Les combats venaient de commencer, quand Iluri réussit à se faufiler droit vers le pont et à se glisser entre les jambes des soldats. Normalement, elle aurait du rester auprès de Judal et Serendine. Normalement, mais elle avait vite pris la fuite. La peur dans son cœur ne cessait de s'intensifier, surtout quand elle arriva aux pieds des soldats sur le pont qui venait de s'effondrer. Son regard capta celui attentif de Mystras qui écarquilla les yeux face à elle, elle ne perdit pas une seconde pour le rejoindre de l'autre côté, sur la partie qui était encore rattachée au reste de l'île de Sindoria. Comment les sauverait-elle ? Elle ne savait pas, mais Mystras semblait déjà bien mal en point alors quand le magicien les attaqua de suite après qu'elle se soit posé sur les dalles du pont, elle eut à peine le temps de créer son borg. De se protéger elle, Mystras et Pipirika.

- Iluri, souffla l'Imuchakk.

Elle aussi semblait épuisée par les combats, Iluri devait à tout prix éviter que leurs destins funestes ne se répètent ici. Pourtant la peur continuait de lui tirailler le ventre, elle avait un mauvais pressentiment. Au bout de quelques minutes qui lui parurent courtes, son borg se brisa avec une telle force qu'il l'envoya rouler au sol jusqu'aux pieds de Mystras, qui la lance à la main prévoyait de retourner au combat.
Iluri posa sa main sur la lance de Msytras, elle ne voulait pas qu'il aille au combat, elle ne le pouvait pas le laisser y aller. Alors elle se releva, le vent qui joua un instant sur son visage lui remit ses idées en place. Elle s'agrippa à sa baguette, se redressant le dos droit, elle affronta le magicien.

Leurs sorts volaient, et Iluri se rendit compte que son adversaire était plus fort qu'elle, bien plus fort en fait ! Et pourtant, elle ne pouvait pas abandonner, pas encore, alors elle continua de lutter même quand son corps, son esprit tout lui hurlait de fuir, de sauver sa peau. Elle savait qu'elle s'en voudrait toute sa vie de fuir et de laisser ses amis y laisser leur peau pour finir seule mais en vie.
Elle regrettait bien assez de choses pour que sa vie entière soit gâchée même dans ce nouveau monde et avec cette nouvelle chance. Elle ne serait jamais assez forte pour sauver les gens qu'elle aimait si elle commençait à prendre la fuite maintenant.

Quand le coup du magicien l'atteignit en pleine poitrine et que même les cris de douleurs ne purent sortir de sa gorge. Elle tomba au sol, et roula quelques instants.

- Ce n'était qu'une enfant après tout, commenta le magicien avec un sourire.

Avant même qu'Iluri ne puisse se relever, Mystras était passé à l'attaque.

- Non, soupira Iluri. Ne fais pas ça.

Le respiration saccadée, le souffle court, Iluri réussit à se relever malgré sa blessure à la poitrine qui lui faisait un mal de chien. Elle serra les dents en reprenant sa baguette dans sa main, elle profita de la diversion amenait par Mystras pour attaquer de nouveau le magicien. Même la voix inquiète de Pipirika ne parvint pas à la faire revenir, depuis quand les adultes prenaient ses décisions ? Elle en était capable.

Alors que son coup atteignait le magicien, sa vue se troublait. Elle devait l'emmener au fond de l'océan maintenant. Quelques larmes coulèrent sur ses joues alors qu'elle rassemblait ses forces pour faire apparaître un nouveau pic de glace qui transperça de nouveau le magicien adverse.

- Sale petite !, cria le magicien crachant du sang. Ce genre de coup bas ne devraient pas m'atteindre !

Iluri était incapable de répondre, elle sentait le sang lui remontait de la gorge et elle en cracha sous les cris inquiets des deux adultes qui essayaient tant bien que mal de se joindre au combat.

- Va rejoindre les poissons et crèves-y en silence, marmonna Iluri en lançant un dernier sort sur le magicien.

Lorsque le pic de glace l'atteignit, cassa son borg et s'enfonça encore plus dans sa poitrine, le magicien tomba en arrière. Cependant, Iluri n'eut pas le temps de regarder cet homme sombrer au fond de l'océan que ses yeux se fermèrent.
Elle le savait, elle perdait trop de sang. Ce fut elle qui tomba en arrière, inconsciente.

Deux bras rattrapèrent le corps de l'enfant avant qu'il ne touche le sol, même blessé de cette manière, Mystras ne pouvait s'empêcher de pleurer, cet enfant l'ignorait sans doute mais elle venait de lui sauver la vie.

- Mystras ! Pipirika ! Nous devons partir rejoindre le port !, s'écria Hinahoho.

Hinahoho eut un moment de silence et de choc en voyant le corps de la jeune enfant, elle était à peine plus âgée que ses propres enfants. Il secoua la tête, sa sœur et son beau-frère était bien trop blessé pour porter un corps mort.

- Laisse-là ici, Mystras, on ne peut pas se permettre de l'emporter, un corps mort nous ralentirait, déclara tristement l'Imuchakk.

Bien qu'il continuait de pleurer, Mystras ne put résister à la pression des deux Imuchakks qui le forcèrent à lâcher ce corps sans vie. Alors, ils coururent le plus vite possible malgré les blessures pour rejoindre le port, attraper le dernier bateau et fuir cet enfer, l'enfer de la guerre voilà ce que c'était.

Mais leurs espoirs furent brisées en voyant que le bateau n'avait même pas pris le large, pourquoi ? Comment ? Pipirika soutenait bravement Mystras, ses blessures étaient importantes mais ne le mettait pas en danger. Ils furent rejoints par Drakon qui repéra alors le fanalis assis sur ce qui semblait être un rocher. Il releva la tête finissant par les remarquer, son regard était vide et il était tâché de sang. Le sien ? Celui d'un autre ? Difficile de le dire. Pourtant ce n'était pas son état qui alarma les autres, mais la scène qui s'ouvrait devant leurs yeux.
Des corps étaient dispersés ici et là, et surtout le grand et puissant corps de l'Imuchakk, la femme d'Hinahoho : Rurumu, transpercée de part en part. Sa mort avait dû être des plus douloureuses. La colère, la tristesse, le chagrin coururent dans les yeux d'Hinahoho. Il venait de perdre la mère de ses enfants, une partie de lui venait de partir avec Rurumu.

- Masrur ! Pourquoi le bateau n'est pas encore parti ?, s'alarma Drakon.

- Nous sommes encerclés, annonça enfin Masrur. Le bateau ne peut pas quitter le port. Rurumu a donné sa vie pour leur permettre de monter.

Même pour Masrur, c'était des mots difficiles à prononcer, mais il n'avait même pas osé parler de l'état de son amie fanalis. Alors, il se tut écoutant la rage d'Hinahoho, Drakon qui le ramenait à la raison. Et Sinbad qui arrivait avec Ja'far sur le dos.

- Montez à bord du bateau, Drakon et Hinahoho vont se charger de créer un passage, expliqua Sinbad d'un ton plat. J'ai encore des choses à faire, je reviens.

Lui aussi avait l'air au bout du rouleau. Alors il laissa Ja'far à Pipirika et Mystras, puis finirent par monter sur le bateau.
Ce jour-là, ils perdirent bien plus qu'une maison, ils perdirent des amis, leur famille, et bien plus encore dans une guerre sans fin causée par la vengeance d'une seule femme qui n'aspirait qu'à récupérer un trône perdu, volé par un homme avide de pouvoir et raciste.