Chapitre 11




Parcourant les rues endormies de Dhenema, Dena, couverte d'un châle lui entourant le bas du visage, se rendait au travail. Elle aidait à poncer et peindre le bois pour bâtir de nouvelles maisons. Les hommes coupaient les arbres, et les femmes travaillaient dans l'atelier. Elle aimait bien son travail, seulement il était très fatiguant, et elle n'avait pas la tête à bosser. Elle n'arrêtait pas de penser à son frère, en particulier ce qu'il lui avait révélé ce matin-là.

L'Ombre avait encore frappé. Il était de plus en plus menaçant. D'ordinaire, il envoyait les wendigos pour attaquer les habitants du village, quand ils se risquaient à sortir de l'enceinte protectrice de Dhenema. Ensuite, s'il restait quelque chose des cadavres, les cannibales les rapportaient à leur maître, et ils rejoignaient l'armée de l'Ombre, qui aspirait toutes leur humanité pour en faire des monstres. Plus d'émotion, plus de souvenirs, plus d'amour. Il ne restait que le désir de tuer et le besoin dévorant de se nourrir.

Aujourd'hui encore, elle se souvenait de cette fois où, petite, elle s'était glissée en douce hors de Dhenema, pour partir se promener dans la forêt. Elle venait de perdre ses parents, attaqués par des wen, et elle avait entendu Meika, la fille de Nashoba, dire que les personnes qui avaient été tuées par les wendigos n'étaient pas vraiment mortes et se réveillaient la nuit pour aller se nourrir.

Elle s'était alors levée en pleine nuit, attendant que son frère s'endorme, et une fois hors du village, elle avait erré dans la forêt, espérant apercevoir ses parents qu'elle pensait perdus à jamais. Elle avait entendu du bruit près d'un ruisseau, et en s'y approchant de plus près, elle avait observé avec effroi un wendigo déchiqueter la chair d'un faisan. Elle s'était cachée derrière un arbre, la peur lui nouant le ventre, et n'avait pas bougé de là pendant très longtemps, osant à peine respirer.

Peu après, alors qu'elle entendait toujours les horribles bruits de mastication que faisait le monstre en mangeant, elle avait senti du mouvement non loin d'elle, et en relevant les yeux, elle avait aperçu, terrifiée, une autre bête perchée sur l'arbre en face, la fixant de ses répugnants yeux globuleux.

Elle avait alors crié de terreur, et le premier wendigo avait surgi devant elle, attiré par son hurlement. Il avait retroussé ses babines, et, aussi vif que l'éclair, l'avait mordu à la gorge, manquant de quelques centimètres à peine sa jugulaire.

Elle ne se rappelait plus de la suite, elle était tombée dans les pommes suite à la douleur. Mais elle n'oublierait jamais la dernière vision qu'elle avait eu du cannibale resté perché sur l'arbre, ni le tatouage qui parcourait son avant-bras, identique à celui que sa mère avait. Des symboles de la tribu des Sioux.

Elle qui avait voulu voir ses parents, elle avait été servie !

Son père l'avait agressée, et sa mère, du moins ce qu'il en restait, aurait sûrement fait de même si Nashoba n'était pas intervenu pour la sauver. Dena apprit plus tard qu'il avait été alerté de sa disparition par Chogan, petit garçon à l'époque. Il avait prit plusieurs hommes avec lui et ils étaient partis à sa recherche.

Cette nuit-là, les cadavres ambulants de ses parents avaient été brûlés.

Depuis, quand elle devait sortir, pour aller cueillir des plantes médicinales avec Adsila et Aranck, ou tout simplement pour aller se baigner au lac, elle était toujours accompagnée d'un soldat.

- Salut !

Elle sortit de ses pensées et vit une de ses collègues lui faire signe. Elle lui sourit, et discuta avec elle le reste du chemin. Elle caressa, distraite, la longue cicatrice qui lui barrait le cou. Elle serait toujours reconnaissante à Nashoba de lui être venue en aide. Il était un modèle pour elle, et faisait office de figure paternelle.

- Tu es au courant ? demanda son amie, observant le châle qui entourait toujours le nez et la bouche de Dena.

- Pardon ?

