X. Tu viendras à moi
Il faut croire que les gens changent avec le temps, ce qui fait de moi, une mauvaise langue. Ayant refusé de retourner auprès de Nick pour une énième fois, je m'attendais à ce qu'il me harcèle, à ce qu'il vienne chez moi constamment ou bien sur mon lieu de travail, mais ce fut tout le contraire. À ma grande surprise, il m'a plus ou moins laissé tranquille.
C'est quand même bizarre. Je veux dire...le connaissant, il est forcément en train de préparer quelque chose dans son coin.
- Tobias, pourquoi tu rêvasses ? Y'a des tables à servir encore !
- Ah ! Pardon. J'étais en train de penser à quelque chose.
- Ouais bah pense moins et agis plus. Les clients attendent et ça ne va pas se faire tout seul.
Et là, j'ai une once de regret de l'avoir envoyé balader. Non. Jusqu'à présent j'ai fait sans lui et ça va continuer ainsi. Il n'y a rien de plus difficile et douloureux, à mon sens, qu'une relation qui ne peut pas marcher à cause de l'entêtement. Finalement, on nous ment pas mal quand on nous parle d'amour. On nous parle de sentiments plus forts que tout, mais il faut croire que ce n'est pas toujours vrai. Parfois, l'entêtement l'emporte.
Prenant mes deux assiettes à bout de bras, j'apporte les plats à la table 12 située près de la fenêtre tandis que j'aperçois deux personnes ayant le visage respectivement caché par la carte du menu.
- Donc, j'ai une entrecôte avec des haricots verts ?
À ma droite, la carte s'abaisse et j'aperçois alors un large sourire soutenu par un regard que je ne connais que trop bien.
- Bonjour Tobias, c'est un plaisir de te revoir.
Marley.
Marley est ici. Devant moi. Dans mon resto.
Le pseudo frère de mon pseudo mec est...
Comprenant immédiatement l'urgence, mon corps a un mouvement de recul et à peine ai-je fait un pas en arrière que sa main vient se saisir de mon poignet comme pour me rattraper, mais en réalité, c'est juste sa façon de me tenir à sa portée.
- Il serait dommage de gâcher la nourriture, tu ne crois pas ?
- Qu'est-ce que tu fais là Marley ?
- Je viens aux nouvelles. Savoir si tout se passe bien entre Nick et toi. Tout roule, non ? Vous vous êtes retrouvés, vous vous êtes peut-être même déjà baisé. C'est lequel des deux qui domine au lit ? Non, laisse-moi deviner...c'est forcément lui, n'est-ce pas ? Ce n'est pas son genre de déléguer.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Ah ! Voilà enfin une question intelligente. T'es peut-être la pute de ce petit enculé, mais t'es une pute intelligente toi au moins. Je viens parler affaires avec toi. Assieds-toi, ça ne va pas prendre longtemps.
- Je ne peux pas, j'ai...
D'un claquement de doigts, pratiquement tout le restaurant se vide sous mes yeux. C'est alors maintenant que je prends conscience que depuis le départ...Je n'ai jamais vraiment quitté cette famille de malade. J'ai toujours été là, comme un petit moineau grignotant des miettes dans le creux de leurs mains. Mains qui pouvaient à tout moment m'écraser.
- Tu vois que tu peux. Viens, assieds-toi près de moi.
Il tire alors mon bras qu'il retient et m'oblige ainsi à venir m'asseoir sur le fauteuil à ses côtés tandis que les assiettes que je tenais jusqu'à présent s'effondrent et se brisent au sol.
- Va donc me nettoyer ça pendant que je discute avec celui qui va devenir mon nouveau meilleur ami.
La personne l'accompagnant disparaît immédiatement dans les cuisines alors que mon cerveau en panique donne tellement d'ordres et d'alertes que mon corps, ne sachant comment traiter l'information, s'en retrouve pétrifié.
Il faut que je parte d'ici. Il faut que je m'en aille. Mais comment ?
Sa poigne se resserre tellement qu'il m'arrache une légère grimace.
- Oh, je t'ai fait mal ?
- Tu peux me lâcher. Je ne vais pas m'enfuir en courant.
Même si ce n'est pas l'envie qui m'en manque honnêtement.
- Quand je disais...intelligent.
- Donc ? Qu'est-ce que tu veux de moi Marley ?
