Chapitre 3

Derek était quand même un bel enfoiré. Beau parce qu'il avait été physiquement bien gâté par la nature et enfoiré parce que... Merde, on n'envoyait pas à l'un de ses collaborateurs un message à deux heures du matin pour lui demander d'effectuer certaines recherches ! Ok, sans doute l'avait-il contacté en se disant qu'il pourrait voir ledit message plus tard, à son réveil, mais putain ! Stiles partait du principe que la nuit, c'était fait pour dormir, se reposer, charger ses batteries. La nuit, on coupait tout et si travail il y avait à faire, il serait annoncé et fait la journée. D'ailleurs, les heures du jours se rattrapaient : pas celles de la nuit. Stiles le sentait bien, quand il faisait une nuit blanche. En effet, il aurait beau dormir un temps considérable pour faire stagner puis diminuer sa dette de sommeil, mais cela ne marchait que partiellement. Subsistait toujours une certaine fatigue qui lui pesait un peu de temps à autres.

Puis il avait ce problème de sommeil persistant qui le faisait se réveiller au moindre bruit. C'était d'ailleurs pour cela qu'il avait décidé de mettre son téléphone en mode silencieux la nuit, avec pour seule exception le son de son alarme. Sauf que ce soir, il avait oublié de remettre ce paramètre. Alors un petit « cui-cui » avait retenti, fondant sur ses oreilles, ses tympans, l'arrachant du sommeil dans lequel il avait péniblement réussi à se glisser. Oui parce que ça aussi, c'était un problème pour lui. Disons qu'il pensait trop, et tout le temps, la faute à son TDAH dont bien peu de gens imaginaient la teneur.

Voilà donc pourquoi Stiles était ronchon et qu'il profitait de son éveil pour maudire Derek de mille et unes manières.

- Il prend un peu trop ses aises pour un alpha à la retraite, maugréa-t-il, le nez malgré tout fourré dans ses recherches internet.

Parce que le pire, c'est qu'il ne l'avait pas envoyé balader, non. Il lui avait répondu par l'envoie d'un émoji simple : un pouce en l'air. Donc non seulement Derek lui demandait quelque chose, mais en plus, il acceptait sans rechigner. C'était ça d'être trop gentil, bosseur, dévoué à sa meute comme une mère avec son enfant et... Et un peu con, aussi. Pas complètement honnête non plus. Alors oui, ça l'emmerdait de s'être fait réveiller à une heure pareille.

Mais bordel, ce qu'il était curieux ! Il aimait apprendre et découvrir toujours plus de choses sur le monde surnaturel, ce monde en cohabitation avec le sien, morne et atrocement normal. Puis le nom de la créature que lui avait donné Derek, il n'en avait jamais entendu parler jusqu'alors. Pourtant, il l'avait disséquée, l'encyclopédie des Argent. Il y avait passé des heures.

C'est donc peut-être le côté rare et quasi-secret de la créature qui donna du fil à retordre à notre petit humain, lequel continua de longuement parler dans sa barbe inexistante... Jusqu'à rejeter la faute de son absence de trouvailles concrètes sur le message de Derek en lui-même. Lui aussi, de quoi il parlait ? Et puis qu'est-ce qui lui prenait de penser à cette créature en pleine nuit ? Bientôt, l'aube pointerait le bout de son nez et lui, au lieu de dormir, il demandait à l'humain de service de la meute de faire ces stupides recherches au lieu de bouger son petit cul et de s'en occuper lui-même. Mais bon, il connaissait la rengaine : puisqu'il n'était pas utile sur le plan physique lors des missions de la meute sur le terrain, autant qu'il fasse quelque chose à son niveau. Toujours cette même litanie non pas déclamée frontalement, sans tact, mais avec cette subtilité censée l'endormir. Sauf que Stiles, un peu paranoïaque sur les bords, ne s'était jamais laissé endormir.

