CHAPITRE 13 - Prison de soie

Pour la première fois depuis que je le connaissais, j'étais mal à l'aise. Je n'aimais ni son regard, ni ses gestes et j'étais presque apeuré par la folie qu'il abritait. Qu'est-ce qui l'avait changé à ce point ? Qu'est-ce qui avait fait que ces iris aussi lumineux que le soleil jadis avait été remplacé par un vide et une folie sans égal ? Comment pouvait-on devenir ainsi ?

Je baissai les yeux vers l'assiette que j'avais face à moi, incapable de soutenir son regard. Je pris la fourchette et piquai dans les fruits colorés.

— Beaucoup de choses ont dû changées ces dernières années, non ?

Je sentis son regard devenir plus insistant encore. J'avais l'impression de brûler de l'intérieur à un rythme lent, crée pour la torture et je détestai ce sentiment.

— Mon Seigneur, votre regard..., soufflai-je.

— Il te dérange ? 

— Sans vous offenser oui. Je n'aime pas être observé de la sorte, avouai-je.

Je relevai mon regard vers lui, mais celui-ci venait de baisser le regard et avait commencé à manger. Je déglutis, tendu comme je ne l'avais jamais été.

— Que s'est-il passé lors de mon sommeil ?

— Pourquoi tiens tu tant à le savoir ?

Cela me semblait évident, non ? Qui ne chercherait pas à savoir ? Je sortais d'un sommeil interminable et maintenant que j'étais de retour, je voulais savoir. 

— A quel point le monde s'est-il encore dégradé ? Demandai-je amèrement.

Il ancra son regard sur moi et je retins un haut le cœur envoyant ces pupilles dilatées. Elles l'étaient tellement que ces iris solaires disparaissaient, comme lors d'une éclipse.

Mais je n'obtins aucune réponse. J'avais envie de savoir et le fait que je n'avais aucune réponse faisait monter en moi des nerfs qui menaçaient d'exploser.

— Où est passé Nébula ? Demandai-je finalement. Je ne l'ai pas vu.

— Il est mort, déclara-t-il sèchement.

Mon sang se glaça et je me relevai brutalement. Je fis un signe négatif de la tête alors que je serrai mes poings, niant la réalité qu'il m'avouait. Mes ongles s'enfoncèrent douloureusement dans ma chair.

— Vous mentez, crachai-je.

— Pourquoi le ferais-je ? Il est mort il y a cinq ans. Les drows ont contrôlés l'entièreté des terres du Sud et ont fait certains prisonniers. Nébula s'est battu pour ne pas être emmené et il en est mort.

— Les terres du sud ? Soufflai-je. Mais vous avez dit que mes géniteurs y étaient.

— C'est exact. Mais ton père est un drow. Je ne sais pas ce que sont devenue ta mère et ta sœur, mais ton père lui, suit les traces de son peuple.

— C'est impossible, murmurai-je.

J'entendis sa chaise émettre un grincement désagréable, suivis de ces pas qui résonnèrent dans la salle.

— Impossible ? Nous parlons bien du même elfe ? Celui qui a abandonné son seul et unique fils à la merci de n'importe qui ? Celui qui a nié l'existence de son enfant auprès des siens ?

— Il a... Nié ? Demandai-je faiblement.

— A ces yeux, tu n'existais plus. Alors crois moi, cet elfe n'aurait jamais hésité à suivre les traces de son peuple. 

— Je...

Au fond, qu'est-ce que je pouvais répondre ? Rien. Pourquoi est-ce que j'avais toujours ce pincement au cœur alors que je savais à quoi m'attendre ? Bon sang... Ca faisait si mal. Était-ce normal de ressentir cela ?

— Mais toi... C'est surprenant. Après autant d'années, tu t'es réveillé. Mais par-dessus tout, tu n'as pas changé. Pourquoi ?

« Vous êtes un être grandiose. Vous êtes majestueux et le jour où vous vous en rendrez compte, plus rien ne vous arrêtera ». 

Cette voix... Je ne pourrais jamais l'oublier, n'est-ce pas ?

— Je pense que les mots que j'ai entendus m'ont tellement touché que j'ai compris.

— Compris quoi ?

— Que je pouvais aimer celui que j'étais, même si la tâche sera ardu. Parce que j'ai été désiré pour qui j'étais là-bas, murmurai-je en tournant la tête vers la fenêtre.

Je pris de nouveau place sur ma chaise alors qu'il continuait à avancer vers moi.

— Aimer ? Par qui ? Et où étiez vous ? Me questionna-t-il.

— Pourquoi autant de curiosité mon Seigneur ? Demandai-je. Vous ne souhaitez pas répondre aux miennes alors, pourquoi devrais-je répondre aux vôtres ?

J'écarquillai les yeux. Je venais réellement de lui tenir tête ?! Mon cœur accéléra et je me tournai vers lui dans le but de formuler des excuses, mais... Je me stoppai brutalement. Son sourire était... Étrangement heureux ? Oui, et cela me statufia sur place.

— Des choses sombres sont passés pendant ton sommeil. Étrangement, tout a commencé quelques heures après que tu te sois endormi. Le monde s'est assombri et dehors... Dehors, ce n'est plus le même monde que tu as connu.

— Que voulez-vous dire ?

