IX. Gagner la bataille, mais pas la guerre
Je me suis toujours demandé si l'être humain était fait pour s'en tenir à une décision ou s'il n'était en réalité qu'un animal changeant. Volatile. Avoir Nick de retour dans ma vie me fait me poser tout un tas de questions que j'avais alors mises de côté, mais avec lui, tout me revient en pleine gueule et je ne peux malheureusement mettre de côté ou esquiver toutes ces choses que je remettais toujours à plus tard. Avec Nick sorti de ma vie, j'avais arrêté de réfléchir et de me torturer l'esprit, mais maintenant qu'il est là, en face de moi, plongeant ses yeux dans les miens, je dois bien avoué que je me sens tiraillé. C'est terrible. Une part de moi ne souhaite qu'une chose : se débarrasser de lui au plus vite et une autre partie est beaucoup trop contente d'être dans la même pièce que lui et ça doit d'ailleurs se voir partout sur mon visage, car Nick ne cesse d'avoir ce sourire en coin comme si quelque chose l'amusait et je me doute que c'est mes grimaces qui l'amuse. Je veux dire, je suis littéralement en train de me battre avec moi-même et mon for intérieur pour ne pas sourire comme un débile. Un débile amoureux parce que oui, j'aime ce mec. Je l'ai dans la peau, dans le coeur, dans la tête...Il est partout. Je l'aime et je pensais que c'est en l'aimant à ma façon que je nous rendrais service en partant. En le laissant. Mais il faut croire que non. Nick n'a pas l'intention de me laisser en paix et il a certainement conscience de ça, de cet effet qu'il me fait. Je me sens pris au piège. Vraiment. Comme d'habitude, je n'ai pas su dire "non" à Nick.
- Tu comptes me dévisager longtemps ?
- Je n'en sais rien encore. Je me pose énormément de questions, tu sais.
- Je vois ça. Pose-les-moi tes questions, j'ai certainement des réponses et puis visiblement ça me concerne alors...
C'est vrai que ça le concerne et ça ne peut que le concerner. Nick n'est plus vraiment le centre de mon univers, mais il s'en rapproche grandement. Merde. Je le déteste déjà pour me faire rappeler ça. Est-ce que je compte au moins pour lui ? Je veux dire, est-ce que je compte autant que lui compte ? Est-ce que j'aurai dû voler à son secours ? Étais-je nécessaire ? Je n'en sais rien. Je ne sais plus rien, car je suis bien incapable de réfléchir calmement en sa présence. J'ai le cerveau en bouilli et les neurones qui se sont fait la malle. Ils sont tous assis dans la "love room" à attendre qu'il se passe quelque chose et ça se pourrait bien, je veux dire...la tension est clairement palpable et je ne sais pas lequel de nous deux se retient le plus.
Moi, peut-être.
- Je pense...Je pense que l'on est dans une impasse toi et moi, Nick. Visiblement, tu ne changeras pas et moi, je n'ai pas envie de revivre un énième drame. Je ne sais pas si je pourrais le tolérer. Tu peux me traiter de lâche ou de n'importe quel nom, t'aurais sans doute raison, c'est juste que...
- Non, je comprends. Pour moi, il faut énormément de courage pour savoir reconnaître ses limites et je respecte ta décision Tobias. J'ai juste peur pour toi. Je te l'ai dit, les sentiments, l'affection que j'ai pour toi ne peuvent pas me garder éloigner de toi, je disjoncte quand tu n'es pas là.
- Je ne peux pas être ton garde-fou, je me répète sur ça.
- Je sais. Je ne t'en demanderais jamais autant. J'ai conscience d'être l'enfant à problème. Le vilain petit canard...
- C'est donc bel et bien une impasse. Aucun de nous deux n'est prêt à lâcher le morceau.
Parce qu'on ne sait que trop bien quels en sont les enjeux. Nick ne changera pas d'un chouia tant que sa belle-famille tentera encore et toujours de lui faire du mal. Il pourrait partir, quitter la ville et aller se griller les fesses sous un soleil paradisiaque sur je ne sais quelle île, mais il ne fuira pas. Jamais. Ce n'est pas son genre.
Quant à moi, je ne peux pas m'offrir le luxe de replonger dans tout ça. Je veux dire, il faudrait être fou, non ? C'est vrai que j'ai peur à l'idée qu'il m'arrive quelque chose. C'est vrai qu'après tout ça, je me demande si je serais capable de dormir sur mes deux oreilles, mais...
