Chapitre 14
Je ne sais plus combien de temps cela fait que je suis ici, dans cet hôpital, dans ce lit, enchaînée, mais la peur m'a quittée depuis longtemps, la notion du temps m'a échappée. Les injections du Docteur Murphy me plongent en enfer. Je suis vide, je ne sens plus la douleur, comme si mon corps s'était habitué à la ressentir, elle fait partie de moi, ainsi que les cauchemars.
Je ne distingue plus la réalité des rêves, que se soit l'un ou l'autre c'est exactement la même chose, je vois et entends des choses que personne d'autre ne peut percevoir.
Difficilement, j'ouvre mes paupières, la nuit est tombée. Visiblement je me réveille d'un long sommeil, la dernière chose dont le me souvienne c'est la visite du Docteur Murphy tôt le matin. Mes poignets et mes chevilles ne sont plus liés alors je me redresse, les muscles de mon corps sont engourdis, et ma tête sur le point d'exploser.
Mais il faut absolument que je sorte d'ici.
Mes pieds touchent enfin le sol froid, il me faut un moment avant de trouver mon équilibre pour pouvoir tenir debout, puis, à petits pas, je me dirige vers la porte. Je n'ai plus rien à perdre.
J'ouvre la porte, le couloir est vide et sombre.
- Bryséis...
Je tourne la tête en sursautant. Une grande femme rousse, portant la même blouse que la mienne, se tient devant la porte des escaliers. Un sourire bienveillant orne ses lèvres avant de disparaître dans les escaliers. Je jette un coup d'œil de l'autre côté, avant de me lancer à sa poursuite.
Elle descend les escaliers sans me regarder une seule fois, elle semble déterminée. Elle est la seule personne que je croise ici qui n'a pas l'air dangereuse, et c'est pour cela qu'elle m'intrigue autant. Cela fait longtemps que je n'ai pas aperçu un semblant de sécurité, je ne peux pas la laisser filer.
Elle m'entraîne jusqu'au sous sol, dans un long couloir, semblable à ceux qui sont à l'étage. Un froid glacial qui traverse ma peau, jusqu'à mes os. Cet endroit regorge de mauvais souvenirs, je peux le sentir. Un frisson parcourt mon corps, un goût amer dans le fond de la gorge. La lumière des escaliers est la seule source lumineuse qui éclaire ce long couloir sinistre, le sentiment de sécurité qui j'ai pu ressentir un peu plus tôt disparait immédiatement.
- Bryséis.
Je tourne brusquement la tête, la voix provient de derrière une des portes, elle continue de m'appeler, encore et encore, alors j'avance, pas à pas, jusqu'à elle. Je pousse lentement la porte me donnant accès à une pièce sinistre, sans aucune fenêtre, un siège médical en son centre, des sangles sur les accoudoirs ainsi qu'au niveau des chevilles. J'en ai la chair de poule.
- C'est ici.
Je sursaute, surprise par la proximité de cette voix. La rousse se tient juste à mes côtés, les yeux rivés sur le siège, l'air très fatigué. Du sang tache sa chemise...
- C'est ici quoi ? murmuré-je.
Elle se tourne complètement vers moi, sans un mot, elle me fixe. Je redoute sa réponse, bien que je puisse la deviner, à la vue du sang sur sa robe. Mais elle aborde un air si désespéré, c'est probablement pire que ce que je crois.
Quelqu'un hurle.
L'air se refroidit, je suis prise de vertige et des hauts de coeur restent bloqués dans ma gorge. Elle est là, attachée sur le siège, des hommes en blouse blanche autour d'elle, avec sur la tête un casque relié à un compteur électrique. Je recule en étouffant un cri. Cette vision est absolument terrifiante, mon corps entier tremble, des scénarios tous aussi horribles les uns que les autres se bousculent dans ma tête. Je n'arrive plus à bouger, et je me rends compte que personne ne me voit. Est-ce encore une hallucination ? Je ne peux pas y croire, la terreur est bien trop réelle, je ne peux pas imaginer ça. Quand est-ce que cela va s'arrêter ?
- Pitié... arrêtez, supplie-t-elle.
Elle hurle un peu plus, pleure, lorsque un des médecins s'avance vers le compteur électrique. Quand il actionne le bouton, ses cris ne sont que plus forts.
Cette vision d'horreur m'est insupportable, ses cris sont de plus en plus aigus, plus perçants. Ils me font affreusement mal, comme une lame qu'on viendrait planter dans mes tympans et dans mon cœur, je ferme les yeux et mains viennent recouvrir mes oreilles.
- Arrêtez ! crié-je à pleins poumons.
Soudain, plus aucun bruit, l'air se réchauffe doucement, je n'entends que mon coeur battre et ma respiration effrénée. J'ouvre les yeux, mes bras tombent le long de mon corps, il n'y a plus personne.
- Ils vont te faire la même chose, me prévient-elle.
