Chapitre 6-Le Mariage

J'avais fini par m'habituer à tout cela. A cette maison grande et vide. A ces deux frères diamétralement opposés. A cette femme austère qui faisait tout, la cuisine, le ménage, la lessive. A ces mystérieux parents disparus. Cela faisait maintenant presque deux mois que j'étais là. 

Je menais une vie assez oisive, je manquais d'occupations. Je m'habillais, je lisais, j'écrivais, je me baladais dans les jardins ou je faisais un petit tour dans la bibliothèque. Les soirées mondaines où j'allais à New York me manquaient. Mes amis me manquaient. Ma famille me manquait. C'était terrible. J'avais besoin d'eux. Dans les quelques lettres que j'avais envoyé à ma mère je la rassurais, tout allait bien, je me sentais bien, la demeure était somptueuse, on prenait soin de moi, je ne manquais de rien. 

C'était vrai. Mais je ne pouvais jamais quitter le domaine. Seul Edward partait pendant la journée pour des "affaires". Il disparaissait toute la journée durant. Le soir, il revenait toujours avec un cadeau pour moi, une pâtisserie, du papier, une robe, un nouveau livre... Moi, Henry et Nelly restions dans cette prison dorée.

Nelly ne m'appréciait guère. Ce n'est pas pourtant faute d'avoir essayé de discuter avec elle. Elle évitait toute longue discussion et s'éclipsait dès qu'elle le pouvait. Et puis, à chaque fois qu'elle me regardait elle semblait me reprocher quelque chose. Ou peut-être était-ce de la tristesse. 

Mes relations avec Henry étaient... compliquées. Nous nous entendions bien, il avait une culture incroyable. Je me rendais compte que sa vie avait dû être compliquée. Maltraité quand il était petit par sa mère et n'ayant jamais pu sortir de chez lui à cause de sa maladie. Puisqu'il n'avait pas le droit de sortir de chez lui et de découvrir le monde par lui-même, il compensait en lisant énormément de livres. Il s'asseyait parfois à côté de moi et me posait des questions sur ma vie d'avant, sur le monde "réel". Mais, il y avait toujours une gêne entre nous, due à notre mariage imminent. 

La couleur de ses cheveux et de sa peau ne me dérangeait plus, maintenant. Je m'y étais habituée. Elle lui apportait même un certain charme. Il était incroyable.

Edward, lui, se montrait, comme à son habitude charmant, gentil, poli. Mais il était aussi très distant. 

J'ai rapidement compris qu'ici il y avait des sujets tabous. Le travail d'Edward. Leurs parents. Leur enfance. L'extérieur. La plupart des repas qu'on prenait ensemble se passait dans un silence absolu. 

Edward avait beau être un pianiste exceptionnel, visiblement il ne voulait pas partager son savoir. La seule fois où j'avais tenté de m'en approcher il m'avait attrapé et serré les poignets si fort que ça m'avait fait mal. Il m'avait murmuré, doucement :

"N'essaie pas d'y toucher. C'est mon piano. Il m'appartient."

Je n'avais pas retenté l'expérience, même en son absence. Edward était lunatique. Il pouvait se montrer gentil et charmant et brusquement froid et violent.

Il annonça, un soir, pendant que nous étions en train de manger :

"Le mariage est prévu pour demain. Serena, Nelly t'aidera à mettre ta robe de mariée. Tenez-vous prêts. Un prêtre viendra ici pour célébrer la cérémonie."

Cela m'a tellement surpris que j'ai lâché ma cuillère dans ma soupe. Henry paraissait aussi surpris que moi. Je me suis mordu la lèvre et je me suis excusée. C'était trop précipité, trop soudain. Je n'étais pas prête. 

Lorsque je suis rentrée dans ma chambre une longue robe blanche m'attendait. Edward n'avait pas lésiné sur les moyens visiblement. Elle était tout simplement sublime. J'ai rêvé toute ma vie d'une robe de mariée aussi belle. C'était une véritable robe de princesse. Le genre de robe que toutes les petites filles veulent quand elles prévoient leur mariage de rêve. Ce n'était pas un mariage de rêve que j'aurais. Mais j'avais tout de même une robe sublime.

Nelly vint m'aider, le lendemain matin  à me préparer. Elle me maquilla, me coiffa. Elle était réellement douée. Le reflet que je voyais dans la glace me plaisait énormément. Je me trouvais belle. 

La cérémonie se déroula devant un petit autel que je n'avais encore jamais remarqué. Henry portait un costume blanc. La seule touche de couleur chez lui était ses grands yeux bleus. Il avait un doux sourire. Je me rendis compte que j'avais de la chance. Henry était un garçon bien. 

Le prêtre était un vieil homme grisonnant qui venait du village avoisinant. Nos témoins étaient Edward et Nelly. Je ne voyais pas pourquoi Edward tenait tant à une cérémonie discrète. Ici, c'était lui qui décidait de tout et étonnamment Henry se laissait faire. Pourquoi ne se rebellait-il pas ?

La cérémonie fut assez courte. Nous échangèrent nos voeux et le prêtre officialisa notre union. Edward laissa échapper un petit sourire soulagé. Le prêtre partit ensuite. Il avait l'air mal à l'aise dans ce manoir. Il jetait des petits regards apeurés partout. 

Henry m'embrassa pour la première fois. Ses lèvres étaient douces. Son parfum était enivrant. C'était très agréable. Il m'emmena ensuite dans sa chambre. Ça allait être notre nuit de noce. Je m'y étais préparée. Mais, étonnamment, il ne posa pas ses mains sur moi. Il s'assit sur le lit et murmura en soupirant :

"Maintenant que nous sommes mariés, il faut que je te montre quelque chose.

-Quoi ?

-La crypte où mes parents sont enterrés."

Le sérieux dans ses yeux me fit frissonner. 

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