Chapitre 10




Plus les minutes s'écoulaient, plus la sensation de tomber dans le vide se fit  intense. Et cette impression n'avait rien à voir avec les autres fois, où elle rêvait qu'elle tombait du haut de l'escalier, non, cette fois, c'était plus puissant, plus profond.

Perry était accrochée à son siège et n'arrivait pas à défaire sa ceinture. Elle vit son sac à dos glisser sur le sol, et tandis qu'elle s'acharnait à vouloir défaire sa ceinture, l'odeur de brûlé lui fit lever la tête. Plus loin devant elle, un feu avait embrasé les tissus des fauteuils, et s'avançait dangereusement vers elle.

Elle cria à l'aide, cependant elle était seule dans l'avion. Tous les sièges étaient désespérément vides. Elle aurait pu s'évanouir de terreur à cet instant, mais la panique la gardait éveillé. La fumée, plus épaisse et dense que quelques minutes auparavant, s'insinua vicieusement dans ses poumons et la fit tousser très fort. Sa gorge la brûlait atrocement et elle aurait donné cher pour une goutte d'eau.

Enfin, elle parvint à se libérer de sa ceinture, et tandis qu'elle commençait à se lever, et que l'avion tanguait violemment sur le côté, un wendigo se dressa devant elle, sortit ses crocs et la mordit vivement à la gorge.

Perrine sursauta violemment et se leva en sursaut. Elle était désemparée, ne se rappelait plus où elle se trouvait et observa la pièce autour d'elle. Elle était allongée dans la seule chambre de la maisonnée, Mila et Anna dormaient encore à côté et alors tout lui revint. Après l'épisode de l'incendie, allumé par inadvertance par Ahmuk, le petit frère d'Aranck, qui avait tenté une expérience dans une petite cabane, elle était rentrée avec les filles dans la maison qu'on leur avait attribué. Il n'y avait qu'un seul lit dans la chambre attenante au salon, et Dena leur avait préparé des matelas à côté pour qu'elles puissent se reposer. Elle leur avait ensuite souhaité une bonne nuit avant de partir. 

La jeune fille essaya de se rendormir, mais le cauchemar encore présent dans son esprit la fit se tourner et se retourner, empêchant le sommeil de s'emparer de son corps pourtant épuisé. Poussant, un soupir, elle se leva doucement pour ne pas réveiller ses amies, prit ses couettes et son coussin et alla dans le salon s'installer devant la cheminée.

Les flammes brûlant dans l'âtre lui rappelèrent le feu dans l'avion, pendant la chute de ce dernier, et elle songea qu'elle n'arriverait pas à se soustraire de son rêve. Avisant la bibliothèque bien fournie, elle se leva et alla chercher un ouvrage pour passer le temps. La plupart étaient dans une langue inconnue, et elle n'en trouva qu'un seul qui était en anglais. N'ayant pas la force de chercher plus longtemps, elle le prit et partit s'allonger près du feu sur la couchette qu'elle se confectionna, et entama sa lecture. Les soixante premières pages l'ennuyèrent profondément, l'histoire était lente à démarrer, mais au moins, elle pensait à autre chose qu'à sa situation accablante.

Elle ne se rendit compte qu'elle s'était endormie qu'au moment où des coups frappés à la porte la réveillèrent. Le feu était éteint, son livre était tombé parterre à côté d'elle, et elle était emmitouflée dans ses couvertures comme si elle on l'y avait enroulé. D'autres coups à la porte la poussèrent à se lever péniblement. L'adolescente poussa un grognement, sa cuisse la brûlait, son bandage était rouge et elle boita jusqu'à la porte d'entrée. 

Dena se tenait derrière la porte, un grand sourire collé aux lèvres. 

- Salut, comment ça va ?

Perry se frotta les yeux et étouffa un bâillement.

- S'lut, murmura-t-elle.

- Je suis navrée de te réveiller si tôt, mais je viens vous chercher, toi et les filles pour aller voir Adsila. Elle doit vous soigner, et, apparemment, elle observa son bandage couleur pourpre, ça tombe à pic. En temps normal, vous auriez été reçues rapidement, mais vu l'état de votre ami, et Bly n'étant pas là, elle a dû gérer toute seule.

- Il est quelle heure ?

- Presque six heures.

- Quoi ? Pourquoi on doit y aller si tôt ?

Dena sourit, amusée.

- Je te l'ai dit, Adsila doit vérifier vos blessures. Et ça urge franchement.

