Chapitre 10

"Pourquoi tu m'as mentie ?"

Je réfléchissais à ces mots comme un philosophe réfléchissait à la vie. Pourquoi avais-je fait cela ? Pour la protéger ? Pour me protéger ? Très certainement.

- Je pense que que j'avais peur de ta réaction.


Elle ne répondit pas, se contentant de me regarder dans les yeux, déçue de cette réponse. Je cherchai d'autres mots, ma bouche s'ouvrait et se refermait ne sachant quoi dire, mes lèvres tremblaient de toutes ces raisons que je n'arrivais pas à formuler en des phrases compréhensibles. Mes yeux restaient attachés à ces yeux bruns comme si c'étaient un port, c'étaient mon port, celui où je pouvais me reposer et prendre du plaisir, mais je ne savais quoi faire à ce moment là, rester sur ce port ou repartir en mer ? Dans les deux cas je perdrais peut-être une chose : sa confiance.

- Je...


Je pris une grande inspiration, prêt à tout lui raconter, elle avait le droit de savoir pourquoi je lui avais mentie.

- Parce que je t'aime.


Ces quelques secondes de silence qui suivirent cette déclaration me parurent être une éternité, une éternité de peur et de joie mêlée, la peur d'être rejeté, la joie d'avoir avoué.

- Mais moi aussi je t'aime, enfin je t'aimais avant que tu ne brises ma confiance, dit-elle durement.


Mon coeur fit un bond mais je compris dans ces yeux qu'elle n'avait pas la même signification que moi.

- Sony, ce n'est pas le même amour. Ce n'est pas le même amour que celui que tu éprouves pour ta soeur, ce n'est pas celui que tu éprouvais pour tes parents. Ce n'est pas un amour que tu éprouves pour tes amis. Moi, je te parle d'un amour entre deux personnes, celui qui peut amener à fonder une famille et à avoir des enfants, le même amour que celui de nos parents, le même que ressent Katherine à l'égard d'Anthonin. Je t'aime Sony, mais ce genre d'amour se base sur la confiance mutuelle, je sais que c'est voué à l'échec.


Je fermai les yeux afin d'éviter de me confronter à ses grands yeux surpris. Après plusieurs secondes je décidai de rouvrir mes paupières et je vis un visage étonné avec la bouche semi-ouverte et les joues aussi rouges que les pivoines. Je rougis à mon tour de cette réaction et baissai les yeux.

- Lorsque j'étais petit, commençai-je en me tournant dos à la brune, Mes parents me racontaient toujours la légende des Miennes, cette légende qui raconte que les dieux auraient créé une race possédant des qualités humaines et animales et servant d'une certaine façon à maintenir l'équilibre du monde. Cette histoire m'a toujours obsédé... Depuis petit je rêvais de découvrir ces êtres étranges. Lorsque j'ai su que j'avais la possibilité de pouvoir travailler là-dessus je me suis jeté dessus tu comprends ? On me vendait du rêve, je pouvais apprendre à vous connaître vous les Miennes.


Après une courte pause je repris :

- Lorsque je vous ai vu toutes les deux je vous ai courues après pour cette raison, afin de vous connaître et d'en savoir plus, ma soif de curiosité m'a mené à vous proposer de vous raccompagner jusqu'à votre meute juste pour pouvoir étudier votre comportement, en savoir plus sur votre histoire et votre mode de vie... Je venais tout juste de sortir de mes études et je vous ai croisées alors que j'allais déposer ma demande au centre, je n'étais pas au courant que vous subissiez tout ça... Cette maltraitance... Jamais on ne m'a tenu au courant.


Je fis face à la jeune fille avec des larmes d'excuses roulant sur mes joues rouges.

- Je ne suis qu'un enfant curieux..., pleurai-je tel un petit garçon besoin de réconfort, Je ne te demande pas de m'excuser, tout ça c'est ma faute, je n'avais pas prévu de t'aimer...

- Aust, je...

