Chapitre 1
Au volant de sa Bentley Continental GT, Alaric se sentait oppressé. Il venait de quitter sa famille pour aller travailler. Étant pilote d'avion depuis quinze ans maintenant, il avait l'habitude de ces voyages incessants, de dormir dans des hôtels plus luxueux et impressionnants les uns que les autres, de découvrir des endroits saisissants pour les yeux.
Cependant, se séparer d'Olivia, sa femme, et de leurs enfants lui était encore et toujours pénible. Rater le spectacle de fin d'année de sa fille et le match de Basketball de son fils lui broyait le cœur.
Mais il n'avait pas le choix. Il devait se rendre à l'aéroport de Denver, à une vingtaine de kilomètres de chez lui, pour y conduire le New Blackburn jusqu'à Boston. Le départ étant prévu à 10h16, il devait arriver au moins deux heures à l'avance pour procéder aux vérifications avant décollage avec l'Officier Mécanicien Naviguant (OMN), bien que la présence de ces derniers se fait de plus en plus rare avec les nouvelles technologies.
Alaric conçoit qu'être assisté par des ordinateurs rend son travail plus facile, mais la présence d'êtres humains reste avant tout primordiale pour sa santé mentale. Heureusement qu'Asher, son copilote, n'a pas été remplacé lui. Avec son humour à deux balles, Asher égaye les longs trajets d'avion. Il a cet joie de vivre, propre aux personnes qui, malgré les épreuves, continuent d'avancer et de vivre, en dépit de la difficulté.
Un coup de klaxon venant de la voie de gauche sortit Alaric de ses pensées. "Les gens sont tous pressés de nos jours " soupira-t-il.
En arrivant près de l'aéroport de Denver, il rétrograde et s'arrête à un feu rouge. Depuis qu'il s'est réveillé, un mauvais pressentiment le tourmente. Il n'arrive pourtant pas à savoir quoi, mais c'est bien là, ancré au fond de lui. Cela a-t-il un rapport avec sa famille ? Ou bien avec le voyage ? Le vol sera-t-il retardé ? Il se fait peut-être du soucis pour rien, après tout.
Un crissement de pneu lui fait tourner la tête pour observer ce qui se passe. Et il le regrette en contemplant le petit corps écrasé d'un chat noir sous une voiture.
"Ça commence bien" maugréa-t-il.
*****************************************************
"Quel bougre !"
Mila regarda l'homme passer en la bousculant, juste parce qu'il n'avait pas eu la place qu'il désirait, côté hublot.
Depuis qu'elle faisait ce métier, ce qui était assez récent, elle avait eu le privilège de constater que certaines personnes montraient volontiers , - que les hôtesses de l'air et les stewards le voulaient ou non - qu'ils ne s'accommodaient pas des règles s'ils ne le souhaitaient pas. Bien sûr, ils n'étaient pas tous comme ça, et heureusement.
- Mila, arrêtes de rêvasser, chuchota sa collègue.
La jeune femme reprit ses esprits en voyant une vieille dame lui tendre son billet. Avec un sourire d'excuses, elle lui indiqua sa place.
Trente minutes plus tard, le temps qu'il fallut pour que les derniers voyageurs rejoignent leurs places respectives, Mila et sa collègue, Chiara, une petite brune de huit ans son aîné, rejoignirent William, leur chef de cabine, pour les dernières instructions avant le décollage.
- Amy et Clara, vous allez en première classe, les autres vous restez ici avec moi. Chiara, tu t'occupes des consignes de sécurité. Mila, tu vas avec Mike pour la distribution des collations. Le décollage est dans quinze minutes, on s'active !
Toute l'équipe se dispersa suite aux ordres de leurs supérieur.
Michael, plus communément appelé Mike, passa un bras autour des épaules de Mila pour la conduire vers les chariots qu'ils devaient remplir de toute sorte de nourriture et de boissons.
- Allez, au boulot, petite Italienne.
- Je crois avoir compris que je ne suis pas là pour me détendre, petit Américain, riposta Mila.
- Mais c'est qu'elle a de la répartie, s'exclama Mike. Et je ne suis pas petit, vilain garnement.
- Et maintenant, ça attaque sur l'âge, vieillard.
- Vieillard ? Tu sais que je n'ai que trois ans de plus que toi ?
- C'est ce que je dis, t'es vieux, rétorqua Mila. Allez prends ce chariot.
Son collègue l'attrapa en faisant mine de tenir son coeur.
- Tu me blesses, pleurnicha-t-il.