- Concluons un marché, veux-tu ?
- Un marché ? Et moi qui m'attendais à ce que tu sortes une feuille de la poche de ta veste en me tendant un stylo.
- Tobias, Tobias, Tobias...Tu sais aussi bien que moi que les relations contractuelles ne sont pas notre truc.
- Donc ? Quel genre de marché au juste ?
- Viens à la maison, avec moi. Histoire que je te sache en sécurité. Je jure de ne pas t'approcher. De ne pas te toucher. Ni même te frôler ! Je garderais mes distances.
Donc il sait. Il sait que je l'ai toujours gravé au plus profond de moi.
- C'est juste une situation provisoire. Tobias, je t'en prie. Ça me rends fou de te savoir seul ici.
- Si seulement tu pouvais m'oublier.
- Crois-moi, s'il existait une méthode, je l'aurai déjà fait, mais plus j'essaye, moins j'y arrive.
Dans ce cas, nous sommes deux. Bienvenue à bord.
- Donc c'est à moi de faire une concession.
- Je te demande seulement de penser à ta sécurité avant toute chose. Est-ce si difficile pour toi ?
- Tu n'imagines pas.
- Alors, ça te dérange autant de revenir avec moi ?
- Mais non ! Ce n'est pas ce que je voulais dire et tu le sais. N'interprète pas mes paroles si c'est pour les déformer. Je t'aime Nick, vraiment. C'est une réalité à laquelle je ne peux échapper, mais actuellement, je dois mettre tout ça de côté.
- Pourquoi ?
- Parce que ton objectif de vie et le mien sont trop différents ! Je te l'ai déjà dit, mais ton comportement...tout ce que tu fais...C'est dangereux ! Tu ne t'en rends même plus compte et au fond, je me demande même si tu t'en es déjà aperçu. Tu dois aimer ça.
- Ah parce que selon toi, j'ai un côté masochiste suffisamment prononcé pour croire que j'adore me faire fracasser la gueule ?
- Arrête. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je dis seulement que ton souhait de vengeance va un jour te condamner.
- Tu m'en demandes trop si tu veux que je ferme les yeux. Tobias, tu sais aussi bien que moi qu'ils ne me laisseront jamais tranquille. Jamais je ne serais pleinement heureux tant que je ne les aurais pas totalement détruits.
- Et tu comptes te battre ? Toi tout seul ?
- On peut être deux.
Non Tobias. Ne l'écoute pas. Ne te laisse pas berner par ses beaux mensonges et ses paillettes. Tu sais que c'est dangereux. Tu le sais mieux que personne.
- Je sais que tu souffres. Je sais que tu as souffert, mais tu ne peux pas continuer sur cette pente. Je suis désolé.
- Donc c'est ça, hein ? On est devenus si différents en si peu de temps ?
- On l'a toujours été. Je n'ai jamais cessé de dire que ton monde n'était pas le mien.
- C'est dommage, car à mes yeux, tu es tout ce qui compte.
- Si c'était vrai, tu mettrais ta vendetta personnelle de côté. Mais tu ne peux pas et moi je ne peux pas regarder un tel spectacle d'auto-destruction.
- Je vois.
Nick quitte enfin le canapé dans lequel il s'était installé et me regarde depuis toute sa hauteur.
- Peux-tu au moins réfléchir à ma proposition ?
- Tu connais déjà ma réponse.
- N'as-tu donc plus du tout confiance en moi pour croire que je ne respecterais pas ma part du marché ?
- Oh si, si. Mais c'est de moi que je doute. T'es une telle tentation...
Il sourit et s'approche alors de ma porte d'entrée sans dire un mot de plus. Au lieu de ça, il se contente de me lancer un regard attendrissant et quitte mon appartement. Comme ça.
Je connais Nick comme ma poche. Il ne prend pas un "non" comme acquis et fera certainement tout ce qui est en son pouvoir pour me faire changer d'avis. Il ne supporte pas les refus ou bien que les choses n'aillent pas comme il le désire. Je m'attends donc à une nouvelle confrontation bientôt. Très bientôt.
Sur le moment, j'ai peut-être gagné une bataille, mais la guerre s'annonce longue. Très longue.
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