C'est après une longue nuit de sommeil dans ce qu'il appel un lit que nous nous retrouvons autour d'une table à manger du pain avec de la confiture. Personnellement j'aurai préféré un bon gibier bien saignant. Mais bon, ceci n'est pas mauvais non plus. Aust est un garçon sympathique. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a quelque chose de louche chez lui. Comment se fait-il qu'il connaisse l'existence des miennes s'il ne fait pas partie du laboratoire. Il nous l'a clairement affirmé qu'il ne travaillait pas là-bas, mais j'ai encore des doutes. Il n'est pas levé de tout soupçon. La discussion de la veille m'a fait apprendre de nombreuses choses sur lui. Il a tout comme moi dix-huit années derrière lui, alors qu'Ashley qui est plus jeune que nous n'en a que quinze. Il a quitté sa famille pour poursuivre ses études ainsi que commencer à travailler. Il n'en a pas dit plus sur ses études. Sans doute pour cacher le fait qu'il travail au laboratoire. J'en suis certaine. Ashley qui est plus jeune est aussi plus naïve. Elle lui fait aveuglément confiance. Cela m'énerve un peu. C'est comme si moi, sa grande soeur, j'avais disparu dès l'apparition de cet humain.

- Vous avez bien dormi ? nous demande Aust en préparant une unième tartine à la confiture de fraise pour ma soeur.

- Assez bien. je daigne répondre.

- Mais c'est bizarre quand on est humain, c'est difficile de dormir en boule. s'apostrophe ma benjamine.

Le jeune homme laisse sortir un rire amusé par cette remarque et lui tend le pain tartiné.

- C'est normal. Nous ne dormons pas en boule mais en long.

- Oh. . .

Je décide d'interrompre cette discussion sans intérêt pour aller droit au but. J'engloutis vivement ce qui reste dans mes mains puis croise son regard surprit par mon sérieux.

- Quand prenons-nous le bus ?

- Juste après manger. Nous serons en avance donc nous avons tout notre temps.

Je fronce les sourcils et sors de table pour me diriger vers le balcon. Il a réussi à duper Ashley avec son sourire, mais moi il ne m'aura pas. Je refuse de le croire si facilement. Ce type n'est pas net du tout ! Ma soeur me rejoint et m'interroge du regard.

- « Qu'y a-t-il Sony ? » demande-t-elle en translation.

- « Pourquoi tu lui fais les yeux doux à cet humain ? »

- « Qu'y a-t-il de mal à ça ? Il va nous ramener chez nous. »

- « On ne peut pas lui faire confiance. C'est sans doute un de ces scientifique. »

- « Mais il nous a dit que ce n'était pas le cas hier. »

- « On ne peut jamais croire les humains. Nous l'avions vu au laboratoire. J'ai fait tous ce qu'ils disaient pour qu'il ne t'arrive rien et résultat des courses, toi aussi tu as été utilisée sauvagement. »

- « Mais je sens qu'on peut faire confiance à Aust. Il ne nous fera pas de mal. »

- « Tu es trop naïve Ashley. C'est un menteur comme tous les humains. »

Elle tape du pied et fait volte-face pour retourner à l'intérieur.

- « Fais ce que tu veux, mais moi je vais lui faire confiance et le suivre. »

Il l'a dupé, et m'a effacé de la confiance de ma propre soeur. Je le déteste déjà trop pour pouvoir le supporter. Hier j'ai été reconnaissante qu'il nous arrange à la mode humaine. Mais les choses ont vite changé. S'il arrive quoi que ce soit à Ashley, je le démembre vif.

Nous attendons à l'arrêt de bus depuis un quart d'heure. Aust discute vivement avec ma soeur. Il n'ose pas croiser mon regard, il est conscient que je ne le supporte pas. Le bus arrive enfin, cessant leur discussion joyeuse. Il me fait signe de le suivre et nous entrons dans le véhicule. Je soupire et les suis. Nous nous installons dans ces sièges rayés, moi derrière eux et regarde le transport en commun reprendre la route. Je les surveille discrètement dans l'infime espace entre leur deux sièges puis redirige mon regard vers l'extérieur où la ville défile sous nos yeux. Je pensais ça beaucoup plus rapide. À cause du trafic bouché, nous arrivons à destination après deux bonnes heures. Nous descendons enfin, et nous nous dégourdissons les jambes. Qui penserait que cette ville soit aussi grande ? Ashley sautille enfin vers moi. Je lui sourie, heureuse qu'elle me revienne.

