BONUS DE NOËL | PARTIE 3

Le sang recouvre mon visage. Mes cheveux. Mes vêtements.

Il recouvre aussi le visage de Rip. Ses cheveux. Ses vêtements.

Il n'y a que le silence. Deux mètres nous séparent. Deux mètres ainsi que deux cadavres. Le carrelage d'échiquier est aussi tâché que nous.

Je porte lentement ma main à mon visage et couine lorsqu'un morceau de cervelle se décroche de ma mâchoire. Le bruit qu'il fait en retombant sur le sol me force enfin à sortir du silence.

— Pourquoi... Pourquoi est-ce qu'avec toi... Il faut toujours que ça finisse en sang ?

Rip soupire et desserre ses doigts de son arme qui retombe sourdement sur le sol moucheté de pourpre. Il se rapproche de moi, enjambe aisément les cadavres et me saisit le visage à pleines mains. Ses lèvres pleines s'abattent sur les miennes et son souffle saccadé s'échappe au rythme du miens. Mes muscles se délient et je m'accroche à son cou. Mon pied dépourvu de sandale s'enfonce pleinement dans une visqueuse flaque et le froid autrefois vital s'immisce entre mes orteils.

Je m'en fous.

Mon homme est vivant.

Tout ce qui s'est passé avant mon intrusion dans ce diner à la con est balayé de ma tête. Toute la rancœur, la peine, le chagrin et l'abandon que je ressentais en quittant notre chambre pour m'en prendre une autre, s'échappe de mes lèvres, se change en énergie érotique.

Une ode à la crainte, à la vie, à l'espoir.

J'enfonce la pulpe de mes doigts dans sa veine vitale et souris lorsque j'y sens les palpitations furieuses de son cœur.

C'est le cœur que j'ai appris à conquérir, sous les étoiles d'un désert oublié.

Il est encore là. Bien là. Toujours et à jamais.

Rip se décroche un instant de mes lèvres affamées et balaye mes larmes nerveuses des sillons de mes yeux dans lesquels il implante son regard embrasé.

Il a la capacité ainsi que les moyens de me détruire... Et pourtant, il fait l'inverse.

Il fait toujours et fera toujours, l'inverse.

— Je t'aime Sam. Jamais je ne laisserai quelqu'un te faire du mal. Jamais ne te laisserai partir, non plus. Tu es à moi, que tu le veuilles ou non... Tu auras beau grogner, me lancer des piques, mais...

Je plaque deux doigts sur sa bouche et chuchote dans un demi-sourire.

— Arrête, Rip. Tu n'as jamais été doué pour parler. C'est ce que j'aime, chez toi... Tes actions me suffisent.

Je cache péniblement ma grimace, lorsque je sens le sang se refroidir sur mon visage.

— Tu parleras pour moi.

Avant que je n'ai le temps de répondre, il se baisse à demi et m'attrape dans ses bras. Ils bloquent fermement mes genoux et il n'est pas prêt à me lâcher.

— Sortons d'ici.

Sans dire un mot de plus, il pousse la porte sur le désert Mexicain. La différence entre ce calme et le chaos qu'on vient de quitter claque à la manière d'un fouet sur mes poumons. Je m'accroche un peu plus au cou de Rip, frayant son passage entre deux cactus épineux et me dépose sur le capot de notre voiture.

Le sang s'égoutte de mon pied nu, tandis que je replie mes genoux sur ma poitrine. La brise du réveillon parsème mon épiderme et la saupoudre de petites bulles. Rip se penche sur moi, me caresse la joue, étalent le sang de l'homme qu'il vient de tuer et m'interroge :

— Tu es blessée ? Tu as mal ?

— Ça va.

— Reste ici, alors.

— Alec...

Je le rattrape par le poignet et murmure en m'accrochant à ses joues. J'ai peur d'avoir échangé avec lui mon dernier baiser. Je réalise que j'ai pu tout perdre, en l'espace de quelques secondes. Si jusqu'à présent, j'ai vécu ce voyage, cette vie, comme une bouffée d'air fraiche, maintenant, tout semble lourd.

