chapitre 20 : une question de timing

Mes sandales en main, j'ignore l'horrible douleur qui me tenaille la plante de mes pieds, écorchés par le bitume de la route sur laquelle je m'avance. Rip me trace, bataillant avec la chemise qu'il essaye de remettre, mais j'ignore ses appels.

— Sam, attends-moi ! Tu ne vas quand même pas marcher jusqu'au motel ?!

Le fait que je dépasse sa voiture, tranquillement garée le long de la route, répond à sa question et il s'empresse de courir pour me rattraper. Il se plante devant moi, sa ceinture encore défaite et tente de me rassurer en ouvrant en grand les bras.

— Hey, hey, hey, hey ! Non, arrête !

— Pousse-toi de mon chemin.

Je le bouscule du bout de l'épaule, mais il continue de me suivre.

— Tu n'es pas sérieuse ? Il y a pas deux minutes, on... Bref, et maintenant tu te barres comme si je t'avais fait du mal ? Je crois que je mérite un peu de savoir si...

Je me retourne si violemment vers lui qu'il manque de m'atterrir dedans.

— Non. C'est toi qui avait raison. À part ce qu'on fait, on n'a pas à se parler.

— Mais c'est pas ce que je voulais dire, c'est j...

— Non, Rip... Juste... Comme tu me l'as dit ce matin, juste casse-toi. Et laisse-moi rentrer seule.

— Alors c'est ce que tu fais ? Tu te venges ? Comme une sale gamine ?

Il vocifère son insulte au point où mon sang se met à bouillir dans mes veines. J'ai envie de lui sauter au cou, mais pas d'une façon sensuelle et dépourvue de tout bon sens...

Non.

J'ai envie de lui arracher les yeux de la tête. Je n'en fais rien cependant, même si ce désert est techniquement une utopie pour cacher un corps... Je me contente seulement d'avancer et très vite, Rip se fatigue et s'arrête. Je le laisse derrière-moi, sans aucun regard en arrière.

J'ai besoin de marcher. J'ai besoin de souffler. J'ai besoin d'avoir juste un tout petit moment pour reprendre mes forces, celles qui définissent le voile de protection que je me suis construit au fil de ces années.

Il s'effrite, quand je suis avec Rip et je commence à avoir peur de ce genre de conséquences... Il serait peut-être temps d'arrêter, je le sais, alors si ça veut dire continuer à marcher pieds nus pour rejoindre le motel, qu'il en soit ainsi.

Juste tout pour me débarrasser de ce putain de mauvais souvenir.

***

Six mois auparavant, quelque part au Minnesota.

Le soleil est tellement en train de luire sur les champs de blé que je peine à percevoir les ballots de foin qu'on fait monter sur les camions. Essoufflée et cramponnée sur la selle de mon cheval, je tente à tout prix d'apporter de l'oxygène à mes poumons en faisant voleter mon chapeau devant mon visage.

Rien qu'une bonne journée parmi les travailleurs du ranch pour chasser les idées noires de ma tête... Et Dieu sait à quel point elles ont été nombreuses, ces derniers mois.

John, l'un des principaux cowboys de notre propriété, un homme d'une cinquantaine d'années qui avait été le bras droit de mon père en son temps, fait galoper son cheval à la robe alezane dans ma direction et s'arrête en me tirant son chapeau noir.

— 'Soir Samy ! Tu n'es pas au gala de charité de ta mère ?

— Tu pourrais éviter de me rappeler ça ? C'est bon, je vais filer, juste laisse-moi le temps de digérer cette horrible nouvelle.

Il rigole et moi aussi, même si nous savons tous les deux qu'il n'y a en fait pas matière à rire.

Ma mère, cohéritière du Blue Winds Ranch, ne fait que ça. Gala après gala, elle enchaîne les festivités mondaines et serre la pince avec des hommes de plus en plus influents. Je ne serais pas surprise de voir des ministres, cette fois-ci. Elle continue de plaider qu'elle investit pour le bien de notre ranch, mais je dois avouer que je ne me rappelle la dernière fois que je l'ai vu vêtue de bottes ou de pantalon... Ses robes étincelantes sont presque cousu à sa peau.

Et malheureusement, en tant que fille aînée, je dois supporter tous ses caprices... Si ma petite sœur, Annie, supporte ces frivolités, moi, je préfère traîner dans les champs, à dos de mon magnifique étalon au sang mustang.... Et potentiellement au bar, près des hommes, des vrais et pas comme...

