XVII. Partir en beauté

J'ai l'impression qu'un camion m'a roulé dessus. Encore. Encore ces douleurs de partout comme si je sortais d'une épreuve sportive. J'ai vraiment mal, c'est dingue. Quand je me retourne, je remarque que Nick dort profondément à côté de moi.

Salopard.

Pourquoi il n'y a que moi qui souffre de cette relation complètement désordonnée et malsaine ? Je le déteste.

Je me lève, rattrape mon jogging et l'enfile avant de sortir de la chambre pour me diriger vers la cuisine.

« Bonjour Tobias. »

Rachel m'arrache un sursaut tandis qu'elle apparaît au moment où je refermais le frigo. Contrairement à hier soir, elle a revêtu son tailleur habituel et me dévisage avec un léger sourire.

« La pluie s'est arrêtée tôt dans la matinée. Le soleil revient.

— Bonne nouvelle. »

Depuis quand c'est son truc de parler de la pluie et du beau temps.

« J'espère que vous avez confortablement bien dormi.

— Difficilement, on va dire. »

Je ne savais même pas si j'allais à un moment ou un autre pouvoir fermer l'œil de la nuit, et ce, jusqu'à ce que Nick s'endorme sur moi alors que nous étions en plein ébats. Il m'a laissé sur ma faim. Sur ma frustration.

« Comment va monsieur ?

— Il se porte comme un charme. Sérieusement Rachel, pourquoi me poser ces questions si c'est pour tourner autour du pot ?

— On s'est effectivement envoyé en l'air Tobias et moi. »

Nick nous surprend dans notre conversation et j'en viens à croire qu'apparaître mystérieusement comme un ninja est un talent de seconde nature parmi les habitants de cette maison.

« Heureuse de vous voir rétablis, monsieur.

— Tu ne devrais pas embêter Tobias, Rachel. Du moins pas avec ce genre de chose. Bon, qu'avons-nous au programme de la journée ?

— Voici votre emploi du temps et Madame à appeler en vous rappelant le dîner de demain soir.

— Je sais. J'irais. »

Puis, il me regarde avec un demi-sourire amusé avant de rectifier sa phrase.

« Nous irons. »

Est-ce ça ma tâche de rattrapage ? L'accompagner à un dîner ? Si ce n'est que ça, je crois que c'est dans mes cordes. En plus, mon client est également mon patron.

« Rachel ?

— Oui monsieur ?

— Peux-tu nous laisser cinq minutes Tobias et moi ? J'aimerais lui parler. En privé.

— Je serais dans mon bureau. »

Elle disparaît, nous laissant définitivement seuls alors que je m'assois sur un tabouret, m'allongeant sur le comptoir de la cuisine.

« On dirait qu'une certaine personne à des courbatures.

— À cause de qui ? T'es peut-être souple, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. J'ai des articulations, bordel.

— Petite nature. T'en fais pas, tu t'y habitueras avec le temps.

— Certainement pas ! C'est déjà la seconde fois que tu me prends au dépourvu. Ça suffit maintenant.

— Je te l'ai déjà dit. Sois plus honnête avec tes sentiments. Tu dis tout le contraire de ce que ton corps réclame réellement et puis hier soir... C'était vraiment chouette.

— Dit-il alors qu'il s'est endormi au beau milieu. T'es vraiment pas croyable.

— Hé ! Circonstances atténuantes, j'étais malade.

— Mon cul oui ! Tu fais jouer la maladie que quand ça t'arrange. Je savais que je n'aurais jamais dû rentrer dans ta chambre.

— Bon, tu comptes faire l'otarie sur le comptoir encore longtemps ou pas ?

— Pourquoi ?

— J'attends mon petit-déj' moi ! J'ai faim. »

Je suis pas ta bonne, mon gars ! Débrouille-toi.

« Où est-ce que tu vas Tobias ? Hé ! Attends !

— Je vais me doucher et n'ose même pas venir ! Je te préviens, je verrouille la porte à clé.

— Même pas joueur. »

En l'espace de quelques jours seulement, j'ai pris le pli de la vie rythmée selon les exigences de Nick. Je ne me pose pas de questions. Je ne demande rien. Je le suis. Je m'exécute et je ne réfléchis pas. J'ai arrêté de réfléchir, posant ma logique sur le pas de la porte d'entrée. Rien dans ce rythme de vie ne ressemblait à ma vie d'avant. Rien n'était dans mes habitudes et même si, présentement, je vis dans une bulle, il y a encore des éléments qui m'échappent.

Je ne connais pas le gars avec qui je m'envoie en l'air. Je ne sais rien de lui. Je sais son nom et je connais sa pseudo-secrétaire, mais c'est tout.

Nick est un mystère et il refuse de me donner les clés menant aux réponses que je cherche.

J'y ai longuement pensé en me disant qu'une fois que j'aurai assez d'argent, je m'enfuirais d'ici, mais en attendant ? Suis-je supposé être son petit « boy » ?

J'ai le droit à ma vie.

« Hé ! Où est-ce que tu vas ?

— Je sors.

— Tu sors ? Et tu vas où exactement ?

— Faire un tour. Prendre l'air. Appelle ça comme tu veux.

— Attends, je viens avec toi !