Il savait à quoi il servait, mais jouait aux cons parce qu'il aimait beaucoup sa bande d'amis. Alors il passait sous silence certaines choses, certains ressentis.

Mais la différence c'est qu'avec Derek, il prenait moins de gants. Alors oui, il les faisait, ses stupides recherches et il lui ferait part de ses résultats sitôt qu'il aurait terminé. Sauf qu'il ne les lui donnerait pas gentiment, avec un emoji à la fin de son message. Non, il lui dirait le fond de sa pensée et n'hésiterait pas à en rajouter une couche la prochaine fois qu'il le reverrait. Il savait qu'il pourrait y aller et ne pas trop mâcher ses mots parce que s'il y avait bien une chose qu'il avait apprise avec Derek, c'était bien qu'il ne mettait que rarement ses menaces à exécution. Puis il savait que s'il lui faisait le moindre mal, c'était à Scott qu'il finirait par avoir affaire. Et cet idiot bienheureux, Derek le respectait... Ce qui faisait que Stiles s'interrogeait régulièrement sur la raison de cette différence. Qu'est-ce qu'il lui fallait, pour que l'ancien alpha lui parle sans avoir l'air d'être agacé par sa présence ? Être son égal ? Se retenir un peu sur les bavardages ? Posséder un certain statut ? Parce qu'il était clair que Derek n'irait jamais déranger Scott en pleine nuit pour exécuter de si basses besognes. Stiles criait souvent au favoritisme pour bon nombre de choses – celle-ci était, selon lui, bien réelle.

Stiles ne consacra donc pas beaucoup d'énergie à ses recherches tant il préférait – inconsciemment – la mettre dans ses bougonnements sans fins. Puis il avait mal aux fesses, sur cette chaise de bureau, elle était trop dure, trop vieille. La lumière de l'écran de son ordinateur lui bousillait les yeux même s'il l'avait baissée presque à son maximum. Le coude sur le bureau, il avait sa joue qui reposait sur son poing et son visage affichait l'air le plus râleur qui soit. De même, il n'était pas sans cernes.

Ainsi, son travail pour Derek dura bien plus longtemps que nécessaire. Il décida que c'en était assez et rassembla le peu qu'il avait trouvé. De vieilles photographies floues d'empreintes, des captures d'écran de bouts d'articles concernant la créature qui intéressait Derek, des bouts de conversations sur des forums obscurs dans lesquelles des théoriciens du complot lambda exposaient leurs théories fumeuses sur le sujet, de petits extraits de bestiaires qui disaient tous à peu près la même chose... Il ne s'agissait pas là d'un bulletin satisfaisant pour Stiles, hélas, mais Derek devrait s'en contenter. Disons que l'hyperactif avait pris tout ce qui lui semblait à propos tout en ayant conscience que tout cela ne racontait pas grand-chose et que le peu qui était dit se ressemblait énormément. Après, on lui avait toujours dit que pour présenter le résultat d'une recherche, il fallait avoir plusieurs sources et les croiser. Si tout se recoupait, c'était banco pour lui.

En soi, il avait passablement respecté la méthodologie.

Stiles transféra le tout sur son téléphone et se dit en le faisant que tout ça, c'était un peu trop facile et que, puisqu'il avait fait ces recherches – officiellement – sans rechigner... Mais il avait envie de pimenter un peu la chose.

- Mon coco, maugréa Stiles en rouvrant mon ordinateur, fallait pas me niquer ma nuit.

Derek avait un ordinateur, lui, aussi. Un bijou de technologie qu'il n'utilisait jamais – ce jeune vieux préférait le papier. Utiliser un téléphone, c'était déjà beaucoup pour lui. Alors Stiles, dans sa grande malveillance, décida de l'obliger à utiliser son Mac, qu'il savait scellé dans un coffre, perdu à l'intérieur du manoir – ce qui montrait à quel point il lui était peu important.

Mais si Derek voulait récupérer le fruit du travail de Stiles, il devrait se bouger pour les obtenir.

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