Rip est mon hélium. Il est le seul à pouvoir me soulever du sol et à me faire planer comme l'un de ces putains de ballons de ce film Pixar. Sans lui, tout n'est que lourdeur.

Mon mari me prend doucement les mains, les retirant de son visage brûlant et fait courir ses lèvres sur le bout de mes doigts avec une douceur presque tortueuse. Un gémissement naît dans ma gorge, mais s'étouffe aussitôt.

Les marques qu'il laisse et qu'il a déjà laissé derrière lui, sont inscrites dans ma peau, dans mon âme. À jamais, d'ailleurs. Il en est le porteur fier et erratique.

Rien n'aurait de sens, s'il n'était pas là. Ce ne seraient rien d'autre que des vieilles cicatrices, ondulant sur ma peau dans une obscurité oppressante.

Je le déteste, pour me laisser autant sur ma faim. De me rendre dépendante de ses moindres caresses. Je le déteste pour m'entraîner dans autant de situations désastreuses, de me liquider, de me voler mon âme, parcelle par parcelle. Je le déteste, autant que je l'aime à en crever.

Je renifle donc, ravale mon appréhension et le laisse me lâcher, mais pas avant qu'il n'ait le temps de prononcer ses mots magiques :

— Reste ici. Je m'occupe de tout.

Tu as intérêt, Alec Ripper. Tu as intérêt.

Je le regarde disparaître à nouveau dans le diner dans un esprit de déja-vu. Il me disait la même chose, lorsque nous séjournions encore au Palm Tree Motel. Pourtant, je ne l'avais pas écouté et c'est qui m'a valu une errance à travers le désert, pendant de longues heures, avec comme seule possession un appareil photo qui avait vite rendu l'âme.

Pas cette fois-ci.

Je reste assise sur le capot de la voiture, dont le métal froid fait frissonner mon corps. Les ecchymoses, les bleus, les entailles et les traumatismes se confondent et mon corps est devenu un champ de bataille que seul Rip est capable d'honorer. Un sacrifice que nous faisons tous les yeux.

On vénère nos cicatrices mutuelles en suppliant chaque jour de nous offrir quelque chose d'unique.

Mais peut-être que ça suffit. Peut-être qu'il est temps que nous arrêtions de fuir. Que nous réalisions que ce genre de situations percuteront les routes de nos destins encore et encore, jusqu'à ce que nous nous rendions compte que nous nous sommes rencontrés pour guérir.

On n'a pas guéri, après le motel.

On n'a fait qu'enfouir nos peines et nos secrets plus profondément encore.

Je reprends une petite inspiration pour me redresser. Un couinement minable m'échappe lorsque mon pied nu s'enfonce dans le gravier rêche qui se mélange au sable poussiéreux. Je l'ignore rapidement et me rapproche de l'accueil, passant ma main dans les petites guirlandes de Noël à peine fonctionnelles, mais m'arrête lorsque Rip apparaît à nouveau.

— Je t'avais dit de rester.

— Je ne te laisserai jamais et tu le sais.

Répondis-je aussitôt. Il sourit faiblement et passe sa main sur ma joue. Son contact affectueux est trop éphémère à mon goût.

Il l'est toujours, d'ailleurs.

Il fait glisser ses doigts le long de mon avant-bras et les enroule autour des miens, me tirant contre lui pour s'assurer que, tel Orphée avec Eurydice, je le suis. Il m'entraîne à nouveau jusqu'à la voiture et se tourne vers moi.

— J'aurais besoin de ton briquet.

J'enfonce ma main dans la poche de mon short et le lui tends. Un autre souvenir de Zihuatenejo enfoncé dans une brume de torpeur.

Il l'allume avant de le jeter dans le hall de l'accueil.