Je sursaute une nouvelle fois. Maintenant, elle se tient devant un meuble, elle le regarde fixement, j'inspire un bon coup afin de calmer les battements de mon coeur avant de m'avancer vers elle.
- Pourquoi ? Je ne comprends pas, qu'est-ce que cela veut dire ? fais-je perdue.
- Parce que tu es différente, nous sommes toutes les deux différentes.
Mes sourcils froncés, je ne sais pas si je dois être effrayée par cette annonce ou soulagée. Ses yeux fixés sur les tiroirs m'interpellent, j'en ouvre alors un. De nombreux dossiers y sont rangés, classés par ordre alphabétique. J'inspecte du regard les poignets de la rousse, à la recherche d'un bracelet médical, que je vois finalement autour de son poignet droit. Hanna Walsh. J'ouvre un autre tiroir afin de tomber sur les dossiers en " W " et m'empare du sien.
" Patiente 1326- 1952"
Mon coeur s'arrête. Ce titre me fait froid dans le dos.
- « La patiente se plaint d'hallucinations violentes, visions de proches décédés, toutes semblent être liées à une personne morte. Décédée lors d'une trépanation, âgée de dix-sept ans. »
Ma respiration s'accélère, on lui a fait une trépanation en plus de ce que j'ai, qui sait ce qu'elle a subi d'autres... Toutes ces personnes dont le dossier est ici ont subi le même sort. Mais pourquoi ? En quoi sont-ils différents ? En quoi je suis différente... ?
Elle a dit que j'étais comme elle.
Je suis prise de panique en réalisant ça, ils pourraient me faire la même chose. Je ne suis pas en sécurité ici, il faut que je parte.
- Tu as fini par descendre.
Je me retourne vivement. Le docteur Murphy se tient à l'embarrure de la porte. Dès que je croise son regard, je me raidis de frayeur. Il est la cause de mon malheur actuel, et le sourire maléfique qui se dessine sur ses lèvres me foudroie de panique. Mon coeur s'emballe, ma respiration est courte, je suis dans un sacré pétrin et cette fois, personne pour m'aider. Je me recule pour mettre un maximum de distance entre lui et moi, mais mon dos heurte l'étagère, il rit. J'aperçois vite du mouvement derrière lui, et il s'avance dans la pièce. Au fur et à mesure qu'il avance, ma poitrine est plus douloureuse, je ne veux pas qu'il s'approche. Je ne parviens pas à calmer mes tremblements, il rit une nouvelle fois.
- Maintenant tu sais ce qu'on fait aux gens comme toi.
Ça sonne comme une menace, d'un sadisme terrible. Je n'en peux plus, je veux sortir d'ici, je n'ai jamais été aussi terrifiée qu'à cet instant. Du coin de l'oeil, je vois les autres se rapprocher, je colle encore plus mon dos contre la paroi en métal au point de me faire mal.
- Installez là, ordonne alors froidement le docteur.
Avant que j'ai le temps faire le moindre mouvement, deux hommes m'attrapent par les bras.
- Lâchez moi ! hurlé-je aussitôt.
Je me débats de toutes mes forces, animée par la peur et la rage. Grâce à ma souplesse acquise, j'arrive à les frapper avec mes jambes, ils jurent sous mes hurlements et j'ai l'impression de pouvoir me défaire. Mais rapidement quelqu'un d'autre vient attraper mes jambes, m'arrachant tout espoir. Leur prise est violente et douloureuse, ceci me fait réaliser la gravité de la situation dans laquelle je suis. Je ne veux pas mourir. Je ne peux pas, pas maintenant et pas comme ça, surtout pas.
Ils m'installent sur le siège médical, leurs confrères sont déjà là pour attacher mes mains et mes pieds, je suis définitivement prisonnière. Les larmes roulent sous mes joues, c'est sans espoir, il n'y a rien que je puisse faire.
- Qu'est-ce que je vais faire de toi ? jubile alors le docteur Murphy.
Il fait un signe de tête à ses hommes qui ferment la porte et l'un d'eux lui apporte une grosse mallette. Murphy l'ouvre et délicatement, en sort une espèce de casque, ressemblant à celui de ma vision. Je me débats contre mes liens, un acte désespéré, je n'ai pas la force nécessaire pour les défaire. Alors est-ce que c'est la fin ? Cette idée me fait frémir de peur, je suis absolument terrifiée.
- Pitié non... supplié-je.
Les sanglots dans ma voix le font sourire un peu plus.
- Je vois que tu sais à quoi sert cette objet. Plus pratique que l'original tu ne trouves pas ? se moque-t-il.
Il prend plaisir à me voir si vulnérable, il aime faire souffrir autrui, je crois qu'on peut dire qu'il a besoin de ça, cet homme est complètement fou. Il s'avance vers moi, le casque dans les mains, mon rythme cardiaque augmente, je bouge la tête de façon à ce qu'il puisse pas me le mettre, c'est la seule défense qu'il me reste.
