chapitre 34 : la vérité sur ma vie
Il m'a porté dans ma chambre. Comme une foutue princesse. J'aurais détesté ça, en temps normal. Je me serais dégagé tel un chat enragé et je lui aurai arraché le nez du visage.
Ces trucs de princesses, très peu pour moi. Si je pouvais passer ma vie en jogging devant la télé, mangeant des pizzas et boire des bières jusqu'à ce que je crève... Je le ferais. Seule.
Plus aucun homme dans ma vie. Plus aucun. Peu importe qu'il puisse être l'homme de ma vie, peu importe s'il me respecte... Je m'étais jurée que plus jamais, mon cœur appartiendrait à quelqu'un.
Si on m'avait dit que c'était un homme comme Rip, qui allait me porter et me déposer avec douceur sur mon lit... J'aurais crié, trépigné et j'aurais pris mes jambes à mon cou.
J'étais juste trop épuisée. Voilà tout. Et la douce odeur rassurante de Rip, sa force... Elle décuple tous mes sens et fait l'effet d'un anesthésiant. Mes muscles, ma peau... Sont un aimant, quand il s'agit de lui.
Alors quand il se retire, après m'avoir couvert mon corps de ma couverture, je me suis sentie fragile. Presque nue.
Et me voilà à tendre mon bras vers le sien, le rattrapant désespérément par la main pour qu'il ne parte pas.
— Reste.
Ses doigts se figent dans les miens, mais la pièce reste silencieuse. Je ne veux pas ouvrir les yeux, car je sais que ce ne sera que la réalité qui m'attendra. Est-ce que je ne peux pas juste rester deux secondes dans mon monde d'illusion ?
Pendant un instant, j'ai l'impression qu'il s'apprête à se retirer et m'ignorer.... Mais si sa main quitte la mienne, ce n'est que pour qu'il vienne s'allonger à mes côtés.
Et je me retourne.
Le faible halo de la lampe illumine à peine ses yeux sombres, mais je n'ai pas besoin de ça pour savoir que ses prunelles brillent en me voyant. Il tend le beau vers mon visage et balaye mes cheveux de ma nuque.
— Hey.
— Hey.
Je décroche rarement un mot. Pas parce que je n'ai rien à dire, mais surtout parce que je n'ai rien à expliquer à personne.
On m'a déjà prise pour une conne, bien trop de fois et quand j'en ai eu marre, j'ai pris mes affaires et je suis partie. Laisser derrière moi ma vie de merde et surtout : ne plus faire confiance à personne.
Mais je pense que là, il serait temps de desserrer les dents et de commencer.
Lui dire la vérité. À cet homme magnifique au corps de dieu qui donne à ma vie un semblant de sens... Même si nos corps ne s'entremêlent que l'espace de quelques nuits, à chaque fois que ses doigts effleurant ma peau, tout semble mieux se passer.
Ses lèvres contre les miennes, nos langues entremêlées, ses mains dans mes cheveux qui les tiraillent doucement au fur et à mesure de nos ébats...
Et tout ça, sans un mot, sans une explication.
Il n'en faut pas plus.
Sauf qu'au bout d'une semaine, quand nos corps ne faisaient plus qu'un, quelque chose a fini par naître.
Une dépendance, un désir au-delà du charnel. Au-delà de la fièvre partagée et des draps humides...
La vérité...
Elle est trop complexe à expliquer.
Et je pense que nous deux, nous avons des choses à nous dire... Des choses inhumaines, qui nous cassent.
Mais c'est ce qu'on est.
Des âmes brisées et tourmentées... Le sang partout sur nos mains.
Littéralement, pour le coup... On vient d'enterrer un type qu'il avait tué dans la journée. Quelle sordide pensée, n'est-ce pas ? Ce n'est pas exactement ce à quoi je pensais lorsque je me suis arrêté sur ce parking...
Mais nous voilà... Non ?
Alors je trouve la force de desserrer mes lèvres pour enfin marmonner :
— Qu'est-ce qui t'était arrivé, Rip ?
— Quoi ?
— Qui est-ce qu'on t'a enlevé ?
Rip se redresse sur un coude sans quitter mon visage de sa main. Il glisse ses doigts le long de mes épaules et ses caresses deviennent encore plus tendres.