— Non, non, non. Toi, tu restes à la maison. Tu fais le chien de garde. Sois sage. »

Ses sourcils se redressent et ses yeux bruns s'écarquillent de surprise. Il n'est certainement pas habitué à ce que je lui parle comme ça, mais il devra s'y faire. Je refuse de faire l'esclave sexuel plus longtemps. Je suis un être humain et j'ai moi aussi des choses sur le cœur.

« T'as intérêt à revenir avant la nuit tombée sinon je viens te chercher par la peau du cul !

— Oui papa ! Ce que tu peux être autoritaire. »

J'ai envie de retourner là-bas.

J'ai donc pris le premier bus en direction du campus et dès que j'y suis arrivé, je me suis calé contre un tronc d'arbre, à regarder les étudiants défiler sous mon nez. Il n'y a encore pas une semaine, j'étais parmi eux.

Il y a encore une semaine, j'avais des rêves d'avenir. Je me voyais avocat.

Foutue bourse de merde. Foutue école. Foutu système.

« Tiens, tiens, tiens, mais si ce n'est pas le clébard de l'école ! Yo le mendiant ! T'es revenu implorer la pitié du doyen ou quoi ?

— Tiens Noah ! T'as toujours une aussi grosse gueule. Qu'est-ce que tu me veux ?

— Rien, je suis étonné de te voir ici. Je pensais que la direction t'avait chassé. La meilleure décision qu'ils aient prise en quelques mois.

— Comme tu es drôle. Et toi ? Toujours à faire les yeux doux à la prof d'économie pour qu'elle te fasse une pipe entre deux cours ?

— Répète un peu bouffon ! »

Je l'ai vu venir son poing et pourtant, je n'ai rien fait pour l'arrêter. Je ne l'ai pas esquivé non plus. En le laissant me frapper le premier, j'avais le motif de légitime défense et je pouvais répliquer.

Ce qui nous entraîna tous les deux sur la pelouse devant le bâtiment sous les regards d'une petite assemblée venue filmer plus que nous séparer.

« Depuis le temps que je rêve de te faire ta fête l'orphelin !

— T'as attendu que tes couilles poussent pour ça, c'est ça ? Toujours à faire pipi au lit au fait ? »

Secrètement, j'en rêvais. Fracasser l'un de ces visages de fils de papa. Leur faire bouffer leur égo. Je rêvais de remettre à sa place un gars comme lui. Un de ceux qui ont tout et qui obtiennent tout d'un claquement de doigts. Je les déteste tellement. Ils n'ont rien à faire à part un gros chèque à l'école pour y rester tandis que moi... Moi je me suis fait virer pour laisser ma place à des types comme lui.

« Hé ! Hé vous deux ça suffit !

— Tobias arrête ! »

Soudain, la voix de Nick retentit dans la foule et il arrive à notre hauteur, allant jusqu'à nous séparer, sans succès. Il se prit un coup de poing non voulu de Noah, l'envoyant directement au tapis.

« Inutile ! Si t'es venu m'aider, résiste au moins ! Sors de là, tu me gênes !

— Oh ? Tu protèges ta petite copine ? C'est mignon ! Je me disais que ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu tes miches en classe Nick. Alors ? Tu lui donnes des cours privés ?

— T'es jaloux, c'est ça ?

— Même pas en rêve, vous me donnez la nausée tous les deux. »

Nick se relève, le nez en sang avant de se jeter sur Noah et moi comme s'il plaquait deux joueurs de football américain.

« Je suis dans ton camp bouffon ! Qu'est-ce que tu fous ?

— Ta gueule c'est de ta faute tout ça !

— Ah ouais ? Je t'ai rien demandé, casse-toi.

— Après tout ce que j'ai fait pour ta gueule ? »

Puis sans prévenir, il m'envoie son poing dans la figure.

« Connard !

— C'est pour ton ingratitude !

— Tu vas voir ce qu'elle te dit mon ingratitude ! »

C'était supposé être du deux contre un, pas du chacun pour soi.

Mais bon, ce fut le cas jusqu'à ce que trois surveillants viennent nous séparer pour nous emmener directement dans le bureau du directeur.

« Vous trois, regardez-moi dans quel état vous êtes ! Nick, Noah, vous allez être suspendu une semaine et réfléchir à vos actes »

Puis il se retourne vers moi, furieux.

« Et toi Tobias... Tu n'as plus ta place sur le campus alors qu'étais-tu venu chercher ? La bagarre encore ? Les orphelins sans aucune éducation n'ont vraiment peur de rien. Je ne veux pas te voir près d'ici, tu m'entends ? Regarde le bazar que tu as causé ! »

Ah parce que c'est de ma faute maintenant ? Forcément. Ça a toujours été de ma faute. Parce que Tobias n'est pas blindé donc il ne pouvait jamais faire de gros chèque. Forcément. J'ai fermé ma gueule des années durant à subir insultes, brimades et coups en douce, mais quitte à ne plus revenir ici, je veux y laisser ma trace.

« Vous savez quoi monsieur le directeur ? Vous avez raison, je suis définitivement un enfant à problème. »

Mon poing s'encastre dans son visage, l'envoyant se vautrer sur son bureau. Lui crachant le sang que j'avais en bouche à la figure, je sors du bureau sous tous les regards des étudiants.

« Quoi ?! Vous avez un problème ? »

Je déteste cette école. Je l'ai toujours détestée en fait.

En plus de m'avoir pris quatre ans de ma vie inutilement, elle m'a aussi brisé le seul rêve qui jusqu'ici, me portait. 

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