- Non, la coupai-je en m'allongeant dans ma couchette dos à elle, Ne dis rien s'il te plait, ne me dis pas que cet amour n'est pas partagé, je le sais. Je ne te demande pas de le partager d'ailleurs, juste de l'oublier. Je ne suis pas quelqu'un en qui tu peux avoir confiance et je ne veux pas que tu aies confiance en moi, je ne veux pas te faire souffrir. Je t'aime donc juste oublie-moi, retourne dans ta meute et sois heureuse, ce serait le plus beau des cadeaux que tu puisses me faire, je ne veux que ton bonheur même s'il me coûte le mien. Nous ne sommes pas comme dans tous ces livres d'amour, je ne vais pas te dire que je vais t'apprendre à aimer ou tu ne vas pas me dire que tu me fais confiance. Si tu te rapproches de moi ça va me faire encore plus mal lorsque tu rentreras chez toi...


Je sentis sa présence derrière et des frissons me parcoururent lorsque sa main frotta le dos de ma tête. Je ne me retournai pas, n'ayant pas le courage d'affronter cette tristesse et son visage d'excuse et de pitié. Ses paroles suffirent à me briser le coeur.

- Je suis désolée de ne pas pouvoir te rendre cet amour, murmura sa douce voix.


Je me recroquevillai plus sur moi même afin d'étouffer ces pleurs puérils qui ne se tarissaient pas.

Après environ une heure à pleurer silencieusement je m'endormis, d'une sommeil tourmenté par cet amour voué à l'échec. J'étais un garçon et je pleurais, certaines personnes pourraient me traiter de fillette ou de mauviette mais pas Sony, elle qui est pure dans cette société humaine si exigeante, elle laissait les gens pleurer car elle savait que c'était naturel et ne se complaisait pas à juger pour des futilités pareilles.

- Aust, réveille-toi ! C'est l'heure du petit déjeuner..., me réveilla Sony avec sa voix encore ensommeillée en me secouant avec son pied sans aucune indulgence.

- Laisse-moi dormir encore un peu, me plaignis-je en rabattant mon bras sur mon visage.

- Mais j'ai faim moi..., grogna-t-elle

- Attends un peu alors... Une petite heure ou deux...


Je l'entendis marcher dans la petite pièce avant de ne plus rien entendre, je tentai donc de me rendormir tranquillement. Soudainement je sentis quelque chose me tirer du lit et je m'abattis brutalement sur le sol. Je tournai un visage furieux vers mon amie "innocente" qui avait un sourire narquois sur le visage.

- Pourquoi tant de violence ?! criai-je en massant mes reins endoloris.

- J'ai faim.


Je soupirai d'irritation et remarquai soudainement la tenue de la louve, elle était simplement habillée de l'une de mes chemises qui lui descendait juste jusqu'à mi-cuisses, je détournai le regard de gêne et je vis qu'elle fit de même. Elle se mit à vouloir tirer la chemise comme si elle voulait cacher ses parties dénudées, ce fut un grand acte de pudeur qui me surpris de sa part.

- Je vais aller chercher le déjeuner, reste là je reviens, dis-je afin d'éviter son regard.


Je sortis de la pièce avec empressement en prenant mon porte-monnaie au passage et me dirigeai vers le wagon restaurant d'un pas lent. Lorsque je passai la porte à battant une odeur plaisante de café et de chocolat chaud embauma mes narines, je me plaçai devant le comptoir et attendis quelqu'un pour prendre ma commande.

- Que puis-je faire pour vous Monsieur ? demanda un jeune serveur en arrivant près de moi

- J'aimerais commander deux croissants, deux pains au chocolat et deux chocolats chaud s'il vous plaît, demandai-je poliment.


Le serveur acquiesça et me prépara un plateau, après avoir payer je me rendis vers ma cabine en faisant attention de ne rien renverser. Je toquai à la porte de la cabine avec mon pied à cause du manque de mains libres et Sony m'ouvrit rayonnante dans sa robe bleue.

- Ça sent bon ! s'enthousiasma la brune en sautillant sur place.


