02
Je courais jusqu'à chez moi, prit les vêtements que j'avais délaissé la veille et les enfilais malgré la boue qui s'y était imprégné.
« Il y a quelqu'un ? Je suis perdue, aidez-moi ! » hurla une petite voix lointaine.
Elle ne retrouvait toujours pas son chemin ? Elle n'avait décidément pas le sens de l'orientation. Devais-je l'aider ? Nah... Elle n'avait qu'à se débrouiller seule.
Je vins pour entrer chez moi, quand elle appela à nouveau à l'aide. Je me crispai et soupirai d'agacement.
◊◊◊
Je tournais encore et toujours en rond, pas moyen de m'orienter correctement, même avec le soleil. Je pouvais me réjouir d'une seule chose : les loups n'étaient plus agressifs en ce dimanche matin.
Je marchai, puis j'entendis soudainement un bruit derrière moi. En guise de réflexe, j'empoignai une pierre au sol, me retournai et lançai la pierre sur la chose qui me suivait. Le caillou volait déjà quand je vis mon voisin se protéger avec ses bras, les yeux écarquillés. Je plaquai mes mains sur ma bouche, tandis que mes joues me brûlaient. Il redescendit ses bras, nerveusement, de peur que je riposte.
« Oh mon dieu ! Je suis désolée !
— Je viens l'aider et voilà comment elle m'accueille ? » grommela-t-il faiblement.
Je m'approchai difficilement, la cheville toujours douloureuse. Je lui souris, contente d'enfin voir un être humain suite à cette nuit mouvementée. Il détourna ses yeux gris de moi, il semblait presque agacé par ma présence. Je ne pus m'empêcher de remarquer que son visage était sale de terre, ses cheveux bruns, presque roux, semblaient emmêlés, même une feuille s'y était logé dans ceux-ci. Ses vêtements étaient boueux et détrempés... C'est lui qui semblait avoir passé une dure nuit en forêt, pas moi.
« Je t'ai entendu appeler à l'aide, tu es perdue ? commença-t-il, ennuyé.
— Je... Oui ?
— Suis-moi. »
J'exécutai aussitôt sa demande. Il marchait difficilement, tentant de dissimuler qu'il boitait.
« Est-ce que tout va bien ? » lui demandai-je, sachant très bien qu'il ne semblait pas de très bonne humeur pour discuter.
Il m'ignora complètement et accéléra le pas.
« Eh oh ! Je te parle ! »
J'attrapai son bras et il se mordit la lèvre en tentant de ravaler un juron. Il retira son bras, je compris donc que je lui avais fait mal.
« Je vais très bien, commença-t-il en prenant une petite pause. Tu vois l'arbuste là-bas ? Tu vas jusqu'à lui, marches encore 5 mètres, puis tu es chez toi. »
Je le regardai perplexe.
« Je vais me perdre. »
Il soupira à nouveau et continua son chemin.
Quand les arbres étaient maintenant inexistants, qu'on pouvait voir ma maison, il me salua brusquement et retourna entre les arbres.
« Attends !
— Qu'est-ce que tu veux, encore ?
— Tu ne veux pas entrer un peu, tu as l'air épuisé...
— Je vais très bien, merci. »
Mais qu'est-ce qu'il était borné celui-là ! Les garçons étaient-ils tous comme ça ? Si oui, je me voyais bien devenir vieille fille. C'était évident qu'il n'était pas en pleine forme, pourquoi refusait-il mon aide ?
« J'insiste.
— Tu es toujours aussi embêtante ? demanda-t-il sur un ton méprisant.
— Et toi, tu es toujours aussi grossier ? »
Il me fusilla du regard, mais à ma plus grande surprise, il accepta tout de même de me suivre.
« Je savais que tu flancherais ! avouai-je fièrement.
— Vas te faire foutre... marmonna-t-il.
— Je te demande pardon ?
— Quoi ? Je n'ai rien dit ! » lança-t-il innocemment en levant les bras au ciel.
J'ignorai alors son attitude et lui adressai mon plus charmant sourire. Il m'imita grotesquement, avant de reprendre un air neutre voir même antipathique. Je découvris pour la première fois l'envie de frapper violemment quelqu'un au visage, mais bien sûr, je me retins. J'avais tout de même appris les bonnes manières.
J'entrai silencieusement dans la maison, et j'eus envie de crier de joie. Mon père dormait toujours, il n'avait donc pas remarqué mon absence. J'indiquai alors la cuisine à mon visiteur et l'informai que je revenais dans quelques petites minutes.
Une fois changée, je le rejoignis et le surpris en train de regarder, en grimaçant de douleur, une plaie sur son bras qui était dissimulée sous sa manche tout à l'heure. Dès qu'il remarqua ma présence, il cacha aussitôt son bras.
« Mais attends une petite minute... »
Je m'approchai brusquement de lui et il recula d'un pas.
« J'ai trébuché et je me suis blessé, ce n'est qu'une petite égratignure.
— Laisse moi voir alors.
— Non je t'assure que... »
Et avant même qu'il n'ait le temps de réagir, j'attrapai solidement son bras et retroussais la manche de son pull. Ça ne me prit que quelques secondes avant de comprendre.
