chapitre 18 : les remèdes d'un homme bourré
Ma bouteille à la main, je titube le long des escaliers. Mes yeux me font mal. Mes phalanges me font mal. Et malgré l'obscurité, malgré la douleur qui me tenaille les entrailles autant que ce whisky bon marché retourne mon foie, je trouve mon chemin entre les voitures des clients. Des carcasses vides. Tout comme moi. Toute la journée, j'ai tout passé en revue. Où j'ai pu merder, ce que j'ai pu faire pour que ça me mène là où je suis aujourd'hui... Je passe en boucle ma vie avec ma Shay. Elle était courte, ouais... Trop courte. Et alors qu'elle, est partie, moi je suis encore là, à m'intoxiquer encore et encore dans l'espoir que mon corps s'écroule avant mon âme. Je porte ma bouteille à nouveau à mes lèvres et rejoins l'énorme cactus près du panneau du motel. Les néons rouges me bousillent le peu de rétines qui me restent, mais tant pis. Je balance ma bouteille vidée sur le sol et dans un craquement de genoux, je m'écroule à mon tour. Je suis à peu près sûr d'avoir encore moins de grâce que mon whisky.
Je suis qu'une merde, après tout, alors pourquoi est-ce qu'il faudrait que je commence à faire des manières ? Je n'ose même pas remonter la tête vers cette maudite étoile qui brille au-dessus de moi, tel l'œil d'un géant. Elle m'observe. Elle me juge. Je sais qu'elle me juge, je le ferai à sa place.
Je l'ai trahi, tout ce temps. Ce n'était pas Cobalt, le problème... Ça n'a jamais été eux. C'est juste moi. Un putain de loser qui a causé sa mort.
Il n'y aura jamais assez de distance entre Vegas et moi, jamais assez d'alcool, de sexe, de drogues faciles... Qui pourront combler le vide qui ravage mon âme comme les trous noirs aux confins de notre univers.
Ma petite Shay est morte. Morte, putain.
Je pourrai m'écrouler comme un chien sur le bas-côté de ce motel, je ne remarquerai rien. Qu'une débauche en plus. Je l'aurai surement fait si ces putains d'épines n'étaient pas en train d'arracher la peau nette de mes vertèbres. Je grogne en me redressant et ma vision se défloute sur le parking. Enfin plus sur la figure élancée de Sam que se dirige vers moi, son chapeau noir dans une main et ses sandales dans une autre. Un pas après l'autre, basculant ses hanches fines, mais courbées, elle vient se pointer devant moi. Ses cheveux dorés tombant en cascade sur ses épaules dénudées.
Même si ses yeux bleus, illuminés par les néons du motel, sont sillonnés de cernes, elle est ravissante. Ça me réveille, dans tous les sens du terme.
Fais chier.
Je replie mes jambes à mon torse et grogne.
— Qu'est-ce que tu me veux, encore... Ça ne te suffit pas que je répare ta putain de caisse, mais il faut que tu reviennes... Encore et encore. Pourquoi, putain ?
— Parce que j'ai encore tes clefs.
Elle me les balance et je manque de me casser la figure avec... Je suppose que j'ai mérité ça, après ce matin... Ses prunelles bleues s'embrasent lorsqu'elle réplique aussi froidement que moi.
— N'oublie pas. C'est toi qui as foiré dans un premier lieu.
La culpabilité me gagne à nouveau. Enfin... Je ne sais pas si c'est de la culpabilité ou de la peine. Je n'aime pas quand elle me fait ça. Comme si son opinion de moi, m'était important. Et pourquoi ?
Pourquoi serait-il important ? Je ne connais littéralement que son prénom.
Je me redresse, enfin, j'essaye et titube quelques instants, avant de trouver mon équilibre. J'ai surement autant de grâce que le capitaine Jack Sparrow et la colère qui imbibe les yeux de Sam vire à la pitié.
— Tu as l'air d'une merde, Rip.
— Ouaip.
— Tu devrais dormir.
— Nope.
Elle souffle, exaspérée, faisant voleter l'une de ses mèches blondes et se rapproche encore un peu plus de moi. Elle casse le peu d'espace qui restait entre nous et tente de rapprocher sa main de la mienne, mais je me dégage de cette étreinte d'un revers d'épaule. Je sais ce qu'elle pense parce que c'est marqué en plein sur son visage, tatoué à l'encre noir. Ça me donne envie de m'enfuir, de la laisser, encore une fois, en plan et de juste enfouir ma tête dans une bassine remplie d'alcool en espérant mourir noyé suite à un coma éthylique. Je ne sais pas si elle est inquiète pour moi ou si elle veut tout simplement être la pire des pestes, mais dans tous les cas, elle est là, devant moi... Essayant de tirer les choses au clair. Pourquoi elle s'en donne autant de mal... Je veux juste partir, putain...