— Je vais te protéger alors, tu as juste à rester ici. Personne ne te trouvera, personne ne te fera du mal.

— Me trouver ? On me cherche ? 

Ces sourcils se froncèrent alors qu'il faisait un signe négatif de la tête. L'agacement se peignit doucement sur ses traits tirés.

— N'écoute donc tu pas mes paroles ? Tu vas rester ici.

— Mon Seigneur, je ne veux pas rester enfermer ici. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait, mais dès que je me sentirais mieux, je m'en irais, dis-je doucement.

Son poing s'abattit sur la table et je sursautai. Sa main sur l'accoudoir de ma chaise, ces yeux me fusillèrent avec colère.

— Alors c'est ainsi ? Après t'avoir gardé à mes côtés, dans mon royaume, sans rien demander en retour, tu veux t'en aller dès que tu t'iras mieux ?! Toutes ces années que j'ai passé à te chérir, à te protéger des monstres qui se trouve dehors ?! Tu es ingrat !

Je restai sous le choc lorsque sa main s'abattit sur ma joue dans un bruit sourd. La douleur me lança, comme des milliards de picotements brûlants.

— Je ne te laisseras pas partir. Pas après tout ce que j'ai fait pour toi, siffla celui-ci.

Il était guidé par une rage folle et je n'arrivai pas à comprendre. Pourquoi insistait-il autant pour me garder enfermer ? Étais-je un animal pour lui ?

Après cela, je m'étais fait enfermer dans la chambre où je m'étais réveillé. J'étais emprisonné, purement et simplement, comme un fauve en gage. J'étais dans une prison recouverte de soie, confortable et douce, mais cela n'en restait pas moins une cage.

J'étais allongé sur le lit, le bras ramenait devant mes yeux pour éviter de voir des choses que je ne désirais pas. Pour me cacher de la vérité, de l'évidence face à moi. Pour dissimuler de ma vue ce qui pourrait m'attendre. Et je me demandais... Quand ? Quand pourrais-je enfin être libre ? Cela, arrivait-il seulement un jour ?

— Hé, soufflai-je, que pensez-vous de moi ? Demandai-je en me relevant.

Je me dirigeai vers l'une des fenêtres et m'assis au bord de celle-ci. Je regardai le ciel pleurer et hurler de par ces orages. Et... Je me sentis comme lui, mais je ne pouvais pas le montrer, car les répercussions seraient bien là contrairement au ciel.

— Vous devez être en train de rire, n'est-ce pas ? Vous, qui tirez le fil de chaque destin à votre guise. À quel point aimez-vous me voir dans ces situations horribles ? Vous voulez me soumettre ?

Ma voix était calme, trop calme. Comme le temps juste avant qu'une tempête ne s'abatte.

— Votre vie doit vous paraître belle. Vous contrôlez tout, nuit et jour, et ce, depuis toujours. Mais il semblerait que je sois l'un de vos jouets préférés. Alors dites moi... Qu'est-ce que ça fait de sentir que les fils du destin que vous aviez préparé pour moi se brise ?

Et en disant cela, je me relevai et brisai la vitre avec toute la force que je possédai. Le verre se brisa et mon poing fut vite dégoulinant de sang. Je me mis sur le rebord, ouvris largement les bras et souris.

— Que ferez-vous si vous venez à me perdre !? Hurlai-je.

Mais comme je pus m'y attendre personne ne me répondis.

— Alors quoi !? Vous restez silencieux !? Vous êtes minables ! Ignobles ! À quel point devez-vous m'abaisser, me briser pour que vous soyez satisfait !?

Je laissai l'un de mes pieds dans le vide. Il suffisait que je m'avance encore un peu pour que mon corps touche l'air avec une vitesse folle, qu'il l'épouse passionnément. Qu'il traverse les nuages et atterrisse sur le sol dans un bruit brut de dislocation. Alors, qu'adviendrait-il à ce moment précis ?

— RÉPONDEZ !

Mais mon pied reprit place sur le sol et je baissai les bras. J'avais hérité de peu de choses. Le courage ne coulait pas dans mes veines, ou peut-être que mon envie de mourir n'était qu'une illusion égoïste.

— Répondez.

Mon cœur me lançait alors que la pluie me trempait peu à peu jusqu'à me geler les os. Et tristement, je ne savais plus faire de différence entre la pluie ou mes larmes. Cependant, je savais que tout deux inondaient sans pitié mon visage meurtri.

— Répondez-moi, murmurai-je. Ô, grands dieux, suis-je si insignifiant pour vous également... ?

Je laissai mon corps tomber sur le sol alors que je ramenai mes genoux contre mon buste.

Que fallait-il pour que le monde m'accorde un peu de répit ? Pour que celle qui m'avait mis au monde et celui qu'elle aimait m'offre de l'attention ? Comment devais-je vivre avec cela ? Avec l'idée d'être méprisé, haïe, impie ? Que devais-je faire pour ne plus avoir peur de respirer ou même... De vivre ?

Dites moi. Dites moi quel était secret inavouable pour trouver le bonheur ?






Bonjour bonjour !

Daath ne sait véritablement pas quoi faire. Il est définitivement perdu pour le moment et accuse les dieux pour ce qui lui arrive.

Sur ce, je vous dis à la prochaine fois !



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