- Arrêtes ton baratin, allez au boulot ! Petit Américain.
La jeune femme prit son chariot rempli et commença à avancer.
- Il me semble avoir déjà entendu ça quelque part, sourit Mike. Eh ! T'as oublié les chocolats, quel malheur ! soupira-t-il faussement.
Mila se retourna vers lui en lui conseillant d'aller les chercher lui-même, avant que William ne vienne pour les admonester.
- Si c'est le cas, je lui dirais que c'est toi qui a pas voulu aller les chercher, plaisanta-t-il.
- Non mais quel bébé ! Allez, va chercher le chocolat, il va pas venir tout seul.
Le jeune steward lui fit la grimace mais s'exécuta néanmoins.
******************************************************************
Perrine était assise au fond de l'avion, entre une jeune femme d'une trentaine d'années et un vieux monsieur qui puait la transpiration. "Super !" pensa-t-elle. "Quel merveilleux voyage !" Elle en voulait à sa mère de l'avoir obligé à aller voir son père, à Cleveland.
Ils étaient séparés depuis moins d'un an, mais elle ne voulait toujours pas voir son géniteur. Pas après ce qu'il avait fait, pas après la façon dont il avait humilié sa mère. Pourtant cette dernière semblait lui avoir pardonné, ce qu'elle ne comprenait pas.
Comment pouvait-on pardonner l'adultère ?
Comment pouvait-on le cautionner ?
Perrine n'était pas du même avis que la femme qui l'avais mis au monde, elle ne voulais pas passer l'éponge sur les frasques passées de son père et qui avaient bien failli détruire sa famille.
Elle soupira d'avance, lasse et blessée de devoir plier, une fois de plus, pour son père. Cet homme qui avait refait sa vie avec sa maîtresse. "Quel cliché ! Sérieusement ..."
- Voulez-vous boire ou manger quelque chose, mademoiselle ?
Perrine leva la tête vers l'hôtesse de l'air. Elle était plutôt jolie, avec ses cheveux bruns clair et ses yeux noisette, son nez aquilin et ses lèvres pulpeuses. Sur le badge de son uniforme, elle lut Mila, très joli prénom
- Je veux bien du thé, si vous avez, répondit la jeune fille.
- Oui, bien sûr. Thé vert ou thé noir ?
- Plutôt thé vert, s'il-vous-plaît.
Mila tendit le gobelet à Perrine, puis récupéra la monnaie.
- Je vous remercie et vous souhaite bon voyage mademoiselle.
La lycéenne marmonna un merci tandis que l'hôtesse s'éloignait.
Perry se leva de son siège pour foncer vers les toilettes. Elle patienta derrière la queue, puis entra dans la cabine, la place libérée. Elle se mouilla le visage, observant son reflet. Elle ne se trouvait pas particulièrement jolie, bien que certains de son entourage assuraient le contraire. Ses cheveux blonds encadraient gracieusement son visage aux traits fins, aux yeux vert clair. Elle possédait un charme que beaucoup lui enviaient, même si elle ne s'en rendait pas compte.
Le visage essuyé, elle retourna s'asseoir.
Une PNC (Personnel Naviguant Commercial), plus communément appelée hôtesse de l'air, fit l'annonce du départ imminent de l'avion et commença à citer toutes les règles de sécurité en montrant des bras tous les emplacements du matériel dont peuvent disposer les passagers en cas d'urgence. Elle invita à attacher sa ceinture, puis vérifia que tous les appareils électroniques soient éteins.
Perrine ne put s'empêcher de comparer cette hôtesse à la première venue lui servir le thé. Celle-ci était rousse et légèrement plus petite, plus ronde aussi peut-être, alors que l'autre était brune, la taille fine et élancée.
En buvant son thé, la jeune fille contempla par le hublot tout à droite le sol s'éloigner. Quelle sensation bizarre ! Être dans les airs la fascinait tout autant que ça l'effrayait. Elle s'imaginait s'écraser et mourir suite à un crash. Ça ne la rassurait pas, mais, il fallait bien se l'avouer, ce genre de tragédie n'arrivait qu'aux autres et que dans les films.
Pour penser à autre chose, elle sortit un livre de son sac. Elle débuta sa lecture, et au même moment, la petite rousse qui avait montré les consignes de sécurité vint demander à sa voisine d'éteindre son ordinateur. Elle repartit après s'être assurée que sa demande soit correctement exécutée.