Bref.

Sentant une autre idée noire m'envahir, je décide de prendre congé de John et les autres cavaliers et d'un claquement de langue contre mon palais, indique à mon cheval de rejoindre les écuries.

Au plus j'aurais du retard, au plus mon cauchemar s'accentuera.

***

Il fait nuit quand je rejoins enfin l'immense jardin en face de la maison centrale du ranch. Une immense propriété que mon père a commencé à construire de ses propres mains et qui, probablement comme le manoir de Sarah Winchester, n'aura aucune date de finitions.

Serrée à max dans cette horrible robe blanche trop moulante, que j'ai retrouvé sur mon lit après être passée à la douche, je passe de la terrasse au gazon qui s'étend sur plusieurs kilomètres. Un jardin illuminé par des estrades, des réverbères, des guirlandes... Et surtout, envahi de monde.

Du monde, putain... Je n'aime pas les gens. Enfin... Je n'aime pas ces gens. Il y a une grande nuance à ça.

Je tente de frayer mon chemin à travers tous ces pingouins en costumes taillés et leur femmes aux brushings poudrés, mais je me retrouve très vite coincée.

Je couine, agacée, mais heureusement pour moi, un serveur en nœud papillon passe avec une seule coupe de champagne encore disponible sur son plateau d'argent. Je m'en balance de ma politesse, mais je l'attrape avant que l'un des invités ne tende la main pour m'imiter.

Après tout, je suis chez-moi. Qu'ils aillent tous se faire foutre.

J'ai presque fini de boire cul sec, laissant l'alcool me brûler le gosier, quand une voix bien trop connue retente derrière moi.

— Tu n'as toujours pas changé, à ce que je vois.

Je m'étouffe sous le coup et tousse pendant au moins une trentaine de secondes, postillonnant sur le visage d'une pauvre dame en face de moi qui s'apprêtait à manger son canapé au saumon.

L'homme à qui appartient la voix vient se poster en face de moi, ses mains poliment croisées dans son dos. Son costume, habillant parfaitement son corps comme s'il était né avec, va parfaitement avec sa coupe à la DiCaprio. Il y a bien deux trois mèches blondes cendrées qui s'échappent de cette perfection presque aveuglante, mais il se dépêche de les coller parmi les autres. Il me jauge de toute sa taille quelque peu fine, dont les formes et muscles peu dessinées percent à peine de sa chemise blanche, mais ça ne l'empêche pas d'arborer toujours et encore le même sourire en coin plus que condescendant.

Je finis par m'essuyer la bouche d'un revers de main peu glamour et grogne en volant le verre des mains de quelqu'un d'autre.

— Qu'est-ce que tu fiches ici, David... Quoi, tu n'as peu assez de moi ? Mon petit cul te manque ?

Mon sarcasme coupe l'air, mais malheureusement l'homme, qui se trouve être mon ex-mari, a bien l'habitude. Il ne se laisse donc pas abattre et se contente simplement de m'accorder un petit sourire. Un foutu sourire de merde, si on veut mon avis.

— Allons, Samuela... Tu as bien plus de reparti que ça, d'habitude.

— Dis-moi ce que tu branles ici et peut-être que je trouverai autre chose...

Il laisse échapper un sourire bien trop mélodramatique et finit par répondre sur le même ton.

— Tu ne sais donc pas ?

— De ?

Il souffle avec condescendance et après un petit signe de la tête, s'éloigne sans rien dire de plus. Je m'apprête à le rattraper pour lui demander plus d'explications, quand le fin mais insupportable bruit d'un tintement de verre retente dans la foule et que toutes les voix se taisent. Au loin, sur l'estrade principale, ma mère et l'hôte de ces festivités absurdes, fait abattre frénétiquement son piquet de glace contre son verre de martini. Maquillée au point où ses traits sont figés sur son visage, le sourire qu'elle arbore fait tâche au milieu de tout ça... Un scandaleux rictus qui semble pourtant convenir à tous ces crétins qui m'entourent.

Putain, je ne peux vraiment pas faire ça sobre...

Je me prends un autre verre, alors que ma mère commence à entamer son speech de remerciements et je tente tant bien que mal de m'assommer à l'aide de vodka.

Ma mère me rend alcoolique. Ma famille me rend désespérée... Sérieusement, si ça n'en tenait qu'à moi, je me serais cassé le jour où mon père est mort de cette foutue crise cardiaque.

