chapitre 33 : Ronda et Elvis

Quand j'arrête la voiture sur le parking et que je retire les clefs du contact, je me tourne vers Sam. Elle n'est pas vraiment loin, cependant... Après cette... Folle sortie dans le désert et toutes les émotions de la journée... Elle s'est endormie. Sur mon épaule. Ses genoux ramenés à elle, sa joue pressée contre mon cou... Elle a l'air paisible. Douce. Un aspect d'elle qu'elle ne montre quasiment jamais.

J'essaye de faire un mouvement pour la réveiller, mais tout ce qu'elle fait, c'est se blottir encore plus contre moi.

Le soleil va se lever, on vient d'enterrer un corps, on a c... Non. Non, non, on a fait l'amour.

Putain, mais je n'arrête pas de merder, je vais briser cette merveilleuse femme.

Pour l'instant, elle a l'air plus épuisé que brisé.

— Sam. Hey. Réveille-toi.

Pas de réponse. Au contraire, même, son bras vient entourer ma taille. Je nettoie la mèche blonde qui lui cache son visage et lui colle un petit baiser sur le front.

Il faudrait qu'on remonte vite dans les chambres, au cas où si quelqu'un nous voit. Une œillade sur le parking me fait me rendre compte qu'en fait... Il n'y avait plus personne. Plus aucune voiture en face des édifices, juste des traces de pneus... Et le camion d'Elvis.

Putain.

— C'est une bonne matinée, n'est-ce pas ?

Je ferme un instant les yeux quand j'entends sa voix retentir derrière-moi. J'essaye de vite nettoyer les traces qui couvrent ma peau, entre la poussière, la saleté, le sang et cette odeur de sexe, mais je ne peux pas faire grand-chose...

Le visage d'Elvis vient se coller à la vitre de ma portière et après avoir tendrement repoussé Sam sur la banquette, je sors.

— Je peux tout expliquer.

— Par exemple les hommes qui te cherchaient ? Que l'un d'eux est à l'arrière de ce pick-up recouvert d'une bâche ? Ou même du sang qui s'en écoule ?

— J'ai compris.

— Tu en as à côté du nez.

Je m'essuie le visage du revers de mon poignet et souffle. Elvis est insondable. Je ne sais pas s'il est effrayé, en colère ou juste une statue, mais... Il est de marbre, ses mains figés dans le creux de ses hanches. Il n'y a que sa moustache qui frétille sous le vent matinal.

— Je ne sais pas quoi dire. Pour la première fois de ma vie, je ne sais pas quoi dire.

— Qui étaient ces hommes ?

— Des fumiers.

— Qu'est-ce qu'ils t'avaient fait ?

— Ils ont tué mon trésor.

— Je vois.

Elvis souffle en se penchant à côté de moi afin de regarder à l'intérieur de la voiture où Sam était profondément endormie.

— Et tu l'as emmené dans ça ?

— Elle y a tenu.

— Tu ne pouvais pas dire non ?

J'aurais aimé rire et faire deux trois blagues remplies de sous-entendus, mais je n'en ai pas la force.

— Qu'est-ce que tu vas faire, Elvis ?

— Tu veux que je fasse quelque chose ?

— Je pense que tu serais un humain normal si tu le faisais.

— Hm. Tu as peut-être raison.

— Tout va bien ?

Je souffle encore plus quand Ronda se rapproche de nous, ses mains perdues dans son tablier.

— C'est pas vrai...

— Mon p'tit, je sais que ce n'est pas sur les panneaux des interdictions, à côté des animaux et de la cigarette, mais les corps non plus, ne sont pas acceptés.

Merde, même la cigarette ?

Je porte mes paumes à mes yeux et me frotte avec hardeur, dans l'espoir que comme ça, je disparaîtrai.

— Pourquoi tu ne viendrais pas avec nous, fiston ? Que tu nous explique un peu ce qui s'est passé ? Je crois que c'est la moindre des choses.

Alors que mon cœur semble exploser dans ma poitrine, par instinct, je porte ma main à mon pantalon où figure toujours mon Glock. Mais avant que je n'ai le temps de dégainer, Elvis pose sa main sur mon bras éraflé.

— Avant que tu fasses ça, je tiens juste à préciser qu'on ne veut aucun mal.

— Qu'est-ce qui me dit que...

— Juste arrête de faire le con. Je crois que tu en as déjà assez fait, non ?

***

Je n'ai jamais été aussi dans l'embarras de ma vie. Même lorsque ces vieilles dames m'avaient surpris avec Sam dans le jacuzzi...

Il fait nuit dehors, il n'y a que moi dans le dîner à moitié éclairé et je fais face à Ronda et Elvis. Je suis presque sûr qu'ils vont me tuer à tout instant.

La serveuse pose une bouteille d'eau froide en face de moi, mais au moment où je fais le geste de la prendre, assoiffé que je suis, Elvis me fusille du regard.

— Qu'est-ce que vous allez faire ?

— Tu as déjà posé cette question.

