CHAPITRE 4 - Un choix pour l'avenir
Ses yeux, semblables à la lueur intense du soleil, m'examinaient avec minutie. Pourquoi, je n'en savais rien. Mais une chose était sûre : lui, n'était pas d'accord avec ce que tentait de faire mes géniteurs. Depuis plus d'une heure maintenant, ils débâtaient autour de la large table faite de verre et dont les motifs d'or représentaient des ailes.
Ils ne haussaient pas la voix, mais l'agacement et le désaccord étaient l'essence même de cette discussion. Ëmlaï et moi-même étions assis aux près d'eux et écoutions silencieusement les dires de chacun. L'avariel qui m'avait emmené jusqu'ici me fixait profondément, faisant naître un malaise en moi.
Je baissai les yeux alors que je pouvais sentir que le roi perdait patience. Je ne savais pas quoi faire et encore moins quoi dire. Je n'étais qu'un enfant et je n'aurais pas eu le droit à la parole.
— Vous êtes venu me voir dans le but de trouver une solution. Je vous la donne. Nous avons longuement cherché dans nos livres anciens, sans résultat. Nous sommes partis demander de l'aide aux fées à l'autre bout de notre monde, franchissant des contrées lointaines. Nous l'avons trouvé, expliqua de nouveau le roi.
— C'est bien trop dangereux, déclara mon père.
— Vous voulez changer son apparence pour que les autres l'accepte, pour que vous puissiez vivre « normalement ». Il y aura un châtiment à payer, peu importe où vous irez.
— Daath n'est qu'un enfant ! Il ne pourra pas supporter cela ! s'écria finalement ma mère.
— Je vous interdis de hausser la voix dans mon royaume, tonna le roi.
Celui-ci passa une main sur ses yeux avant de plonger son regard dans le mien. Je sus sans mal qu'il allait désormais s'adresser à moi. Mon cœur se serrait dans ma poitrine. Je devrais faire un choix.
— Que choisis-tu ?
— Ai-je réellement le droit sur ce que l'avenir me réserve ? soufflai-je.
Je serrai ma main contre ma poitrine alors que je restais indécis. Les sourcils du roi se froncèrent, montrant son trouble à ma réponse.
— Bien sûr que tu l'as. C'est ta vie, tes décisions. Tu auras toujours le choix, et ce, peu importe le chemin que tu empruntes.
Je sursautai. Ce n'était pas l'avis du roi, mais celle de l'avariel aux cheveux noirs. Son regard sombre me scrutait, et finalement, j'acquiesçai en fermant les yeux.
— Les fées nous ont donné la solution. Deux chemins s'offrent à toi : soit tu restes avec ton physique actuel, ce qui est le plus sûr, ou sinon nous devons te plonger dans un profond sommeil. Seulement, celui-ci durera au moins une année. Tu mèneras une vie antérieure à travers les rêves, poursuivit le roi.
— Où est le problème ? demandai-je en mordant ma lèvre.
— Il y en a plusieurs. Le premier serait que tu ne te réveilles jamais. Le deuxième est qu'à ton réveil, tu ne te souviennes de rien. Le troisième pourrait conduire à un oubli total de ta vie actuelle. Le quatrième... tu pourrais en mourir.
— Mais est-ce sûr que mon apparence change ? Comment ?
— Non, souffla le roi. Tu n'as qu'une chance sur deux de modifier ton apparence. Pour ce qui est de « comment », et bien... Les fées nous ont expliqué que cela dépendait de toi.
— C'est-à-dire ? Dépendre de moi ? Comment pourrais-je le savoir ?
— Ton corps changera selon ce que toi tu désires le plus. Être comme ta mère, ou être comme ton père, expliqua l'avariel aux cheveux noirs. Selon ton choix, ton physique évoluera pendant l'année de ton inconscience.
— Mais ce n'est pas une certitude que je me réveille, répétai-je.
Les deux firent un « non » catégorique de la tête et je souris de nouveau. Je passai une main nerveuse dans mes cheveux alors que la main d'Ëmlaï se posa sur mon épaule.
— Je peux y réfléchir ?
— Il en va de soi. Mais le sort qui peut le permettre doit être retourné aux fées avant l'aube. Donc tu as jusqu'à ce soir, répondit le roi.
Suite à ces paroles, il se leva et repartit prendre place sur son trône.
Mes géniteurs voulurent s'approcher de moi, mais je me levai et fis quelques pas en arrière. Ils affichèrent un air blessé, alors que je ne pouvais que baisser les yeux. Le chagrin les touchaient et j'en étais conscient, mais ce n'était rien face à la décision que je devais prendre.
J'avais peur. Encore !
Je tournai les talons et avançai vers l'avariel aux cheveux noirs. Je n'eus pas la peine de parler qu'il me prit contre lui, ouvrit ses ailes pour que l'air y pénètre. Puis, d'un battement puissant, nous nous envolâmes.
Je retins mon chagrin. Je ne pouvais pas me laisser contrôler par ce sentiment. Je devais me ressaisir. Vite, et efficacement. Pourtant, lorsque le vent fouetta mon visage et que je compris que j'avais oublié mon masque, la terreur me prit.
Je ne voulais pas mourir et si on me voyait, on me chasserait comme un animal. Une récompense serait donnée contre ma vie et j'en étais épouvanté. Moi qui n'avais pas encore vécu, je ne voulais pas quitter ce monde, peu importe à quel point celui-ci ne m'aimait pas.
