Chapitre 15
Une douce chaleur vient caresser mon visage, me sortant peu à peu de mon état comateux. Malgré mes yeux clos, je devine facilement que cette source de chaleur est due à cette lumière, venant sans aucun doute du soleil. Tout mes membres sont affreusement douloureux, mais le pire reste la migraine qui m'assaillit la tête, je n'ose pas ouvrir les yeux.
Je crois que le plus dur est de supporter tout ces reflux d'images qui se bousculent dans ma tête. Je me souviens d'absolument tout, chaque détail, chaque odeur, c'est comme si j'étais encore enfermée dans cet hôpital, sauf que je sais que ce n'est plus le cas. Élias est venu me chercher.
J'entend un grincement de porte, mon coeur rate un battement, tous les muscles de mon corps se contractent et j'ouvre subitement les yeux, paniquée.
Elias se tient debout au pied de mon lit, les bras croisés contre son torse. Une mine inquiète peint son visage, et lorsque ses yeux croisent les miens, il soupire avant de faire le tour du lit pour venir à mes cotés. Je ne peux pas nier le fait que sa présence me soit réconfortante, mais je n'ose plus bouger, ni respirer, luttant de toutes mes forces contre les envies contradictoires de vouloir m'engouffrer dans ses bras et de partir en courant.
- Comment tu te sens ? s'enquiert-il.
Il s'assied prudemment sur le bord du lit où je me trouve, comme s'il redoutait ma réaction. L'espace entre nous maintenant réduit, j'ai presque la sensation de pouvoir sentir sa chaleur corporelle se propager sur ma peau, et je me perds encore dans ses yeux. Je n'avais jamais contemplé de si beau regards, capables de plus en dire que les mots. Avec le temps qui s'est écoulé, j'avais pensé que cette douce alchimie entre nous s'estomperait. Or, il semblerait qu'elle soit intacte. Comme la première fois, il suffit qu'il pose les yeux sur moi pour que mon corps s'embrase, pour que mon coeur perde tout contrôle.
- Bien, réponds-je la voix enrouée.
Je brise le contact visuel que nous avons afin d'inspecter la pièce où je me trouve. C'est une grande chambre, les murs sont en bois, elle est décorée simplement sans trop d'objets personnels. Une grande baie vitrée avec un accès sur un balcon éclaire la pièce. Et de ce que je vois, il semblerait qu'on soit au coeur d'une forêt.
Je baisse mon regard sur mes poignets, la marque des sangles y est, des hématomes autour me font repenser à cette nuit, un long frisson me parcourt la colonne vertébrale. Ça aurait été plus simple si je n'en n'avais gardé aucun souvenir, malheureusement je me souviens de tout. Je prends une grande aspiration, mes paupières closes, j'ai besoin de savoir.
- Le docteur Murphy-
- Est mort, me coupe-t-il brusquement.
Je pose mes yeux sur lui, son regard est dur, sa voix est froide, traduisant une colère noire. Cette nouvelle me soulage, aussi horrible que cela puisse paraitre, sa mort me procure un sentiment de sécurité. J'avale difficilement ma salive, le coeur serré, je prends une grande inspiration, mais à quoi je pense ? Comment je peux penser ça ?
Elias a tué cet homme et ça semble ne pas l'atteindre.
Mais comment pourrais-je lui en vouloir sachant que c'est pour moi qu'il l'a fait ?
- Pourquoi tu es venu me chercher ? demandé-je perdue.
Je ne comprends pas pourquoi le docteur Murphy m'a torturée, ni en quoi je suis différente et encore moins pourquoi Elias s'en est mêlé. Ma différence est liée à mes hallucinations, même s'il m'est difficile de l'admettre, certaines avaient du sens, comme la femme que j'ai vue à l'hôpital. Pourquoi les autres n'en auraient pas ?
- C'est pas le plus important, répond simplement le métamorphe.
Je roule des yeux, cette réponse à prévoir. C'est pourtant simple, mais il persiste à rester un mystère entier. Pourtant je suis la principale concernée, je devrais être mise au courant de ce qui se passe.
- J'ai le droit de savoir, rétorqué-je sèchement.
- Je n'ai jamais dit le contraire, mais il y a plus urgent, explique Elias.
Il a raison, le fait de connaitre ces raisons qui l'on poussé à venir me cherche importe peu, ça ne me fera avancer nulle part.
- Tu sais pourquoi ils en avaient après toi ? me demande t-il.
Si même lui ne le sait pas, comment je suis censée le savoir ? J'avais pensé qu'il m'apporterait les réponses que j'attendais, je suis une nouvelle fois dans l'ignorance la plus totale, c'est terrifiant. Un long frisson me parcourt, je serre la couverture entre mes mains, et finis par secouer la tête, prise de vertiges. Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Je me sens désemparée, entrainée dans quelque chose de bien plus grand que moi, tout ça pourquoi ? Parce que je ne rentre pas dans les cases ? Pourquoi j'étais destinée à faire la rencontre de cet homme surnaturel, pourquoi pas quelqu'un d'autre ? La vie n'a vraiment aucune logique.
- Je pensais que tu le savais... murmuré-je.
- Non pas encore, soupire Elias, mais ça ne saurait tarder...
Un autre silence s'installe, je suis partagée entre un sentiment de peur et de protection. Je ne sais plus ce que je suis censée ressentir, ou faire. C'est un loup garou, le simple fait de le penser me donne l'impression d'être encore plus folle, mais quel qu'il soit, il m'a sauvé la vie.
- Je sais que tu dois avoir des questions sur... (il se racle la gorge, hésitant), ce que je suis par exemple. Et bien entendu, j'y répondrai.