- Tenez lui la tête ! ordonne-t-il plus fort.
Il perd patience. Il repose brutalement le casque, deux hommes viennent me maintenir la tête et serrent si fort ma mâchoire qu'une plainte de douleur jaillit de ma gorge. Le docteur Murphy sort une nouvelle seringue, je pleure un peu plus.
Sans scrupule, il plante l'aiguille dans mon cou.
D'un seul coup, tous les muscles de mon corps se relâchent, ma respiration et les battements de mon cœur ralentissent, à tel point que je ne trouve plus la force de faire un seul mouvement, ni dire quoi que ce soit.
- Voilà qui mieux, souffle-t-il.
Il pose le casque sur ma tête avant de mettre son visage à hauteur du mien.
- Tu vois ça ? (il me montre une petite manette) Il me suffit de faire tourner ce bouton pour que tu aies mal. (il esquisse un sourire) Et plus je le tourne, plus tu as mal.
- Je vous en prie... arrivé-je à prononcer.
Il se redresse, tenant fermement la manette.
- Je vais te faire mal Bryséis.
Ses mots résonnent dans ma tête et finissent de m'achever. Je ferme les yeux, espérant simplement que ça passe vite.
Soudain, des hurlements retentissent dans le couloir, j'ouvre les yeux.
- C'est quoi ça ?! panique Murphy.
Il ordonne à certains de ses hommes d'aller voir, ils sortent tous une arme avant de s'engouffrer dans le couloir, la porte se referme derrière eux. Les coups de feux camouflent presque les cris, puis un nouveau hurlement retentit, animal, sauvage. Les murs tremblent, les hommes se regardent paniqués, ne comprenant pas la provenance de ces cris de bête.
J'ai déjà entendu ça, dans la forêt.
La porte s'ouvre à la volée, elle est presque arrachée. Et malgré l'injection, mon coeur s'emballe tout de suite. Il est là, Elias. Ses yeux s'accrochent aux miens, son regard est si noir, la posture de son corps montre qu'il est dans une colère incroyable, le torse bombé, les poings serrés, les veines de ses bras ressortent. Et dans ses yeux, je perçois une rage intense, et le brin de tristesse que j'arrive à y déceler me fait frémir. Un certain sentiment de paix m'atteint et la seule chose que je veux à cet instant, c'est d'être dans ses bras.
- Restez où vous êtes ! Sinon je l'active ! menace le docteur Murphy en brandissant la manette.
Elias serre un peu plus la mâchoire, et deux loups entrent à leur tour dans la pièces. Les crocs sortis, ils grognent, menaçants. Jake fait finalement son apparition. Malgré les menaces, Elias avance vers Murphy, cette action me pétrifie.
- Vous êtes sourd ?! N'approchez pas ! hurle-t-il.
Mais le loup garou n'en a rien à faire, au contraire, il effectue une plus grande enjambée.
Un pic de douleur me frappe d'un coup le crâne, un cri de douleur intense s'échappe de mes lèvres. Les yeux maintenant fermés, je sens ma souffrance grandir. Alors, je me sens basculer dans l'horreur. Ma tête va réellement exploser, c'est affreux, je veux que ça cesse, j'en viens à souhaiter qu'on me l'arrache. De toutes les douleurs que j'ai pu ressentir, celle-ci est de loin la pire. Mon hurlement déchire l'atmosphère et masque tous les autres cris de la pièce. J'ai l'impression de mourir peu à peu.
Mais tout s'arrête.
Une douce chaleur se propage dans toute ma tête, et difficilement, j'ouvre les yeux.
Elias est penché au dessus de moi, il semble paniqué, sa main sur ma joue fait disparaitre toute la douleur et le soulagement me submerge. Mes yeux perdus dans les siens, mes sanglots redoublent.
- Tout est fini Bryséis... me chuchote-t-il.
Du bout des doigts, il caresse tendrement ma joue, balayant mes larmes au passage. Je me sens enfin en sécurité.
- Jake, surveille le couloir, fait-il un air autoritaire en se redressant.
Il arrache par la seule force des se mains les sangles à mes chevilles puis à mes poignets, et passe tout de suite un de ses bras sous mes genoux, l'autre dans mon dos pour pouvoir me soulever, ce qu'il fait aisément. J'enroule avec urgence mes bras autour de son cou, ma tête tombe lourdement contre son torse.
- Je t'emmène loin d'ici, dit-il doucement contre mon oreille.
Je hoche simplement la tête, je n'ai pas la force d'en faire plus.
Et je finis par fermer les yeux.
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Comme promis je poste ce chapitre plus rapidement que le précédent 🙏🏼
Alors, le retour tant attendu de Élias vous a plu j'espère ? 😁
Bryséis sort enfin de cet horrible endroit !
J'avance rapidement sur la suite, l'inspiration est de retour donc je vais pas vous laisser sans rien bien longtemps ❤️
N'hésitez pas à me donner votre avis !
Bisous ❤️
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