Je suis retourné chez moi. Les photos étaient toujours éparpillées sur le sol. Je les ai ramassées une par une. YoonGi et JungKook assis sur un tabouret et jouant du piano, NamJoon assis près de la fenêtre, et HoSeok et JiMin dansant et s'amusant.

Le mal de tête lancinant était toujours présent. Mais je savais. La douleur était la preuve que ce que je regardais et essayais de me rappeler était important pour moi.

J'ai ouvert la carte de l'âme de mon père. Si c'était effectivement la carte de son âme, alors que serait la carte de mon âme ? Mes erreurs et mes fautes, les choix que j'avais et n'avais pas faits, et les choses qui avaient changé en conséquence... La carte de mon âme contiendrait tout ça.

Soudainement, les personnes sur les photos semblèrent se mettre à bouger. J'ai cru entendre HoSeok et JiMin rire, et JungKook se tourner pour me regarder. Et j'ai entendu YoonGi jouer du piano. NamJoon et TaeHyung courant et riant à la plage.

Tous ces instants sur les photos se sont élevés dans l'air et se rejouaient comme sur une vidéo. La musique était jouée, ils éclataient de rire, et le soleil était brûlant. Les instants se sont superposés les uns les autres, les photos ont été fusionnées, et quelque chose d'inconnu s'est détaché de mon cœur et s'est répandu. Ça a parcouru mes veines et déferlé dans tous les coins de mon corps. Quelque chose qui obstruait ma tête s'est désagrégé et les souvenirs ont explosé tels des feux d'artifice.

Une fois libérés, les souvenirs ont tournoyé, déconcertants et déroutants. Toute la chambre brillait de souvenirs tourbillonnants qui étaient tristes, nostalgiques, déchirants ou joyeux. Je ne pouvais pas y croire tandis que je les fixais. Comment avais-je pu les oublier ? Et je me suis rendu compte que quelque chose dégageait de la lumière dans ma poche.

Je l'ai sorti. C'était un polaroïd. Une photo aux lignes nettes et froissées. J'ai cru entendre la voix de JungKook. "Prenons une photo ici." Je me suis tourné et ai vu la plage. Tous mes amis couraient vers ma voiture. Chacun a trouvé une place et a pris la pose. Clic. J'ai appuyé sur le déclencheur.

Non, ce n'était pas ça. Nous avions pris une photo ici d'innombrables fois. Mais je n'avais appuyé sur le déclencheur de l'appareil photo que lors de la dernière boucle temporelle. C'était la toute première boucle lors de laquelle ils étaient tous les six sur la photo sans moi. Avant ça, j'avais utilisé le minuteur, et nous avions tous été sur la photo.

Ensuite, les instants qui tournoyaient dans la pièce ont disparu, et la scène sur le polaroïd s'est déroulée devant mes yeux. La brise marine soufflait. Il faisait chaud et mon coup était collant de sueur. Le sable dans mes chaussures me piquait.

"SeokJin, dépêche-toi," a déclaré NamJoon en me faisant signe. "Vite ! Cours !" a dit TaeHyung. J'ai réglé le minuteur et ai couru vers eux. Mes pieds s'enfonçaient profondément dans le sable. Juste au moment où j'ai pu me retourner, j'ai entendu le clic de l'appareil photo. Quelqu'un a ri. Il n'y avait aucune raison de rire, mais nous avons quand même ri. Tandis que nous nous montrions du doigt les uns les autres sans savoir ce qui était si drôle, nous nous sommes esclaffés et nous sommes roulés dans le sable. Nous avons ri aux éclats.

Quand je suis revenu à moi-même, j'étais toujours dans la chambre. Les souvenirs que j'avais vus avaient disparu. J'étais seul avec les photos éparpillées dans la pièce. J'ai baissé les yeux sur le polaroïd dans ma main. La scène sur la photo changeait lentement. Je m'y tenais à côté de mes amis devant la voiture au bord de la mer.

Je me suis tout à coup rappelé ce que le chat avait dit : "Il y aura un prix à payer." C'était le prix. Perdre de ma mémoire les souvenirs les plus heureux et oublier les personnes qui m'étaient chères. J'ai alors compris pour quel genre d'horrible contrat j'avais signé.

Le vent soufflait depuis la fenêtre. J'ai regardé autour de moi. Je n'avais aucune idée de combien de temps était passé. Le soleil était levé et il n'y avait pas un nuage dans le ciel. C'était le matin. Une nouvelle journée. Le vent venant de la fenêtre circulait dans la pièce qui avait commencé à se réchauffer. L'air frais et nouveau flottait autour de moi.

"Penses-tu que tu peux réparer les erreurs et les fautes et tous vous sauver ?" J'étais enfin capable de répondre à cette question. Et désormais je savais pourquoi j'étais à nouveau de retour dans la boucle temporelle alors que je pensais en avoir fini avec ça.

La question elle-même était incorrecte. Je ne devais pas nous sauver. Je ne devais pas non plus réparer toutes les erreurs et les fautes.

Je devais accepter toutes mes erreurs et mes fautes comme faisant partie de moi. La seule et unique personne que je ne pouvais pas sauver était moi-même, et je devais me pardonner, m'accepter et m'aimer. C'était la seule réponse.

Le vent s'est calmé puis s'est dissipé. Je me suis rendu compte que toute la souffrance avait pris fin.