Chapitre 11

Cela faisait maintenant un quart d'heure que Sony avait pénétré dans cette sombre forêt. Aust s'était déjà dirigé vers le centre-ville, il entra dans un hôtel et prit une chambre, il s'allongea sur le lit et commença à se morfondre sur ce départ qui lui déchirait le coeur. Il se remémora cette brusque séparation douloureusement, se revoyant le visage de la fille qu'il aimait teint par l'amertume. Il l'avait comme rejetée, ses adieux avaient été secs et amers. Il regrettait déjà de l'avoir laissée s'en aller loin de lui. Cependant il ne voulait pas entraver les souhaits de la jeune fille. Depuis le début, son objectif avait été de retourner à sa meute, elle était tout pour elle, il ne faisait pas le poids. Mais ce coeur qui se serrait ne faisait qu'aggraver cette douleur qui le dévorait. Il se souvint de cette première rencontre pour le moins mouvementée. Voir des miennes en vrai était la chance de sa vie, néanmoins, jamais il n'aurait cru tomber amoureux de l'une d'elle. C'était un autre monde, un autre caractère, les dieux lui avaient donné une chance de réaliser son rêve mais le mettait en garde de ne pas souiller ces êtres hors du commun. Sa main lui picotait, il avait besoin de réconfort, de ce sentiment sécuritaire qu'il offrait aux deux louves.

Il reçut soudainement un appel sur son téléphone portable. Habitué à ce que celui-ci garde éternellement le silence, il fut surpris de voir cet appel entrant. Le prénom de sa soeur cadette s'afficha sur l'écran. Il n'hésita pas à décrocher et colla l'appareil à son oreille.

- Allô Marie ?

- Aust ! Alors ce voyage ? Vous êtes bien arrivés à Migty City ?

- Oui, tout va bien.

- Es-tu avec Sony, Ashley et Neige ?

Le peu de soulagement d'avoir reçu cet appel s'estompa. Il se rendit compte de cette immense solitude lorsqu'il revit chaque mienne partir l'une après l'autre. Il n'était qu'un humain, il était évident qu'il n'allait pas pouvoir vivre éternellement entouré de ces créatures extraordinaires. Sa gorge se noua, l'empêchant de répondre avec une voix normale.

- Non, elles sont toutes parties.

Les faibles grésillements du téléphone portable firent clairement comprendre qu'elle n'arrivait pas vraiment à trouver quelque chose de juste à répondre. Il avait besoin d'une aide, et elle le savait, mais trouver quoi dire était loin d'être aussi simple que ce que l'on pensait.

- Aust, que s'est-il passé ?

- Rien de spécial...

- Aust. Que s'est-il passé ?

Les larmes coulèrent de nouveau sur les joues basanées du garçon, celui-ci, comme le petit être émotif qu'il était, ne pouvait retenir plus longtemps ses peines.

- Marie... Je l'aime..., hoqueta-t-il à travers le combiné.

- Oh... Aust, elle est retournée à sa meute ?

- Oui... Oui... Je suis un monstre, pourquoi j'ai voulu devenir scientifique ?

Émue, la petite soeur ne savait quoi dire, souvent son grand frère s'était tourné vers elle lors de ses problèmes. Malgré toutes les railleries qu'ils s'étaient faits, le frère et la soeur étaient extrêmement proches, Katherine étant partie trop tôt du foyer familial ils se confiaient plus l'un à l'autre qu'à leur aînée.

- Ce n'est pas parce que tu as voulu devenir scientifique que tu es un monstre, tu partais d'une bonne intention, tenta l'adolescente calmement.

- Oui, certainement comme tous les autres. Personne ne naît méchant Marie, on le devient. Peut-être que si je n'avais pas rencontré Sony je serais devenu un scientifique horrible dans le futur, un qui tue, viol, bat, dissèque les Miennes qui le passionnaient tant étant enfant.

- Tu as raison, mais je suis sûr que tu ne serais pas devenu ainsi, j'ai foi en toi.

- Oui mais... J'ai été horrible avec Sony, je l'aime tellement, mais j'ai été horrible lors de son départ, tellement froid et sec... Tu aurais vu ses yeux déçus, renifla le blond.

- Et maintenant, que comptes-tu faire ? Te morfondre encore et encore et perdre toutes les larmes de ton corps ? Tu es majeur maintenant Aust, tu sais que je serai toujours là pour toi, mais il y a des choses que tu dois faire par toi même !