— Tu dois être épuisée. Tu devrais dormir.
— Dis-moi, Alec.
C'est la première fois que je prononce son vrai prénom. Celui qu'il a omis depuis tous ces jours, toutes ces fois où on s'est déshabillés... Et visiblement, ça le choque tout autant. Il se pince brièvement les lèvres avant de se rallonger à nouveau, ses mains frottant son visage encore couvert de terre et de sang.
— J'avais un frère. On ne s'entendait presque pas, même si on n'en avait jamais vraiment parlé.
— Pourquoi ?
— Il n'arrêtait pas de faire de très mauvais choix... Et c'était moi qui en ramassais les peaux cassées. J'en avais marre.
Je viens me blottir dans ses bras et pose mon menton sur son torse qui se soulève sous son cœur qui bat.
— Quoi comme mauvais choix ?
— Il est tombé amoureux d'une Amérindienne, qui était à peine majeure. Elle faisait partie de l'un de ces réservoirs ultras privatifs qui grimaçaient à chaque fois qu'ils voyaient des blancs... Autant dire que quand elle s'était enfuie avec lui, la haine était assurée. Ils n'avaient rien. Pas d'argent, pas de toit... J'ai dû tout prendre en charge.
— Ça devait être dur.
— Encore plus quand la petite est née.
L'enfant de la photo...
— J'ai fini par m'habituer. On grandissait tous ensemble. Ça me faisait un peu rire quand je devais venir chercher la mère, comme l'enfant de l'école, mais bon. Et puis... Mon frère et moi avions été déployés.
Je redresse le bout de ma tête vers son visage qui semble encore plus s'assombrir et l'incite à poursuivre en posant un doux baiser sur sa joue.
— Et qu'est-ce qui s'était passé ?
— Peu avant notre dernière mission du déploiement, je l'ai retrouvé dans un horrible état. Il venait de... de découvrir que... elle l'avait quitté.
— Pourquoi ça ?
— Elle ne pouvait plus recevoir les mauvais regards de sa famille. Elle voulait revenir. Mais ils n'acceptaient pas la petite, parce qu'elle était... bâtarde. Il fallait donc que quelqu'un revienne pour s'occuper d'elle.
— Ton frère est... a juste quitté le navire ? Il avait eu peur des responsabilités ?
— Je suis revenu seul, parce que mon frère n'a pas survécu de la dernière mission.
La chair de poule qui parcourt ma peau me fait redresser. La peine qui brillait dans ses yeux est à présent plus que de la lassitude. Il semble encore plus fatigué que quand il avait enfin fini d'enterrer ce corps, après avoir littéralement soulevé des rochers. Je remets une mèche de mes cheveux derrière l'oreille et plisse les yeux. J'ai l'impression que le pire est encore à venir. Rip se redresse à son tour et annonce simplement :
— Elle a été tuée, aussi.
— Quoi ?
— C'est elle que... que ces types ont tué.
— Pourquoi ? Pourquoi quelqu'un ferait ça ? Mais pourquoi, putain ?!
Un faible sourire se dessine sur ses lèvres quand il poursuit, la voix presque tremblante :
— C'est le karma, pas vrai ? J'ai dépourvu une petite fille d'un père et quelques semaines après... C'est la mienne que je perds.
J'ouvre la bouche pour répliquer, mais Rip se lève du lit, plongeant ses mains dans les poches de son jean.
— Mais bon, personne ne sait vraiment ce que ça fait de perdre un gamin, donc... Je n'ai que moi-même à blâmer. Donc... je devrais vraiment y aller.
Il me tourne le dos, se rapproche de la porte de la chambre, mais au moment où il pose sa main sur la poignée, je parviens à desserrer mes dents serrées.
— Je... Je sais ce que ça fait. De perdre un enfant.
Ses doigts se figent sur le métal de la clenche et il se tourne à demi vers moi. Je repose mon regard sur les draps entremêlés et tente de garder mon cœur à un rythme non létal.
— Tu as dit quoi ?
— J'ai perdu un enfant, aussi.