Je déposai le plateau sur le lit et lui dis de ne rien toucher avant mon retour. Je sortis en la prévenant que j'allais voir sa soeur afin de lui donner de quoi aller s'acheter à manger.

J'ouvris la porte en toquant doucement et me figeai devant ce que je voyais, la proximité des deux jeunes était étroite et les mains du garçonnet se baladaient sur le corps d'Ashley. Lorsque celle-ci me vit elle s'écarta tout de suite du loup honteuse.

- Aust ! Qu'est-ce qui t'amène ? sourit-elle innocemment.

- Je viens vous donner de l'argent pour que vous puissiez aller déjeuner plus tard. Mais apparemment je gêne, je vais peut-être partir...

- Mais non enfin ! On était juste en train de... Euh... Tu diras rien à Sony, hein ? s'inquièta-t-elle.

- Non, mais tu devrais peut-être attendre un peu avant de faire ce genre de choses je pense. En tous cas je ne cautionne pas ça. Mais bon, je ne suis pas ta soeur donc je n'ai rien à te dire, soupirai-je impuissant à cette scène.

- Merci ! Tu me sauves la vie ! sourit-elle rassurée.

- Je ne fais pas ça pour te sauver, je fais ça car ce n'est pas à moi d'en parler à Sony, tu dois le faire toute seule. En attendant voilà l'argent. A plus tard.


Je commençai à sortir de la chambrette avant que Ashley ne m'interpelle.

- Tu as les yeux rouges et gonflés, tu vas bien ?

- Oui, c'est sûrement à cause de la poussière, dis-je moi-même peu convaincu de mon excuse.


Je vis Wake avec un sourire moqueur sur son visage de gamin insolent, je lui lançai un regard noir, sachant très bien qu'il avait compris que mes yeux gonflés étaient dus au fait que j'avais pleuré. Je rejoignis ma propre chambre encore secoué par ce que je venais de voir. Il était vrai que Ashley et Wake étaient des loups, l'instinct primitif revenait donc plus tôt que chez les humains normaux, Sony ressentait-elle la même chose à l'encontre d'autres hommes ? Juste à cette pensée je me rembrunis, m'en voulant moi-même d'avoir eu cette pensée.

- T'en as mis du temps ! J'ai faim moi ! me gronda la jeune femme assise en tailleur sur le lit devant le repas.

- Oui oui, désolée Sony ! Alors, t'es prête à manger ?


Pour toute réponse la louve se rua sur la nourriture, elle croqua avec envie dans son croissant. Son visage était rayonnant, je ne savais pas que de la simple nourriture pouvait procurer autant de plaisir.

- Oh. C'est du chocolat chaud ! s'exclama-t-elle après avoir bu une gorgée de sa boisson.

- Oui, tu en as déjà bu ?

- Oui... C'est tellement nostalgique... Ma maman m'en préparait chaque matin à mon réveil...


Nous restâmes silencieux à nous sustenter autant qu'il le fallait.

- Aust, je sais que c'est une demande égoïste mais... Est-ce qu'on pourra aller chez moi ? Mon ancienne maison je veux dire, elle est à Migty City et j'aimerais tellement voir ce qu'elle est devenue...

- Mais bien sûr ! répondis-je ému par cette demande.


Elle me sourit et nous passâmes la fin du trajet à converser normalement comme nous le faisions avant, sans ambiguïté, sans amour, comme de simples amis.

Lorsque nous sortîmes enfin du wagon couchettes, nous annonçâmes notre projet au duo de jeunes loups. Ashley avait l'air excitée à l'idée de découvrir la maison où vivaient ses parents qu'elle n'avait jamais réellement connus.

Après une marche à travers la ville nous arrivâmes à sa sortie, des maisons défilèrent sous nos yeux mais nous n'y prêtâmes aucune attention, nous nous dirigions vers la dernière. Sony s'approcha du portail à la peinture écaillée qui devait autrefois être blanche. Ses doigts touchèrent la poignée rouillée avant qu'elle ne les retire sous ce contact, comme électrisée. Je m'approchai d'elle et lui souris comme un encouragement et elle tenta de me rendre mon sourire mais le sien paraissait hésitant, apeuré.