Il sursaute en l'entendant hausser la voix, ce changement brutal était la dernière chose à laquelle il s'attendait. Il s'étala sur le lit et fixa le plafond.

- Je ne suis pas un héros d'histoire d'amour, je ne vais tout de même pas aller la chercher à sa meute au risque de me faire bouffer et lui dire un truc dans le genre " Sony, je t'en supplie, reste avec moi, je ne quitte jamais !".

- Eh bien pourquoi pas ?

- Marie soit sérieuse, tu sais déjà à quel point je me sens mal, ne me fais pas sentir comme une sous-merde.

- Ce n'est pas mon attention Aust, baissa-t-elle la voix de sorte à montrer qu'elle s'était adoucie. Ce que je veux dire, c'est que pour tes histoires d'amour, je ne peux pas tout le temps t'aider. C'est à toi de décider si tu t'accroches ou non à cette histoire.

Il le savait déjà. Dès qu'il s'était rendu compte de ses sentiments pour la mienne, il voulait que cela perdure, et paradoxalement il voulait que cela cesse. Ces sentiments allaient le blesser, c'était irrémédiable. Et maintenant qu'elle était partie, c'était définitivement fini. Il ne voulait que le bonheur pour Sony, en dépit du sien. C'est ainsi qu'il en était arrivé là.

- Elle est déjà loin à l'heure qu'il est, et puis, je ne sais même pas où elle se trouve.

- Je ne pensais pas mon frère aussi défaitiste.

- Je ne suis pas défaitiste, je suis réaliste.

- Tu lui as dit au moins ce que tu ressentais pour elle ?

- Oui.

- Et ?

- Bah c'était évident qu'elle n'avait pas les mêmes sentiments pour moi, rit-il amèrement.

De l'autre côté de l'appareil, la benjamine fronça les sourcils devant ces paroles absurdes. Elle s'énerva pour de bon et hurla dans le microphone :

- Bordel Aust ! Tu es vraiment un mec ! Tu ne comprends rien aux filles !

Elle raccrocha aussi brusquement qu'elle avait appelé et le bip bip résonna dans le haut-parleur. Pendant que le garçon s'interrogeait encore sur les évènements récents, Sony quant à elle avait enfin rejoint sa meute. Ces membres en la voyant se ruèrent vers elle pour lui faire l'accueille qu'elle méritait. Aucun ne semblait vraiment se soucier de l'absence de sa jeune soeur ce qui lui fit de la peine. Elle retourna voir l'alpha de la meute au pelage grisé qui lui fit le même accueil que ses congénères. Elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la joie pour avoir retrouvé ceux qui l'avaient recueillie très jeune. Pour "fêter" ce retour presque miraculeux, ils décidèrent d'aller chasser. Elle retrouva cette adrénaline qu'elle ressentait avant chaque chasse et ils galopèrent à travers les plaines à la recherche de gibier bien saignant. Cette vitesse de courses l'impressionna comme si c'était la première fois. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas couru dans les hautes herbes à la recherche d'une biche ou autre herbivore bien juteux. Coordonnés comme autrefois, ils établirent leur périmètre de chasse avant de s'élancer vers les animaux sans défense. La course folle commença enfin et elle se sentit revivre. Toujours de plus en plus rapide, elle s'approcha dangereusement de sa proie. Elle bondit sur celle-ci et planta ses crocs acérés dans la croupe de cette biche égarée. Elles s'effondrèrent à terre et l'animal se débattit. Sony n'hésita pas à l'égorger pour la faire taire et un dernier souffle s'échappa de ses nasaux. Elle ressentit ce sang frais couler dans sa gorge et le long de ses babines et elle observa autour d'elle pour voir où étaient les autres. Très bonne chasse pour cette fois-ci.

