Hated Love-TOME 3-Chapitre 9

June

Je retiens mon rire alors que Jonas me fixe comme si j'étais une extra-terrestre. Habituellement, je ne me comporte pas ainsi, mais j'ai envie de le provoquer un peu, surtout après l'épisode de cette nuit où il m'a empêchée de me barrer.

— Tu te trompes, lui assuré-je. Je ne compte pas travailler pour vous, alors je n'ai pas besoin de tenue de travail.

Jonas ne répond pas immédiatement. Il se lève, dépose son assiette et ses ustensiles dans le lave-vaisselle, puis se retourne pour me faire face.

— Écoute, me dit-il. Je suis un mec patient en général, mais le fait que tu ne veuilles pas coopérer m'agace au plus haut point. Tu as bousillé pour trois milles dollars de trucs, en plus de mon aquarium, alors c'est la moindre des choses que tu rembourses ce que tu as détruit. Que tu le veuilles ou non, tu travailleras pour nous et il te faudra des fringues.

Je suis un peu déstabilisée par son ton sans réplique. Je dois vraiment l'avoir poussé à bout. Hier, il semblait presqu'amical malgré les conditions. En ce moment, il a plutôt l'air d'un gros ours mal léché.

— Tu devrais finir ton café, lui conseillé-je. Peut-être que tu seras de meilleure humeur après.

Je me lève et lui tourne le dos, mais il me retient par le bras. Sa poigne n'est pas brusque, toutefois, mon bras me fait mal, alors je grimace. Jonas me lâche immédiatement et nous remarquons en même temps un gros bleu sur mon épiderme.

— Qui t'as fait ça ? me demande-t-il, stupéfait.

— Ton cher pote Thor, dis-je, irritée. Il ne m'a pas manquée, ce con !

— Je ne crois pas que c'était voulu, dit-il en plissant le front.

Ma peau marque facilement, mais le géant m'a tout de même serré le bras assez fort pour y faire une marque, qui tourne plutôt vers le violet en cet instant.

— Il voulait me casser les doigts, rétorqué-je, encore énervée par ce moment qui a été l'un des plus effrayants de ma vie.

— Il ne l'aurait pas fait. C'était seulement pour te faire peur.

— Laisse-moi en douter.

Je suis sur le point de sortir de la cuisine lorsque le biker m'intercepte à nouveau.

— June, m'appelle-t-il. Il y a deux règles dans cette maison. La première, c'est qu'on range ce que l'on sort, la deuxième, on ne reste pas plus longtemps que dix minutes sous la douche. Je déteste que l'on gaspille l'eau pour rien.

Il se moque de moi ? Je suis tombée sur un timbré d'écolo maniaque du ménage. Merde ! Alicia et moi ne rangions jamais et prenions de longues douches de près d'une demi-heure. C'est vraiment difficile de modifier ses habitudes.

Je prends donc mon assiette et la mets dans l'évier de la cuisine. Voilà ! Il n'a pas dit de la laver, seulement de la ranger.

Je me retourne, mais le biker m'a suivie je me retrouve coincée entre le comptoir et lui. Ses jambes butent sur les miennes et son corps est si près du mien que je peux sentir la tension qui en émane. Je refuse de bouger sous peine de le toucher. J'ignore si j'ai envie de le frapper ou de l'embrasser, toujours est-il que cet homme me fait un drôle d'effet, tant par son parfum musqué qui emplit mes narines que par sa virilité non contestable.

Il se penche vers moi et me dit, très sérieusement : « Dans le lave-vaisselle ».

J'ai un petit frisson d'inquiétude car il semble dangereux en cet instant. Il n'a vraiment pas l'air de plaisanter. J'ai l'impression d'avoir réveillé le démon qui sommeille en lui. Ma facette insolente se fait la malle et ma bravoure disparait instantanément. Je comprends maintenant pourquoi il fait partie de cette famille de bikers. Ce type a une personnalité à double tranchant. Gentil, attentionné et humoristique d'un côté et sombre, sérieux et dominant d'un autre. Et en ce moment, c'est certainement la deuxième qu'il revêt.

Puisque j'ignore jusqu'où son côté sombre peut le mener, je préfère obéir. En ne le quittant pas des yeux, je saisis l'assiette, ouvre le lave-vaisselle, la dépose à l'intérieur et referme l'électroménager. Je n'ai pas quitté des yeux le prédateur qui me bloque avec son corps massif.

— Voilà !

Il hoche la tête et me libère enfin, à mon plus grand soulagement. J'ignore ce qui s'est passé entre nous, mais j'en tremble encore. Ce mec m'a fait passer par une myriade d'émotions en quelques secondes seulement.

— Ce n'était pas si difficile, raille-t-il.

— Vas te faire foutre, lui balancé-je en m'éloignant de lui.

— Seulement si tu m'aides, Blanche-Neige, rétorque-t-il.

Je lui fais un doigt d'honneur et sors de la cuisine, furieuse. Ce type souffle le chaud et le froid et je n'aime vraiment pas ça.

Je m'enferme dans la salle de bain et me rafraichis le visage en m'aspergeant d'un peu d'eau à l'aide du robinet pour me remettre les idées en place. Sa voix rauque et prédatrice me fait encore trembler. Je suis vraiment en train de perdre les pédales. Je ne dois plus m'approcher de lui sous aucun prétexte. Je ne m'attendais vraiment pas à ce que ce biker déclenche cette réaction en moi. J'ai l'impression que me corps me démange, comme s'il lui manquait quelque chose.

Je prends une longue inspiration pour me calmer. Je dois songer à autre chose, comme à ma fuite.

On frappe à la porte dix minutes plus tard.