- Aller, viens me montrer ta maison, dis-je afin de l'inciter à avancer


Elle acquiesça et ouvrit le portail d'un geste décidé, nous nous avançâmes tous les quatre dans cette bâtisse à la façade délavée et abîmée. Mon regard se porta sur ce jardin en friche depuis l'abandon de la bâtisse, les herbes sauvages nous arrivaient à la taille sous faute d'entretien.

La brune prit une grande inspiration et ouvrit la porte de son ancienne demeure. Elle entra doucement suivit de près par moi et sa soeur, Wake restait en arrière comme s'il ne voulait s'imposer.

- C'est comme avant..., murmura la Mienne la voix remplie d'émotions.


J'admirai cette grande pièce où l'on venait de pénétrer, le parquet était sale et en mauvais état, des rideaux tâchés bleus étaient tirés sur des fenêtres brisées, de faibles rayons de lumière filtraient et l'on voyait grâce à eux la poussière voleter à chacun de nos pas.

Je me rappelle lorsque maman était là, assise dans ce canapé en tricotant tandis que moi j'avais l'oreille collée sur son ventre afin de t'entendre, murmura avec nostalgie Sony à Ashley en se posant sur le canapé éventré.


La jeune femme se dirigea vers les escaliers et les monta lentement en faisant glisser son doigt sur la rampe afin de récupérer une pellicule de poussière qu'elle souffla. Je la suivis afin de visiter cette maison où avait grandie la femme que j'aimais, les deux amants restèrent dans le salon, la petite soeur découvrant cet endroit qu'elle n'avait pu connaître.

Assis sur le petit lit de son enfance, je regardais ses dessins punaisés sur son mur anciennement rose. Je m'imaginais une petite fille de trois ans couchée sur le sol un crayon dans la main à faire des arabesques qu'elle seule comprenait. Cette enfant grandie était installée près de moi, à fixer ce petit monde qu'elle avait dû quitter trop tôt.

- Viens, il faut que je te montre quelque chose, déclara-t-elle en se levant et en passant l'embrasure de la porte.


Je la suivis sans discuter et nous reprîmes un autre escalier qui devait certainement monter au grenier. Ce que je vis me cloua sur le sol, ce grenier était immense. Je m'aventurai dans cette pièce peinte comme le tableau d'un artiste, les champs et prairies étant subtilement détaillés.

- Je n'avais jamais le droit de sortir, mes parents avaient peur que je me transforme et que les gens me fassent du mal. Mon père, qui était peintre, m'a conçue ce jardin afin que je puisse m'amuser.


Sony m'avait dit ça en s'asseyant sur la vieille balançoire qui trônait au milieu du jardin intérieur. Je m'installai derrière elle et me mis à la poussée, le jouet grinça mais obéit tout de même à cet acte. Je balançai la brune quelques fois avant de m'arrêter afin de ne pas trop forcer sur cette balançoire usée.

- J'aimerais tellement revivre dans cette maison..., chuchota-t-elle pour elle-même.

- Pourquoi ce ne serait pas possible ? demandai-je surpris.


Elle me regarda étonnée de ma question avant de me sourire. Elle ramassa une fleur faite en papier crépon qui était quelque peu ratatinée.

- Peut-être parce que j'ai peur de vivre seule. Même si elle essaye de me le cacher je vois que la vie humaine ne plaît pas tant que ça à Ashley. Elle a toujours vécu en tant que louve et même avec sa curiosité ça se voit qu'elle ne s'attendait pas à ce genre de vie. Je ne peux pas le lui gâcher ce qu'elle veut, et je ne peux pas la laisser rentrer seule... J'aurais tellement peur de revenir ici sans son soutien. Elle grandit tellement vite... Qu'est-ce que je vais faire sans elle ?

- Apprendre à vivre sans elle ? Tu sais un jour elle partira, tu ne pourras rien faire car c'est sa vie. Mais ce n'est pas parce qu'elle est là ou même qu'elle part que tu ne dois pas penser à ton propre bonheur.