- Oh, ne fait pas celle qui comprend pas. C'est visiblement le cas puisque tu te couvres. Remarque, ton frangin fait partie du cercle privé de Nashoba, il a dû tout te raconter.

- Mais de quoi tu parles, Aiyana ?

Aiyana leva les yeux au ciel.

- Dee, ne fait pas celle qui ne comprend pas. Tu sais que mon mari à un ami qui fait parti du comité, il était à la réunion hier soir. Il lui a parlé de l'épidémie.

Dena poussa un long soupir, déprimée.

- Heureusement que ça devait rester secret.

Aiyana gloussa, et passa un bras sous celui de sa collègue.

- Tu sais comment il est, Paco. Incapable de tenir sa bouche. Je ne sais même pas pourquoi l'okima lui accorde une place au sein du conseil.

Elle devint soudain plus sérieuse.

- Qu'est-ce que c'est cette épidémie, exactement ? Et pourquoi on en savait rien, avant aujourd'hui ?

- C'est l'Ombre, déclara Dena. Il a refait surface, et à défaut de nous tuer à l'extérieur, il s'attaque maintenant à nous de l'intérieur. Pour nous éradiquer plus rapidement, je suppose.

- Oh ! Celui-là ! s'exaspéra Aiyana, en levant une nouvelle fois les yeux au ciel. Quel enquiquineur de première ! Juste parce qu'il n'a pas eu la place de chef, et que son égo en a prit un coup, il s'attaque au monde entier.

Dena éclata de rire. Il n'y avait que son amie pour dévaloriser ainsi leur ennemi, parlant de lui comme s'il n'était qu'un insecte agaçant.

- Tout de même, continua Aiyana, qui ne pouvait s'empêcher d'ouvrir la bouche toutes les trente secondes, pourquoi personne n'a remarqué que les gens tombent malade ? Et Bly ? C'est pour ça, tu crois, qu'il est parti ? Pour chercher un remède ?

- C'est ce que m'as dit mon frère, confirma Dena. Il devrait revenir demain matin. Et pour répondre à ta première question, continua-t-elle,j'imagine qu'ils n'ont pas voulu affoler toute la cité. Quand la rumeur de l'épidémie se répandra, ce qui ne devrait plus tarder puisque Paco ne peut s'empêcher de l'ouvrir, les gens vont paniquer. Ils seront ingérable. Et Nashoba a assez de travail comme ç...

- Bonjour, Dee.

Dena releva la tête et croisa le regard vert émeraude de Pez. Elle rougit instantanément, sous le regard moqueur de sa collègue, et baissa la tête. Quand elle se retrouvait en face du meilleur ami de son frère, la jeune femme perdait complètement ses moyens. Elle avait des sentiments pour lui depuis l'adolescence, mais Pez ne la considérait que comme la petite sœur de son pote. Autrement dit, elle n'avait aucune chance avec lui, et elle était bien trop timide pour lui avouer ce qu'elle ressentait clairement.

Balbutiant une réponse à peine auditive, elle tira son amie par le bras et prit brusquement congé du soldat, le laissant en plan.

- Au revoir, lui cria Aiyana, hilare, se laissant entraîner par Dena, toujours rouge comme une tomate.

Pez leva une main en signe d'au revoir, un sourire au coin des lèvres.

(...)

- Bonjour, tout le monde ! Je vous remercie d'être venus. Installez-vous.

Nashoba avait fait venir tous les villageois dans le parc. C'est là que se tenaient les grandes réunions, ou, dans le cas présent, les annonces.

Certains étaient assis sur des bancs en pierre, et d'autres étendus à même le sol, principalement des jeunes qui laissaient la place aux adultes. Ils étaient tous intrigué par ce rassemblement, et attendaient avec impatience de savoir de quoi il retournait. Même s'ils se doutaient que cela devait avoir un rapport avec les étrangers. Il était rare que l'okima fasse des annonces, le parc était habituellement utilisé pour les fêtes, ou les soirées de feu de camp.