- Tu as vu comment c'était long la route Sony ? s'exclame-t-elle en s'étirant.

- Effectivement. Ça aurait été plus vite sous forme lupine.

- Oui. Mais tu sais, le bus c'est bien aussi.

Je hausse les sourcils surprise de cette remarque qui ne m'est pas venue à l'esprit.

- Comment ça ?

- Eh bien, ça économise de l'énergie, et en plus on peut parler tranquillement. je fronce les sourcils sentant la chose arriver. Tu sais, j'ai beaucoup parlé avec Aust. Et notre discussion m'a donné envie de vivre comme une humaine plus que comme une louve.

Un frisson désagréable me traverse et je me crispe. Ce garçon est vraiment insupportable. Il s'immisce dans notre vie, me sépare d'Ashley et lui fait un lavage de cerveau. Il va même jusqu'à la convaincre que vivre en tant qu'humain est mieux qu'en tant qu'animal. Il la manipule complètement. Je ne le supporte plus. Il a tout changé. On n'aurait jamais du accepter sa proposition de nous ramener chez nous. Nous aurions tout  simplement pu rentrer à la meute par nos propres moyens ! J'ai accepté pensant que ce serait possible, mais là, je n'en peux plus. S'il continue comme ça je sens que je vais exploser. Les humains sont les pires créatures jamais crées dans ce monde. Sans savoir pourquoi, je me mets à hurler contre Ashley.

- Si c'est comme ça, va vivre avec les humains ! Va avec Aust ! Moi je rentre chez nous, que tu me suives ou non !

- Mais qu'est-ce qui ne va pas Sony ?

- Ce qui ne va pas c'est que te voir aussi proche de cet humain arrogant m'insupporte !

- Aust n'est pas arrogant !

- Et en plus tu prends sa défense ?!

- C'est parce que cette fois c'est toi qui est en tord !

Je me fige et ne réponds rien. Comment ça c'est moi qui suis en tord ? J'ai toujours raison ! Tout ce que j'ai fait jusqu'à présent à toujours été pour le bien de nous deux. Pourquoi elle ne comprends pas ça ?

- De toute façon tu ne comprends rien toi. finit-elle par dire déçue.

Elle fait volte-face et se dirige vers celui que je n'aime définitivement pas. Ils nous lance des regards confus ne comprenant pas la raison de notre chicane et questionne doucement ma soeur cadette. Soudain un bip familier s'approche. Des chercheurs. Je fais semblant d'être une simple humaine sans me préoccuper du reste. Je pense que Aust peut au moins protéger Ashley. C'est quand je me dis ça que des hommes la capture brutalement et la font monter dans une camionnette qui s'empresse d'accélérer. Elle n'a pas le temps d'hurler l'un de nos noms qu'elle est emportée au loin sous nos yeux ébahis et ceux des passants. Je me dépêche de les suivre sous forme humaine ce qui n'est pas utile du tout. Aust me suit et me rattrape rapidement.

- Ashley ! je hurle désespérée.

J'essaye de les suivre du mieux que je peux, mais cette ville est un véritable labyrinthe. Je me perds, cherchant leur trace. Mais le flaire humain n'est pas assez développé pour suivre des pistes. Aust m'interpelle plusieurs fois et je l'ignore. Pas question de laisser une nouvelle fois ma soeur entre les mains de ces monstres. Je les retrouve enfin. Je ne peux pas les laisser m'échapper. Je me métamorphose rapidement dans une ruelle peu fréquentée. Mes vêtements volent derrière moi.

- Sony ! s'exclame le garçon en ramassant les vêtements tombés sur son passage.

Nous sortons de la ville et j'aperçois au loin un centre de recherche sur les miennes. Il est différent du précédent, plus rustique pour se fondre dans la vielle ville en brique. Ils traversent une grille en fer qui se referme aussitôt devant moi. Je la percute de plein fouet et me retrouve propulsée en arrière.

- « Ashley ! » je vagis en langage silencieux.

Je redouble d'effort et tente de creuser dans la terre pour me frayer un chemin. La crasse se pose sur moi, mais cela ne me gène pas. Je n'ai qu'un seul et unique but, sauver ma cadette de ces créatures des enfers. La personne que je veux le moins voir arrive enfin, essoufflé.

- Sony arrête. Si tu continues ils vont te capturer toi aussi.