Elle gloussa, et ses pupilles sombres brillèrent et des larmes coulèrent sur ses joues.

- C'est le seul souvenir que j'ai de mes parents cette maison, mais Ashley est la seule personne que je peux aimer et qui me rattache véritablement à eux...


Pour la première fois je vis Sony craquer, des larmes qui brillaient sous les faibles rayons du soleil dévalèrent ses joues, mouillant cette fleur colorée qui était dans ses mains et qui commença à les tâcher de ses fades couleurs.

- J'aimerais tellement revenir à ce temps où nous étions heureux, ces moments où je regrette de m'être plainte de ne pas pouvoir sortir. Tous ces moments où je n'ai pas su voir que j'étais heureuse ! Je m'en veux tellement de ne pas avoir pu arrêter ces pleurs et... Pourquoi ils sont morts ? Je m'en veux tellement de ne pas pouvoir élever ma soeur comme le ferait ma mère...


Sa voix se brisa, tout ce qu'elle tentait de retenir depuis toutes ces années sortait, dans cette maison où elle n'avait vécu qu'un pan de sa vie, mais le plus joyeux et le plus merveilleux de tous.

- J'ai peur Aust, j'ai peur que ma soeur s'en aille et m'oublie... C'est tout ce qu'il me reste...


Je la pris dans mes bras par une faible tentative de réconfort. Ses mains tâchées des teintes de son passé s'accrochèrent à ma chemise la souillant elle aussi.

- Jamais je n'aurais d'enfant si c'est pour qu'ils vivent ce genre de peines, déclara-t-elle après avoir tarie ses pleurs.


Après que ses hoquets se soient complètement arrêtés, nous redescendîmes rejoindre Wake et Ashley qui se trouvaient dans la chambre des défunts parents. Nous sortîmes de cette maison remplie des rires d'enfants et des joies d'une famille détruite.

- Vous avez vu... Ils sont rentrés dans la maison maudite..., chuchotèrent des voix lorsque nous passâmes le portail.

- Sortez de là les enfants, ordonnai-je afin de voir à qui appartenait ces petites voix étonnées.


Deux petits garçons et une petite fille qui devaient avoir aux alentours de cinq ans sortirent, nous regardant intimidés. Je leurs souris et m'abaissai à leur hauteur pour leur parler.

- Pourquoi dîtes-vous qu'elle est maudite cette maison ?

- C'est les grands ! Ils nous ont dit de ne pas nous en approcher car c'est dangereux ! Il y a longtemps il y avait une famille qui vivait là mais on dit qu'elle a été tuée par des esprits malveillants ! Des fois la nuit on entend leurs cris ! Ça fait peur ! raconta la petite blonde d'un air effrayé.

- Mais nous ne sommes pas morts, on a juste déménagé, c'est moi qui vivait là avant, mentit à moitié la Mienne.

- On ne te croit pas ! On nous a dit qu'il ne fallait jamais croire les inconnus ! Et puis on ne t'a jamais vu !

- Et votre maman ne vous a jamais dit de ne pas parler aux inconnus ? Allez, filés ! leur dis-je pour les faire fuir.


Nous reprîmes notre marche sans faire attention à ce qui venait de se passer avec les enfants.

Après un petit quart d'heure de marche nous arrivâmes à la lisière de la forêt. Une boule se forma dans mon ventre, je savais que l'heure de la séparation arrivait et que plus jamais je ne reverrais celle que j'aimais.

- Bon... On te remercie de nous avoir accompagnées jusque là Aust... Je pense qu'on va y aller... Tu viens Ashley ? annonça l'aînée en évitant mon regard.

- Hm... Comment dire Sony... En fait je ne vais pas venir avec toi, je ne vais pas rentrer à la meute...

- Pourquoi ? s'inquiéta subitement la grande brune.

- Bah... Tu sais, les loups n'apprécient pas trop les autres mâles et Wake se retrouvera de nouveau seul... Je pense que je vais l'accompagner. Je suis désolée Sony, tu sais que je t'aime mais il faut que je fasse ma vie, non ? Je suis grande ne t'inquiète pas, je vais faire attention et on viendra te voir quelques fois !