Perry replongea dans son livre, néanmoins, elle fût coupée par sa voisine qui lui demanda l'heure. La lycéenne lui communiqua en essayant de ne pas montrer combien elle était agacée. Décidément! Elle ne pouvait pas continuer sa lecture sans qu'on ne l'interrompe ! À la base, ce voyage ne l'intéressait pas, alors si en plus il ne se déroulait pas comme elle l'avait prévu, c'est-à-dire en lisant son livre et, en prime, en buvant son thé, elle allait péter un câble avant même d'arriver chez son paternel.
Pour s'assurer que personne ne la dérange, elle échangea son bouquin contre son iPod, espérant que s'endormir grâce aux bercements de la musique ferait passer ce voyage plus vite. Elle s'endormit quelques minutes plus tard en pensant à ce qui l'attendrait à Cleveland.
***********************************************************************************************
Le derrière engourdi à force de rester assise sur le siège de l'avion, Annamária désespérait. Cela faisait moins de trois heures qu'elle avait quitté Franck, son mari, pourtant elle se languissait déjà de lui. Ce n'était pas habituel pour elle d'être séparée de lui trop longtemps.
Hélas, elle devait se rendre à Boston pour des raisons professionnelles. Anna était webmaster depuis quelques années déjà, son métier consistant à développer et maintenir un site internet, il était de sa responsabilité de voyager jusqu'à Boston pour faire la rencontre d'un homme ayant quelques idées pour créer un nouveau réseau social.
Il était de notoriété publique que les jeunes, plus particulièrement les adolescents, passant concrètement le plus clair de leur temps le nez collé à leur téléphone, étaient accros aux réseaux sociaux. Si le client signait le contrat, elle était sûre de pouvoir remporter gros. Facebook, Twitter, Instagram, tous fonctionnaient à merveille, pourquoi pas le sien ?
D'origine hongroise, Annamária a longtemps été malheureuse de devoir quitter son pays pour les États-Unis. Après avoir rencontré Franck il y douze ans, sa vie a complètement changé. Elle est tombée amoureuse de son mari lors d'une expédition de ce dernier en Hongrie. Étant architecte, Franck était là pour le travail, il a rencontré Anna au marché et ils sont tombés sous le charme l'un de l'autre. Un an plus tard, Franck rentrait en Amérique et la jeune hongroise le suivit malgré le poids dans sa poitrine. Devoir quitter son pays était douloureux, et Anna eut du mal à s'adapter mais finalement, elle était heureuse avec son mari et, aujourd'hui elle avait un boulot qui lui plaisait vraiment, bien qu'elle doive souvent voyager.
- Excusez-moi, madame, pourriez-vous éteindre votre ordinateur, s'il-vous-plaît ?
D'un sursaut, Anna se redressa sur son siège en regardant l'hôtesse. Elle ne l'avait pas entendue arriver.
- Oui, bien sûr.
Anna referma son ordinateur et le rangea. "Bon, le travail c'est pour plus tard" se dit-elle.
L'hôtesse s'excusa de lui avoir fait peur. Elle repartit et Anna regarda autour d'elle. Elle était sur un siège à côté de l'une des allées centrales, à sa gauche elle avait comme voisine une jeune fille, sûrement une lycéenne, qui était endormie et à côté de celle-ci un vieil homme.
Anna était un peu déçue, elle aurait aimé avoir une place côté hublot, mais elle avait tardé à réserver son billet et elle rechignait à l'idée d'aller en première classe. On pouvait la qualifier d'étrange, cependant Annamária ne tenait pas à voyager auprès des plus aisés qui dénigrent les gens de classe moyenne. Franck n'était pas de cet avis, il lui répétait sans cesse qu'elle devait profiter des avantages que son métier lui procurait, mais la jeune hongroise n'en démordait pas. Après tout, quel mal y avait-il à ce qu'elle voyage en classe économique ?
N'ayant pas de montre, Anna demanda à sa voisine l'heure. Celle-ci lui indiqua, puis elle échangea son livre contre un iPod ou iPad, elle ne savait pas vraiment différencier ces nouveaux gadgets. Son ordinateur et son téléphone lui étaient bien suffisants. Elle aurait pu regarder l'heure sur son téléphone, mais ce dernier n'avait plus de batteries, alors même qu'elle pensait l'avoir chargé à fond. Il y avait bien une prise en bas du siège en face, mais elle avait laissé son chargeur dans sa valise... "Non mais quelle tête en l'air" se morigéna-t-elle,"Franck va s'inquiéter". Tans pis ! Elle lui écrira quand elle arrivera dans sa chambre d'hôtel. En attendant, il fallait qu'elle s'occupe.