Les pieds de l'avariel foulèrent à nouveau le sol dans un geste lent. Des herbes verdoyantes nous accueillirent et il me déposa au sol avec délicatesse. Face à nous, se trouvait un large lac et je remarquais que nous étions de l'autre côté où les loups nous avaient laissés.
Je m'assis au sol et glissai ma tête dans mes genoux. Non pas pour la cacher, car il n'y avait personne, mais juste pour me ressaisir. Mon cœur me tiraillait, ma conscience était embrouillée, mon âme se déchirait de par les choix. J'étais fatigué.
Je sursautai en sentant quelque chose de doux m'envelopper et fus surpris en voyant l'une des larges ailes de l'avariel. Celui-ci avait pris place à mes côtés et me fixait de la même façon.
— Finalement, tu n'es qu'un enfant.
Je le regardai, curieux. Il esquissa un sourire, et je fis de même, sans même savoir pourquoi. Il ouvrit sa main et une lueur verte jaillit de celle-ci.
Mes yeux s'illuminèrent certainement. C'était la première fois que je voyais de la magie hormis celle de Lostïss, Aëtryn et d'Ëmlaï. J'étais tout simplement émerveillé par le petit saule pleureur qui venait d'apparaître dans sa main.
Je caressai son feuillage avec un sourire alors que je pouvais sentir le regard de l'avariel sur moi. Il semblait curieux pour une raison que j'ignorais.
— Comment fais-tu ? soufflai-je. C'est magnifique.
— Comme toi tu fais pour utiliser ta magie.
— Je n'ai pas de magie, dis-je en souriant.
Ses yeux sombres s'écarquillèrent tandis qu'il me fixait. Je ricanai doucement devant sa réaction alors que mon cœur me tiraillait à mes mots.
— Sais-tu la raison de cela ? demanda-t-il.
Je secouai négativement la tête.
Je levai les yeux vers le ciel en haussant finalement les épaules.
— Qui peut savoir. Peut-être que le monde a voulu me punir pour quelque chose, ou alors que les dieux ont jugé plus prudent de ne pas m'en donner.
Je rigolai à la bêtise que je venais de sortir et liai mes doigts entre eux. Je me blottis contre l'aile rassurante.
— Oublie cette idée farfelue.
— Il y a quelque chose d'étrange chez toi, déclara-t-il.
— Quoi donc ? fis-je en plongeant mon regard dans le sien.
Il laissa le saule pleureur tomber à quelques mètres devant nous.
Il prit de l'ampleur et grandissait majestueusement et à une vitesse folle sous nos yeux. La terre trembla sous nos corps, signe que les racines se liaient au monde lui-même. Le feuillage grandissait en abondance et beauté. Le tronc devenait large, si large, que même les bras d'un géant n'aurait pu y faire le tour.
L'avariel regarda sa création avec un air sombre et je frissonnai face à autant de noirceur.
— Je ne sais pas ce que tu caches. Mais il y a en toi quelque chose de différent, de dangereux. Une chose qui, d'une certaine manière, me terrifie.
— Tu...
— Les ombres ne cessent de prononcer ton prénom.
Je me figeai autant qu'une statue alors qu'une nuée d'ombres passa à nos côtés d'une vitesse folle.
Elles envahirent le saule et commencèrent à l'envelopper dans une épaisse brume sombre et ténébreuse. Je frissonnai de nouveau. J'étais perdu dans un mélange d'admiration et d'appréhension. Ce spectacle était impressionnant.
Ces amas noirs rongeaient l'arbre comme une source de nourriture abondante et je comprenais.
— Elles se nourrissent de la magie que tu as mis dans le saule, chuchotai-je.
— Je n'arrive pas à comprendre. Habituellement, elles ne font que dire des choses sans queue ni tête. Mais depuis que tu es venu au monde, elles crient, gémissent, hurlent, sanglotent, pleurent, murmurent, et à chaque fois, elles prononcent ton prénom avec espoir, crainte et ferveur. Pourquoi ?
L'arbre entier avait été rongé, et maintenant, elles nous regardaient. Elles n'avaient aucune forme distincte, donc aucun œil, mais... Je savais qu'elles nous scrutaient avec attention.
— Je ne comprends pas distinctement ce qu'elles disent. Je sais juste que ce sont des plaintes portées par les brises.
— J'en étais sûr. Alors, tu peux les voir, murmura l'Avariel.
— Depuis que je suis bébé.
— Elles t'appellent à l'aide. Toi, qui n'es qu'un enfant. Mais pour elles, tu sembles être bien plus.
— Je ne sais pas, annonçai-je.
Une ombre, plus audacieuse que ses sœurs s'approcha et je tendis une main vers elle. Je la caressai tandis que le chagrin m'emplissait.
— Elles t'aiment...
Je ne répondis pas. Je ne savais pas quoi lui dire. J'avais juste envie de réconforter ces malheureuses, de leur venir en aide. Je ne savais pas pourquoi elles prononçaient mon nom, mais... elles le faisaient.
— Qui es-tu ? me demanda l'avariel.
Bonjour bonjour !
Comment avez-vous trouvé ce quatrième chapitre ?
Du choix que Daath doit faire ? Qu'auriez-vous fait à sa place ?
Que pensez-vous du roi, Ilïos ? De l'avariel qui est resté au côté de Daath ?
D'ailleurs, je m'excuse de ne pas avoir pu mettre ce chapitre avant. Il aurait dû être posté depuis mercredi dernier, mais j'ai été débordée !
Sur ce, je vous dis à très bientôt !
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