Elias se lève du lit, il fait le chemin doucement vers la porte.
- Je t'ai laissé des vêtements dans la salle de bain, fait-il en m'indiquant la pièce en question. Tu peux prendre une douche, rejoins moi en bas quand tu es prête.
Il ferme la porte derrière lui, j'ai l'impression de pouvoir à nouveau respirer. Je commence à bouger doucement, mes muscles, douloureux, m'empêchent de me lever trop vite. Une fois mes pieds au sol, je suis obligée de me tenir au lit avant de faire le moindre mouvement. Ça tambourine dans ma tête. Mais finalement, je parviens jusqu'à la salle de bain.
Accrochée aux rebords du lavabo, les yeux fixés sur mon reflet, je suis choquée par mon état physique. Le fait de m'avoir planté des aiguilles dans le cou à causé des hématomes sur celui-ci, j'ai également maigri. Avec mon teint pâle et les cernes sous mes yeux, j'ai l'impression de revenir d'entre les morts, de revenir de loin. Je ne sais pas comment je suis censée vivre maintenant, il m'est inconcevable de reprendre ma vie là où elle s'est arrêtée, avec tout ce que je sais, vécu, je ne vois plus le monde comme autrefois. Il me faut remettre en doute tout ce que je crois savoir, il me faut tout redécouvrir, réapprendre, il n'y a que de cette manière que je trouverai la manière de vivre à nouveau. Les larmes me montent aux yeux. Peu importe mes convictions, peu importe ma peur, il va falloir que je vois le monde plus grand.
***
Lavée et vêtue de vêtements propres, je sors prudemment de la salle de bain. J'hésite quelques instant avant de sortir également de la chambre pour rejoindre les escaliers. À l'image de la chambre, le couloirs est spacieux, aucune raison de s'y sentir enfermé, d'autres portes arpentent les murs, ce qui ne fait que confirmer ma première impression, c'est une grande maison. J'avance dans le couloir jusqu'aux escaliers, mon coeur tambourine dans ma poitrine, il me semble si bruyant, je n'entends que ses battements. Je descends avec une lenteur infinie chacune des marches, et malgré cela, le temps qu'il me faut pour arriver en bas me paraît bien court. Comme le haut, l'espace est grand, éclairé, très traditionnel, mais sans aucune photo, rien de personnel sur les murs ou les meubles. C'est assez curieux.
- Enfin debout.
Sans que je puisse le contrôler, je bondis en arrière, alertée par cette voix masculine. Je fais face à mon interlocuteur, Elias. Ce dernier me regarde, appuyé contre l'embarrure de la porte, les bras croisés contre sa poitrine. Fidèle à son image, le regard soudainement devenu inexpressif. Qui se douterait de ce qui s'y cache réellement, derrière ce regard noir. Nous restons là, seulement quelques secondes, à nous regarder, sans qu'aucun d'entre nous n'ose briser ce silence. C'est probablement lâche de ma part, mais la réalité est déjà suffisamment terrifiante et ce qu'il s'apprête à me dire risque, j'en ai bien peur, de me plonger dans des ténèbres plus obscures. Les sentiments qui se bousculent dans tout mon corps sont également responsables de mon incapacité à sortir un mot, et une des choses les plus étranges reste l'attraction disproportionnée que je ressens à l'égard de ce jeune homme. Il suffit qu'il me regarde. Quoi de plus simple et de plus banal que de regarder une personne... et malgré la simplicité de l'action, je fais partie de ceux qui pensent qu'il n'y rien de plus révélateur que cela, parce que même avec des efforts acharnés pour essayer de garder ce qu'on ressent, ce qui transparaît dans nos yeux c'est bien la vérité.
Elias finit par me faire signe de le suivre avant de s'engouffrer dans la pièce derrière lui. Je traverse une grande salle à manger, en capacité d'accueillir une dizaine de personnes, toujours dans la modernité. Puis nous passons dans la cuisine, typiquement américaine avec une touche de modernité comme toutes les autres pièces.
Il s'avance vers le frigo pour en sortir une bouteille de jus d'orange avant de verser le contenu dans un verre qu'il fait glisser sur l'îlot central jusqu'à moi.
- Merci, marmonné-je.
La gorge desséchée, je bois le verre d'une traite, appréciant la fraîcheur nécessaire pour apaiser ma soif.
Je repose le verre sans relever les yeux vers lui. Je suis paralysée, et au moment même où mes yeux croiseront les siens je devrai me résoudre à faire face à la vérité, chose que je veux. Seulement, suis-je vraiment prête à l'entendre ? Je sens les battements précipités de mon cœur dans ma gorge, oppressée par le regard noir d'Elias qui me brûle la peau, le seul moyen de calmer la situation c'est d'affronter la réalité, je n'ai plus le choix.
Je relève la tête, mes yeux s'accrochent aux siens, ma salive passe difficilement dans ma gorge toute rêche. Je pose mes mains moites sur l'îlot central à la recherche d'un peu de fraîcheur, mais surtout un moyen de soutenir mon poids.
Malheureusement, le simple fait de le regarder ne fait qu'augmenter la température de mon corps, mon rythme cardiaque. Je m'embrase complètement, je perds le contrôle un peu plus.
Mais ces pensées font apparaître des parcelles de souvenirs, me ramenant brutalement sur Terre. Ce séjour dans cet asile, mes cauchemars, mes hallucinations et son corps se changeant en un loup. Il est hors de question que je reste dans l'ignorance si je veux comprendre.
- Je veux tout savoir, finis-je par déclarer. Je ne veux pas être épargnée. Je veux connaître jusqu'au moindre détail de cette histoire.
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