chapitre 25 : parmi tous les endroits du monde
Un peu plus tôt.
Quand je l'ai vu, j'ai su. J'ai su que je n'en avait pas fini. Que j'avais encore foiré et que c'était juste un signe, que j'aurai dû continuer ma route... Ne jamais m'arrêter. Ce foutu motel, ses insignes en néon cassé et aveuglants... Cette nana dont j'arrive pas à me décrocher...
Tout ça, me mord dans le cul, à présent.
J'attends quand même que Sam parte de la ruelle pour sortir à nouveau sous la pluie. J'enfonce ma main dans ma poche en y cherchant mes clefs et fait ouvrir mon coffre. Si j'ai interdit à Sam de venir foutre son petit nez de fouineuse dans mes affaires, c'est justement parce que je n'ai pas envie que quelqu'un sache que je suis légèrement stressé par rapport à ma sécurité.
Après une vie comme la mienne, on se sent un peu nu, sans armes.
Je dégage les plus gros caissons qui détiennent mes fusils et enfonce ma main dans le fond pour en sortir un Glock. Je referme le coffre, mais je ne prête déjà plus attention à ma voiture et sans attendre que le petit "clack" de la fermeture se fait, je me dirige à nouveau à l'intérieur, cachant mon arme dans mon dos, le recouvrant de ma chemise. J'évite de justesse des petites étincelles qui jaillissent de partout et me retrouve face à face à la personne qui m'a valu dégager Sam au plus vite. Plus petit que moi, mais pas moins musclé, Théo, celui avec qui je travaillais au hangar de Cobalt, me jauge, la malice brillant dans ses yeux. Il sort de derrière son coin d'ombre, un torchon tâché de cambouis.
— Je savais bien que c'était toi.
— Tu peux m'expliquer un truc ?
Il me fait un petit geste de son torchon et cloue ses pouces derrière les bretelles de sa combinaison de travail.
— Quoi ?
— On est où là ? Dans le désert... Pas vrai ?
— Oui...
— Et c'est déjà au milieu de nulle part, le désert, on est d'accord ?
— Alec, je...
— Alors cette ville, selon la logique des putains de cartes et du sens moral... Devrait être encore plus fantomatique !
— Alec.
— Alors dis-moi... Ce que tu fous ici !
Mon ton froid arrive même à surpasser des bruits du garage. Théo abaisse ses mains lorsque plusieurs gars nous regardent et m'attrape par le bras pour me guider à l'arrière. Presque plongés dans l'obscurité, je regarde mon ancien compagnon d'unité paramilitaire faire quelques petits cercles sur lui-même, visiblement nerveux.
— C'est à toi qu'il faudrait que je demande ça ! Tu avais dit que tu te cassais !
— C'est ce que j'ai fait.
— Pas assez loin, mec. Pas assez ! On n'a même pas besoin de faire un plein d'essence pour se rendre ici !! Quoi, c'est cette nana avec qui tu étais ? T'es aussi en manque que de te faire mener par une blonde ?
Irrité, je frotte la peau de mes bras jusqu'à ce qu'elle commence à picoter, presque brûlée.
— Change pas de sujets.
En me frottant, je fais voleter ma chemise sur ma taille et elle se bloque dans la crosse de mon arme. Le regard de Théo se pose instinctivement sur elle et son visage se fige. Si Théo, d'habitude, est un gars drôle et léger, c'est dans ce genre de moments que le militaire en lui surgit. Ses traits, figés sur son visage, font virer la prunelle grise de ses yeux au pourpre. Il fait un petit pas en arrière et siffle entre ses mâchoires serrées, où figurent les séquelles de ses missions pour Cobalt.
— Tu crois que tu vas faire quoi, avec ça, Rip ? Tu veux me buter ?
— Je ne sais pas ce que tu fous ici.
— Tu m'as dit de partir, tu te rappelles ?
— Et je suis supposé croire que... Que tu avais juste accepté ?
Théo abaisse ses bras puissamment musclés de son torse qui l'est tout autant et grogne, à voix encore plus basse pour être persuadé que personne nous entende.
— Tu es parti, Alec. Parti. Parti ! Toi ! Alors que je me souviens qu'à l'enterrement de Shay, tu n'avais même pas quitté le cimetière jusqu'au lendemain. Si toi, tu t'es cassé aussi vite, sans même donner de préavis... C'est que ça devait être sale. Alors ouais, je t'avais écouté et j'ai fait pareil.