La suite n'est faite que de flammes de plus en plus affamées, ravageant ce piètre diner qui ne va pas tarder à se transformer en torche. Un phare au milieu du désert.

Hm. Tant mieux. L'ironie est devenue la définition même de nos existences tourmentées.

J'oblique un regard vers Rip qui se tient debout, les flammes dans ses iris séraphiques dansent, valsent, s'entrechoquent et se dévorent pour monter, encore et encore. Un cercle vicieux et infernal auquel il est temps de mettre un terme.

Je me glisse donc en face de lui et enroule mes bras autour de son cou, me soulevant sur la pointe des pieds pour m'approcher de sa bouche.

Je le provoque.

Le cherche.

Le griffe.

Tout ce qu'il faut que ce soit moi, qu'il regarde, et non la mort qu'il ne cesse de causer.

— Je t'aime, Rip.

— Je t'aime aussi, Sam.

Se contente-t-il de répondre.

Je juge qu'il n'y a pas assez d'émotion dans sa voix. Alors je me soulève sur lui, le forçant à me rattraper et à me déposer sur le capot de la voiture. Mes chevilles se nouent dans ses reins, tandis que je retire son t-shirt que je balance au sol. Ses grandes mains empoignent ma taille. Ses doigts s'enfoncent entre mes côtes.

Il me maîtrise.

Je le maîtrise.

Une danse macabre, au son de la Mort, qui vient chercher son dû.

Je pousse un cri langoureux lorsque Rip m'étale sur le capot noir, écartant mes jambes afin de me débarrasser de mon short. Mon vêtement étale le sang qui n'a pas eu le temps de sécher, celui que mon mari a encore une fois fait couler.

Combien de litres se trouvent donc sur ses mains ?

J'essaye de me redresser, mais Rip, d'un geste autoritaire, me remet à ma place. Son rictus est presque animalier. Sa force, elle, l'est complètement. Les ombres des flammes se balancent sur son torse moucheté de tatouages, d'anciennes plaies et de sang essuyé. Il y a même les empreintes de mes doigts qui s'y sont incrustés.

Des étrangers pas si méconnus.

— Ne bouge pas, petit démon. Je ne me répèterai pas.

Un roucoulement naît dans ma gorge. À force de le chevaucher, de me cambrer et de le déguster comme une pâtisserie, j'ai appris à baisser mes barrières. Si notre première nuit était rythmée par le bruit cinglant des menottes contre l'en-tête, ou encore celle où je l'avais attaché à son siège, à présent, mon corps est sien à exploiter.

À chérir.

À ravager.

Car moi, je m'occupe de son âme.

Je le chéris.

Je le ravage.

Les lèvres lascives de Rip se pressent contre la chair de mes cuisses et remontent jusqu'à ma petite culotte dans laquelle il implante ses dents. Il le retire et s'empare de ma vulve, forçant mes genoux à se replier contre ses tempes.

Le désert nous appartient, comme il nous a toujours appartenu, en fin de compte. Je m'adonne donc au plaisir, à l'obsession de ce désir malveillant qui se prononce en picotement dans les creux de mes reins. Mon dos se cambre sous ses coups de langue. Sous ses dents taquines. Sous les doigts qui s'enfoncent dans mes hanches pour être certain qu'il me goûte dans mon entièreté.

Les miens se perdent dans ses mèches noires, tandis que le peu de mon esprit s'envole au gré des cendres incandescentes. Je tire dessus, je griffe sa peau, mais au moment où le plaisir éphémère commence à se prononcer, il se redresse.

Les crépitements ravagés des flammes s'accroissent, tout comme la famine qui rôde dans les yeux fixes de mon mari. Il retire la boucle de sa ceinture et tandis que je l'attire vers moi en enfonçant ma main dans son caleçon, il pénètre ses dents dans ma lèvre inférieure.

— Devrait-on vraiment rester ici ?

Murmuré-je en chœur avec un geignement dolent. Il me prend par la taille et s'enfonce brutalement en moi, ravalant mon cri de surprise dans un baiser langoureux.

