VI. Responsabilités
Je suis resté un moment allongé, fixant l'immensité du ciel bleu, voyant divers oiseaux passer, parfois des feuilles et d'autres fois un avion ou deux. Je suis resté tout bêtement là sans réfléchir, sans rien faire, juste à rester couché sans lever le petit doigt. Pourquoi le lèverais-je d'ailleurs ? J'en suis bien incapable. J'ai mal comme si on m'était passé sur le corps et je crois que c'est le cas. Je ne m'en souviens pas vraiment ou du moins, pas de tout. J'ai des flashs qui me reviennent en même temps que d'horribles migraines. Je me suis fait tabasser comme un sac de sable, il n'y a rien de glorieux à ça. Ce n'est même pas un fait d'armes, ce fut juste une raclée comme jamais encore je ne m'en suis prise. Je présume que je devrais être reconnaissant à l'idiot qui a inventé le proverbe "Ce qui ne vous tue pas vous rends plus fort" car je suis quasiment certain de ne plus vouloir retraverser ça une nouvelle fois. Plus jamais.
À mon réveil, Rachel était à mon chevet en me disant que la mission était un succès et que nous avions pu sortir Nick de là. Tant mieux. J'avais participé à cet escadron du suicide pour lui à la base, mais maintenant que je me retrouve coincé sur un lit d'hôpital, je ne suis pas certain de vouloir le revoir.
Parce que Nick ne changera pas. Rien de tout ce qui s'est passé ne l'a effrayé ou ne l'a freiné. Bien au contraire. Je le connais. Quand il a quelque chose en tête, il s'y accroche. La preuve, il a été capable de me mettre de côté pour s'occuper de ça avant toute chose. Si moi-même je ne suis pas assez important pour lui...Alors...On ne peut plus rien pour lui.
Nick est ce que l'on appelle traditionnellement une "âme perdue" et que Dieu ai pitié de cette dernière avant qu'elle ne soit damnée.
Quand j'eus enfin l'approbation des médecins pour quitter ma chambre, je n'ai pas attendu que l'on vienne me chercher. Je me suis levé comme un grand, j'ai enfilé mon pantalon, un sweat que Rachel avait déposé là et...
- Tu pars sans dire "au revoir" ? C'est bien ton truc de faire ce genre de chose. De partir brusquement.
Je n'ai même pas besoin de me retourner pour faire face à mon interlocuteur pour savoir qui est l'heureux propriétaire de cette voix grave que je reconnaîtrais entre mille.
- Disons que ce n'est pas mon genre de m'attarder à un endroit bien particulier. Tu devrais le savoir mieux que personne, non ?
Me retournant enfin, je remarque son visage couvert de bleu, la lèvre fendue et pourtant, il ose aborder un léger sourire en coin.
- Bonjour Tobias.
- Nick.
Il a une sale tête. La tête de quelqu'un que l'on aurait passé à tabac plusieurs fois. Peut-être ai-je la même, je n'en sais rien, on va dire que je n'ai pas spécialement envie de voir mon reflet dans le miroir pour l'instant. Je veux juste fuir cet endroit et la conversation qui va suivre.
- Où est-ce que tu vas cette fois ?
- Je rentre chez moi. J'ai fait ce que j'avais à faire.
- Vis-tu avec quelqu'un ? Tu n'es pas vraiment dans un état qui te permet d'être seul.
- Es-tu placé pour me faire cette réflexion ? Je suis étonné que tu tiennes sur tes deux jambes.
- Disons que je n'avais pas envie d'attendre plus longtemps pour venir te voir. Mais j'avoue avoir mal et je ne parle pas de douleur physique. Te voir me fait mal. Tu sais, depuis cette soirée, je ne cesse de me dire que j'aurai pu faire les choses différemment. J'aurai pu te retenir. J'aurais dû.
- Oui, c'est vrai. Mais tu ne l'a pas fait. Tu as fait un choix et comme tu le vois, je l'ai respecté. Je t'ai donné l'espace nécessaire pour régler tes problèmes personnels, mais regarde dans quoi ça t'a conduit. Regarde dans quel état tu es Nick. Veux-tu continuer à te venger ?
- Tu sais très bien que la réponse ne te plaira pas.