Je ne veux pas et je ne peux pas lui parler. Sous cette forme bestial c'est impossible. Et heureusement pour lui sinon je lui vociférerai tout ce que j'ai sur le coeur. C'est de sa faute si Ashley s'est faite capturer. Il aurait pu la protéger ! Mais non, monsieur à préférer la laisser entre les mains de ces scientifiques parce qu'il en est lui-même un ! J'en suis certaine ! Sinon comment connaîtrait-il l'existence des miennes ? C'est à cause de son espèce de nous sommes maintenant en minorité numérique ! Je persiste à creuser avec mes griffes.

- Sony, retournons à la ville et réfléchissons à un moyens de la sauver. Y aller tête baisser ne fera qu'empirer les choses.

Il m'énerve ! Et pourtant, je sais qu'il n'a pas tord. Je décide de le suivre sagement — Pour le moment — jusqu'à un lieu à l'abri des regards. Je me métamorphose sous ses yeux. Il rougit jusqu'aux oreilles et me tend mes vêtements embarrassé. Une fois habillée je me dresse devant lui. Il est plus grand que moi, ça je ne peux pas le nier, mais cela m'énerve encore plus. Je me sens en position d'infériorité.

- Regarde-toi, tu es vraiment sale maintenant.

Il tend la main comme pour la passer dans mes cheveux et je recule hostilement.

- Ne me touche pas.

Il sourit amèrement, déçu de ne pas pouvoir toucher, caresser son oeuvre de la veille. Il ferme sa main en poing et l'aligne avec son corps droit et bien sculpté.

- Tu me hais, n'est-ce pas ?

Je le regarde dans le blanc des yeux et me décide à tout relâcher.

- Oui je te hais ! C'est de ta faute ! Tout est de ta faute ! Si tu ne nous avais pas vu ce jour-là, nous n'aurions pas autant de problème ! Tu as réussi à duper Ashley, mais pas moi ! C'est toi qui l'a manipulé ! À cause de toi elle s'est retournée contre moi ! Elle ne m'écoute plus ! Et maintenant, elle se fait capturer ! Tout est de ta faute et des autres humains. Je vous hais tous ! Vous êtes tous des créatures plus hideuses les unes de les autres ! Vous me dégoûtez ! C'est votre faute si j'ai tout perdu ! Il ne me restait plus qu'elle. Ma petite soeur . . . mes cris de guerres étaient devenu des faibles sanglots lorsque je me rappelle de mes parents, du feu, et du sang.

Nous restons là, face l'un à l'autre, à attendre que mes larmes cessent. Il ne sait pas quoi faire, autant que moi je ne sais pas quoi faire. J'arrête de pleurer pensant à autre chose, tentant de calmer cette tension et redirige mon regard droit devant moi.

- Quoi qu'il en soit, je refuse une aide supplémentaire venant de toi.

Il sourit amusé et hausse les épaules. Il saisit ma main et m'emmène avec lui hors de cette ruelle sombre.

- Tu me rediras ça lorsque nous aurons sauvé ta soeur. Mais avant ça, allons manger.

Nous nous dirigeons vers un petit bistrot pas loin et nous nous asseyons à une table dans un coin de la salle. Nous regardons la carte, je ne comprends rien à ce qui est écrit et jette des regards perdus à Aust qui se retient de rire. Il commande pour nous deux et le serveur nous laisse seul.

- Donc mademoiselle Sony ne sait pas lire.

Je rougis honteuse de cette chose que je n'ai pas acquise et baisse mes yeux. Je secoue la tête en signe de négation. Il pose se coudes sur la table laissant sa tête reposer sur ses grandes mains.

- Je pourrai au moins t'apprendre à lire le Teara puisque tu sais le parler.

- Non merci. je vocifère toujours aussi digne et fière.

Il se retient de rire devant mon obstination et me contemple de haut en bas. Son regard n'est pas obscène. C'est un simple regard, qui peut paraître pour certaines tendre. Mais moi je ne me laisserai pas duper par ce jeu de charme.

- Je pense que nous devrions aller secourir Ashley demain matin, le temps que l'on mette au point un plan.

- Quoi ?! Et on ne sait même pas s'ils vont la garder en vie d'ici là. Non, je ne suis pas d'accord. On mange et on y va.

Il secoue la tête décidé.

- Nous aurons beau retrouver nos forces par les aliments, le trajet du bus nous a épuisé de même que cette course.