« Tu t'es fait mordre par un loup ! »
Il regarda sa blessure et ajouta faussement :
« Ah bah ça alors, comment est-ce arrivé ? »
Il acta la surprise avec très peu de crédibilité.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? N'évite pas la question cette fois.
— Je me suis seulement enfermé à l'extérieur de chez-moi et j'ai perdu la clé, j'ai passé une mauvaise nuit, oui, mais je ne suis pas mort, je vais bien et je vais maintenant rentrer chez moi, ces minutes ici était de trop, lâcha-t-il en se levant.
— Je te casse les deux jambes si tu franchis le portail. »
Il déglutit et s'assit lentement en me regardant.
« Tu es folle. » grommela-t-il.
Je partis et revins avec quelques objets, comme des bandages et des antidouleurs.
« Ne me touche pas.
— Oh, tu crois que je vais me gêner ? »
Sans son accord, j'attrapai son bras et retroussai sa manche.
« Tu dis quoi que ce soit et je te frappe.
— Mais je... »
Je le frappais durement sur le torse et il toussota, les yeux écarquillés. Il ouvrit la bouche, mais se résigna au moment où je levai les yeux vers lui. Il passa sa main dans ses cheveux en bataille et me regarda nettoyer et panser sa blessure.
Je lui proposai ensuite d'aller se nettoyer le visage dans la salle de bains, ce qu'il fit sans broncher. Il ne s'éternisa pas plus longtemps et me rejoignit en traînant les pieds. Je pouvais maintenant voir ses petites tâches rousseurs qui s'étendaient de ses pommettes à son nez. Mon père n'était toujours pas éveillé, il était toujours tôt le matin. Je lui servis un bon café, qu'il ne refusa pas un seul instant.
« Tes parents n'étaient pas là pour t'ouvrir la porte ? » lui demandai-je soudainement.
Il s'étouffa alors à la première gorgée. Un rire nerveux s'échappa de sa gorge.
« Mes parents ? Il y a longtemps que je vis seul. »
Il regarda alors le liquide brûlant dans sa tasse et il ne rajouta rien. Je crus bon de ne rien ajouter.
Mon père s'était levé et avait renvoyé l'inconnu chez lui, à son plus grand bonheur, sous prétexte qu'il était beaucoup trop tôt pour recevoir un invité. Je n'avais même pas su son prénom. Ou plutôt, pas eu le temps. Monsieur avait attrapé le brun par le collet et l'avait jeté dehors, en le jetant dans les pierres en bas de la véranda. La douceur n'avait pas été au rendez-vous, malheureusement. J'étais désolée pour lui. Je l'avais ensuite regardé s'éloigner, sans se retourner.
« Je ne veux pas que tu laisses ce déranger entrer chez nous, tu m'entends ?
— Il était blessé. Il s'est fait attaquer la nuit dernière.
— Attaquer? Tu sais bien que quand quelqu'un se fait attaquer, personne ne survit. Les loups n'épargnent personne.
— Pourtant, lui oui.
— Tu as l'air épuisée, retourne dormir un peu, ça te fera un bien fou, crois-moi.
— Et s'il on l'invitait à dîner? On pourrait apprendre à le connaître et je pourrais te prouver que j'ai raison ! » m'emportai-je.
Il soupira et acquiesça.
« Mais pas ce soir. »
Je lâchai un faible grognement et retournai dans ma chambre pour regarder par la fenêtre. Le soleil était déjà haut dans le ciel.
« Trop tôt pour recevoir quelqu'un, mon cul ouais. » grommelai-je.
Je restai ainsi un long moment à fixer les arbres. J'étais coupée du monde extérieur depuis beaucoup trop longtemps, enfermée entre ces quatre murs. Étrangement, la nuit dernière m'avait fait un bien fou, faire quelque chose que je n'avais jamais fait avant... C'était tellement... Libérateur. Je m'étais sentie libre, sans que mon père m'impose des barrières. Bien sûr, je savais à peu près à quoi ressemblait le village, mais je ne me rappelais même pas d'y être déjà allé. Je m'ennuyais, ici. J'avais lu tous les livres de la maison des dizaines de fois, compté les pierres dans la cour des centaines de fois et photographié les arbres des milliers de fois. Les murs de ma chambre étaient recouverts de cliché de la forêt en noir et blanc... Parfois, un loup apparaissait entre les arbres, ce qui différenciait la photographie des autres, la rendait un peu plus unique.
Cette épidémie était une malédiction pour moi. Elle m'avait condamné à rester enfermée ici avec mon géniteur, sans aucun contact de l'extérieur... Jusqu'au jour où le rouquin s'était pointé ici hier. Certes, parfois je voyais le facteur, ou des amis à mon père qui passait faire un tour, mais jamais de personne de mon âge, et ça, ça me rendait folle. J'avais besoin d'amis, de contact humain.
Demain, j'allais revoir cet inconnu qui, étrangement, m'intriguait. Il n'était pas normal, pas besoin d'être devin pour le remarquer...
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