— Tu es bourré.
— Aussi.
— Rip.
— Princesse ?
Elle me reprend plus fermement par le bras et me dirige vers sa voiture. Ma voiture. Merde. Je vais finir par la lui laisser, sans même m'en apercevoir. Elle me plaque contre la paroi froide de ma caisse, un peu trop violemment et implante ses doigts dans mes épaules.
— C'est moi qui te faisais ça, hier... Ou tu as déjà oublié ? Parce que sinon je peux te le ra...
La gifle part tout seul, un geste qui me réveille presque instantanément. Le jet d'adrénaline dans mes veines chasse tout l'alcool qui y stagne et par fureur, je me redresse.
— C'est quoi ton problème ?!
— Voilà. Remède numéro un contre tout ce que tu as.
— Et qu'est-ce que toi, t'en sais ?
Grogné-je en me massant ma joue qui me picote. Un air satisfait tord ses lèvres finement pulpeuses... J'ai envie de le lui arracher du visage. Énervé au plus haut point, je m'accroche sur la portière de ma voiture pour garder mon équilibre et fulmine entre mes dents serrées.
— Dis-moi, gueule d'ange, toutes ces journées dans le désert, ça ne serait pas en train de griller ton cerveau ?!
— Tu devrais faire un tour dedans. Tu serais moins... Comme ça.
Laisse-moi rire... Tu crois sincèrement que j'en aurais quelque chose à foutre de deux, trois rochers et un stupide cactus ? Tu as vraiment un problème.
— Tout à fait. Comme si c'était moi qui était en train de faire un coma éthylique sur place.
Sa repartie est si directe qu'elle ne me laisse pas le temps de trouver de quoi renchérir. Je reste donc là, bouche ouverte, cherchant mes mots pour clouer Blondinette sur place. Mais rien ne sort. Et j'accueille de nouveau son sourire satisfait. Putain de journée de merde. Je m'apprête à passer mes doigts dans mes mèches débraillées quand Sam se redresse brusquement. Comme si elle avait eu une illumination, elle se met à sautiller dans l'air et enjambe la portière passagère. Elle se range à nouveau derrière mon volant et tapote le siège à ses côtés de sa main vernie de noir, comme son chapeau.
— Viens avec moi. Ce sera le remède numéro deux.
— Tu veux m'emmener dans un putain de désert, à...
Je regarde la montre à mon poignet, peu importe si l'écran en est cassé et qu'elle ne marche plus. Mais au moins, ça prouve mon point. Quelque chose que la blondinette ne semblait cependant pas du tout prendre en compte, car elle frappe son siège à nouveau.
Et puis merde.
Je jette un dernier regard circulaire sur le parking du motel toujours aussi calme comme la mort et souffle toute l'air de mes poumons, exaspéré. Elle aura ma mort, cette nana, je pense... Mais quand Sam décide d'un truc et que tu fais partie de ses plans, c'est assez dur de juste la regarder dans les yeux et lui dire : non.
Je crois que je commence à être totalement sous sa merci.
Même si cette idée pourrait faire paralyser mes muscles sur place, je pose une main sur la portière et l'enjambe difficilement, à mon tour. Je suis totalement foutu.
***
Sam s'arrête en bordure de route. La lune, à son plein, n'est qu'un immense disque blanc qui nous couvre de rayons bien plus agréables que celui du soleil. C'est presque hypnotisant. Avec une lune pareille, on voit le désert jusqu'à ses confins. Encore plus, quand Sam éteint les phares de ma Chevy, réduisant la pollution lumineuse à cette vaste étendue naturelle.
Je ne titube plus. Je n'ai plus de tournis. Tout disparait quand on voit ça.
Pour quelqu'un qui est né et qui a grandi dans une ville au milieu du désert, qui a arpenté les airs... C'est quand même con. Mais même les magnifiques paysages du Colorado que j'ai arpenté pendant que j'étais à l'USAFA, ne valent rien à côté de ça. Je ne m'y ferais jamais.
— Tu n'as pas peur pour un peu d'aventure ?
Je baisse ma tête vers Sam, qui fait tournoyer mes clefs sur son index. Honnêtement, je ne sais pas exactement ce qu'elle me réserve. Si ça se trouve, elle et dingue et elle s'apprête à me tuer entre les deux ravins qu'on aperçoit au loin.
Pour être dingue, elle est dingue...
Et moi aussi.
Alors poussé par une envie probablement masochiste, je lui indique l'entrée du désert plongé dans la nuit.
— Les dames d'abord.
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Aaaaawwww Rippie (c'est la dernière fois que je l'appelle comme ça 🙄) est tout doux maintenant ! Un peu con-con sur les bords mais il ne peut pas resister longtemps !
Ahalalalala... À demain 🤭😂😂💙
(Pas trop besoin de vous dire ce qui se passera hein 🤭😂)
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