- Et on sait tous les deux que c'est à cause de ça que je ne peux pas rester. Pas même pour toi et crois-moi, ça me déchire le cœur que d'avoir à faire ce choix. Mais je nous rends service à tous les deux.
- En quoi ? En quoi est-ce nous rendre service ?! Dis-moi...
- Je préfère mille fois te perdre ici et maintenant, plutôt que d'avoir à te perdre une autre fois dans une de tes affaires de famille.
Cette simple pensée me fous la chair de poule, mais je me dis que je n'ai pas le choix et qu'ainsi les choses seront pour le mieux. On peut se le permettre maintenant. On a grandi chacun de nos côtés, on a su vivre nos vies séparément et aucun de nous deux n'en est morts...du moins pas encore visiblement.
- Si...Si je promets d'arrêter...Si je te dis que je tire un trait sur tout ça, resteras-tu avec moi ?
Voilà pourquoi je voulais fuir cet endroit avant de tomber sur Nick. Parce que malgré mes grands airs et mes beaux discours, je suis sensible à sa voix, sensible à sa demande et incapable de résister au regard empli de chagrin et de remords qu'il me jette alors.
- Nick, ne nous fais pas ça. Quelle vie est-ce que d'être ainsi un poison pour l'autre ? Je te connais, tu sais ? Tu dis ça pour m'appâter, ça va marcher et après tu seras reparti de plus belle. Tu n'es pas quelqu'un qui vit une petite vie tranquille et silencieuse et d'un certain côté, je te comprends. C'est justement parce que je te comprends tellement que je sais tout cela.
- Et pourtant, tu es venu à mon secours...
- Ne te méprends pas, je tiens toujours énormément à toi et c'est justement pour ça que je refuse de sacrifier mon amour, mes sentiments, sur quelqu'un incapable de se faire passer en priorité. Ne comprends-tu pas ? Tu es important pour tant de gens et pourtant te voilà avec tes œillères...ça me fait vraiment mal de te voir comme ça. En partant, j'espérais déclencher, je ne sais pas, un électrochoc, mais tu n'as pas changé.
- Je peux changer..pour toi. Mais pour ça, j'ai besoin de toi Tobias. J'ai besoin que tu restes avec moi. Que tu me dises que la vie mérite d'être vécue et que tout ça...que le monde ne compte pas.
J'aimerais y croire comme on aime croire aux légendes, aux mythes et aux contes de fées. Mais ne m'a-t-il déjà pas promis quelque chose de similaire par le passé ?
- Laisse-nous une seconde chance. Je t'en prie. J'ai besoin de toi.
- Et moi j'ai besoin de toi...sain et sauf. En parfaite santé. En vie. Le comprends-tu ?
- Que veux-tu que je réponde à cela ? Non en fait...Que veux-tu entendre de moi pour te satisfaire ? Dis-moi Tobias. J'ai besoin de savoir.
Il y a tant de choses qui me passent par la tête que je suis incapable de démêler mon nœud de pensées. Incapable de lui donner un début de quelque chose, un mot, une phrase. Est-ce à moi de lui dicter sa vie ? Suis-je le mieux placé ? Son intention me touche, vraiment, mais n'est-ce pas à lui de faire ce choix ? À lui de juger ce qui semble être le mieux pour lui ou non ?
- On a plus l'âge pour ce genre de discussion Nick. Ce n'est pas MOI qui dois décider pour toi, c'est bien trop facile et je ne veux pas porter cette responsabilité-là. C'est à toi de faire des choix. À toi d'être...celui pour lequel je suis tombé amoureux. Soit cette personne-là à nouveau et quand tu le seras, alors viens me trouver et à ce moment-là, je partirais avec toi.
Mais pas avant. Je ne flancherais pas. Si tu savais comme c'est dur, comme ça me fait mal de te voir faire une telle grimace comme si ton visage était tiraillé par la peine, la douleur, le chagrin, la culpabilité...ça me fait mal, vraiment. Tu n'imagines pas une seule seconde ce que tu es en train de nous infliger à tous les deux alors peut-être que oui, je suis trop dur envers nous, mais je pense que cela est devenu nécessaire de s'imposer des limites à ne pas franchir.
Des limites avant qu'il ne soit trop tard pour faire marche arrière et qu'on vienne à le regretter comme cela nous est déjà arrivé.
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