Perry se trouvait à l'écart du monde, à l'instar des filles et des garçons. Étant les seuls blancs du village, et des étrangers de surcroît, personne ne leur avait fait de place pour s'asseoir. Ils avaient dû rester loin des villageois pour éviter un maximum les regards noirs et les chuchotements désagréables. Dena et Aranck se trouvaient avec eux, sous l'œil agacé et courroucé de Meika, la fille de Nashoba, et Elsu, la nièce de ce dernier, et l'amie d'Aranck. Elle était comme sa cousine, peu empathique et désagréable avec le petit groupe de survivants. Elle l'avait d'ailleurs démontré lors de leurs rencontre dans les Thermes.

- J'ai quelque chose à vous annoncer, khola khiyéla (mes amis proches), continua Nashoba. Comme vous avez dû le remarquer, nous avons des visiteurs qui seront là pour un temps indéterminé. Ils ont survécu à un grave accident et ils sont loin de chez eux. Nous devons alors les accueillir comme il se doit. Je sais que certains d'entre vous ne sont pas d'accord avec cette situation, seulement nous ne pouvions les laisser plus longtemps dehors. Chogan les as trouvé en mauvaise posture et leur a porté secours.

Assis non loin de là, Chogan se renfrogna et baissa la tête. Il jeta un regard noir à sa sœur qui lui fit signe, le pouce en l'air et un grand sourire collé aux lèvres. Il tourna la tête et rencontra le regard de Kashina, la belle-sœur d'Aiyana. Elle lui sourit timidement et baissa la tête, les joues rouges. Il sentit à ce moment-là, son coeur battre plus rapidement. Pourtant, il ne montra aucune émotion, comme à son habitude, et détourna le regard. Humiliée, Kashina, les larmes aux yeux, se leva de sa place et partit discrètement.

Dena, qui n'avait rien perdu de la scène, leva les yeux au ciel, traitant mentalement son frère d'idiot.

Kashina était la sœur de Tyee, le mari d'Aiyana. Dena l'aimait bien, c'était une fille douce, qui n'avait pas peur du travail, à en juger par ses journées de dur labeur dans les champs. Et, contrairement à la plupart des filles de son âge, Dena ne voyait aucun inconvénient à ce que Chogan se marie, et elle n'était pas non plus jalouse. Elle voulait le bonheur de son grand-frère, et si cette fille pouvait lui apporter, elle serait heureuse pour eux. Bien sûr, au début, cela ne serait pas facile, elle avait toujours vécu avec Chogan, et malgré son caractère taciturne, ils avaient toujours pu conter l'un sur l'autre. Mais, avec le temps, elle s'y ferait, et comme Kashina n'avait pas fort caractère, elles devraient bien s'entendre. Et puis, un jour ou l'autre, elle aussi se marierait, songea-t-elle en observant le dos musclé de Pez, assis entre Chogan et Lenno.

La jeune femme sortit de ses pensées et se força à écouter la suite du discours de l'itancan (chef).

- Durant leur séjour parmi nous, et à partir de demain, ils donneront un coup de main dans la bonne fonction du tunwan (village). Dans un premier temps, les hommes iront aider Su dans les champs, et les femmes aideront à peindre et décorer les nouvelles maisons.

Des murmures de désapprobation s'élevèrent de la foule. Certains lancèrent des regards peu amène à ceux qu'ils considéraient comme des étrangers, ce qui fit frissonner Perrine. Adsila lui prit la main et la serra fort dans la sienne, lui témoignant ainsi son soutien.

- Qu'est-ce que vous regardez, comme ça ? tança-t-elle.

Ils se détournèrent aussitôt. Perry sourit à la guérisseuse, reconnaissante. L'amérindienne lui fit un clin d'oeil, et se retourna pour écouter la fin du discours de Nashoba.

- ... Et avant de vous laisser partir, je vous invite à aller dans le cimetière, pour aller décorer la pierre tombale construite en l'honneur de Chiara Pierce, une survivante du crash et une collègue de nos invités. Elle a été attaqué par des widjigo il y a quelques jours. Une autre pierre tombale a été construite pour toutes les autres victimes, malheureusement, nous ne connaissons pas leur identité, nous ne pouvons pas donc pas inscrire de noms dessus. En revanche, nous pouvons les décorer en leur mémoire, c'est là tout ce que nous pouvons faire.