- Mais . . . !

- S'il te plaît, juste pour cette fois, écoute-moi.

Je m'enfonce dans mon siège et boude. Si c'est juste pour cette fois, même si ça me tue. Je dois bien l'avouer qu'il faut tout de même prévoir un plan de sauvetage.

Nos plats arrivent après quelques minutes. Une chose marron avec des rayure croisées accompagné de carottes, petits pois et de petites boules rouges sont dans mon assiette.

- Euh . . . je reste sceptique face à ce plat inconnu.

- Bon, nous allons t'apprendre au moins le comment te tenir à table. Parce que hier soir chez moi, c'était un véritable carnage bestial.

Il me montre la manière de comment tenir ce qu'il appelle une fourchette et un couteau et m'explique comment les utiliser. Très rapidement je comprends comment faire, cependant avec autant de maladresse que lorsque j'utilise mes jambes. Je goûte cette chose dans mon assiette que j'ai coupé en un tranche au centre rouge sang. Cette couleur me dit quelque chose. Je me mets le morceau en bouche et soupire satisfaite par ce goût des plus exquis.

- C'est bon n'est-ce pas ? C'est du boeuf.

- Du boeuf ?! Mais je n'ai rien mangé de tel avant.

- C'est parce qu'il est cuit. Nous les humains préférons manger des plats cuits. Cela permet de maîtriser la saveur des aliments.

- C'est trop bon . . .

Après ce repas bien copieux, nous partons nous balader en ville. Il dit " vouloir me montrer la culture Taera ". Nous arrivons devant une grande place au jets d'eaux sortant du sol. Émerveillée par cette chose fantastique, je l'emmène avec moi de dans et cours à travers ces jets en rigolant. Qui aurait cru que de l'eau pouvait sortir du béton de cette manière. Je me retrouve trempée par l'eau, de même que le jeune homme que je me traîne par la main. Il semble lui aussi amusé, mais peut être parce que pour une fois, je suis enthousiaste. D'habitude je lui jette des regards noirs. Mais là le temps d'un instant j'oublie tout ça devant autant d'émerveillement. Je croise des enfants s'amusant autant que moi et nous jouons au "loup mouillé". Un jeu consiste à attraper les autres. Je suis le loup et je m'amuse à les poursuivre. J'en attrape un en le portant en l'air avant de la reposer et m'en vais en trouver un autre. Ainsi de suite jusqu'à chercher ma dernière proie: Aust. Il court plus vite que moi et j'ai du mal a l'agripper ne serait-ce que le tee-shirt. Je lui saute dessus et nous tombons à terre. Nous rigolons et nous relevons. Au final, les humains ne sont pas tous des monstres.

Nous quittons les lieux en saluant gentiment ces enfants aussi mouillés que nous et cherchons un hôtel.

- Regarde comment on est trempé maintenant. se plaint-il le sourire aux lèvres.

- Pas grave, on se secouera.

Il ricane devant ma remarque. Qu'ai-je dis de drôle ?

- Les humains ne se secouent pas. Ils se changent et prennent une douche chaude pour éviter les rhumes.

- Les rhumes ?

- C'est quand on a chaud et froid en même temps, qu'on a le nez qui coule et qu'on fait "atchoum".

Je hoche la tête en signe de compréhension. Voici une autre chose en plus de "mariage" que je ne connaissais pas. Nous nous arrêtons enfin devant un hôtel. Il me fait signe d'entrer, je le suis à la trace et nous nous stoppons devant la réception. 

- Une chambre pour deux ? nous demande la réceptionniste.

Aust me regarde, nous regarde, regarde la réceptionniste embarrassé.

- Euh, oui, enfin non. Ce que, si, mais . . . Oui.

- Pour combien de temps ?

- Une nuit.

Elle tape quelque chose sur son ordinateur — Aust m'avait montré chez lui ce qu'était cette télévision miniature — et nous tend deux cartes blanches.

- Chambre 314 au troisième étage. Ce sera trente Tears.

Aust sort un billet de sa poche de couleur bleu et lui donne. Elle lui sourit et nous souhaite une bonne soirée. Il me prend la main — Il est très tactile, je l'ai vu quand il prenait par la main Ashley — et nous avançons jusqu'à l'ascenseur. Il appuie sur un interrupteur et les porte s'ouvrent comme par magie. Nous nous retrouvons à l'intérieur, il actionne un autre bouton et les portes se ferment devant nous.