— On restera jusqu'à ce qu'on brûle aussi.

Et c'est sous une pluie de cendres qu'il me prend. Il plante son regard dans le mien et s'abreuve du plaisir qui réside dans les sillons de mes yeux. Sa main perdue dans mes cheveux blonds, il lorgne ma blessure à la tempe.

Ce que ces trafiquants m'ont fait, Rip le redonne en décuplant ses coups de rein. Son erratique adulation vis-à-vis de mon corps me fait plisser les yeux et de fines larmes perlent sur mes joues.

On est fous.

Pourquoi est-ce qu'il faut qu'on s'adonne à autant de vice, après avoir tué des personnes ?

On est fous.

On est fous, putain...

Mes mots s'étranglent dans ma gorge et mon souffle se fait plus saccadé. Le rythme frénétique de ses hanches me berce dans cette bulle érotique qui me fait geindre de plus en plus fort.

Je ne vois plus le sang qui recouvre nos deux visages. Moins encore le feu hurlant derrière le dos vibrant de Rip ou encore l'odeur acerbe que dégage cette dévastation...

Je ne vois que lui.

Je ne vois que moi.

Je ne vois que l'orgasme qui pointe le bout de son nez dans mon esprit.

Je glisse plus profondément dans ses bras et il en fait de même en moi, jusqu'à la garde. Les muscles de mon intimité se contractent sur son sexe et fait naître un long râle rauque dans sa gorge alors qu'il se déverse fermement.

Mon euphorie suit.

Puis, on respire. On retrouve un souffle qui semble pourtant avoir disparu. On renaît, avec cette incendie.

Comme des putains de phénix.

Si seulement on avait leur élégance...

Rip porte ses mains à mes joues, en dégage les mèches collées et noircies par la transpiration et presse son front contre le mien.

— Combien de fois faudra-t-il que je répète que je t'aime ?

Je laisse glisser ma main le long des muscles de son bras, des plaies que l'on partage, avant de murmurer, un sourire cornant ma bouche qu'il a si passionnément dévoré :

— Continue de le répéter. J'en aurai jamais assez.

Il ricane joyeusement, et se décroche, seulement pour me regarder avec plus de tendresse qu'il ne fait déjà.

— Joyeux Noël, madame Ripper.

— Joyeux Noël, mon capitaine.

Je porte à mon tour mes mains à son visage et l'embrasse. Plus doucement, cette fois-ci.

Avec tout l'amour que je puisse potentiellement lui porter.

Pour maintenant et toujours.

Comme nous nous le sommes promis, ce fameux soir sur la côte de Zihuatenejo.

— Et si on laissait une bonne fois pour toutes les cadavres derrière nous ?

— Tu as toujours les meilleures idées.

— C'est pour ça que tu m'aimes.

Fis-je en ricanant, basculant ma tête en arrière par la même occasion.

— Oh que oui.

Finalement...

J'ai eu le meilleur Noël de toute mon existence.

THE ENNNNND

Voilà voilà, le bonus prend fin... Un dernier petit aperçu de Rip et Sam en ce bonus pour vous remercier de l'accueil que vous avez donné à cette histoire qui vous a tant plu 🤭😊

Merci mille fois à vous, vous êtes les meilleurs lecteurs 🥺🥺💙💙💙

Grâce à vous, à vos etoiles, vos lectures assidues, vos commentaires, ma saga bikers sera éditée en Mars et c'est juste dingue 😳 Je serai rien sans ma commu wattpad alors un grand merci à vous !

J'espère en tout cas que ces trois parties assez tourmentées vous ont plu ! Et joyeux noel en retard 😂😂 Si vous voulez poursuivre l'esprit des fêtes, j'ai une romance en cours sur ma page, du nom de Winter !

Astronaute/bûcheronne avec des répliques cinglantes (pour changer 😂)

Je vous laisse découvrir 😏🥰

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