- Rentre, je vais m'habiller.

La jeune fille referma la porte derrière la sœur de Chogan. Elle revint quelques minutes plus tard, affublée d'une robe indienne qu'elle avait choisie parmi les vêtements que lui avait donné sa nouvelle amie. N'arrivant pas à réveiller Mila et Anna, la native américaine et elle décidèrent de les laisser dormir et de les réveiller plus tard. 

Les rues étaient calmes, le village était encore endormi, seuls quelques hommes armés parcouraient les rues, assurant la sécurité de Dhenema. 

L'infirmerie était située à l'intérieur d'une grosse bâtisse, et était répartie sur deux étages, le premier étant le cabinet médical de Bly, pour les problèmes mineurs, et le deuxième étage pour tout ce qui était plus grave. C'était également là que se trouvait actuellement Alaric. 

Une femme qui devait avoir la trentaine descendit les escaliers en entendant la cloche d'entrée sonner. Elle était menue, ses cheveux courts encadraient un visage ovale, ses yeux foncés pétillaient de malice malgré la fatigue qui se lisait sur ses traits tirés et de petites tâches de rousseur parsemaient son nez et ses joues. 

- Bienvenue, je suis Adsila, se présenta-t-elle.

Elle se tourna vers Dena.

- Tu ne m'as pas dit qu'elles étaient trois ?

- Les deux autres viendront après, commence par Perry pendant que je vais les chercher. Elles étaient impossibles à réveiller. Je vais aller retenter ma chance.

Adsila éclata de rire et prit Perry par les épaules. 

- Bonne chance, alors, lui dit-elle alors qu'elle entraînait l'adolescente dans une pièce voisine.

Dena la remercia, amusée, avant de sortit de la clinique. Elle revint avec Mila et Anna une demi-heure plus tard tandis que la guérisseuse finissait d'enrouler un bandage autour de la cuisse de Perrine. Cette dernière avait manqué s'évanouir plus d'une fois de douleur malgré le remède que lui avait administré Adsila. La plaie aurait pu s'infecter si elle ne l'avait pas nettoyée et désinfecté. Elle avait dû également recoudre et s'occuper de différentes plaies moins graves que sa jambe. 

Perry était allongée sur un lit moelleux, des placards étaient installés à sa droite et une fenêtre se trouvait à sa gauche. Un fauteuil et une lampe dans le coin de la pièce complétait le mobilier. 

- Reviens me voir dans trois jours, en attendant, tu appliqueras ce baume autour des points de suture et cette crème sur tes bleus, tu verras qu'ils disparaîtront en un rien de temps.

- Ok, merci. C'est quoi comme crème ? Je doute que vous ayez une pharmacie ici, observa la jeune fille en prenant les pots que lui tendait l'indienne.

- Non, c'est vrai, on en a pas besoin, on utilise les plantes et les remèdes naturels. Rien n'est chimique, ici, tu sais.

- C'est cool, moi je suis pas habituée à ça.

- On s'y fait vite, tu verras, assura la guérisseuse.

Perry voulut lui dire qu'elle n'avait aucune raison de s'habituer, elle rentrerait bientôt chez elle, retrouverait son monde, sa maison, son lycée et sa mère, mais elle ne voulait pas paraître ingrate devant la femme qui l'avait soigné et qui avait fait preuve de douceur comme une mère l'aurait fait, et curieusement, c'est ce dont elle avait cruellement besoin après ces dernières heures éprouvantes, ce dont Adsila avait apparemment perçu. Elle avait été très tendre et bienveillante. 

Une voix dans sa tête lui souffla pernicieusement qu'elle ne retournerait jamais chez elle, et qu'elle resterait bloquée dans ce village perdu pour toujours. Elle avait peur de ne jamais revoir sa mère, ses amis, ses professeurs -même si elle ne les aimait pas tous-, et, même si elle lui en voulait encore, son père. 

Elle voulait le revoir pour lui dire en face tout ce qu'elle avait besoin d'extérioriser, pour comprendre pourquoi il était partie avec une autre femme alors qu'il avait une famille, pourquoi il avait trompé sa mère et pourquoi il était parti avec sa maîtresse, qui d'ailleurs était enceinte de plusieurs semaines déjà. Vraiment ! C'était la cerise sur le gâteau, le point sur le i ! Elle ne souhaitait absolument pas avoir un petit frère ou une petite sœur qui aurait pour mère une traînée se tapant des hommes mariés. Elle était sûre qu'elle voyait d'autres hommes, rendant ainsi son père cocu. Ce qui était mérité.