L'émotion gagna Perry, et les larmes roulèrent sur ses joues. Wade, derrière elle, lui passa un bras sur les épaules en l'entendant sangloter doucement. Lui-même avait les yeux embués, comme pratiquement tout les hommes. Mila et Anna pleurèrent aussi, dans les bras l'une de l'autre. Mike serra fort la main de sa collègue, vraiment bouleversé par le discours de Nashoba. Il ressentait une forte culpabilité envers Chiara, jamais il n'aurait dû la laisser seule dans cette forêt. Et savoir que ce peuple, en particulier Nashoba, en plus de les héberger, avait fait construire ces dalles funéraires en mémoire des victimes, et de Chiara, l'émut fortement. Il se laisserait presque aller aux larmes, mais il réussit à se retenir de sangloter comme une femmelette.

Ils ne parlaient pas souvent des victimes disparues dans l'accident, mais il savait que personne ne pouvait oublier leurs visages . Après s'être réveillé dans cette forêt, il avait vu des corps coincés sous la tôle du New Blackburn, des morceaux de jambes ou carrément des cadavres coupés en deux. Des femmes, des enfants dont les bras ou les jambes formaient un angle bizarre. Il en avait vomi, et était tombé dans les pommes. Ce souvenir lui donna la nausée.

Soudain, plus loin devant eux, il y eut de l'agitation. La foule se rassembla autour de quelque chose ou quelqu'un. Il n'arrivait pas à voir exactement. Il se rapprocha, imité par Nashoba, Chogan et plusieurs autres personnes.

- Que se passe-t-il ? demanda Aranck.

Dena lui prit la main.

- Je ne sais pas, ma chérie.

La foule s'écarta au passage de l'okima, Chogan, Pez et Lenno, le fils adoptif de Nashoba. Ils virent une femme, allongée au sol, qui saignait des yeux et des oreilles. Elle était prise de convulsions, ses veines, devenues argentées, contrastaient avec l'étrange pâleur de la native américaine. Ses lèvres avaient aussi prit une teinte argentée, presque blanche.

Chogan blêmit, et jeta un regard entendu à Nashoba.

- Écartez-vous !

Adsila arriva en courant. Elle s'accroupit près de la malade et la mit sur le côté. Elle vérifia son pouls, puis soupira de soulagement en constatant que bien que faible, la jeune femme respirait encore.

- Amenez-la au cabinet, en évitant de toucher sa peau le plus possible, ordonna-t-elle. Que tous ceux qui sont entrés en contact avec elle aillent se laver, immédiatement !

La guérisseuse échangea un regard avec Nashoba, qui hocha la tête.

- Et ne sortez plus de chez vous, jusqu'à nouvel ordre. Les personnes contaminées, ou ayant été en contact avec des malades, rendez-vous au Carré.

- Pourquoi ?

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- C'est contagieux ?

Les Dhenemiens posèrent une avalanche de questions, causant un brouhaha général. L'inquiétude pouvait se lire sur les traits de tous les habitants, quand Lenno, le futur dirigeant de la ville, s'en alla, la malade dans les bras, suivit de près par Adsila.

- Ecoutez-moi, tout le monde ! Intervint l'okima. Faites ce qu'a dit Adsila. Vous en saurez plus le moment venu. Pour le moment, rentrez chez vous. C'est contagieux, par conséquent, il est nécessaire, non, primordial, d'aller vous laver immédiatement. Quand j'aurais des réponses à vous fournir, je reviendrait vers vous. En attendant, allez faire votre travail, ou reposez-vous si vous le pouvez. Ah ! Et dernière chose. Jusqu'à ce qu'on en sache plus, évitez le contact physique avec tout le monde. Nous ne savons toujours pas comment cela se transmet, donc réduisons les risques. Dorénavant, chacun mangera chez soi, et un couvre-feu sera bientôt instauré pour limiter les dégâts. Et ne sortez de chez vous que si c'est nécessaire. Comme ceux qui travaillent dans les champs. Les autres, restez chez vous.

La foule se dispersa. Dena fit signe aux filles de la suivre, tandis que les hommes retournaient dans leur maison, après être allés se doucher.

- Merde, jura Mike.

Étendu sur un fauteuil, le steward, la mine revêche, donna un violent coup de poing sur le coussin posé à côté de lui.

- Quoi ? Demanda Eliott, étonné.

