XXX. Docteur maboul
Si je n'avais pas eu l'habitude de prendre des coups à force de me battre avec le premier venu, je pense qu'à l'heure actuelle, je serais entrain de souffrir tout seul comme un con. Pendant un temps, la douleur des bagarres, la violence, ça a été mon échappatoire, mon moyen de fuir ce monde pourri et de me dire que de toute façon « ça ne pourrait pas être pire ». J'étais relativement chanceux comme gars : j'avais ma bourse, mon logement étudiant, mes études que j'allais terminer sous peu, j'avais vraiment tout pour moi.
Et puis, au moment où ça allait le mieux, la bourse s'est fait la malle sans que je ne comprenne pourquoi. Mon logement m'a été enlevé et on m'a dégagé de cette école élitiste sans me donner la chance de me retourner. De me refaire.
J'aurai trouvé un petit boulot, j'aurai essayé de payer comme je le pouvais quitte à crever la dalle, je m'en foutais.
Mais j'avais besoin de ce fichu diplôme. J'avais besoin de me dire que ma vie serait « meilleure » ou du moins, qu'elle ne pourrait pas être pire. Je m'étais accroché à cette idée pendant si longtemps.
« Comment tu vas ?
— Tu viens voir si je n'ai pas rendu l'âme sous la douche ? C'est gentil de ta part. »
Je n'ai pas le droit d'en vouloir à Nick.
C'est moi le fautif. Depuis le début. J'ai signé ce fichu contrat, je me suis engagé auprès de lui.
Je suis le seul fautif.
Et je le vois à son regard. Il s'assombrit. Peut-être ne comprend-il pas ma soudaine mauvaise humeur. Je ne peux pas lui en vouloir, je ne la comprends pas moi-même. Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. Peut-être parce qu'on vient de me tabasser et que quelque part... j'ai mal.
À l'intérieur de moi, j'ai mal.
Parce que cette raclée m'a rappelé une vie que j'essaye désespérément d'oublier.
« Tobias...
— Désolé. C'était déplacé. Je vais bien. Regarde, même pas mal. »
C'est faux. Je ne vais pas bien.
« Et ta sœur ? Elle va bien ? »
Il faut que je change le sujet de cette conversation ou ça va devenir très gênant. Je n'ai pas envie de me confier à lui et de lui faire part de mes états d'âme. Du moins, pas ce soir. J'ai juste envie de me foutre au pieu d'enfouir ma tête dans l'oreiller et d'oublier toute cette folle histoire digne de je ne sais quel film.
« Élisabeth va bien. Je pense qu'elle nous laissera tranquilles pendant un temps.
— Tant mieux.
— Dis-moi, je peux te poser une question ? Et je veux que tu sois sincère avec moi.
— Je t'écoute. »
J'ai peur. Peur qu'il me pose LA question que je ne pourrais esquiver avec une pirouette.
« Pourquoi tu y es allé ? »
Sauvé.
« Je n'en sais rien. Je ne suis pas un enfant de chœur, certes, mais je suis loin d'être le dernier des connards non plus. J'y suis allé parce que je me sentais responsable et parce que... parce que... »
Parce que j'avais besoin d'une bonne excuse pour me foutre sur la gueule avec quelqu'un.
« Parce que ta sœur, même débile, reste une fille et c'est pas dans ma nature de laisser une fille se faire taper dessus.
— Tu aurais très bien pu fuir aussi. Une fois qu'Élisabeth était partie... Tu aurais pu, n'est-ce pas ? Mais tu ne l'as pas fait.
— Non. »
Je ne l'ai pas fait.
« Pourquoi ?
— Sérieusement Nick c'est quoi toutes ces questions ? Tu me passes un interrogatoire ou quoi ? Non parce que si c'est le cas, j'aimerais qu'on le reporte à demain, parce que là de suite, j'ai qu'une envie, me coucher. J'ai vraiment passé une journée de merde et... »
Il se lève brusquement et m'attrape dans ses bras.
« Arrête de te faire du mal Tobias. »
C'est tellement plus facile à dire.
« Franchement parfois, tu me fais flipper sale petit con.
— Dit-il... Tu sais, des fois je me demande lequel de nous deux est le plus cabossé ?
— Toi, sans aucun doute. C'est peut-être pour ça que je te garde à l'œil. J'ai peur que tu fasses une connerie.
— Quel genre de connerie ? »
Il y a des gens qui sont abîmés par la vie Nick, tu ne pourras jamais changer ça. Tout ce que tu peux faire, non, tout ce qu'on peut faire, c'est s'accorder du temps mutuellement et le laisser faire.