L'adolescente espérait que son père ouvre les yeux et revienne vivre avec sa famille, mais cela semblait compromis avec la venue du têtard, qui n'était certainement pas celui de son géniteur. 

- Viens me voir si tu en ressens le besoin, je suis toujours ici, indiqua la guérisseuse, sortant ainsi la jeune femme de ses pensées. Bly passera te voir quand il reviendra, pour vérifier que tout est en ordre.

- Qui est Bly ?

- Le médecin, je l'assiste habituellement mais il a dû s'absenter quelques jours. Il fait la tournée des malades le matin, il passe vérifier que tout va bien, pour éviter aux villageois de revenir constamment ici.

- C'est altruiste. Au fait, Perry se racla la gorge, nerveuse, comment va Alaric, l'homme qui s'est fait attaquer ?

Les yeux habituellement peints de gaieté d'Adsila lui semblèrent soudain éteint, sans vie. Cette dernière baissa la tête. 

- Il est à l'étage, j'ai veillé sur lui toute la nuit, mais je ne sais pas s'il va s'en sortir, je suis désolée. Pour le moment il est stable mais je ne peux rien garantir. Si seulement Bly était là, soupira-t-elle, il est plus compétent que moi. J'ai fait tout ce que j'ai pu, tu sais, ajouta-t-elle en mettant une main sur l'épaule de la lycéenne.

- Je n'en doute pas, assura Perry.

- Allez, allons rejoindre les retardataires, que je retourne vite au chevet de ton ami.

- Personne ne veille sur lui ?

- Non, je suis toute seule à travailler ici, sans compter Bly, bien sûr. Quand elle est libre, ma nièce Aranck vient me donner un coup de main, en contrepartie je lui enseigne tout ce que je sais.

- Oh, je ne savais pas que c'était ta nièce. Je l'ai rencontré hier dans la cabane où on se lave. Elle avait l'air gentille. Par contre, sa copine, je peux pas en dire au temps.

Le rire d'Adsila résonna entre les murs de la salle. Elle ouvrit la porte et la referma derrière Perry. 

- C'est vrai qu'elle n'est pas très commode avec les personnes qu'elle ne connaît pas.

- C'est un euphémisme, garantit l'adolescente. Je crois que si elle avait eu des revolvers à la place des yeux, on serait déjà morts.

A côté du Hall, dans la salle d'attente, Mila, Anna et Dena étaient assises sur des fauteuils rembourrés. Anna tenait son menton dans sa main et semblait lutter contre le sommeil tandis que Mila discutait avec l'amérindienne à voix basse. Elles se levèrent dès qu'elles les aperçurent, et Mila courut vers l'adolescente en se jetant dans ses bras. 

- On était inquiète, annonça Mila. Je me suis levée pour aller me rafraîchir et je ne t'ai vue nulle part. J'ai paniqué et j'ai réveiller Anna au moment où Dena toquait à la porte.

Perrine songea à l'étrangeté de la situation, elle se faisait materner par une femme qui aurait pu être sa grande sœur et qu'elle ne connaissait pas il y a encore quelques jours. Seulement après ce qu'elles avaient vécu, et étant les seules femmes du groupe, Annamaria, Mila et elle s'étaient liées d'amitié. Les jeunes femmes étaient aussi devenues sa bouffée d'oxygène dans cette rude  épreuve qui semblait l'étouffer de frayeur. Elle se sentait en sécurité avec les hommes du groupe, plus particulièrement Mike qui semblait aller régulièrement à la salle de sport,- bien que ce sentiment se soit légèrement dissipé suite à l'agression du pilote -, seulement elle avait trouvé en Mila et Anna le réconfort que seul une femme peut procurer.

  Elle se souvint de la première nuit où elles s'étaient rencontrées, la jeune hongroise lui avait donner des chaussettes propres alors qu'elle en avait plus besoin qu'elle. 

Perry se laissa aller dans l'étreinte de l'hôtesse de l'air, elle qui habituellement n'aimait pas les câlins, et posa sa tête contre son cou. La douceur de Mila lui fit penser à sa mère, et une envie soudaine de pleurer lui fit fermer très fort les paupières. 

- Je suis désolée, s'excusa l'adolescente, mais j'arrivais pas à vous réveiller et j'ai préféré vous laisser vous reposer le temps que je passais la première au cabinet.