Il goûtait une spécialité amérindienne, à base de citrouille et de miel, que leur avait apporté Dena. Depuis qu'il avait goûté ces mets sucrés, l'adolescent n'arrivait plus à s'en passer. Il allait se resservir, mais Wade lui donna une tape sur la main.

- Ne manges pas tout, grogna-t-il. Laisses-en aux autres, à ce rythme-là, il n'en restera plus.

- Qu'y a-t-il, Michael ? Interrogea William.

Mike se redressa, et poussa un long soupir, s'exhortant à se calmer.

- J'en ai tout simplement marre de tout ça. Sérieux, quoi ? Après un crash d'avion, une épidémie ? Après les épreuves qu'on a enduré, je croyait qu'on pourrait essayer de souffler un peu, depuis qu'ils nous héberges ici. Mais non ! On doit faire face à une maladie, qui ne ressemble ni à une grippe, ni à une gastro. Et après avoir perdu Chiara, sans compter tous les passagers du N.B, et Alaric, qui est gravement blessé, je n'ai pas envie de voir l'un de nous périr à cause d'une foutue maladie de mes deux ! Ça fait trop, c'est quoi la prochaine étape ? Tempête de neige, au beau milieu d'une forêt ?

Un silence accueillit la tirade du jeune homme. Les adolescents échangèrent des regards incrédules, ne sachant comment réagir. Will posa une main réconfortante sur l'épaule de Mike, tentant de lui apporter du réconfort.

- Regardes-moi, Mike !

Il parla d'une voix douce, sur un ton paternel. Ce qui fit craquer Mike, lui habituellement fort, ne pouvait plus se retenir, et laissa les sanglots lui déchirer la gorge. Il se prit la tête entre les mains, ne supportant pas de se laisser aller devant des témoins.

Wade prit Eliott par le bras, et sortit avec lui de la pièce, laissant ainsi de l'intimité aux adultes. Eliott réussit à attraper au vol un gâteau, ne pouvant s'empêcher bien longtemps de se goinfrer.

- Michael, commença William d'une voix tendre, mais ferme, c'est normal de craquer, il ne faut pas avoir honte. Pleurer n'est pas une faiblesse, au contraire, c'est se montrer courageux que de se laisser à dévoiler ce que l'ont ressent. Beaucoup d'hommes pensent le contraire, seulement ils ont tord. Nous ne sommes que des humains, pas des robots.

Il marqua une pause, contempla la pièce autour de lui, songeur. Puis, il passa un bras autour des épaules de son ami et lui frotta doucement le dos.

- On a vécu le crash comme si ce n'était pas réel, reprit-il. Comme si nous étions dans un rêve. Enfin, c'est le cas pour moi, certainement à cause de l'adrénaline, je ne sais pas. Il est vrai que nous n'avons jamais vraiment parlé de ce qui nous est arrivé, peut-être parce que comme ça, il nous était plus facile d'occulter l'accident, d'oublier. Mais, je crains que cela n'ait été une erreur. Tout garder pour soi n'est bon pour personne.

La tête toujours cachée dans ses mains, Mike émit un petit grognement.

- Mike, relèves la tête.

Ce dernier poussa de nouveau un soupir, puis consentit. Il regarda Will avec des yeux vides et un épuisement, autant émotionnel que physique, inscrits sur les traits de son visage.

- Regardes autour de toi, ordonna Will.

Mike observa la pièce, des fauteuils aux coussins installés sur le sol, à la grande bibliothèque qui occupait une grande partie d'un mur, et en passant par la cheminée dans laquelle les flammes crépitaient. Il haussa ensuite un sourcil en rencontrant le regard de son collègue.

- Et alors ?

Mike avait parlé d'une voix un peu rauque.

- Et alors, nous avons eu de la chance dans notre malheur, dit William. Nous aurions pu périr dans l'avion, mourir de faim dans la forêt ou se faire attaquer par ces créatures. Pourtant, nous sommes toujours là, en sécurité dans cette cité, nous avons un endroit où dormir, même si nous sommes habitués à plus de confort. Au moins nous ne dormons pas sur l'herbe, dehors. Et, plus important, nous pouvons manger à notre faim.

- Comme toujours, tu sais remonter le moral, Will. Merci...