Tu vois, j'ai besoin de temps.
« Regarde-moi ton visage... Tu t'es pris une grosse déculottée quand même.
— T'aurais dû voir leurs têtes !
— T'as quand même eu de la chance de tomber sur de la petite racaille. Ça aurait pu être pire. Tu aurais fait quoi si l'un d'entre eux avait été armé ?
— J'aurai fui ? »
Je suis peut-être fou, mais pas suicidaire.
Si je pars comme un lâche, qui restera pour veiller sur lui ? Qui essayera de le protéger de cette famille décomposée ?
« N'empêche, t'es terriblement sexy avec toutes ces marques. Ça me donne envie de jouer au docteur !
— Ouais bah range ton stéthoscope docteur maboule, on ne jouera pas ce soir.
— Rabajoie.
— Je te connais, tu vas m'achever. »
Je connais Nick, une fois au lit, c'est un autre homme. Méconnaissable. Je pense qu'il faut être fou ou avoir une forme olympique pour suivre son rythme.
« L'avantage avec tous ces bleus, c'est que je pourrais te faire des suçons, ça ne se verrait même pas !
— Dans tes rêves !
— Même pas drôle. »
Parce qu'en plus il veut me rajouter des marques, non, mais ce mec a sérieusement un problème dans sa tête par moment.
« Comment je vais faire pour bosser moi dans cet état-là, hein ?
— Tu ne bosseras pas. J'ai demandé à Rachel de te mettre en indisponibilité sur le site. C'est dommage, ton profil commençait tout juste à décoller !
— Donc je suis confiné à la maison ? Génial.
— Ce n'est pas grâve, moi ça me gêne pas. Nathan pourra combler tes heures.
— Mon poing dans jolie petite gueule d'ange, tu veux ? »
S'il y a bien un prénom que je ne veux pas entendre ce soir, c'est bien le sien.
« Pour la peine, je vais me coucher.
— Comme tu veux... Moi, je vais appeler Nathan du coup. »
Non, mais il le fait exprès ma parole ?
Je me lève précipitamment du lit et lui barre le chemin d'accès à ma porte, allant même jusqu'à la verrouiller.
« T'as été plus réactif que ce que je pensais.
— Ne me sous-estime pas.
— Tu sais, si je le voulais, je pourrais te pousser de là et sortir ? Vu ton état, je n'aurai même pas à me forcer.
— Je sais, mais tu ne le feras pas.
— Et qu'est-ce qui te rend soudainement si sûr de toi ?
— Tu m'aimes trop pour m'abîmer davantage. »
Il a alors ce petit sourire carnassier qui se dresse sur son visage tandis que sa main vient se plaquer contre la porte, son front se posant contre le mien.
« Es-tu prêt alors à subir les conséquences de ton acte ?
— Va mourir. »
Au moins, ça a le mérite de le faire rire.
« Je sais que depuis le début, tu n'attendais que ça. Je commence à te connaître par cœur.
— Tu commences seulement, j'ai encore plus d'un tour dans mon sac Tobias. Crois-moi.
— Oh, mais je n'en doute pas.
— Donc tu vas rester planté là toute la nuit ?
— Qui sait ? J'en ai envie si ça se trouve.
— Je pense pas non, t'as envie d'autre chose par contre.
— Que tu crois, ça te ferait trop plaisir de croire que tu pourrais m'avoir aussi facilement. »
Il se penche vers moi et souffle dans mon oreille :
« Mais je t'ai déjà. »
De sa main libre et disponible, il vient s'emparer de mes joues allant jusqu'à m'embrasser fougueusement. Pas l'un de ces baisers tendre et plein d'amour, mais un de ceux qui vous enflamment. Pleine de passion.
« Alors Tobias, qu'est-ce que l'on fait maintenant ?
— Tu auras ma mort sur la conscience.
— Il y a pire que mourir de plaisir, tu ne crois pas ? »
Dis-moi Nick, est-ce qu'un jour, on pourra discuter de tout ça ? Est-ce que l'on sera capable de se poser et de se dire les choses à plat ?
Parce qu'honnêtement, je ne sais pas trop ce que l'on est. Ce que je suis pour toi. Tout est allé si vite que ça en est complètement dingue.
Comme cet amour que j'ai pour toi. Je ne sais pas si c'est de l'amour, si c'est autre chose. Je sais juste que c'est assez fort pour ne désirer que toi dans mon lit.
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