- C'est de ma faute, je voulais absolument vous voir pour vous ausculter et vérifier vos blessures quand Chogan m'as dit dans quelles condition vous étiez arrivés ici. Et je ne pouvais pas attendre plus longtemps, puisque tout mon temps est accaparé par votre compagnon, expliqua Adsila.

- Merci à vous de vous occuper de lui. Comment vas-t-il ? Demanda Anna, inquiète. 

- Comme je le disais à Perrine, son état est stable pour le moment, mais il n'en est pas pour autant sorti d'affaires. Il a des plaies importantes au torse, au cou et son bras droit et une partie de sa jambe gauche sont aussi touchés. Quand le médecin reviendra, il pourra en faire plus que moi.

- Vous savez quand il reviendra ?

- Dans deux jours, si tout se passe bien.

Mila hocha la tête. Elle tendit ensuite une main à Adsila tout en se présentant. 

- Ravie de faire vos connaissance, mesdames. Par qui je commence ?

- Anna d'abord, moi je n'ai pas de blessures très graves, rien que le poignet douloureux et quelques coupures.

- Très bien, alors allons-y.

Adsilapassa un bras autour de la taille d'Annamaria pour l'aider à sedéplacer.

- Bon, je vais te ramener.

Dena s'adressa à Perrine. Cette dernière secoua la tête et montra d'un signe de la tête les escaliers. 

- Si vous le permettez, j'aimerais veiller sur Alaric le temps qu'Adsila s'occupe des filles.

- Tu ferais ça ? Ça ne te dérange pas ? Questionna la guérisseuse avec espoir, le cœur soudain plus léger.

- Bien sûr, on ne se connaissait pas vraiment, mais on était dans la même galère. Je ne veux pas le laisser seul.

- C'est vraiment aimable, je te remercie. Je pense en avoir pour deux heures, le temps de voir tout le monde, tu seras libre quand les hommes partiront,.

- Pas de problème, assura Perry.

- Je viens avec toi, annonça l'italienne. Je veux le voir.

Dena les guida vers l'étage pendant que la guérisseuse alla s'occuper de Anna. Elle montèrent les escaliers, tournèrent à gauche dans un couloir à côté d'une salle ouverte, et bifurquèrent dans une chambre plutôt spacieuse. Il n'y avait pas beaucoup de déco, quelques toiles en daim avec des motifs algonquin étaient accrochés aux murs, et des fleurs sauvages disposées dans des sortes de vases rectangulaires ornaient la pièce. Allongé sur un lit de taille moyenne, le pilote était recouvert de bandage de la tête aux pieds, puisque la jeune native américaine en avait profité pour soigner aussi ses blessures liées au crash. Il était livide, ses lèvres bleues inquiétant profondément l'adolescente. Il avait perdu beaucoup de sang, mais la jeune fille était certaine que ça n'était pas la cause du manque de pigmentation d'Alaric. Ses veines bleues contrastaient avec sa peau translucide, habituellement bronzée dues a ses nombreux voyages.

Mila lui prit la main et s'assit au bord du lit, veillant à ne pas lui faire mal.

- C'est étrange de le voir comme ça, lui qui paraît si fort. Deux ans que je travaille avec lui, pourtant je ne l'ai jamais vu tombé malade une seule fois.

- Il nous a sauvé, dit Perry. Qui sait ce qui serait arrivé s'il ne s'était pas interposé ?

Mila poussa un soupir, caressant les doigts de son collègue. Elles ne dirent rien pendant un moment, laissant le silence planer dans la pièce. L'italienne était apaisé de voir le torse d'Alaric monter et descendre au rythme de sa respiration, nourrissant son espoir de le voir se réveiller. Elle se mit à genoux au bord de son lit, et serrant sa mains entre les siennes, se mit à lui parler, très longuement, le suppliant de se réveiller. Des larmes coulèrent sur ses joues, et sa voix trembla, pourtant elle continua, ce qui provoqua aussi des sanglots chez l'adolescente. Cette dernière dû sortir quelques instants,  laissant Mila seule avec son ami.