Pour ma mère, je n'ai jamais été assez... Ou bien trop... Allez savoir ? Moi, je n'en sais rien. Depuis le moment où j'ai sur marcher, ça n'avait été qu'une cascade de déceptions et un enchaînement regards hypocrites... Le seul membre de la famille qu'il me reste, ça doit surement être ma petite sœur... Mais je sens que je la perds aussi. Elle devient de plus en plus distante avec moi depuis mon divorce avec cet enculé de David.

Malheureusement, mon verre, comme tous ceux d'avant, arrive à sa fin, tout comme les stupides bobards que ma mère énumère comme des métaphores dans un poème. Elle souffle, avec bien trop de drame et tend la main dans le public, où je perçois la tête blonde d'Annie une fois que je me suis hissé sur le bout de mes talons.

— Et sans plus attendre, mes chers convives, ma fille et moi avons une grande nouvelle à vous annoncer !

Annie monte sur l'estrade, le pan de sa robe bleu à motifs fleurs dans sa main. Je fronce les sourcils, un peu incomprise... En général, je suis au courant de toutes les conneries que ma mère peut débiter devant un public aussi important... Là, ce n'est pas le cas. C'est avec grossièreté que je me fraye un passage parmi les convives, les faisant râler un à un, mais je m'en fiche et j'atteins le premier rang. J'essaye de faire signe à ma petite sœur pour qu'elle me raconte vite fait de quoi il peut bien s'agir, mais elle capte à peine mon œil. Elle m'esquive.

Pourquoi j'ai l'horrible sensation que ça ne sera pas bon ?

Ma mère fait un autre signe dans le public, cette fois-ci, à David.

— Qu'est-ce qui se passe, bordel de merde...

Je fais passer les dents sur le rebord de mon verre vide et d'un œil furieux, regarde mon ex-mari monter avec empressement sur l'estrade. Ce connard enroule une main autour de la taille de ma sœur et j'ai à peine le temps de pousser un petit cri de surprise, que ma mère écarte ses bras en grand et crie, son sourire botoxé arrachant ses mâchoires au passage.

— J'ai aussi l'honneur de vous annoncer que la vente totale de notre bétail n'est pas le seul évènement phare qui se produira cette année ! Notre famille va s'agrandir et nous accueillons fièrement David ! Bon retour parmi nous, fiston.

C'est une blague. C'est une foutue blague ?! Je manque de m'étouffer, tant je suis outrée. C'était quoi cette foutue présentation ? Et qui dit ça ?! « bon retour parmi nous » ?! Qui, pour l'amour de Dieu, peut dire un truc pareil ? ça veut dire quoi ?! « oh, pardon que ma fille aînée n'ai pas pu t'apporter ce que tu voulais, alors je te donne l'autre » ?!

Je vais crier. Je vais sincèrement crier !

Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que les autres attardés mentaux se mettent à applaudir cette « heureuse » annonce, prenant aucune garde à la foutue langue qui est en train de laver les amygdales de ma petite sœur.

Ma foutue putain de petite sœur... Avec mon pire cauchemar...

Je suis à deux doigts de monter sur l'estrade, lui arracher les couilles en plein public, mais je suis bien trop choquée. Tout ce que j'arrive à faire, c'est éclater le verre que j'ai dans ma main. Une femme assez ronde sursaute, outrée, à mes côtés, mais je l'ignore. J'ignore aussi le sang bien pourpre qui commence à perler le long de ma robe immaculée.

Tout ce que je vois, c'est eux.

Et ce bonheur affligeant qui s'émane d'eux. J'en ai le souffle tellement coupé que mes yeux se voilent légèrement.

Tout se répète. Absolument tout.

Même si mon mariage avec cet homme qui caresse à présent le haut des fesses de ma petite sœur, était arrangé pour le bien de nos entreprises familiales respectives, j'étais persuadée que les sentiments allaient finir par venir.

Et quand j'étais tombée enceinte, j'ai bien cru que j'allais être enfin, pleinement heureuse...

Sauf que bien sûr, rien ne s'est déroulé comme prévu.

Et c'était à ce moment-là, quand j'avais montré le fameux bâton bleu à l'homme que je croyais être aimant, que j'ai vu son vrai visage. Il ne m'aimait pas, ne voulait pas de l'haricot qu'il avait semé en moi et avait brisé tous mes rêves et espoirs.

Il m'a cassé jusqu'à ce que tout s'arrête... J'ai encore le souvenir de revenir chez-moi et de retrouver à la place de mon mari, des papiers de divorce.