Elle chercha dans son sac et pris une brochure sur les célébrités hongroises. Son pays lui manquait, et elle aimait se renseigner aussi bien sur les nouveautés que les anciens articles. Par ailleurs, elle apprit que c'est un hongrois, Ernest Rubikest, qui fût l'inventeur du rubik's cube.
Elle se plongea ainsi dans sa lecture jusqu'à ce qu'elle eût mal à la tête. Elle referma le magazine, et se rendit compte en regardant par le hublot, que le New Blackburn avait décollé. Elle n'avait même pas senti l'avion décoller et n'avait pas entendue non plus le pilote, qui s'était présenté et avait donné des informations importantes, comme dans tous les voyages dans les airs.
Comme elle ne savait pas quoi faire, elle décida de converser avec sa voisine,
qui s'était réveillée de sa sieste.
- Tu pars en vacances ?
La jeune fille la regarda, l'air étonné, puis finit par répondre :
- Non. Je vais chez mon paternel.
- Oh ! C'est super. Il habite où ?
- A Cleveland.
- Moi je me rends à Boston, pour le travail. Tu t'appelles comment ?
- En quoi ça vous intéresse ?
Annamária fût stupéfaite quelques secondes, puis lui répondis :
- Eh bien , je veux juste faire connaissance. Pourquoi ça te dérange ?
L'adolescente leva les yeux au ciel, puis se tourna vers Anna.
- Ça me dérange parce que ce voyage m'horripile et que je ne veux pas aller chez mon horrible géniteur. Et vous commencez à me taper la discute alors que je veux juste qu'on me fiche la paix, et que je n'ai pas envie de faire connaissance avec une inconnue qui, apparemment, n'a rien de mieux à faire que de me casser les bonbons !
Anna resta interdite un moment en dévisageant la jeune fille. Quelle insolence ! Elle avait l'air d'une gamine pourrie gâtée, qui fait une crise parce qu'elle n'a pas ce qu'elle désire.
- Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi tu réagis comme ça. On a tous nos problèmes dans la vie. Nous n'obtenons pas toujours ce que l'on veut et ne faisons pas forcément ce que nous voulons. Mais c'est comme ça, il faut s'y faire. Il faut savoir rester patient, en toute circonstance, parce que râler et crier ne fera pas changer les choses. Alors ça serait bien que tu grandisses et que tu arrêtes tes caprices.
Perrine regarda la jeune femme, ébahie. C'était la première fois qu'on lui parlait ainsi. Il fallait admettre que la lycéenne avait généralement ce qu'elle voulait. Mais cela ne voulait pas dire qu'elle était une fille capricieuse. Cette femme avait du culot !
- Non mais j'hallucine ! Vous êtes qui pour me parler comme ça ?
Le vieil homme à côté d'elle les observa.
- Je vous signale, jeune fille, que vous êtes la première à m'avoir manqué de respect.
- Mais j'y crois pas, s'exclama Perrine, je vous ai juste fait part de ma non-envie de participer à une conversation avec vous. Pas besoin de réagir comme ça.
- Eh bien tu aurais pu le faire avec plus de respect et de courtoisie. Je ne te remercies pas de m'avoir gâché ce voyage. Anna se tourna vers un steward qui passait à proximité, excusez-moi, est-ce que cela serait possible de changer de place ?
Mike s'approcha d'elle.
- Pourquoi cela, madame ?
- Je ne peux plus voyager à côté de cette enfant insolente. J'aimerais changer de place, s'il-vous-plaît.
Mila, qui avait observé la scène et qui se trouvait à une rangée juste derrière, vint à la rencontre de son collègue.
- Madame, il y a un siège libre prés d'une des sorties de secours. Est-ce que cela vous convient ? lui demanda-t-elle avec douceur.
- Oui, merci mademoiselle. Annamária se leva et récupéra ses effets personnels, je vous suis.
Perrine regarda la trentenaire partir sans le moindre remord. "Bon débarras" pensa-t-elle. "Quelle femme susceptible !"
Décidément, elle ne comprenait pas les adultes, se vexer pour si peu...
***********************************************************************************************
Mila conduisit Annamária jusqu'à sa nouvelle place, lorqu'elle fût violemment propulsée sur le côté.
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
Et voilà pour le premier chapitre.
Comme vous l'aurez remarqué, j'ai décidé de ne pas me concentrer que sur un personnage. Même si Perry est le principal.
Donnez- moi vos avis et votez ^^
A bientôt
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top