- Tu ne peux pas baisser les bras, bats-toi Alaric, ta femme et tes enfants attendent ton retour. Qu'est-ce qu'on va leur dire si tu ne te réveilles pas,    hein ? Tu ne peux pas nous faire ça, tu es un collègue merveilleux, et un excellent pilote, et de toute ta carrière tu n'as eu qu'un crash, elle eut un rire grave, excuses-moi, c'était idiot de blaguer de ça, elle renifla et s'essuya les yeux. Qui va me soutenir maintenant face aux idioties de Mike ? Tu vas me laisser seule pour gérer Asher et Mike ? Il faut que tu te réveilles, parce que sinon, quand on sortira de tout ça, et dans l'éventualité où on reprendra le travail, qui m'accompagnera pour boire un macchiato entre deux escales, à l'hôtel ?

Mila essuya une énième fois ses larmes et se releva, serrant une fois encore la main d'Alaric dans la sienne. 

- Je compte sur toi, pour nous revenir Rick. A très bientôt.

Perry essuya ses larmes quand elle vit la porte de la chambre s'ouvrir. Elle n'avait pas pu rester plus longtemps dans la chambre, elle qui habituellement ne montrait pas ses sentiments, cette mésaventure brisait sa carapace. Et bien qu'elle ne soit pas très fleur bleue, Perry n'était pas non plus inhumaine. Le discours de Mila l'avait émue, elle avait sentie sa gorge la brûler.

Elle était inquiète pour le pilote, elle avait entendu dire qu'il avait une famille, une femme sûrement magnifique, et des enfants qui attendaient son retour avec impatience. Elle n'osait pas imaginer leurs peine et leurs douleurs dans le cas où Alaric ne s'en sortirait pas vivant. Ils avaient déjà perdu une collègue, Chiara, sans compter tout les gens qui avaient péri dans le crash. L'adolescente essayait de ne pas y penser, consacrant son attention, depuis le moment où elle s'était réveillé dans cette forêt, à sa situation et à sa famille qui devait s'inquiéter de ne pas avoir de ses nouvelles, et probablement penser qu'elle était morte dans le crash, dans le cas où cette information leur était parvenue.

Une bulle protectrice, voilà dans quoi elle s'était entourée, pour éviter de penser aux victimes de l'accident, à ces familles brisées et ces vies perdues à cause d'un incident technique. Une bulle protectrice qui l'empêchait pour le moment de perdre la tête.  

Elle se sentit idiote en se souvenant de ce qu'elle avait pensé, dans l'avion. Les crash n'arrivaient pas qu'aux autres, en voilà la preuve ! 

- Je vais y aller, annonça Mila, la voix tremblante. Je vais retourner dormir, enfin, si j'y arrive.

Perry se leva et prit la jeune femme dans ses bras. Encore une habitude qui avait changé, elle qui n'était pas tactile, étreignit volontairement une presque inconnue. 

- Je sais que c'est dur, mais il va s'en sortir.

- J'espère que tu as raison, Perry, murmura l'hôtesse de l'air.

Elle lui sourit tristement et se retourna pour s'en aller. Avant de tourner à l'angle du couloir, elle interpella la jeune fille.

- Oui ? répondit Perrine, la main sur la poignée de la porte.

- Je te remercies de veiller sur lui, vraiment.

Perry n'eut pas le temps de répondre, Mila était déjà repartie. Elle avisa un magazine posé sur un meuble, le prit et retrouva sa place sur le fauteuil près d'Alaric. De temps en temps, elle levait les yeux des pages pour s'assurer que tout allait bien pour Alaric, et replongeait aussitôt dans sa lecture. 

Un peu plus tard, la porte s'ouvrit sur Asher, tandis que Perry essuyait la sueur du front d'Alaric. Elle avait remarqué qu'il s'agitait dans son sommeil, et en l'observant de plus près, elle avait constaté que la fièvre était remontée. Durant une seconde qui lui avait parut très longue, la jeune fille avait sentie sourdre en elle une terreur qui commençait à la faire paniquer, mais elle avait réussi à se reprendre. En effet, elle ne savait pas ce que signifiait cette soudaine fébrilité. 

Elle était ensuite partie à la recherche de quoi faire retomber la fièvre, et retourna auprès d'Alaric avec un morceau de tissu qu'elle avait trempé dans de l'eau fraîche, faute de mieux. 

Perry ne savait pas ce qu'elle devait faire, alerter Adsila alors qu'elle était déjà occupée ? Ne rien dire et prendre le risque que l'état du pilote s'aggrave ? Après tout, sûrement n'était-ce rien de grave, seulement de la fièvre occasionnée par ses blessures, mais elle voulait être certaine qu'il ne s'agissait de rien d'alarmant. 

