. Décidément, tu n'as pas changé.
Visiblement, non. Je n'ai toujours pas appris ma leçon si je crois que je peux venir ici et repartir comme si de rien n'était.
Ce n'est jamais le cas et ça ne le sera jamais. Nick s'en assurera.
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