- Je sais que tu sais des choses Tobias. Tu sais peut-être même trop de choses à mon goût...au début je me suis dit que j'allais tout faire pour te faire dégager de cette affaire qui ne te regarde pas et puis, en te voyant venir sauver le petit cul de mon très cher petit frère, j'ai eu une idée de génie. Et si j'utilisais TON savoir, pour briser Nick ? Visiblement, le tabasser, ça ne marche pas. Telle mère, tel fils. Pire qu'un cafard, t'as beau les écraser, ça ne marche pas.
- Quoi que t'ai prévu, je ne vais pas t'aider. Tu crois vraiment qu'on va faire équipe toi et moi ?
- Ah, mais je t'explique : t'as pas le choix. Si tu ne le fais pas toi-même, je me chargerais d'arracher chaque petite antenne sur la tête de Nick. Une par une. En prenant mon temps. En y allant doucement.
- Tu n'as pas intérêt à...
- A quoi ? À lui faire du mal ? J'ai déjà essayé et ça l'a rendu encore plus nerveux le pauvre petit bout. Nan ! Je ne vais pas m'en prendre à Nick. C'est inutile. Pour le blesser réellement, il faut lui prendre tout ce à quoi il tient...et tu vois, je commencerais par toi. Parce que t'es une cible facile. T'es là, à t'agiter dès qu'il s'agit de lui, mais qu'est-ce qu'il fait pour toi au juste ? Pas grand chose vue comment j'ai réussi à t'approcher. S'il y mettait vraiment du sien, il m'aurait rendu la tâche un peu plus difficile au moins. Mais même pas ! Il s'en bat les couilles de toi. T'es juste sa pute. Rien d'autre. Il te siffle comme un chien, et toi...En bon toutou bien élevé, tu accours en remuant la queue.
- Je t'emmerde, connard.
- Oh ?Vexé. Aurais-je chatouillé un point sensible ou soulever une évidence ? Voyons Tobias, je viens de dire que t'es intelligent, ne me fait pas mentir en me laissant croire que t'as osé penser...Un instant...que Nick t'aimait sincèrement ? Nick se sert de toi comme tout le monde sert de toi en fait. Le monde entier te chie dessus. T'es qu'un pion, rien de plus. C'est une réalité. Faut pas être trop dur envers toi-même hein, tout le monde a un rôle à jouer. Même si c'est le plus insignifiant.
- T'es vraiment qu'un trou de balle.
- Même les trous de balle ont un rôle...On chie sur les gens comme toi.
Si j'étais à peu près sûr de pouvoir m'enfuir....Si j'étais à peu près sûr de pouvoir filer d'ici à toute vitesse en courant sans me retourner alors peut-être que j'attraperais cette fourchette posée là devant moi et je la lui planterais dans l'oeil. Je le ferais si j'étais absolument certain de pouvoir m'en tirer.
- N'essaye même pas.
- De quoi ?
- Je te vois regarder les couverts. Ne fais pas le con Tobias, ça serait dommage qu'on rajoute une cicatrice de guerre à ton corps déjà marqué, tu ne crois pas ?
- Je ne sais pas trop ce que tu attends de moi Marley, mais quoi que cela puisse être, je ne le ferais pas. Alors, t'as qu'à t'en prendre à moi directement, je m'en fou. De toute, Nick est plus intelligent et malin que toi. Quoi qu'il est prévu de faire, quoi qu'il prépare, il réussira, j'en suis certain.
- La vache ! L'amour rend aveugle, mais dans ton cas...Pauvre petite chose.
- Tu peux dire ce que tu veux, ça ne prend pas. Menace-moi. Frappe-moi. Fais-moi du mal...T'arriveras jamais à toucher Nick comme tu le souhaites.
Je la vois. Je la vois se dessiner progressivement cette petite veine sur sa tempe tandis que son regard se noircit à mon égard. Qu'importe qu'il doive m'arriver malheur, je n'en serais que plus heureux : débarrasser de ce monde de connards et de trous du cul.
- Est-ce une déclaration de guerre ?
- Prends-le comme tu veux. Je n'ai pas peur. Ni de toi, ni de ta famille.
Il me lâche subitement et attrape en une fraction de seconde le couteau à steak devant lui avant de me le mettre sous la gorge.
- Pas peur, hein ? C'est drôle comme tes réactions te trahissent Tobias.
Que ça ne soit pas douloureux ! Que ça ne soit pas douloureux ! Que ce ne soit pas douloureux !
- Tu verras. Dans quelque temps, tu viendras de toi-même frapper à la porte de notre maison. Et à ce moment-là très précisément, tu ne tourneras le dos de façon définitive à Nick, le laissant complètement seul.
Marley se lève, saute par dessus de la table et remet le couteau à sa place.
- On se dit à bientôt Tobias. À très, très bientôt.
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