Elle releva la tête en entendant la porte s'ouvrir, et sourit en voyant le copilote, hésitant sur le pas de la porte. Voir ce grand gaillard de presque deux mètres agir comme un enfant intimidé était vraiment hilarant. 

- Salut, Asher ! Viens, entre, dit-elle en se levant de son siège, il va pas te manger, tu sais.

Asher referma la porte derrière lui et s'approcha doucement du lit, les yeux rivés sur son collègue. 

- Comment vas-t-il ?

Perry laissa le tissu mouillé sur le front d'Alaric et se dirigea vers la porte. 

- Pas très bien, je ne sais pas pourquoi, mais il a de la fièvre, et ça fait un moment qu'il est agité.

Elle posa la main sur la poignée de la porte, et Asher bondit vers elle en la voyant faire. 

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu t'en vas ?

L'affolement était clairement perceptible dans sa voix.

- Il faut que j'aille prévenir Adsila de l'état d'Alaric, déclara Perry. Je voulais pas le laisser seul, mais puisque tu es là...

En voyant la mine défaite de Asher, elle posa une main sur son épaule.

- Je fais vite, promis.

Elle sortit de la pièce et Asher poussa un soupir. Il prit place sur la chaise où était installée Perry, à côté de son collègue. Il évita de le regarder pendant un moment, puis se résolut finalement à lever les yeux de ses chaussures. Il était angoissé de voir son ami dans cet état, il ne voulait qu'une seule chose, le ramener à l'hôpital au plus vite et avertir Olivia, sa femme.

Il poussa de nouveau un soupir et murmura le prénom de son ami d'une voix brisé, les larmes aux yeux. Il resta silencieux jusqu'à ce que Perrine revienne avec la guérisseuse. Il s'empressa de sortir sous les yeux éberlués de l'adolescente. Elle se tourna vers Adsila, qui haussa les épaules en observant le dos du jeune homme s'éloigner.

- Il a besoin de temps, dit l'autochtone.

Adsila prépara un mélange d'herbes sous les yeux curieux de la jeune fille. Elle en badigeonna ensuite le front et le cou du pilote, puis prit un couteau de taille moyenne.

- Je te remercies, Perry, tu m'as beaucoup aidé.

Elle lui sourit et plaça un récipient sur le lit, à côté du couteau.

- Tu peux rentrer te reposer, ajouta-t-elle. Je m'occupes de lui.

Perry avisa d'un œil inquiet le poignard.

- Qu'est-ce que vous allez faire ?

Adsila ne répondit pas tout de suite, elle finit de préparer le matériel, puis leva les yeux sur la jeune fille. 

- Je ne suis pas sûre que tu veuilles le savoir, tu ferais mieux d'aller te reposer avant de commencer le travail, demain. Profites de dormir, ça va se faire rare dans les jours à venir.

- Je vais y aller, mais je veux savoir ce que vous allez faire, s'il-vous-plaît.

Elle avait conscience de se comporter comme une gamine gâtée, seulement elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'elle allait faire avec une arme blanche. N'était-elle pas censée soigner ? Elle avait l'impression qu'elle allait faire tout le contraire, et ce n'était pas pour la rassurer. 

- Je ne vais pas lui faire de mal, déclara Adsila, comme si elle avait lu dans ses pensées. Je dois retirer le venin. Quand la... bête l'a attaqué, elle lui a injecté du poison que je dois absolument éradiquer de son système sanguin. Je pensais avoir tout enlevé, mais sa fièvre m'indique le contraire. Es-tu rassurée ?

Perrine hocha la tête. Elle sortit pour que la native américaine puisse faire son travail. Elle lui avait assez fait perdre de temps comme ça.

Elle redescendit en bas, et croisa Mike dans le hall. Wade était assis dans la salle d'attente et lui adressa un grand sourire quand il l'aperçu. 

- Perry ! Comment tu vas ?

Elle lui retourna son sourire et s'approcha de lui. Mike, debout dans le hall, les observa, une moue amusée sur le visage.

- Ça va, répondit-elle, et toi ?

- Ça roule. Pas trop secouée, après l'explosion d'hier soir ?

Perry éclata de rire en rejetant la tête en arrière, sous le regard fasciné de Wade.

- Tu te rend compte que ce gamin fait des expériences scientifiques, alors que moi à son âge je jouais aux barbies !