Une fois rentrés au terrier, ils dégustèrent tous leurs somptueux repas. Elle se ressentait vivre à nouveau en tant qu'animal, mais ce gibier lui refit penser à son premier repas avec l'humain. De la viande cuite. Jamais un loup ne ferait ça, pourtant, elle trouva cette viande beaucoup plus fade que ce qu'elle avait l'habitude de manger avant d'avoir été capturé. C'était le même animal, la même façon de la manger, alors quelle était la chose qui avait changé entre temps ? Un soupire lui échappe lorsqu'elle repensa à Aust. La façon dont ils s'étaient quittés lui avait fait mal au coeur. Elle était même sur le point de fondre en larmes. Elle avait vécu tellement de choses avec lui lors de cette petite aventure. Il lui avait fait découvrir à nouveau ce monde qu'elle avait dû quitter. Il lui avait fait vivre des choses qu'elle n'aurait jamais pu expérimenté en tant que louve. Elle n'avait plus Ashley à ses côtés, elle avait quitté Aust. Il ne lui restait plus que la meute. Elle sourit intérieurement espérant qu'elle n'ait rien à regretter de ce choix.

Le repas copieux enfin terminé, ils rentrèrent chacun dans leur terrier. Elle se dirigea vers celui du loup avec lequel elle devait s'accoupler pour agrandir la meute mais se figea aussitôt lorsqu'elle le vit suivi par une autre louve. Elle rit pour elle-même et s'allongea sous un arbre pas loin du groupe. Elle avait disparu de la meute, il était évident qu'elle allait être remplacer pour la survie de la meute. Ils avaient appris à vivre sans elle et Ashley. Elle n'était plus utile. Sa soeur était partie pour vivre sa vie, elle n'était plus nécessaire pour elle. Elle voulait retourner à la meute inquiète pour celle-ci, mais ils l'avaient facilement remplacée. Et Aust . . . Elle l'avait quitté, mais il s'en sortait sans doute très bien sans elle d'après cette dernière. Elle ne pu s'empêcher de pleurer et de sentir ce gigantesque sentiment de solitude au fond de son coeur. Elle se sentait tellement inutile à présent. Si seulement elle avait été juste une louve ou juste une humaine. Elle n'aurait pas appartenu à deux mondes qui s'opposent.

"Aust !" hurla-t-elle en translation pensant qu'elle allait se faire entendre.

Ils avaient enfin arrangé leur relation, alors pourquoi cela ne lui suffisait plus. Elle ne voulait pas que tout s'arrête ainsi. Au fond d'elle, elle espérait vivre un peu plus longtemps avec lui. Même, peut être était-elle prête à vivre toute sa vie avec. En fondant une famille. Mais il était sans doute déjà parti. Elle comprit enfin ce qu'il disait quand il avouait l'aimer. C'était donc ça l'amour. Ce manque qu'elle ressent au fond d'elle était à cause de l'amour ? Ce qui était sûr, c'était qu'elle voulait le revoir au plus vite. Elle se promit que le lendemain elle partirait à sa recherche quoiqu'il en coûte, quitte à se faire à nouveau capturer par des chercheurs, avant tout elle devait le retrouver.
Avant que la meute ne se lève, Sony était déjà dans les plaines à galoper désespérément vers Migty City. Elle sentait qu'en elle, elle devait tout faire pour retrouver Aust. Même pas vingt-quatre heure ne s'étaient écoulées il lui manquait déjà. Elle ne pouvait plus s'imaginer sans lui. Ils avaient vécu des choses qui l'avaient marquée, à tel point qu'elle ne pouvait plus les oublier. Il avait gravé son nom dans son être. Elle devait le retrouver. Enfin dans la forêt près de la ville elle se métamorphose et vole discrètement des vêtements qui pendaient devant la maison la plus proche. Elle se mit inconsciemment à courir dans la ville à la recherche de Aust ou de ne serait-ce qu'un endroit où le trouver. Mais la réalité lui revint très rapidement. Elle ne sait même pas dans quel hôtel il logeait. Et encore moins s'il était déjà parti. Son cœur se serre à l'idée qu'il ait déjà prit le train pour rentrer chez lui. Et s'il ne l'avait pas encore prit, elle ne savait même pas à quelle heure il allait le prendre. Elle ne savait pas non plus comment le retrouver. La mienne était partie à sa recherche inconsciemment sans savoir où il pouvait être. La peur de ne plus jamais le revoir la paralysa et elle manqua de tomber à terre. Une passante la retint voyant qu'elle chancelait et lui demanda si tout allait bien.

- Je ne sais pas. J'ai mal dans ma poitrine et je me sens effrayée.

La passante confuse par cette déclaration pour le moins étrange l'aida à se relever. Une petite fille les rejoingnit soudainement.

- Maman ! Maman ! Le monsieur là-bas il vent des bonbons ! Je peux en avoir ?! quémanda la petite en tirant sur le haut de sa mère.