À la mention de Shay, mes nerfs se tendent sous ma peau et saillent. Je vois rouge. Si rouge que mes instincts reprennent le dessus, je l'attrape par le col de son t-shirt, le plaque si violemment contre le mur que le craquement de son cou retente et comme si ça ne suffisait pas, je lui plaque le canon de mon flingue sous le menton. Mes yeux enragés figés dans les siens, je vocifère si près de son visage que nos fronts se touchent.
— ça me ferait drôlement chier de te tuer, Théo...
— Alors le fais pas.
Il essaye de se dégager, mais j'enfonce encore plus le canon dans sa gorge, bloquant son déglutis.
— Tout le monde sait quel genre de gars t'es, Théo... Partout où tu vas, tu laisses des traces plus visibles qu'un sanglier dans des putains de fougères ! C'est rien de personnel... Je sais juste que Cobalt est déjà là... La question est : combien de temps me faudra-t-il avant que tu craques et que tu me balances ?!
— Tu te fous de ma gueule ?! On volait ensemble, mon frère !
— J'ai pas de frère... Cobalt, c'était pas ma famille.
— Lâche-moi, Alec...
— Ils veulent un cadavre... Je peux donner le tiens.
Je pose mon doigt sur la détente, sentant les mécanismes commençant à faire pousser la balle dans le canon et tout le monde de notre trempe sait ce que ça veut dire. Les pupilles de Théo se rétrécissent et ses doigts viennent se cramponner autour des miens.
— Soit intelligent, Alec... Un cadavre, ici et maintenant et ta vie, elle est finie !
— Ça fait longtemps qu'elle est finie.
Réponds-je avec amertume. Je suis tenté. Tenté d'appuyer sur la détente jusqu'au bout, tenté de me débarrasser de chaque petit rat qui se dresse sur mon chemin. Je ne sais pas si c'est animal ou sincère, ou juste parce que j'en ai plus rien à foutre, mais pendant une fraction de seconde... Oui, j'y pense. Il le sait aussi, car ses ongles s'enfoncent dans la peau de mes poignets.
Je le relâche.
Il est aussi surpris que moi. Il reste un instant figé, le souffle court, son t-shirt encore tout défait sous l'effet de ma poigne. Je range mon arme à nouveau dans mon dos, remet ma chemise et souffle en me frottant les yeux du bout de mes paumes. J'ai les poumons en feu, le cœur serré et les intestins tout retournés.... Sincèrement, mon corps est en train de se mutiner contre moi-même. Mes valeurs et ma raison font une guerre de Sécession dans mon crâne, au point où mes oreilles en sifflent.
— T'es pas quelqu'un d'intelligent, Théo.
— Et toi t'es vraiment un connard.
— Je confirme. Mais bon... Je peux te coller une balle dans la tête maintenant aussi.
— Je sais.
— Tu t'en souviendras quand... Quand ils t'attraperont et qu'ils te feront sauter tes belles petites dents.
Il hoche la tête avec frénésie, recula jusqu'à partir dans la pièce générale et disparut aussi vite que je l'avais aperçu, par-delà l'épaule de Sam. Je reprends un instant mon souffle et fait passer mon coude sur mon front pour m'essuyer la sueur qui en perle.
J'aurai jamais cru être aussi hanté par Cobalt, alors que je suis parti... Je les avais moins sur le dos quand je faisais partie d'eux.
Il n'y aura pas assez d'aspirine dans le monde pour faire passer les migraines qui me flinguent la tête comme un millier de poignards embrasés.
Putain de merde.
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Hello tout le monde !
Alors déjà, j'aimerai tous vous remercier pour votre soutien par rapport à hier, ça m'a vraiment fait chaud au cœur et je suis très reconnaissante envers vos messages ! 💙
Comme promis, le chapitre d'hier est là et noooon Rip n'a tué personne... Enfin il reste une dizaine de chapitres, c'est peut-être encore trop tôt pour le dire ?
Et ouiiiiii... Dans une dizaine de chapitres ça va être déjà fini ! Je prépare d'ailleurs une autre romance, directement, assurément, qui aura sa pointe d'érotisme (tant qu'on y est 🙄😂💙)
En attendant, à demain pour le chapitre de Sam ! 🤭💙
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