Je pouvais être véritablement moi-même chez moi. Parfois, je criais à pleins poumons et chantais à la fenêtre. Parfois je jouais de la musique et dansais comme un fou. Et parfois je me réveillais la nuit en pleurant. Quand ça m'arrivait, je restais allongé là, à regarder le plafond. Mais je ne me suis jamais effondré à cause de la narcolepsie à la maison.

JiMin n'est pas rentré chez lui après avoir quitté l'hôpital. Il est venu chez moi et regardait désormais la ville, appuyé contre le garde-corps sur le toit. Il devait être en train de chercher notre école, le restaurant Two Star Burger et les lumières le long de la voie ferrée comme moi. Il devait aussi chercher sa maison. C'était quelque chose d'instinctif. Tout le monde cherche sa maison quand il monte quelque part en hauteur ou étale une grande carte.

J'ai pensé lui demander pourquoi il n'était pas rentré chez lui. Mais j'ai abandonné l'idée. Son esprit devait être en désordre et je ne voulais pas l'aggraver. En plus, je pouvais deviner pourquoi en me basant sur la réaction de la mère de JiMin aux urgences ce jour-là. En fait, je posais rarement des questions à mes amis. Je sentais que je connaissais déjà les réponses de la plupart d'entre elles. Et je ne voulais pas qu'ils se sentent mal à l'aise. Ou alors ils pourraient trouver mes questions trop curieuses et ennuyeuses.

Pour être honnête, j'étais toujours curieux de savoir où les autres allaient lorsqu'ils passaient devant mon restaurant. Mais je ne suis jamais allé leur demander. Où est-ce que JungKook allait avec ses blessures ? Le studio de YoonGi était-il dans cette direction ? Pourquoi est-ce que NamJoon avait quitté l'école ? Où est-ce que TaeHyung avait appris le graffiti ? En y réfléchissant, je ne savais pas grand-chose des autres.

"Tu l'as trouvé ?" ai-je demandé en m'approchant de JiMin. "Trouver quoi ?" JiMin avait l'air confus. "Ta maison." JiMin acquiesça. "J'ai grandi dans l'orphelinat juste là." J'ai indiqué un endroit au-delà de la voie ferrée. "Tu vois le supermarché en direction de la rivière depuis la station-service où travaille NamJoon ? Tu vois l'enseigne lumineuse en forme de trèfle derrière ? L'orphelinat est juste à gauche. J'y ai vécu pendant plus de dix ans." Les yeux de JiMin semblaient me demander pourquoi je lui disais tout cela. Mes amis savaient déjà que j'avais grandi dans un orphelinat. Je considérais que c'était chez moi. Je ne me suis pas forcé à penser ça pour avoir l'esprit tranquille. Je considérais vraiment que c'était ma maison. Une maison sans maman.

"J'ai quelque chose à avouer." Quelque chose sur quoi j'avais menti. "Que ma narcolepsie était fausse." C'est peut-être pour ça que je ne pouvais rien demander à personne. Ce n'était pas parce que j'avais peur de leur faire du mal. C'était parce que j'avais menti, parce que je n'avais pas le courage d'être honnête. Parce que, une fois que je l'aurais admis, je devrais aussi admettre que je n'ai personne à appeler "maman", pas seulement à l'orphelinat mais dans le monde entier. C'était sans doute pour cette raison que je ne questionnais aucun d'entre eux à propos de leurs problèmes.

JiMin n'était pas doué pour cacher ses sentiments. Son regard surpris était explicite. Je ne savais pas comment m'excuser auprès de lui. JiMin s'était inquiété pour moi d'innombrables fois. Il avait dû fondu en larmes lorsqu'il en avait été témoin pour la première fois. "Je l'ai pas fait exprès. J'ai juste dû ignorer qu'il y avait un moyen pour moi d'aller bien. Je sais que ça a pas de sens. Je peux pas le décrire clairement."

"Alors, est-ce que ça va maintenant ?" JiMin, qui écoutait sans dire un mot depuis un certain temps, tourna la tête vers moi et me posa cette question. Est-ce que je vais bien maintenant ? Je me le suis demandé. JiMin me regardait toujours. Il n'était ni en train de me critiquer, ni en train de sympathiser avec moi. J'ai regardé la ville lumineuse en bas. "Eh bien, je sais pas. On le saura avec le temps. Je suis impatient. Pas toi ?" JiMin gloussa. J'ai ri avec lui.