Sony eut un déclic et repartit aussitôt dans la ruelle laissant la dame avec son enfant. La maison de ses parents. C'était la seule chose qui lui vint à l'esprit. C'était le dernier lieu qui la liait à Aust. Peut être se retrouveraient-ils là-bas ? L'espoir explosait en elle à l'instar d'un feu d'artifice. Elle voulait y croire. C'était bien la seule chose à la quelle elle pouvait croire. Retrouvant le chemin vers la maisonnette abandonnée, elle passa la grille à toute vitesse sans prendre la peine de fermer derrière elle et ouvrit la porte brusquement, espérant le trouver sur le canapé délabré de l'ex-salon.

- Aust ! cria-t-elle de tout son air.

Mais aucune réponse ne lui revint. La maison était belle et bien vide. La déception éteignit les flammes d'espoir qui crépitaient en elle et une grimace amère déchira son visage. C'était trop beau pour être vrai, il n'y avait aucune chance qu'il ne vienne ici. Elle s'avança d'un pas lourd vers le salon et regarda une photo de ses parents qui était autrefois soigneusement déposée sur une commode. Sa gorge se noua comme pour étouffer des gémissements tortueux. Ses yeux devinrent de plus en plus humides et ses jambes tremblaient, non, tout son être tremblait. Sa mâchoire se serra pour empêcher tout bruit de sortir de sa bouche crispée. La tristesse l'envahit et des larmes glissèrent sur ses joues. Des pleurs se firent entendre dans toute la bâtisse et seule elle demeurait là à pleurer son triste sort devant la photographie de ses parents. Ils étaient morts, la laissant elle et sa sœur derrière eux. Ashley était parti, la laissant elle et Aust derrière elle. Elle était partie loin d'Aust pensant que sa meute allait l'accueillir à bras ouverts. Elle avait quitté sa meute pensant qu'Aust était tout ce qu'elle avait de plus précieux dans ce monde plein de souffrance. Et lui n'était sans doute plus dans la ville. Devait-elle vivre une vie solitaire pour toujours ? Allait-elle souffrir encore longtemps avant de retrouver le bonheur ?

- Maman . . . Papa . . . Je n'en peux plus . . . Je ne veux plus être seule . . . sanglota-t-elle les mains sur les yeux comme pour cacher cette odieuse réalité. Vous n'êtes plus là, Neige n'est plus là, Ashley et Wake ne sont plus là, Aust n'est plus là . . . Vais-je devoir disparaître à mon tour ?

Son cœur se serrait de plus en plus douloureusement, des milliers d'aiguilles transperçaient sa chair. Si c'était pour terminer seule, elle ne voulait plus continuer à vivre.

- Pourquoi dois-je tout perdre . . . ?

Ses jambes ne la tenaient plus et elle finit accroupie à terre à pleurer son sort. Les dieux avaient-ils fait en sorte qu'elle souffre autant ?

Comme pour interrompre ses sentiments plus tristes et désespérés les uns que les autres, elle entendit le portail grincer. Prise de panique et ne voulant pas que quelqu'un ne la trouve dans cet état pitoyable, elle se précipita derrière le canapé où nul ne pouvait la trouver à moins de vraiment y mettre son nez. Qui pouvait donc encore vouloir venir dans cette maison abandonnée ?
* * *
Aust n'avait pas réussi à dormir de la nuit. Ce fut sans doute la pire nuit de sa vie. Jamais il n'avait autant pensé à une fille qui plus était, était une mienne. Dès l'aube il voulut appeler sa benjamine, cependant, après plusieurs tonalités il tomba sur le répondeur.

- Aust, je sais que c'est toi car tu es le seul à pouvoir m'appeler à une heure pareille. Bouge ton cul et va retrouver Sony au lieu de me demander des conseils !

Le jeune homme soupira, il était vrai que souvent il rappelait sa tendre Marie et celle-ci le savait très bien, elle avait donc mis au point un système d'horaire où elle changeait son répondeur. Désespéré par l'ordre violent de sa sœur, il sortit du lit, s'habilla et sortit de l'hôtel. Il souffla et se dirigea vers une rue aléatoire pensant que cela allait faire passer le temps plus rapidement. Peut être devait-il aller chercher un billet de train pour retourner voir sa famille. Cependant il voulait malgré tout se balader dans Migty City pour découvrir d'une manière indirecte l'endroit où Sony avait vécu son enfance. Il se balada parmi les ruelles toutes aussi charmantes et calmes les unes que les autres. Il traversa le marché où les vendeurs commençaient tout juste à installer leurs stands et se reposa sur la place où un puit décorait de manière rustique le lieu. La ville se réveillait à peine et certains volets s'ouvraient.

