VIII. L'ironie du sort
En quittant mon boulot, je me suis bêtement remis à penser à ma conversation avec Nathan. Quelque chose me trotte dans la tête et je suis incapable de mettre le doigt dessus. Cela fait longtemps maintenant que j'ai réalisé que mon univers entier tourne autour de Nick. Il est comme mon faiseur de météo. Il peut décider, d'un claquement de doigts qu'il fasse beau ou moche dans ma vie. Il peut l'ensoleiller ou la foirer. Ce qui est merveilleux, c'est qu'il a déjà fait les deux. Même séparé de sa prison dorée, tout le monde cherche à me faire revenir à lui. Même à l'autre bout de la ville, Nick continue à me donner du fil à retordre et je réalise que quoi que je fasse, il ne sera jamais bien loin.
Au fond, c'est peut-être tout simplement lui qui me trotte dans la tête. Je n'arrive pas à me défaire de cette pensée.
Descendant la rue, je remarque une silhouette assise sur le pas de ma porte, recroquevillée sur elle-même, mais qui se redresse brusquement quand elle me voit m'approcher. Un sourire en coin né sur mes lèvres tandis qu'un proverbe passe dans mon esprit en le voyant "Quand on parle du loup, on en voit le bout de la queue". Nick est là. Nick est devant chez moi, mains dans les poches, prenant son air de chiot battu contre lequel je ne sais pas me battre. Même à une certaine distance, nos yeux sont incapables de se défaire de l'autre. C'est dingue quand même.
- Qu'est-ce que tu fais là Nick ? Tu es bien loin de chez toi.
- Je suis venu pour te parler. Je peux entrer ?
- Je t'en prie.
J'ouvre la porte, il me suit jusqu'à l'intérieur et ses yeux se baladent partout. Je sais qu'il examine la pièce à l'instant.
- C'est...petit.
- C'est confortable. Mais tu n'es pas venu jusqu'ici pour dire que je vis dans un petit espace, donc ?
- Sérieusement Tobias ? Tu vas jouer le mec froid et détaché combien de temps avec moi ?
- Qui a dit que je jouais à quelconque jeu.
- Je sais que ce type-là, ce n'est pas toi. Ce n'est pas le Tobias que je connais.
- Ce Tobias-là a disparu au moment où il a pris ce stylo dans cette boîte de nuit. Tout ton monde l'a écrasé, chassé et pour finir...massacré. Il n'a pas vraiment envie de revenir. Il va falloir te contenter de cette version là de moi.
- Tu me manques.
Première attaque. Comme à son habitude, Nick va droit au but. J'aurai dû m'en douter, il n'est pas non plus du style à aimer perdre son temps.
- Quand quelqu'un nous manque, on envoie un texto généralement.
- Pas moi. J'avais besoin de venir. J'ai des choses à te dire.
- Eh bien, je t'écoute, vas-y.
Je ne suis pas certain qu'il ait ma totale attention tandis que je le détaille du regard malgré moi. C'est juste plus fort. Je suis attiré par Nick. Sa simple présence suffit à réveiller des choses que j'avais réussi à enfouir. Sa simple présence suffit à réveiller...un monstre que j'avais réussi à calmer. Et je le sens. Je sens les palpitations de mon cœur s'emballer, je sens une sorte de pression dans l'entre-jambe, des tremblements dans le corps.
Au fond, je pourrais coucher avec lui, sur le canapé, là de suite. Je pourrais et j'en ai envie, mais je m'y refuse. J'essaye d'être ce drogué détournant les yeux de sa dose alors qu'elle est juste sous son nez. J'essaye d'être ce type complètement défoncé qui essaye de se sortir d'un calvaire. C'est dur. Vraiment dur.
- Je pense que Marley pourrait s'en prendre à toi.
- Déjà fait. Ça ne se voit pas ?
J'ai toujours aussi mal. Partout. Tout mon corps me fait souffrir et maintenant que Nick est là, mon cœur en remet une couche.
- Je te parle de revanche. Je te parle de ta sécurité. Je m'inquiète pour toi Tobias...Hé, tu m'écoutes au moins ?
- Pas vraiment.
Mais tu ne peux pas m'en vouloir. Je te regarde, je regarde tes lèvres s'agiter, tes bras se lever, tes yeux me fixer et...
- Est-ce que tu m'aimes Nick ?
- Quoi ?
- Je te demande si tu m'aimes.
- Là n'est pas la question.
- Au contraire. Tu m'as dit que tu serais prêt à changer si je restais à tes côtés. Tu m'as dit que tu ferais des efforts pour moi. Tu m'as dit...
