XXXV. Les tambours de la guerre
Suite à notre accord commun, Élisabeth décida de résilier le contrat me liant à elle sous nos yeux, allant même jusqu'à le brûler. Une bonne chose de faite sur la multitude qu'il me reste à faire. Plus les jours passent et plus je me rends compte à quel point toute cette histoire tordue est compliquée et je commence sérieusement à me demander si un jour je m'en sortirais.
Alors, sur le chemin retour, je suis resté pensif. Peut-être que je pense trop. Peut-être que ça finira par s'arranger ou peut-être bien que je ne devrais pas mettre mon nez là-dedans. Je dois dire que cette pensée m'envahit chaque jour un peu plus. Je devrais être à même de profiter de ma petite vie, mais je ne pourrais de toute évidence pas vivre aux crochets de Nick pendant soixante ans.
« Tobias ?
— Hmm ? Quoi ?
— Ça va ?
— Oui, pourquoi ?
— On vient de rentrer et tu n'as pas décroché un mot du trajet. »
C'est sûrement dû au fait que j'ai eu une longue conversation avec moi-même et que, l'espace d'un instant, je l'ai totalement oublié.
« Non, non, ça va.
— Qu'est-ce que t'as dit Élisabeth ? Je vous ai vu discuter un long moment tous les deux.
— Oh tu sais ce que c'est... Les broutilles, le beau temps et...
— Et ? »
Il sait que je me sens et appuie volontairement là où ça fait mal. Il se rapproche d'un pas à chaque mensonge qui m'oblige à creuser ma propre tombe.
« Les jeunes filles de son âge sont incroyables bavardes ! C'est fou ! »
Ai-je déjà mentionné le fait que je ne savais pas mentir ? D'ailleurs, si je devais être un personnage de conte, je serais certainement Pinochio, même si avec une telle proximité avec Nick, ce n'est pas mon âge qui s'allonge, mais une autre extension de mon corps.
« Tobias...
— Nick...
— Qu'est-ce que tu me caches ?
— Rien. Oh regarde ! Des traces de pneus au plafond ! »
Il lève la tête et je profite de ce quart de seconde d'inattention pour me faire la belle. Les éléphants roses, personne n'y croit, mais les traces de pneus au plafond, ça a tendance à faire relever des nez.
Je me précipite donc dans ma chambre et me jette sur mon lit, défaisant cette cravate bien trop serrée pour moi et les quelques premiers boutons de ma chemise.
J'ai beaucoup trop à penser. Ça ne me ressemble pas.
« Tu es au courant que me fermer la porte au nez ne sert strictement à rien ? »
La voix de Nick me surprend tandis que je le vois appuyer contre cette dernière, mains dans les poches, la chemise totalement déboutonnée.
« Il faut vraiment que je fasse changer les serrures.
— Bon courage pour ça ! Alors ? Est-ce que tu vas me dire d'où te vient ton comportement ? Tu es d'un naturel bizarre, mais là, c'est carrément suspect et tu n'es pas vraiment discret.
— Je refuse de parler sans mon avocat.
— Dans ce cas, deux choix s'offrent à toi Tobias. Soit je me fais l'avocat du diable, soit j'utilise mes propres moyens et on sait très bien tous les deux que tu vas céder. Oh oui ! Je vais te faire céder.
— Que tu crois ! Je suis un habitué de tes méthodes de torture.
— Ah oui ? Tu crois tout connaître de moi ?
— Chaque grain de beauté ! Même celui sur les fesses.
— Oh ! Petit vicieux. »
Venant de Nick, je m'attends presque à ce qu'il me saute dessus et qu'on fasse de cette nuit, une de ces nuits interminables, mais non. Au lieu de ça, il vient s'asseoir sur le lit à côté de moi.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ?
— Tu ne me sautes pas dessus.
— À t'entendre, je suis incapable de me retenir.
— Ce n'est pas le cas ?
— Bon OK, clairement j'ai envie de t'enlever cette chemise blanche incroyablement moulante, mais... pas ce soir. Honnêtement, je suis plutôt claqué.
— Haaaan ! Scoop ! Nick est humain ! Ça lui arrive d'être fatigué !
— Hé ! Pour ton information, je ne suis pas nymphomane non plus !
— Qui l'aurait cru ? Pas moi. Mais ce n'est pas mes fesses qui vont s'en plaindre pour ce soir. Disons qu'une pause ce n'est pas plus mal. On pourrait presque se faire une soirée pyjama.
— Je te rappelle que je dors nu comme un vers la plupart du temps.
— C'est vrai... Et il est hors de question que je fasse une soirée nudiste. Imagine Rachel nous voit ?