Des coups frappés à la porte coupèrent Mike. C'était Chogan. Il entra dans le salon avec des plantes de forme ronde, qui contenaient des capitules se terminant par des sortes de pics verts et mauves. Il les mit dans des vases en terre cuite, puis les disposa dans toutes les pièces de la maison.

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Wade, quand Chogan revint dans le séjour, quelques plantes toujours dans les bras.

Eliott et lui étaient revenus quand le natif américain avait toqué à la porte.

- Des bardanes, annonça ce dernier.

- Et ça sert à quoi ? Insista l'adolescent.

Chogan, pas très bavard, poussa un soupir.

- Sûrement à barricader tes lèvres, qui sait ? Peut-être que comme ça elles ne poseront plus de questions idiotes et futiles.

Eliott éclata de rire en donnant un petit coup de coude à son ami, qui, contrairement à lui, était loin d'être hilare. Wade leva les yeux au ciel, excédé.

- Ouuuuh ! Il rigole pas, Chocho, il rembarre sévère !

- Que veux-tu ? rétorqua Wade, il est pas civilisé ce mec. Je peux pas deviner à quoi sert la bardine.

- Bardane, corrigea Chogan. C'est une plante antiseptique. On en met dans toutes les habitations pour limiter la propagation du virus. Et, dans le cas où vous seriez malade, la plante déjà dans la maison permettra aux guérisseurs de gagner du temps. Maintenant, à moins que vous ne vouliez encore me poser des questions auxquelles je n'ai pas le temps de répondre, j'ai encore des choses à faire, il montra d'un signe de la tête les plantes restantes dans sa main.

- Chocho, déclara Eliott d'un air soudain sérieux. Je crois que tu n'as jamais parlé aussi longtemps. Ce jour doit être inscrit dans les fêtes nationales, personne ne doit l'oublier. Vous avez des fêtes nationales, ici ? Non ? Parce que là, mon coco...

- Nous te remercions, Chogan, coupa William. Nous ne te retenons pas plus longtemps. Si vous avez besoin d'aide, nous serions ravis d'aider.

Le frère de Dena hocha la tête. Il se détourna pour partir, mais Eliott s'écria, une seconde fois.

- Euh, c'est pas pour jouer les petites natures, mais je tiens à préciser qu'il faudra se passer de moi, dans l'éventualité où vous auriez besoin d'aide. C'est pas méchant Chocho, mais tu vois, si des gens sont souffrant, honnêtement, je préfère me tenir éloigné. Tu vois la victime au lycée qui tombe toujours malade, au moindre rhume, gastro et compagnie ? Ah, bah non, tu dois pas savoir, pas de lycée à Minas Tirith, hein ? Bon, pour la faire courte, c'est moi. Je tombe toujours malade, toujours...

- On a comprit, Eliott. C'est dingue comment tu parles beaucoup ! s'exclama Mike.

- Tiens , mange, ça t'occuperas la bouche.

Wade donna un gâteau à Eliott. Ce dernier le croqua à pleine dents, ne cachant pas son plaisir de pouvoir à nouveau déguster ces petites merveilles.

- Merchi, ch'est trop bon, brailla-t-il, sous le regard excédé de ses amis.

Évidemment.

Il n'était pas possible qu'Eliott se taise très longtemps.

***

Non loin de là, une créature féminine, aux allures de sirène, se tenait face à un homme très grand, aux cheveux sombres, aux yeux noirs et à la mâchoire carrée. Il regardait la femme d'un air dédaigneux, observant ses cheveux flamboyants tomber jusqu'à ses hanches. Pour toute personne normale, cette femme serait synonyme de séduction, de beauté. Seulement, lui n'était pas comme tout le monde. Il était immunisé contre les sentiments, les émotions et toutes sortes de faiblesse.

- Zyhrs, susurra la femme en posant une main sur son épaule.

Le fameux Zyhrs se dégagea sans ménagement de sa prise. Il ne supportait pas les contacts physiques, et n'avait aucune envie de sentir l'odeur de poisson sur lui. En effet, Amalia, bien qu'ayant une apparence humaine, était une créature marine. On pouvait la comparer à une sirène, puisqu'elle était aussi mauvaise et vicieuse qu'elles, mais sans les écailles.