- C'est un futur génie, affirma Wade. Bon, il y a eu quelques ratés, mais moi j'aurais jamais pu faire un quart de ce qu'il a entrepris.

- Apparemment, c'est le neveu d'Adsila, informa Perry. Elle était morte de rire, mais en même temps gênée quand elle m'en parlais ce matin. Un drôle de combo, si tu veux mon avis.

- Minute, papillon ! C'est qui, Ad.... Adi...

- Adsila, corrigea Perry. C'est la guérisseuse. Tu ne l'as pas encore rencontré ?

Le jeune adulte secoua la tête de droite à gauche. Perry remarqua un grain de beauté sur sa pommette, et elle trouva que cela lui rajoutait du charme. Elle chassa ses pensées ridicules, et se leva d'un bond. 

- Excuses-moi, je vais aller me coucher, à toute à l'heure.

Elle sortit brusquement après avoir salué Mike d'un signe de la main. Elle s'agaçait elle-même. Elle n'avait pas besoin, en ce moment, de tomber sous le charme d'un garçon. Il lui fallait garder les idées claires pour trouver une solution pour rentrer chez elle, en espérant qu'Alaric s'en sorte et qu'ils puissent tous retrouver leurs famille et leurs maisons.

<....>

Plus loin, dans une maison située à proximité de celle de Nashoba, un homme entretenait le feu de la cheminée, accroupi, pendant qu'une femme préparait le petit-déjeuner dans la cuisine derrière lui.

- Pourquoi tu ne veux pas aller dans la grande Salle ? demanda la fille. D'habitude, tu veux toujours manger à l'owotetipi (restaurant) avec l'Okima (chef de tribu).

Seul le silence lui répondit. L'algonquienne poussa un soupir, et s'approcha de son frère. 

- Chogan, que se passe-t-il ? Et ne me dit pas que tu veux passer du temps avec ta petite sœur préférée, je ne te croirait pas.

Chogan sourit en coin et se releva. Évidemment qu'elle était sa préférée, puisqu'elle était sa seule et unique sœur. Il alla s'asseoir en bout de table et fit signe à sa sœur de le rejoindre.

- Je doit te parler, Dena.

La jeune fille pâlit, et prit place à côté de son frère. Quand il l'appelait par son prénom, c'était jamais bon signe. Depuis tout petit, il l'avait surnommé Dee, et presque tout le monde l'appelait ainsi dans le village. 

- Tu me fait peur, Cho, accouches.

Chogan lui lança un regard noir, l'avertissant de ne pas dépasser les limites. Elle pouvait avoir peur, mais pas être insolente. Dena leva les yeux aux ciels, son frère se vexait vraiment pour rien.

- Bon, dépêches, si tu préfères. Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est à cause de la réunion avec Nashoba et les guerriers ?

Chogan poussa un long soupir et acquiesça. 

- Dena, ce que je vais te dire, tu ne dois le répéter à personne, déclara-t-il, très sérieux, ce qui ne changeait pas vraiment de d'habitude.

Il continua après avoir reçu une réponse positive. 

- Dorénavant, l'owotetipi sera fermé et nous devrons manger chez nous, tout contact avec l'extérieur sera limité. Je ne veux pas que tu quittes la maison pour un autre prétexte que le travail. Tu fait ce que tu as à faire et tu rentres de suite. Ne traînes pas dans les rues inutilement, ne manges rien de ce qui provient de l'extérieur. Promets-le moi.

- Quoi ? Mais pourquoi ? Objecta Dena, les yeux écarquillés.

- Dee, promets-le moi, supplia son frère d'une voix douce. S'il-te-plaît.

- Je te le promets, maintenant, dis-moi ce qu'il se passe, et qu'est-ce que je ne dois surtout pas répéter ?

Chogan prit les mains de sa petite sœur dans les siennes, et révéla ce qui le tourmentait depuis la réunion avec les membres du clan. 

- L'Ombre a projeté une épidémie sur Dhenema, Dee. Une épidémie mortelle.

Hey, voilà enfin le chapitre 10, qui est sorti avec plus de retard que prévu.

Il ne se passe pas grand-chose dans cette partie, mais on fait la connaissance d'Adsila, la guérisseuse et la tante de Aranck et Ahmuk, le petit garçon qui a provoqué l'explosion 😅🤣
Et les personnages se font enfin soigner, c'était vraiment nécessaire à ce stade 😂

En espérant que ça vous plaise, à bientôt 👋

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