— Et alors ? Je te l'ai déjà dit, non ? Elle m'a déjà vu à poil.
— Toi peut-être, mais j'essaye de préserver le peu de dignité et de fierté qu'il me reste.
— Pourquoi ? Le reste est passé où ?
— Tu l'as allégrement piétiné. »
Ça a le mérite de le faire sourire.
J'aime ce Nick-là sans doute plus que tous les autres. J'aime le Nick « doux ». Celui qui s'assoit juste là et qui m'écoute tandis que l'on passe notre temps à rire ou à se regarder dans le blanc des yeux. Je pourrais me noyer dans son regard, c'est dingue comme pouvoir. Pourtant, ce ne sont que des yeux, mais je ne sais pas, quand je le regarde, j'ai l'impression de plonger en lui. J'ai l'impression de pouvoir l'atteindre au plus profond de lui-même, et ce, en quelques brasses seulement.
« Dis-moi Nick, je peux te poser une question ?
— Hmm, vas-y.
— Tu ne crois pas que la vie serait pas plus simple si tu laissais ta famille d'un côté ? Comme s'ils n'existaient pas ? »
Il se redresse tandis que je le vois arquer un sourcil.
« Tu penses sérieusement que la vie est un conte de fées Tobias ?
— Non, mais... Tu te lances dans une guerre et les guerres ne se font pas sans répercussions. Elles ne se gagnent pas non plus sans sacrifices.
— Certes, mais c'est mon choix. Si je veux partir en guerre, je le ferais. Reste à savoir si j'y vais seul ou accompagner. »
Suis-je le seul à avoir peur de l'avenir ? À me demander ce qu'il nous arrivera demain ? Comment peut-il tout affronter et faire comme si rien ne le touchait ?
« Je présume que je vais avoir besoin de temps pour réfléchir.
— Quoi ? Vraiment ?
— Écoute, peut-être que toi t'évolues dans ton milieu naturel, mais ce n'est pas mon cas. Y'a encore quelques semaines, t'étais juste un gars à la mauvaise réputation pour moi. Là, je me retrouve confronté à une montagne de choses et honnêtement...
— Ça t'effraie ? »
Oui. Clairement.
« Écoute Tobias, je ne peux pas te faire de promesse sur la comète. D'ailleurs, je ne peux rien te promettre, mais t'es la seule personne sur qui je peux me reposer, alors ne m'abandonne pas.
— Tu as Rachel.
— Ce n'est pas pareil ! Rachel, je ne l'aime pas comme je t'aime. »
Retour en arrière, je crois avoir mal entendu.
« Et non, je ne me répèterais pas. Tu as très bien entendu.
— Dommage !
— Tu sais, tu n'es pas le seul à avoir la trouille de tout ça et je ne sais pas ce que ma famille me réserve, mais pour l'instant j'ai presque vécu une vingtaine d'années tranquillement et j'aimerais juste m'assurer que cela continue. Je m'en fiche du reste. Je ne sais pas ce qu'ils me veulent, ce qu'ils attendent de moi, mais tout ce que je sais, c'est que du moment qu'ils ne feront pas les cons, je les laisserais tranquilles.
— Et s'ils viennent à toi ?
— Alors ça sera vraiment la guerre. Que veux-tu que je te dise ? Tu veux que je me laisse faire peut-être ? Tu connais mon histoire maintenant, tu sais que je ne peux pas toujours faire le dos rond ou tendre l'autre joue pour m'en prendre une. À un moment donné dans la vie, il faut savoir s'imposer et c'est ce que je ferais. »
J'en viendrais presque à me demander si vraiment nous allons nous sortir de tout ça. Un monde inconnu est vraiment effrayant.
« Mais si tu as trop peur, tu peux venir dormir dans mon lit !
— Pour que tu fasses ta plante et que tu me grimpes dessus ? Je ne vais pas dormir avec toi et tu le sais. D'ailleurs, on sait très bien que l'on fait beaucoup de choses dans ta chambre, mais dormir n'en fait pas partie.
— En même temps, il y a tellement d'activités plus amusantes que "dormir".
— Et tu oses me dire après que tu n'es pas accro au sexe.
— Tu vas me faire croire que c'est pour te déplaire ? »
Ne réponds pas ! C'est une question piège.
« Je le vois, ton petit sourire en coin hein !
— Va te coucher Nick, je sens que tu es fatigué.
— Est-ce que tu dis ça pour te débarrasser de moi ?
— Moi ? Pas du tout ! »
Peut-être un petit peu au fond, mais ça reste entre nous.
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