Je ne l'avais jamais revu depuis et pourtant, maintenant tout se répète.

Cette fois-ci avec cette naïve et stupide Annie, dont les yeux bleus effarés brillent parmi les lumières au-dessus de nous, prouvant amplement mon point quant à sa débilité. J'en ai le souffle court et le cœur à l'arrêt. C'est comme si le pire scénario télé mélangé à un cauchemar et une damnation en enfer se rencontraient pour faire de ma vie un enfer.

Un enfer. Je suis en train de vivre un enfer.

Je ne peux pas.

Sentant les larmes venir embrumer mes yeux, je laisse derrière moi les débris de verre que je viens d'éclater et m'éloigne. La blessure à ma main est loin d'être celle qui me fait vriller la tête. Je manque même plusieurs fois de tituber, mais tant pis, il faut que je parte d'ici.

D'un coup de pied, je me débarrasse de mes foutus talons afin de courir plus vite et ce n'est que quand les bruits des festivités diminuent que je m'arrête. Je me plie en deux en posant mes paumes tremblantes sur mes genoux qui manquent de s'écrouler sous moi. Je finis par le faire. Je n'ai plus assez de forces en moi pour supporter mon propre poids.

Allongée dans l'herbe, j'essaye de calmer ma respiration, mais mes pleurs se transforment rapidement en sanglots.

J'ai envie d'y retourner. J'ai envie de tuer David pour ce qu'il m'a fait et ce qu'il continue de faire... J'ai envie de secouer Annie pour lui faire comprendre qu'elle fait une immense connerie.

Je croyais qu'on était une famille, elle et moi... Qu'on allait se soutenir l'une et l'autre, peu importe les caprices de notre mère... Mais tout ce qu'elle a fait ces derniers temps, c'est de me mentir en plein visage et me trahir comme tous les autres.

Peut-être que son couple avec David peut marcher. Ils sont tous les deux pourris jusqu'à la moelle.

J'essaye de me calmer en plantant mon regard dans la branche de la Voie Lactée au-dessus de nous. Des milliers d'étoiles mourantes ou déjà mortes peuvent peut-être m'aider ? Mais même leur sublime éclat ne semble m'aider. Mon cœur est en miettes et plus rien, ni personne, ne pourra un jour y remédier.

J'essaye de me cramponner à l'herbe, mais rien n'y fait.

Et puis un visage vient cacher la vue céleste. Le doux, mais féroce visage de John et son chapeau noir.

— Samy.

Je devrais me redresser, mais à la place, je reste allongée par terre, sanglotant, étouffant mes mots dans des dizaines de larmes qui ne cessent de s'échapper de mes yeux.

— Pourquoi, John ? Pourquoi ?

Le cowboy relève les pans de son jean et s'agenouille à mes côtés en posant sa main rugueuse sur mon bras étendu.

— Je sais que c'est injuste.

— J'ai pourtant... Enfin, j'ai... Je me suis...

— Chuuuuut. Ça va aller.

Il sait que je déteste quand on me shushe. Mon sanglot se transforme en petit rire étouffé et je me redresse sur mes coudes. Mon père était dur et ferme, comme John. Il ne nous a pas appris à pleurer. Même quand on craque, ça ne dure jamais plus de quelques minutes. Le grand cowboy enroule un bras protecteur autour de mes épaules et me serre contre sa vaste carrure. La fine odeur de paille d'été mélangée à son parfum du soir me ramène tout de suite plus tôt dans la journée...

Je n'aurai jamais su que ma journée allait prendre une telle tournure.

— Allons, Samy. Ce mec est un connard. Tu devrais être heureuse qu'il ne te chasse plus comme au début.

— Mais... Annie...

— Si elle tient tant à vivre les mêmes erreurs que toi, si tel est son choix... Laisse-là expériencer l'horreur qui vient avec. C'est son problème.

— Je ne peux pas rester et vivre tout ça à nouveau... Je ne peux pas... Je ne peux juste plus le voir... Je ne veux pas que ça... Que ça recommence... Pitié, je ne veux juste plus...

Pour me rassurer, John retire son chapeau de sa tête et vient le poser sur la mienne. C'est encore mieux qu'un câlin, venant de sa part, car tout le monde sur la propriété sait qu'on ne touche pas aux affaires de John. Encore moins son chapeau. Ce geste d'affection me pousse à essuyer vite fait mes larmes et je souffle bruyamment, afin de sortir tout le poids qui me pèse sur les poumons. Bien sûr que ça ne marche pas, mais... J'essaye. ça va faire des mois et des mois que j'essaye, mais ce soir, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

J'en ai ma claque.

