2 - Daenerys
Reconstruite, la Salle du Trône, aux murs en bien nouvellement façonnés, baignait dans une odeur de peinture fraîchement apposée sur les boiseries. Au pied de chaque pilier, rebâti à l'image des anciens, brûlait un feu ardant. Malgré la férocité des brasiers, la fraîcheur dominait la pièce. A la place du Trône de Fer siégeait une insignifiante chaise en bois avec l'emblème Stark gravé dans son dos. Comme Aegon, j'en construirai un avec toutes les épées de mes ennemis humiliés et vaincus.
La nuit tomba et la lune disparut. Les étoiles étaient absentes. Un signe, certainement. Le rugissement de Drogon traversa le ciel dans un bruit terrible qui fit presque trembler les vitres des fenêtres. Les pas de ses Immaculés traversaient les rues et ils criaient des ordres. Depuis son arrivée, le peu de populace présente s'enfermait dans leur petite maison en pierre. Ils ont peur. Il me craignent. Tant mieux. Ainsi, ils m'obéiront. Elle se remémora leurs cris de terreur lorsque Drogon avait hurlé au loin, volant au-dessus de la ville. Ils se souviennent. Elle se rappela aussi du cri du jeune Roi. Le pauvre, incapable de courir, aucun moyen de fuir. Sous le feu du dragon, il n'avait hurlé qu'un bref instant. C'était un garçon intelligent. Dommage qu'il fut choisi roi. Je brûlerai sa sœur avec plus de plaisir.
Daenerys laissa échapper un soupir et poussa la porte qui conduisait dans un couloir. Elle montât les escaliers et atteignit la salle du conseil. A son arrivée, tous se levèrent au même pas. Lord Devan, seigneur de Castral Roc, Lord Gendry, seigneur d'Accalmie, Ser Wallack, gouverneur de la compagine Dorée, du moins ce qu'il en restait, Kridik mo Gaar, prince myrien, Prassando Durdak, princesse lysienne, Grakihr na Haa, prince tyroshien et enfin, son loyal guerrier, Torgo Nuhdo.
Les chuchotements qui circulaient à travers les conseillers se turent lorsqu'elle passa à leur côté et alla s'asseoir à l'extrémité, place de l'habituelle Main.
Elle dévisagea alors chacun d'eux. La lysienne est bien jolie. Ses yeux en amande et ses lèvres voluptueuses offraient de la douceur à son visage. Ses longs cheveux tressés, parsemés de fils d'or lui donnaient un air de princesse. A ses côtés, le tyroshien ressemblait à une grenouille sortie de sa mare. Il avait le visage bouffi, les cheveux gras, un si gros ventre qu'il avait dû légèrement reculer sa chaise pour pouvoir s'asseoir. A sa droite, lord Devan se tenait bien droit sur son siège, un lion d'or cousu sur son torse. Ses pupilles vertes contrastaient avec ses cheveux blonds et lui donnaient un regard ravageur. Je me demande combien de pucelles a-t-il bien pu séduire. Elle n'en ferait point partie. Elle n'avait que trop appris du prix des baisers et du goût amer qu'il en revenait après. La saveur de la mort et du sang. De l'autre côté de la table, siégeait Lord Gendry Baratheon, seigneur d'Accalmie et de ses terres. Il était si jeune lorsque je l'avais nommé. Sa barbe avait poussé. Elle était si touffue qu'elle imagina le Roi Robert assis à ses côtés. Puis venait ser Wallack, pourvu d'un gros nez et d'une vilaine bouche, revêtu d'une armure d'or afin de montrer aux yeux de tous sa richesse et son pouvoir. Un gros arrogant, rien de plus, soupira-t-elle. Puis enfin, le myrien, Kridik mo Gaar, un charmant garçon, les yeux aussi noirs que sa longue chevelure rassemblée en une tresse qui tombait dans son dos. A ses doigts, il contenait tant de bagues en or, argent et pierres précieuses qu'elle se demanda s'il pouvait ne serait-ce que lever sa main. Son fidèle immaculé se tenait à ses côtés, debout, immobile, la tête bien haute.