D'un pas silencieux, il se rapproche à nouveau vers le lit, ses yeux grandement écarquillés. Il décroche ses mains de ses hanches et s'agenouille sur le matelas à découvert, dont le drap est arraché. Lentement, il me fait me redresser à son niveau et rapproche son visage du mien pour m'embrasser. La pression de ses doigts contre ma nuque me fait presque gémir et comme un déclic, des larmes viennent sillonner le creux prunelles.
Pourrait-on blâmer le cours de ces évènements, tous aussi incompréhensibles les uns que les autres ? Pourrait-on vraiment raconter ? Non. Et c'est probablement ça qui rend les choses si uniques... Et intenses.
— Comment ?
Je tente de reprendre mon souffle, même s'il reste un peu superficiel, mais en sentant sa douceur, je sais que ces quatre murs de motel refermeront nos secrets. Ils ne seront dit qu'une seule et unique fois, avant d'être oubliés à jamais. Alors mon visage toujours entre ses mains, je me risque :
— J'ai été... j'ai été marié et... Je suis tombée enceinte. Je... nous étions très heureux jusqu'à ce que... jusqu'à la deuxième échographie. Le docteur nous avait annoncé que quelque chose n'allait pas.
Mes mains se figent sur sa taille l'espace d'un instant et il me fait asseoir sur la lisière du lit. Ses doigts perdus dans mes cheveux je poursuis :
— Le docteur disait que le bébé était trisomique. Qu'il y avait bien sûr la possibilité de vérifier au quatrième mois si c'était bien le cas, mais... La certitude était là. Et mon... mon mari avait dit qu'il ne voulait pas d'un monstre comme enfant.
— Monstre ?
— Il m'a obligé à me faire avorter.
Cette fois-ci, c'est lui qui se tend. Ses narines se dilatent sous la colère. Il n'y a pas de quoi être en colère, cependant. C'est autant de ma faute que de celle de David. J'aurais tout simplement pu dire non, lui dire d'aller se faire foutre, partir avec le bébé... mais je ne pouvais pas faire une chose pareille. J'avais presque trouvé ma place dans ma propre famille et cette même idée m'avait terrifié.
— J'ai... Je l'ai fait. Mais l'opération s'était mal passée et... on m'avait dit que je ne pouvais plus jamais avoir d'enfants. En rentrant... Tout ce que j'avais trouvé, c'était des papiers de divorce.
Il me serre dans ses bras et je m'autorise un instant d'étouffer un sanglot dans son épaule. Pas plus, jamais plus, parce que je n'en ai pas le droit. David a eu le droit à bien trop de mes larmes versées. Je tente tant bien que mal de m'accrocher à son dos, même si mes tremblements reprennent de plus belle et lui dit :
— Alors oui, je comprends ce que tu ressens. Je n'ai... je n'ai peut-être jamais vraiment pu être réuni avec mon enfant, encore moins savoir si c'était une fille ou un garçon, mais je sais la douleur, le vide. Mais s'il te plaît... ne pars pas. Pas encore.
J'ai besoin de toi.
Mais pour ça, mes lèvres peinent à s'ouvrir et restent scellées.
Il me caresse le dos avec douceur et me souffle à l'oreille :
— D'accord, d'accord, juste... Allongeons-nous.
La lumière s'éteint et tout ce qui reste, c'est les faibles rayons rouges des néons du motel qui transpercent les rideaux. Dehors, il n'y a que la nuit et tout ce que j'espère, c'est qu'avec le lever du soleil, l'horreur que nous avons commis s'évapore comme la rosée sur les pétales des fleurs de cactus.
Et me revoilà à nouveau blottie dans ses bras.
Je ne pense pas que je pourrais un jour m'en défaire... Car ils prennent de moi toute la douleur que j'ai un jour pu éprouver. C'est grâce à eux, à lui que je peux fermer un œil, ma joue fermement collée contre son torse.
— Promets-moi de ne pas me laisser, d'accord ?
— Promis.
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Helllooooo ! 💙💙
Vous avez été nombreuses à me dire pleins de choses interressantes autant du passé de Rip que celui de Sam ! ça avait été dur de ne pas juste vous dire haha 🤭
Mais voici les réponses tant attendues ! Certaines avaient partiellement raison, d'autre tout tout près !
Si vous avez toujours des questions, n'hésitez pas et sinon à demain !
PS : PLUS QUE DEUX CHAPITRES ET L'EPILOGUE 😭😭😭
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