chapitre 12 : curiosité

Peu importe à quel point je fais tourner la clef dans le moteur, c'est toujours et encore le même foutu bruit. Je frappe contre le tableau de bord et crie toute ma rage.

Je vais brûler cette voiture.

Je suis dessus depuis que Sam s'est tiré avec ma Chevrolet et peu importe à quel point j'enfonce mes bras dans ce moteur de l'enfer, peu importe à quel point je tente de réparer, je découvre un autre problème à chaque fois. Énervé, en sueur et ma bouteille de scotch terminée, je suis à bout.

Il commence à se faire tard, qui plus est, les lueurs orangées submergent le ciel, par-delà le parebrise.

Je m'apprête à poser ma tête contre le volant quand mon regard se pose sur le siège passager à côté de moi. La boîte à gants est un peu cabossée et la porte ouverte révèle une multitude d'objets variés. Des vieux appareils et objectifs poussiéreux, des dizaines de polaroids éparpillés, des bijoux fantaisie... Mais aussi de quoi rester plus longtemps sur la route comme un kit de premiers secours, un couteau suisse et bien trop de paquets de cigarettes. Il y a même des mini bouteilles de shampoings et d'alcool, surement volés dans des hôtels. Je m'apprête à refermer la porte de la boîte quand un polaroid me tombe sur le plat de ma main.

C'est une image de Sam et une autre jeune femme qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Elles ont l'air heureuses, au soleil, fermants leurs yeux pour échapper aux rayons du soir...

Sous l'image, il y a écrit "Minnesota 14/06", d'où son léger accent, je suppose... Elle vient de loin. Piqué au vif par la curiosité, je reprends un autre polaroid. Cette fois-ci, elle se tient debout à côté d'un homme dont je ne vois pas le visage, car à la place il y a un trou, brûlé par une cigarette.

Elle n'a pas l'air heureuse, sur celle-ci. La maitrise de la main de l'homme sur son bras pâlit sa peau.

Une enflure qui méritait certainement d'avoir son visage brûlé. Bon, je pense que j'ai suffisamment envahi sa vie privée... Je m'apprête à tout remettre à sa place quand je vois une photo plus obscure au fond. Ce n'est pas tout à fait une photo, qui plus est, plutôt une... Oh putain. Non.

Je referme vite fait la portière et me cramponne au volant.

Je n'ai rien vu.

Je n'ai rien vu.

Je n'ai rien vu !

Une échographie. Un bébé. Une tête. Des petites mains. Fais chier ! Sam est maman ? Ou pire... va-t-elle être maman ?! L'idée me paralyse. À un point où mes doigts cramponnés menacent de détruire le volant de sa voiture. Encore une autre chose que je détruirai d'elle... Je me dépêche de sortir et m'appuie contre la voiture, mon visage enfoui dans mes mains. Je laisse la douce brise du désert faire voleter mon t-shirt sur mon torse et défaire mes cheveux.

Je suppose que c'est ce qu'on gagne quand on fouille là où notre nez ne devrait pas être. Peut-être que c'est pour ça aussi qu'elle tenait tant à ne rien dire sur elle-même.

Mais pourquoi j'en ai quelque chose à faire ?

Je me redresse et sort de la poche arrière de mon jean, une petite flasque d'alcool. Je la porte à mes lèvres et me délecte du liquide de basse qualité qui me fait tourner la tête sous ce soleil de plomb qui grille les âmes au-dessus de moi.

Pas un nuage dans le ciel.

Autant dire que dans ma tête, à cause de ces foutues photos, c'est l'orage.

— Rip !

Je sursaute lorsque je vois Ronda arriver depuis le dîner, son petit tablier bleu balançant sur ses larges cuisses et ses talons claquants contre les graviers du parking. Sa peau chocolatée reflète sous les rayons aveuglants tandis qu'elle plisse ses paupières maquillées de mauve pour mieux m'apercevoir. Elle tient à bout de mains un sandwich empaqueté qu'elle vient me tendre.

— Faut que tu manges, mon p'tit, sinon tu vas t'écrouler.

— C'est très gentil, mais...

— Oh, pas de ça avec moi. Les militaires bourrus, très peu. Laisse tomber ton acte, tu es en plein milieu du désert ?

— Pardon ?

Qu'est-ce qui m'a trahi ? Elle me dépose le sandwich sur le capot rouillé du pick-up et me fait un clin d'œil.

— Je sais toujours tout, mon p'tit.

Et elle tourne les talons.

Elle apparait, disparaît, elle sait tout... Et tandis que je me gratte un peu la tête, étonné, je marmonne dans ma barbe.

— Je viens de rencontrer Mary Poppins, putain...

Exténué d'efforts bon récompensés, je me laisse glisser le long du capot et m'effondre sur le sol, ma clef de 12 à mes côtés. Essoufflé, je porte mon regard sur le ciel assombrissant qui est subjugué par les rayons violacés et rougeâtres du soir. La route est toujours aussi vide.