- Quelle ville paisible. déclara apaisé Aust en levant les yeux vers le ciel dégagé.

Ici la plupart des rues étaient piétonnes, par conséquent, il y avait beaucoup moins de véhicules qui circulaient çà et là. Le bruit des moteurs était quasiment inexistant. Le calme parfait. Le jeune homme songea même le temps d'un instant à s'installer ici, espérant que peut être un jour il recroiserait par le plus grand des hasards son amour. Un triste sourire se dessina sur ses lèvres.

- Comment puis-je la retrouver alors que je ne sais même pas où elle se trouve ?

Peut être aurait-il du naître mienne comme Wake, pensait-il en observant longuement ses mains humaines. La rencontre avec Sony et Ashley fut le fruit du destin, et ce même destin eut décidé de tous les séparer. C'était la triste réalité à laquelle il devait se faire.

Aust se leva et se dirigea vers la gare décidé à enfin prendre un billet de train. Et une fois chose faite il se mit à errer dans la ville. Il ne lui restait qu'un seul lieu à voir. La barrière et la façade de la maison étaient aussi abîmées que la veille. Rien n'avait changé hormis les conditions qui l'amenaient ici. Il ouvrit le verrou et passa la clôture. Le jardin était toujours aussi pauvre et mort. Voir la maison où Sony avait grandie dans un si pitoyable état l'attristait. Avec un élan de courage et un flot d'émotions, il saisit la poignée de la porte et ouvrit celle-ci dans un grincement ancien. Rien n'avait changé comparé à la veille, toujours aussi délabré. Pourtant il était possible de ressentir une sorte d'âme dans cette maison, comme si la famille de Mienne y vivait encore.

Il s'aventura parmi les nombreux meubles abandonnés. Un tissu de poussière les ornait et s'effaçait lorsque le doigt d'Aust s'y glissa comme pour estimer le temps qui s'écoulait ici. Il se retrouva immédiatement face au salon. Il longea mélancoliquement l'une des commodes où il croisa le regard souriant des dit-parents de Sony. Tout son être se crispa à cause de ce sentiment de regret qui le hantait depuis le départ la fille dont il était fou d'amour. Il sourit amèrement pour retenir ces larmes qui lui montaient aux yeux. Des souffles longs et maîtrisés se dégagaient de ses poumons comme pour maîtriser son cœur sanglotant.

- Bonjour monsieur et madame . . . il rit douloureusement pour lui-même. C'est vrai, je ne connais même pas le nom de famille de Sony. Je ne sais presque rien d'elle.

Une larme glissa le long de sa joue qu'il se précipita d'essuyer.

- J'aurai tellement voulu vous rencontrer en chair et en os pour vous remercier d'avoir donné vie à une fille aussi adorable que Sony. Je ne suis qu'un humain, je ne peux pas comprendre le tiraillement d'une Mienne entre son côté homme et son côté animal. Il semblerait que Sony comparé à vous, a choisi de vivre en tant que louve. Eh merde, ma voix tremble.

Il se tint la gorge comme pour calmer celle-ci qui devint trop émotionnelle.

- Je suis tombé amoureux de votre fille. Pourtant j'ai été le pire homme qui puisse exister en ce monde. Je fais partie d'une communauté que l'on appelle « scientifiques » qui étudient les êtres formidables que sont les Miennes. Sony se méfiait de moi à cause de cela. Je n'ai pas osé lui dire la vérité dans mon intérêt personnel et je lui ai mentie sur toute la ligne. Mais tomber amoureux d'elle ne faisait pas parti de mes projets. Je l'ai observée, et plus je la regardais évolué dans ce monde humain qu'elle avait dû quitter trop tôt, plus mes sentiments à son égard s'agrandissaient.

Il serra les poings frustré et en colère contre lui-même.