- Je sais ce que j'ai dit, mais je ne pense pas pouvoir m'offrir le luxe de faire des efforts maintenant quand Marley est dehors. Tu comprends ?
- Et moi je ne peux pas être ce que tu attends de moi. Je te connais. Prétextant craindre pour ma vie ou que sais-je, tu vas me dire que la solution serait que je revienne chez toi. Et me connaissant, je t'écouterais, parce que je bois encore tes paroles comme du petit lait. Je suis tellement dingue de toi que je pourrais te suivre n'importe où du moment que cela inclut le fait que l'on soit ensemble. Mais c'est ça le problème ! C'est que c'est toujours moi qui te suis. Toujours moi qui fais le sacrifice de quelque chose pour toi tandis que tu n'es pas capable de faire un dixième de ça pour moi. Pourtant, ce que je te demande n'est pas si compliqué : je veux que tu arrêtes cette vie malsaine.
- Et j'arrêterais quand je serais certain que l'on ne craint rien. Je doute que ma douce et charmante famille me laisse tranquille.
- C'est une chasse aux sorcières sans fin votre histoire. Moi, je n'ai pas envie de revivre ça. Je n'ai pas envie de te voir t'enfoncer dans cette obscure vengeance et plonger tête la première dans un endroit où je ne peux plus t'atteindre. Parce que c'est le cas Nick...Je ne peux plus t'atteindre. Si Rachel et Elizabeth n'étaient pas venues me trouver, je n'aurais rien su de ce qui t'arrivait. Si Nathan n'était pas venu me parler, nous n'aurions pas cette conversation, je t'aurai chassé ou au moins fermé la porte au nez. Il y a tant de gens pour qui tu comptes, qui t'aiment, mais toi...toi tu es aveugle à tout ça. Ou alors, tu tournes volontairement le dos à tout cet amour. Le truc c'est que je ne suis plus certain de pouvoir te suivre.
Il se laisse tomber sur le canapé derrière lui tandis que je m'appuie sur le petit comptoir de cuisine sur lequel je pose mon téléphone portable. Aucun de nous deux ne dit ou ne rajoute quoi que ce soit, on se contente de se regarder dans le blanc des yeux. Parfois, un silence vaut mille mots. De toute façon, quel mot pourrait bien l'atteindre ?
- Donc ? Qu'est-ce qu'il va advenir de nous ? Moi, je te le dis de suite, je suis incapable de tirer un trait sur ce que je ressens pour toi Tobias. Et je serais prêt à absolument tout du moment que cela me permet de te garder loin des ennuis.
- Mais ne vois-tu pas que c'est ça le problème ? Ne comprends-tu pas ce que je te dis depuis tout à l'heure ? Tu attires les problèmes Nick et quand tu ne les attires pas, tu te les créer. On dirait que ça te plaît. Que tu aimes vivre dans le danger.
- Y'a que ça qui me rends vivant.
Je m'approche de lui et m'abaisse suffisamment pour mettre mon visage à hauteur du sien allant jusqu'à saisir ses mains dans les miennes.
- C'est faux et tu le sais aussi bien que moi.
Ses yeux sont teintés d'un gris que je n'avais pas vu depuis...depuis ce soir là après le repas de "famille". Ce soir où je l'ai retrouvé en boule sous sa douche, en pleure. Nick est peut-être tout simplement plus cassé que je ne le pensais.
- Je vais te poser une question et tu vas me répondre le plus honnêtement possible.
- Tu vas encore me demander si je t'aime ?
- Non...Je vais te demander si tu veux être sauvé Nick.
Parce qu'il n'y a peut-être que moi pour essayer. J'ai conscience de m'élancer probablement pour une cause perdue, mais une cause est véritablement perdue quand on a absolument tout essayé et j'ose croire que les sentiments que l'on éprouve l'un pour l'autre, sont le seul pont qui pourrait permettre à Nick de passer du bon côté.
De mon côté.
- Vas-tu me sauver Tobias ?
- Je n'en sais rien. Je ne suis pas un héros. Mais je vais essayer de faire de toi un mec qui tient à peu près la route.
- N'est-ce pas ironique ? Il y a quelques mois, tu venais me trouver pour que je puisse t'aider et...
- Et maintenant, c'est toi qui es venu me trouver pour que t'aides. La roue tourne Nick, même pour nous.
C'est d'un compliqué que je ne suis pas certain de m'y retrouver, mais je ferais au mieux. Vraiment.
Je ferais tout ce que je peux pour le sortir de ce trou dans lequel il s'est enfoncé.
Et si ça ne marche pas alors seulement là...J'abandonnerais.
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