Pas de Sam dans ma Chevy.

Et si elle s'était cassé avec ?!

Non. Non. Elle tient trop à cette caisse puis ses affaires... Non.

Je me redresse un peu pour sortir ma flasque, pour la énième fois dans la journée. Sauf que quand je la porte à mes lèvres, je ne reçois qu'une seule et unique goutte sur ma langue. Foutrerie.

Je tente de la ranger à nouveau dans ma poche, mais mon portefeuilles me gêne. Je le sort et me souviens de la raison de son épaisseur.

J'y ai rangé la fameuse lettre. Celle que j'ai reçu deux jours avant qu'elle ne meure.

Je ne sais même pas pourquoi je garde un tel manque de respect auprès de moi... Sûrement la même raison pourquoi j'ai toujours envie de me retaper Sam, malgré son petit jeu de diva et ses airs de grande princesse orgueilleuse...

Je suis maso.

Je la déplie légèrement, en essuie la poussière et me refais les phrases de politesse.

"Nous reconsidérons votre appel"... "Nous serons ravis"... "Parcours sans fautes"... "Ce serait avec honneur"...

Signé : lieutenant-général Carpenter. Space Force.

Le logo me fait encore un peu rire. Quand la branche avait été créée, bon nombre des pilotes déchus ou trop jeunes et trop voraces d'ambition, avaient été appelés. Dont moi. Moi.

J'aurai pu atteindre les étoiles. Littéralement.

Je redresse le regard vers le ciel au-dessus de moi, quittant la feuille écorchée de toute part des yeux et... Tout au-dessus de moi, une étoile se met à briller. Une seule, une unique, un magnifique point blanc lumineux.

Une étoile solitaire pour un ancien pilote qui l'est tout autant.

Qui sait. C'est peut-être elle.

Je m'apprête à chasser mes pensées néfastes de ma tête quand je vois des phares se mettre à briller en bout de route. Je n'ai pas besoin de regarder de plus près pour savoir de qui il s'agit, je reconnaîtrai le doux ronron de ma Chevy même si j'étais à l'autre bout du monde. Je me dépêche de ranger ma lettre dans mon portefeuille et de le remettre dans ma poche, pour me relever. Je me cramponne aux jantes du Pick-up et tel un kangourou, me redresse. Sam vient se garer à mes côtés et dans un geste élancé, elle arrête le moteur et saute par-dessus la portière. Elle se penche un peu pour récupérer son chapeau noir ainsi que son appareil photo et tandis qu'elle le fait, elle relève l'une de ses jambes. Bordel, ce qu'elle est bien foutu. J'arrive presque à voir le petit morceau de tissu qui recouvre les parties les plus intimes de son corps. Mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur cette magnifique vision qu'elle se rapproche de moi. Son visage, quelque peu rougi par une journée de soleil intense, est néanmoins éclairé par un sourire éclatant. Elle se penche sur le côté pour regarder son pick-up et constate qu'il est quasiment dans le même état qu'il était quand elle l'avait quitté ce matin. Elle claqua sa langue contre son palais et pose sa main sur mon avant-bras.

— Dure journée de travail à ce que je vois... Tu dois être tellement éreinté !

Le sarcasme qui empreint sa voix m'excite plutôt qu'autre chose. J'étouffe une toux gênée dans le creux de mon épaule et la contourne pour aller observer ma Chevy de plus près. Mes chromes sont encore bien lustrées, à défaut d'avoir une lasse de sable et de poussière sur les sièges...

— Tu vois, pour une femme, je conduis bien !

— Je n'ai jamais prétendu le contraire.

— Pourtant tu flippais bien ce matin !

Elle me balance mes clefs à la figure. Ce n'est qu'une fois que je les rattrape au vol que son sourire sournois se mue dans une sympathie sincère. Elle se passe une main dans ses mèches blondes et souffle.

— J'ai vraiment faim. Viens, je t'invite à manger.

Voyant le froncement de mon front, elle roule ses yeux clairs au ciel obscur et comme pour marquer ses mots, les néons rouges des insignes du motel s'allument.

— Fais pas cette tête. C'est seulement pour te féliciter de ton dur labeur. Allez viens !

Et sur un magnifique déhanchée, Sam s'éloigne vers le dîner. Je m'attarde un peu, mes mains posées dans le creux de ma taille et la regarde faire. Ce foutu corset qu'elle porte et qui accentue ses formes, va me rendre fou...

Comment je vais rester tranquillement à table avec une telle nana en face moi ? 

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J'ai pas vu l'heure ! Pardon ! 😳😳😳

Et ce chapitre donne encore quelques indices sur le passé de Sam ainsi que celui de Rip 🤔🤔...

Toujours plus de mystère, j'ai hâte de connaître vos théories avancées !

J'essayerai de publier à l'heure demain mdrrrr 🤭

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