- Elle me faisait confiance. Et malgré ça je n'avais toujours pas eu le courage de lui dire que je faisais partie de ces gens qui dissèquent ces pauvres Miennes. Je suis désolé . . . C'est de ma faute si elle a connu la déception et la tristesse. Si elle ne m'avait pas rencontré, peut être qu'elle n'aurait pas vécu tout ce malheur.

Sa tête s'abaissa honteusement à cause de lui-même. Il ne pouvait rien faire pour changer le passé. Le présent était dur à supporter sans elle. Et le futur restera sombre à cause de ces regrets.

- Je l'aime comme un fou . . . Et malgré ça je n'ai même pas été capable de la rendre heureuse . . . Pardonnez mon incapacité . . . Je l'aime, je l'aime et je l'aime encore plus rien qu'en pensant à elle et son sourire radieux. Elle est devenue tellement de choses pour moi en si peu de temps . . .

Un hoquet s'échappa dans la pièce ce qui le fit sursauter. Même si ses joues étaient humides et sa voix chevrotait encore, cela ne venait pas de lui. À peine il se fut retourné un deuxième hoquet résonna. La peur et l'incertitude primaient en ce moment même au fond de lui.

- Qui est là ? dit-il en séchant rapidement son visage aux pommettes mouillées.

Un nouveau hoquet survint et il se précipita immédiatement en sa direction. Derrière le canapé du salon se cachait une ombre. La personne portait une capuche rouge et était roulée en boule pour éviter d'être découvert.

- Eh toi, l'interpela-t-il, lève-toi et sort de cette maison, ce n'est pas un lieu pour les enfants.

Il pensait qu'à cause de cette petite taille cela pouvait être un de ces gamins qui jouaient la veille autour. Cependant lorsque l'ombre s'éleva à sa hauteur il manqua un battement de cœur.

- Sony . . . ?

La jeune femme sanglotait à cause de l'émotion et ses pleurs ne faisaient que s'accentuer lorsqu'elle leva le regard pour croiser ses yeux ébahis. Jamais il n'aurait cru la revoir ici, et il en allait de même dans la tête de la fille. Ils étaient tous les deux émus de se revoir alors qu'ils pensaient qu'ils ne se reverraient plus jamais.

- Au mon dieu, Sony . . . Que fais-tu i- . . . ?

Avant qu'il n'eut terminé sa phrase et lui sauta dans les bras et pleura de plus belle. Elle s'agrippa au haut du garçon qui ne pouvait s'empêcher de la serrer dans ses bras tellement heureux d'avoir pu la revoir.

- Aust ! Aust ! Aust ! implora-t-elle.

- Je suis là . . . Je suis là . . .Sa main caressait gentiment les cheveux de la jeune fille.

Il pensait être en plein rêve, mais l'odeur sauvage de la jeune fille qu'elle portait sur elle était tout ce qu'il y avait de plus réel. « Pourvu que ce moment ne cesse jamais » pensa-t-il. Quant à Sony, elle n'arrivait plus à contrôler ses sentiments débordant. Elle était tellement heureuse de le revoir. Peut être était-ce la dernière fois qu'elle le reverrait, cependant elle devait absolument lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle n'avait pas pu la dernière fois car elle ne savait rien de cet amour naissant, mais maintenant qu'elle en était persuadée, elle devait le lui faire entendre.

- Je . . . Je sais que c'est égoïste de te demander ça, mais pitié, laisse-moi rester à tes côtés. Je n'ai plus de parents, plus de sœur, plus de meute, tu es tout ce qu'il me reste. Ne me laisse pas seule. S'il te plaît . . . supplia-t-elle en levant les yeux vers elle.

Le cœur du jeune homme fit un bond en entendant cet aveu qui lui semblait tellement irréel. Jamais il n'aurait cru entendre cela d'elle. C'était si beau, trop beau pour être vrai. Pourtant il voulait croire. Combien de fois avait-il pensé à poursuivre sa vie avec elle ? Des centaines de fois sans doute. Mais il ne pouvait pas répondre à son aveu tant qu'il n'avait pas effacé avec certitude ce regret qui lui pesait. Ses bras se resserrèrent d'autant plus autour d'elle.

- Sony... Dans ce cas fais-moi acceptes-tu une nouvelle fois de m'accorder ta confiance ?

Chez Sony la question ne se posait plus depuis longtemps. C'était une évidence. Elle releva la tête avec un sourire et hocha la tête avant de déposer son front contre le sien comme pour sceller une promesse.

- Oui.

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