- As-tu des nouvelles pour moi ?

Le ton de Zyhrs était implacable. Il n'autorisait aucune réponse négative. Il tourna le dos à la femme, et observa, en contrebas, les wendigo dévorer des morceaux de viande animales. À défauts d'humains, il nourrissait ses bêtes avec ce qui lui tombait sous la main quand il allait chasser. Il espérait toujours tomber sur un habitant de Dhenema, seulement ces idiots se faisaient plus prudent, et il était plus difficile de les atteindre.

- J'ai pu m'approcher plus près de la cité, grâce au lac avoisinant. Je les ai observé un moment, et de ce que j'ai vu, le virus a bien été transporté à l'intérieur. J'ignore encore ce qui le motive, mais cet homme a rempli sa part du contrat. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'épidémie ne se répande, et emporte avec elle le plus de monde possible.

Un rictus mauvais étira les lèvres de Zyhrs. S'il avait pu ressentir quelque chose à ce moment-là, cela aurait été de la satisfaction, ou de la joie. Son plan se mettait en action, et son but serait bientôt atteint. Nashoba serait bientôt mort. Et si quelques uns de ses guerriers crevaient au passage, cela lui serait encore plus bénéfique.

- Bien. La prochaine fois, emporte avec toi un ou deux de tes sbires.

- Si je peux me permettre, Zyhrs, cela ne sera pas nécessaire. Je suis plus efficace toute seule, les balourds de mon clan vont me ralentir.

- Eh bien, vois-tu, entama Zyhrs, le fait est que je ne te permet pas. Il se tourna vers Amalia, qui écarquilla ses grands yeux verts quand il lui comprima la gorge. Il semblerait aussi que tes libertés ne s'arrêtent pas seulement à contester mes ordres. T'ai-je permis de m'appeler par mon prénom ?

La fausse sirène secoua la tête.

- La prochaine fois que tu recommences, je te donne en pâture à mes bêtes. Garde en tête que tu n'es pas irremplaçable.

Il pencha le corps d'Amalia au dessus de la fosse où les wendigos s'entassaient. Ils grognèrent en sentant l'odeur de la femme, qui tremblait de terreur en voyant quelques unes des créatures sauter en essayant de l'atteindre.

- Tu entends, comme ils sont impatients de te goûter ?

Sa prise se resserra autour de sa trachée. Il lécha sa gorge, de sa clavicule à son oreille. Il se réjouit quand il vit du sang perler de l'endroit où il avait passé sa langue. Ce geste n'avait rien eu de charnel, au contraire. Cela relevait plus de tendance cannibale.

- Ils ne sont pas les seuls. Au moindre faux pas, à la moindre contrariété que tu m'auras causé, je serait le premier à te déguster. J'ai toujours eu un faible pour la chaire féminine, humaine ou pas. Et je n'ai pas encore eu l'occasion de dévorer des créatures marines. Et j'ai très hâte de remédier à ça.

Il goûta le sang qui coulait dans son cou. Puis, il relâcha sa prise sur Amalia, qui s'éloigna vivement de lui. Tellement vite, qu'elle en tomba sur les fesses. Elle rampa, tentant de s'éloigner, une main sur son cou toujours dégoulinant d'hémoglobine.

- Vas-t-en ! Je n'ai plus besoin de toi.

Elle ne se le fit pas dire deux fois. Amalia décampa, laissant derrière elle une traînée de sang. Elle plongea dans un bassin et disparut, laissant son maître seul dans la pièce.

L'homme reporta son attention sur son armée de cannibales, les yeux pétillants de cruauté.

- Bientôt, Nashoba, je me vengerait bientôt, affirma Zyhrs, une lueur dangereuse dans le regard.

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Pour commencer, je suis extrêmement désolée de cette longue absence.

J'ai été pas mal occupée ces derniers temps, mais j'écris quand je le peux, et je tient vraiment à terminer cette histoire.

Dites-moi ce que vous en pensez. Si vous avez aimé ou pas, trop court ou trop long....

Et si vous ne comprenez pas quelque chose, n'hésitez pas. C'est normal de s'y perdre avec tout ces personnages.

J'essaie de publier la suite bientôt.

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