-Il me faut une Main, et un trésorier.
-Un chef des armées aussi, votre Majesté, ajouta ser Wallack.
-J'en ai déjà un, fit-elle d'un ton sec.
-Votre Majesté, commença lord Devan, je gérais les trésoreries de Castral Roc à l'époque de Tywin Lannister. Négocier avec la banque, j'en ai l'habitude.
-Et rembourser vos dettes ? demanda le myrien, un regard mesquin. Parce que moi, oui. Votre Majesté, j'ai travaillé pour la banque de Fer de Braavos, sauvé des princes qui n'avaient plus d'or, des banquiers qui se ruinaient à force de trop prêter. Je connais le métier.
-Vous êtes arrogant mais vous ferez l'affaire, trancha-t-elle.
Lord Devan parut vexé.
-Quant à la main, je choisirai le plus fidèle. Plus tard.
Un long silence tomba. Lord Gendry se leva :
-Votre Majesté, nous avons le plaisir de vous annoncer que Hautjardin a cédé.
-Parfait. Un de moins.
-Votre Majesté, on m'a laissé entendre dire que le Nord possédait une reine, fit la Lysienne. Elle parlait parfaitement la Langue Commune malgré un très léger accent. Sa voix était si douce. Elle lui rappelait celle de Missandei.
-Oui. Lady Sansa Stark. Et comme son frère, je la brûlerai.
-Ne serait-il pas mieux de laisser le Nord à part ? Beaucoup disent que le chemin se fait dur et que la jeune reine rassemble l'armée la plus grande que le monde n'ait jamais vue.
Elle avait entendu cela aussi. La plus grande armée que le monde n'ait jamais vu est la mienne.
-Je règnerai sur les Sept Royaumes. Pas un de moins. Et pour ce qui est de l'armée du Nord, tous les hommes rassemblés ne seront pas aussi nombreux que les miens. J'ai 70 000 hommes et...
-Pardon de vous couper Votre Majesté, mais Lady Sansa Stark possédera bientôt 100 000 hommes, fit lord Devan.
Je la tuerai. Je jure que je la tuerai moi-même, elle et son arrogance.
-Et comment peuvent être rassembler 100000 hommes si le Nord n'en compte que 50 000 ?
-Le Val est sur le chemin de Winterfell, Votre Majesté. Avec plus de 50 000 hommes à son actif, des provisions et des armes.
Je la brûlerai, se jura-t-elle. Elle et ses 100 000 hommes. Je les brûlerai tous.
Elle se leva brusquement.
-Le Conseil est terminé, annonça-t-elle.
Cette réunion avait été bien courte, mais elle avait plus important à faire.
Torgo Nuhdo est ses trois Immaculés l'accompagnèrent jusque dans les cachots. Là-bas, l'air empestait le renfermé et la saleté, une odeur affreuse obligeant la reine à se recouvrir le nez. La lumière ne traversait les énormes murs de pierre qu'à travers de petites fenêtres carrées.Des courants d'air froid la firent frissonner. De chaque côté, des portes en bois épais étaient gardées par ses Immaculés. La plupart des petites ouvertures avaient été calfeutrées par des barres de fer. Ses pas résonnèrent et elle entendit d'imperceptibles mouvements dans certaines de ses geôles. Elle arriva finalement devant une porte et ordonna à ses gardes de l'ouvrir.
A l'intérieur, elle trouva Tyrion Lannister, avachi dans un coin, des fers aux poignets, accrochés contre un mur. Sa barbe avait poussé, des rides vieillissaient son visage, sa chemise était devenue noire de crasse. Lorsqu'il l'aperçut, il se redressa et l'observa attentivement.
-Lord Tyrion Lannister.