— Sam. Tu sais très bien que j'ai promis à ton père de veiller à ce que tu restes, à ce que tu te sentes bien... Mais je commence à comprendre que ces deux options ne s'emboîtent pas.

— Je devrais partir, hein ?

Son visage vire à la peine et ses doigts s'enfoncent encore un peu plus dans la chair de mes épaules, dans une étreinte presque acharnée. Il a du mal à dire ce qu'il veut... Je le sais, il le sait, nous le savons tous.

— Je sais que ça fait longtemps que tu as déjà fait tes affaires. Que tu planques un peu de tout à travers la propriété pour pouvoir te faire la malle un de ces jours... Ne crois pas que je ne suis pas au courant.

J'entre-ouvre la bouche pour répliquer un mensonge, mais il enchaîne aussitôt.

— J'allais t'en parler pour te dissuader de le faire, mais après ce soir, je n'en suis plus si sûr... Je veux juste que tu saches que si tu te décides... Je te soutiendrais. Et...

Il coupe sa phrase pour se pencher sur sa poche et en ressort des clefs.

— Ton père aurait voulu que tu aies ça.

D'un œil dubitatif, je regarde les clefs de voiture qu'il me tend. Ce n'est autre que le vieux pick-up dont mon père n'a jamais voulu se débarrasser. Il a d'ailleurs jamais voulu entendre mes complaintes et je ne m'a jamais acheté de voitures... J'ai toujours dû avoir celle-là pour me déplacer. Voyant mon air coincé, John les plante dans ma paume et grogne, un sourire sarcastique planté sur ses lèvres pâlis par le quart de Lune qui brille au loin.

— Ne fais pas cette tête. Cette caisse, peu importe à quel point tu la trouves pas à ton goût, c'était l'âme de ton père. Si tu quittes ce ranch, alors que ce n'était pas ce qu'il voulait... Au moins, prend cette voiture avec toi.

Je baisse les yeux vers les clefs qui ne contient que deux portes clefs. Un cheval dont il manque une patte et une photo de moi et Annie quand on était encore petites, montés sur le premier cheval que ce ranch a accueilli.

Des souvenirs qui me paraissent bien trop lointain, à présent... ça me déchire à nouveau le cœur. Je renifle un grand coup pour éviter que des nouvelles larmes viennent s'effondrer sur mes joues déjà bien creusées et je me redresse vers John qui se relève dans un craquement de genoux.

— Tu as raison. Et... Merci.

— De rien, ma Samy.

Je retire son chapeau de ma tête, le lui tend, mais il refuse d'un geste de la main.

— Garde-le. Il te va mieux.

Et il s'éloigne, me laissant seule, mes fesses commençant à se tremper sous l'herbe humide. J'essuie une dernière fois mes larmes et après un rapide raclement de la gorge, me relève. Un dernier coup d'œil sur les festivités au loin et notamment sur Annie et David qui sont à présent plus proches que jamais... me suffit pour me rendre compte que je n'ai pas ma place ici. Je ne peux pas continuer. Je sais que fuir ne m'apportera sans doute pas les réponses que je voudrais, ou encore moins la sensation de liberté, mais je peux toujours essayer. Après tout, j'ai un vaste monde à moi toute seul à explorer... Des milliers d'autres choses à voir que mon ex-mari qui se tape ma petite sœur, à présent...

Alors je me dépêche de remettre le chapeau de John sur la tête et me concentre sur les clefs du vieux pick-up de mon père... Cette photo est révolue. Je la décroche de son anneau et la laisse tomber sur l'herbe... Et je laisse le tout derrière moi.

Assez. J'en ai... Assez.

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Pfiouuu, il m'a été dur à écrire celui-là ! Comme avec Rip, un "petit" flashback du passé de Sam et il n'est pas des plus tendre... Beaucoup d'informations, mais pas encore tout à fait le fin mot de l'histoire ! 

En tout cas, je vous dit à demain pour un chapitre qui vous plaira surement, je suppose... Le retour de Elvis ! Bon, je m'enjaille peut-être un peu trop sur ce perso, hihihi

(PS : pour ceux qui ne savent pas, j'ai mis à jour la page de présentation au début, il fallait que je vous présente Elvis quand même !)

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