Je me mordille le bout de la lèvre et grogne en levant les bras en l'air.

— D'accord, alors qu'est-ce qu'on fait ici, exactement ? Vous allez me regarder jusqu'à ce que quelque chose se passe ?

Ronda et Elvis s'échangèrent un regard et ce fut finalement la serveuse à la peau chocolatée qui répliqua :

— Tu es venu ici pour faire ça ?

— Non. Ils m'ont poursuivi.

— Tu n'es pas vraiment allé loin, si tu viens de Vegas.

— Je sais. Je sais. Je n'ai pas vraiment réfléchi.

— Et c'est pour ça qu'il y a un cadavre à l'arrière de cette voiture.

Je me redresse de mon tabouret qui grince sur le carrelage et pose mes mains sur le comptoir où suinte l'eau évaporée de la bouteille.

— Vous voulez me balancer, très bien, faites ce que vous avez à faire, je ne vous en blâmerai pas. Faut être malsain. Mais juste laissez-moi trente minutes que je puisse, vous savez... Me barrer.

Je me retourne pour m'en aller quand Elvis me rattrape par le bras.

— Tu avais dit qu'ils avaient tué quelqu'un qui t'étais cher. Qui ça ?

Je jette un rapide coup d'œil à travers la porte, mais Sam est toujours resté endormie sur la banquette de son pick -up. Dans l'incertitude du moment, tout me parait vague. Depuis la combe rocheuse, j'ai l'impression d'être resté figé dans le temps et je ne sais pas si j'avance ou si je recule... Tout n'arrête pas de se répéter, c'est comme si je suis enfermé dans une boucle.

— Disons juste que... Que c'était à cause de ça, que j'avais essayé de les fuir.

— Qu'est-ce que font réellement ces hommes ?

Je me laisse appuyer contre la porte et la cloche retente dans le dîner vidé. Comment est-ce que je peux bien expliquer quelque chose que je n'ai jamais compris par moi-même ?

Mais je n'ai pas le choix. Soit j'explique, soit je sors d'ici, menottes aux mains. Ou pire.

— Il y a dix ans, avec les guerres du Moyen-Orient, beaucoup de groupes para-militaires ont commencé à émerger. De quoi recueillir les soldats... Brisés. Comme moi. Cobalt, c'est ça. Dès qu'une mission se passe mal, comme dans mon cas, Mossoul... Ils viennent nous recruter.

— Pourquoi ?

Demande Ronda en venant s'asseoir à son tour sur l'un des tabourets.

— Parce qu'on est peut-être pas assez fonctionnels pour l'armée, mais suffisamment cassés pour ne pas réfléchir et juste impulsivement appuyer sur une détente. Peu importe l'ordre.

— Et c'était ton cas ?

Oui.

À la place de leur répondre, je passe une main dans ma barbe mal rasée, passant la pulpe de mes doigts sur les éraflures et le sang séché.

Elvis se relève en déposant son chapeau de cowboy sur le comptoir du dîner et vient se poster en face de moi. Il souffle et je perçois l'espace d'une fraction de seconde un faible sourire sur ses lèvres... Avant de tout de suite faire place à sa moustache qui lui grille toutes ses émotions.

— Peut-être que... Peut-être qu'on peut te donner plus qu'une demi-heure ? Tu as l'air toi-même mort.

— Évidemment, Elvis, il vient d'enterrer un type dans le désert.

— Merci, Ronda.

— Merci à vous deux, mais... Je crois qu'il vaut mieux pour tout le monde que je ne reste pas une seconde de plus. Je ne voudrais pas que... Que qui que ce soit d'autre, soit en danger.

Elvis enfonce ses mains dans les poches de son vieux jean et réplique :

— Tu sais fiston, on a tous un passé foireux. C'est ce qu'on fait du futur qui importe. Mais prends soin de toi... Et essaye de faire la part des choses, à l'avenir.

Il m'assène un coup dans l'épaule et je le remercie en retour. Je ne cerne pas vraiment cet homme, mais je sais qu'il n'a pas un mauvais fond. Je plisse un peu les yeux pour le cerner, mais son visage est tellement impassible... Tout ce que je peux faire, c'est un petit signe de tête poli.

Je finis par me retourner et lorsque je pousse la porte, le bruit crissant d'un vautour qui me survole me vrille un tympan. Hormis ça, il n'y a que le bruit de mes chaussures qui claquent sur les graviers. Je me dirige vers la voiture et à travers la vitre de la porte, j'y aperçois Sam, toujours et encore endormie.

Elle n'a tellement plus de forces que son bras traîne à son côté comme une loque.

Je crois que je viens de passer la soirée la plus étrange de toute ma vie.

---------------------

Helllloooo !

Il ne reste plus beaucoup de chapitres avant la fin ! Demain, les réponses finales, en tout cas, très hâte D'ENFIN  pouvoir vous donner les réponses et repondre à vos théories sans être evasive 🤭

💙💙💙💙💙

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top