La louve ouvrit la bouche avant de la refermer, son pire cauchemar était devenu réalité et elle était impuissante face à ça. J'aurais aimé la prendre de nouveau dans mes bras, lui caresser les cheveux afin de la réconforter et lui montrer qu'elle n'était pas seule, mais j'étais tellement ancré des mes propres maux et dans ma propre solitude que je ne pouvais bouger ne serait-ce qu'un doigt. Je me retenais afin de ne pas me mettre à ses genoux et la supplier de rester avec moi, je n'avais aucun droit de l'aimer et je m'en rendais compte. Son départ était le seul remède à ce mal qui me rongeait le coeur.

- Tu me laisses seule ? demanda-t-elle les lèvres frémissantes.

- Mais non enfin, tu as la meute ! C'est notre maison ! Et je serais toujours là pour toi, tu es ma grande soeur après tout, tu m'as élevée et aimée.

- Mais tu m'abandonnes !

- Non ! Je pars juste vivre ma vie, je ne veux pas devenir envahissante dans la tienne. Tu as le droit à ton bonheur, ma vie n'est pas la tienne, tu ne vis pas à travers moi, alors apprends à trouver ce qui peut te rendre heureuse toi.

- Mais c'est toi qui me rends heureuse...

- Sony... Ne me fais pas culpabiliser s'il te plaît...


Ne sachant plus quoi faire la soeur aînée abdiqua, elle se jeta dans les bras de sa cadette. De mon côté je regardai la scène, ne sachant quoi faire je portai mon regard sur Wake qui me fixait lui aussi avec un sourire triste peint sur le visage. Le gamin de douze ans s'approcha de moi.

- Tu sais, merci de ne rien avoir dit à Sony et... Je suis désolée qu'elle t'ait rejeté, s'apitoya-t-il.

- Dégage gamin, je ne veux pas de ta pitié et mes affaires avec Sony ne sont pas les tiennes. Et ne t'inquiète pas, si je n'ai pas dit à Sony que t'avais essayer de faire l'amour avec sa petite soeur c'est parce que c'est à elle de lui dire, grognais-je mécontent qu'on me prenne de pitié.

- J'essayais juste d'enterrer la hache de guerre... Mais apparemment tu n'es pas de mon côté.


Il avait raison, je n'étais même pas capable de dire une seule chose gentille alors que c'était certainement la dernière fois qu'on se voyait. Je n'étais qu'un sombre idiot qui perdait tout ce dont il s'approchait.

 - Je suppose donc qu'on se dit au revoir Aust, me souria la jeune fille de quatorze ans en m'enlaçant en signe d'adieu.

- Oui Ashley, porte toi bien, et je tiens à ce que tu me rendes visite si un jour tu passes vers chez moi ! plaisantai-je en lui rendant son câlin.

- Bien sûr !


Sur ces derniers mots elle partit avec son amant, nous laissant Sony et moi dans une ambiance de malaise. Ne sachant pas quoi dire on restait tous les deux, à regarder nos pieds sans dire un mot à l'autre.

- Je vais y aller aussi... Ma meute m'attend et je suis pressée de la revoir..., murmura-t-elle afin d'engager son départ.

- Tu vas me manquer...

- Toi aussi. Mais je viendrais peut-être te voir un jour. Enfin... Si tu veux...

- Oui, si tu veux...


Nous nous tûmes de nouveau. Je relevai la tête et rencontra le visage triste de Sony.

- Au revoir Aust, c'était gentil de nous avoir emmener jusqu'ici.

- Oui. Vas-y maintenant, ta meute t'attends.


Sur ces mots elle partit avec une mine déçue par mes mots âpres, je regrettai d'avoir été aussi sec, ma tristesse ayant pris le dessus sur mon amour pour elle. Elle partit dans cette forêt sans laisser de trace, juste en laissant la marque de son passage dans mon coeur. 

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