-Tuez-moi que l'on en finisse.
-Combien de rois avez-vous servi ? Un, deux, quatre, dix ?
-Trois, Votre Majesté.
-Trois Rois. Trois fois Main. Vous ne le méritez pas.
Son ton presque dégoûté fit baisser le regard du prisonnier.
-Comment êtes-vous revenue ?
-Le feu et le sang.
-Ne croyez-vous pas que vous avez assez fait de désastres ?
-Je les ai sauvés. Et en retour...
-Vous ne les avez pas sauvés, la coupa-t-il, et la fixant de nouveau. Vous les avez brûlés, massacrés. Vous avez exterminé des enfants, des mères, des vieillards, des nourrissons qui ne demandaient qu'à vivre. Ils s'étaient rendus. Je vous avais dit que si la cloche sonnait, vous ne leur feriez aucun mal. Varys savait. Il savait ce que vous alliez faire. Il ne voulait se mettre au service d'un tyran. J'aurais dû faire la même chose.
-Mais vous ne l'avez pas fait.
-Et j'ai eu tort. Je croyais en vous. Je n'aurai pas dû.
-J'ai fait mon devoir de reine.
-Une reine ne massacre pas son peuple.
-Cersei ne m'a pas donné le choix.
-Que ferez-vous pour le Nord si Lady Sansa ne se rend pas ?
-La même chose que j'ai fait pour Cersei.
-Sansa est différente. Elle ne veut que le bien pour son peuple.
-Sansa finira comme son frère si elle ne plie pas le genoux devant moi.
-Vous voulez brûler tout le monde. Si tout Westeros se retournait contre vous, vous le brûleriez, n'est-ce pas ? A force d'avoir combattu les monstres de ce monde, vous en êtes devenu un. Pourquoi pensez-vous que Jon Snow vous a poignardé ? Pour s'emparer du trône ? Non. Pour éviter des morts. Pour permettre au peuple de vivre. Vous vouliez rendre le monde harmonieux, mais tout ce que vous avez fait c'est l'enfoncer dans la misère. Vous vouliez la paix, mais vous n'avez fait que générer des guerres. Je vous croyais différente. Jon Snow vous croyait différente. Au fond, vous êtes comme les autres.
Peut-être a-t-il raison. Peut-être devrais-je faire la paix avec le Nord et éviter ainsi la mort de milliers d'innocents.
-Mais vous pouvez changer cela, continua-t-il. Vous...
-C'est trop tard. A présent, je n'inspire que la peur dans le peuple.
-Ce n'est jamais trop tard.
-Pourquoi devrais-je vous écouter ?
-Parce que j'ai connu des rois qui n'apportaient que le mal, et qui n'ont trouvé que la mort.
-La mort m'a emportée et la mort m'a rendue. Si elle l'a fait, c'est que j'avais une mission. Je dois apporter à ce monde du renouveau.
-Si le renouveau est pour vous la fin de tout, la misère, la faim, la mort, les pleurs, alors oui, cela je n'en doute point, il y aura du renouveau.
-Vous ne méritez pas de vivre.
-Mais mes mains sont moins tachées que les vôtres. J'ai connu autrefois une Daenerys Targaryen qui voulait la paix dans le monde. Qui y croyait. Cette Daenerys est morte lorsqu'elle a posé le pied sur Westeros.
-Tue-le, ordonna-t-elle à Torgo Nuhdo en valyrien.
L'Immaculé s'avança, pointa sa pique vers le torse de Tyrion et l'enfonça. Elle n'eut le temps que d'apercevoir l'expression de surprise dans ses yeux avant que ceux-ci ne s'éteignent.
S'il voit en moi un monstre, alors j'en serai un. Un monstre ne montre aucune pitié envers ses ennemis. J'en ferai de même.
Sur-ce, elle s'en alla d'un pas plus rapide qu'avec lequel elle était venu.
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