Il y avait une question que le psychologue Choi aimait souvent poser, allez savoir pourquoi. Oh, il en posait des dizaines, de questions. En commençant par les traditionnelles "Comment vas-tu aujourd'hui ?" et "Parle-moi de toi, de ta vie ", en passant par les plus tordues "Que vois-tu sur cette feuille ? Que peux-tu me dire de ce dessin ?" et en terminant par les plus originales, qui pouvaient aussi bien être "A qui parles-tu quand tu te sens seul ?", que "A quoi rêves-tu la nuit ?" ou même parfois "Espères-tu une vie après la mort ?". Les questions variaient en fonction du profil des patients, des situations, de ce qu'on lui confiait. Mais il y en avait tune en particulier qu'il demandait fréquemment, une qu'il répétait sans cesse à Taehyung, espérant que la réponse change, sans doute, en vain.
Cette question, on pouvait la retranscrire en ces mots : "Dans ta vie entière, et jusqu'à aujourd'hui, quel a été ton plus beau moment ?"
Taehyung n'avait jamais vraiment compris le sens de cette question, il n'avait jamais vraiment compris pourquoi on la lui posait de manière redondante, non plus. Pourtant, il répétait toujours approximativement la même chose.

- Je ne dirais pas qu'un moment en particulier a été particulièrement beau. Ce seraient plutôt des instants, ou des moments au pluriel, si vous préférez. Enfin, ce sont, je devrais dire. Ce sont des moments. Ceux que je préfère, ceux que je savoure, que j'attends, que j'anticipe et que je rêve. Ces moments dont je ne pourrais pas me passer. Jamais.

Et suite à ces mots répétés de si nombreuses fois, le psychologue Choi finissait toujours par soupirer. Un soupir las, teinté de tristesse et de résignation. Et d'une voix au sein de laquelle l'espoir était mort depuis bien longtemps, il enchaînait :

- Et quels sont ces moments, Taehyung ?

Ce à quoi le jeune homme répondait, toujours avec la même ardeur, la même passion :

- Ce sont toutes ces fois où je le vois. Toutes ces fois où je peux contempler son sourire, ce sourire si sincère, si adorable, ce sourire d'enfant collé sur le visage d'un jeune adulte pour en faire un ange. Ce sont ces fois où je peux sentir son odeur, entendre sa voix. Ces moments que l'on passe ensemble, à discuter, rire, nous balader. À ne rien faire, aussi. A ses côtés, ne rien faire devient l'activité la plus plaisante qu'il soit. Oui, ce sont eux, les plus beaux moments de ma vie. L'avoir en face de moi, le laisser me captiver, m'envoûter. Sombrer encore et encore dans cette transe amoureuse dont j'espère, dont je sais, ne jamais pouvoir m'en libérer. Mais voulez-vous savoir les plus magiques de tous les instants que l'on passe ensemble ? Quand il plonge ses yeux dans les miens, me transperçant de ses prunelles, quand je me noie dans ces orbes chocolat, alors, tout doucement, en prenant son temps, il se penche vers moi. Ses doigts viennent me caresser, effleurer mes cils et fermer mes yeux, et puis son souffle vient se mêler au mien, son haleine fleurie vient titiller mes sens et faire succomber ma raison, et, d'une lenteur exquise, ses lippes viennent cueillir les miennes.

Cette question venait toujours en fin de séance, après une heure de discutions banales entre le psychologue et l'adolescent, où celui-ci lui racontait ses études, lui parlait de sa famille et de ses amis, simplement parce que Taehyung était un garçon simple et gentil qui avait décidé de jouer le jeu, de se plier à la volonté des adultes de son entourage, sans trop poser de questions.

Et puis Monsieur Choi grattait un mot sur sa feuille, d'un geste sans conviction, mou et insipide, il remerciait Taehyung et lui donnait rendez-vous la semaine suivante, même heure.

Cela allait faire onze mois que les choses se déroulaient de la même manière. Six mois depuis cette question. Un an et demi que Taehyung rendait visite au psychologue Choi. Deux ans que tout avait basculé.

Et lorsque l'adolescent quittait le petit cabinet de sa démarche aérienne, après que la porte ait claqué sèchement et que le bruit de ses pas ait été étouffé par la distance, le psychologue se laissait choir dans son fauteuil, ses coudes s'abattaient sur le bureau et sa tête venait se réfugier dans le creux de ses paumes jointes. Il avait besoin d'une pause, le pauvre homme. Il n'y arrivait pas.
Toujours pas de progrès, pas le moindre signe d'évolution pour lui redonner espoir. Toujours la même question, toujours la même réponse. Cette réponse qui avait fini par le hanter. Il a avait tout essayé. Il ne savait plus quoi faire.

Le problème pourtant, ce n'était pas tant le contenu de cette réponse en lui-même. Le problème, c'était le temps employé. Le présent.

Plusieurs minutes passaient alors, les secondes s'étiraient, il restait simplement assis, sans rien faire. Il reposait son esprit fatigué d'avoir trop cherché de solution sans en trouver, son esprit qui en avait vu passer trop souvent, des cas comme Taehyung. Mais avec ce garçon, c'était différent. Parce qu'il semblait... heureux. Bien dans sa peau, bien dans sa tête, sain. Et ça n'était pas normal. Ça ne devait pas l'être. Ça ne pouvait pas l'être.

Alors le psychologue se préparait à accueillir le patient suivant, avec qui ca serait plus simple. Il ne lui restait qu'une chose à faire.

Avant de clore le dossier de l'adolescent qu'il ne rouvrirait que la semaine suivante, sous la phrase "Pas d'évolution " qu'il réécrivait depuis de si long mois, il ajoutait un message à l'attention du toxicologue en charge de Taehyung. Augmenter les doses. Encore.
C'était la seule chose à faire. Inutile, certes, il savait que ça ne marcherait pas. Au moins avait-il ce sentiment de faire quelque chose, de ne pas baisser complètement les bras. De manière plus réaliste, cela lui évitait d'assumer qu'il avait abandonné, depuis si longtemps.

De son côté, Taehyung rejoignait son aimé, dans le calme vaporeux de sa chambre.

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Ça fait un moment que je n'ai rien publié sur Wattpad, et je reviens encore avec un nouveau projet. Je me désespère.
Il y a 2 jours, j'étais au concert des BAP à Paris. D'autres ici ? Je ne m'en remet pas. Autant le dire, ils ne portent pas le nom de Best Absolute Perfect pour rien.
Saranghae,
Yurin <3