— Quoi ? m'écrié-je. Y a-t-il un temps maximal pour rester dans la salle de bain ?

— Non, mais je voulais t'informer que nous partons faire nos courses dans dix minutes car je dois passer à la brasserie cet après-midi.

— J'arrive, dis-je en poussant un long soupir.

Je n'ai droit à aucun dépit avec lui.

J'enfile mes shorts en jeans de la veille et ma chemise, ainsi que mes bottes de cowboy. Merde ! J'ai l'air de sortir tout droit du Far West, mais c'est soit ça, soit je me promène avec un tee-shirt masculin trop grand et des caleçons.

Je rejoins mon abruti de colocataire et nous sortons. Il prend soin de verrouiller la porte, qui affiche encore la marque de ma tentative de meurtre, et m'oblige à monter sur sa moto, juste derrière lui.

Jonas démarre en trombe et je dois m'accrocher à lui pour ne pas tomber.

Le biker conduit rapidement, mais ne fait aucune manœuvre dangereuse ou de brusques changements de directions.

Il s'arrête enfin devant un petit centre commercial.

— Il y a une ou deux boutiques dans lesquelles tu pourras trouver ce dont tu as besoin, m'informe Jonas. Et ensuite, nous passerons à l'animalerie.

Je hoche la tête et le suis. Malheureusement, il prend soin de marcher à mes côtés et si près que nos bras se frôlent. Impossible de le semer ainsi.

Nous entrons dans une boutique de sous-vêtements et, étonnamment, le jeune homme ne semble pas mal à l'aise de se promener dans les rayons pendant que je choisis quelques modèles. En vérité, c'est plutôt moi qui suis embarrassée, surtout parce qu'il examine les soutiens-gorge que je choisis.

— Tu devrais prendre le bleu ciel, me propose-t-il. Celui à balconnet avec de la dentelle. Il te fera un décolleté d'enfer.

Je me détourne vers lui, abasourdie. De quoi se mêle-t-il ? Et quel homme aime magasiner des sous-vêtements ? Les pervers, sans nul doute.

— Tu n'es pas mon copain, aux dernières nouvelles, lui balancé-je sèchement, alors je me passerai de tes commentaires. La seule personne qui va les voir est...

— Moi, complète-t-il.

— Absolument pas, rétorqué-je, bien que cette idée me donne une brusque bouffée de chaleur.

Son regard malicieux semble amusé par la situation.

Blanche-Neige, je vais certainement apercevoir tes sous-vêtements traîner ici et là. Mon ex-petite copine les suspendait sur le pôle à rideau pour les faire sécher.

Merde ! C'est bien vrai. Avec Alicia, ça ne me dérangeait pas d'exposer mes sous-vêtements, mais avec lui...c'est clairement plus embarrassant.

— J'ai du goût pour les vêtements, rajoute-t-il. Mes amies peuvent en témoigner.

— Je me fiche de tes amies et de ton avis, le coupé-je. Ce sont MES vêtements, alors c'est moi qui décide.

— Et qui est-ce qui va les payer ? questionne-t-il.

Je me fige. Merde ! Je n'avais pas pensé à ça. Mon porte-monnaie est resté dans mon appartement. Je m'étais dit que j'avais moins de chance de le perdre ainsi. Cela veut dire que je n'ai pas un rond, pas de carte, pas de passeport, rien. Donc, même si je m'enfuyais, je ne pourrais pas me payer un taxi pour rentrer et je ne pourrais même pas appeler mon amie pour lui demander de l'aide puisqu'on ma subtilisé mon téléphone portable.

Jonas aperçoit mon visage changer et il esquisse un petit sourire victorieux.

— Prends le soutien-gorge bleu ciel ainsi que le rouge, ajoute-t-il, espiègle. Et pour les culottes...

J'écarquille mes yeux de stupeur. Il ne va tout de même pas aller jusqu'à les choisir ?

Sous mon regard effaré, il s'empare de trois strings, d'un tanga à dentelle, et de cinq culottes plus simples.

— Voilà, me dit-il. Maintenant, va les essayer. Je t'attends ici. Et ne tarde pas sinon je vais devoir aller vérifier ce que tu fabriques.

Je me dépêche donc d'essayer les sous-vêtements. Tout me fait, excepté la culotte tanga. Je n'ai jamais été capable de porter ce truc.

Jonas s'empresse de payer, puis m'emmène dans un autre magasin, où il choisit un pyjama, deux paires de jeans, une jupe hyper moulante et quelques hauts, dont un débardeur rouge vin en dentelle très élégant et au décolleté plutôt sage. Nous terminons notre shopping en passant par une boutique de chaussures, où j'essaie une paire de converses et des souliers à talons hauts, probablement pour travailler à la brasserie. J'essaie de le convaincre de laisser tomber les escarpins, mais il fait la sourde oreille.

Nous nous rendons finalement à l'animalerie, où le biker observe les différents aquariums exposés. Je trouve cela extrêmement ennuyeux. Pourquoi prend-il autant de temps à choisir un bocal de verre, bordel ? D'accord, c'est plutôt un bocal géant d'un mètre de long, mais c'est seulement pour des poissons.

Je le suis donc tandis qu'il repasse encore et encore devant les aquariums.

Je ne peux pas dire que les créatures aquatiques m'intéressent, par contre, les petits chiots dans les cages voisines sont tellement mignons que je m'approche d'eux. Ils aboient pour me saluer et se lèvent sur leurs pattes arrière comme s'ils voulaient que je les prenne dans mes bras.

— Ce sont des bergers des Shetlands, m'informe la vendeuse. Voulez-vous en prendre un ?

— Euh...non merci, lui dis-je.

— Vous êtes sûre ? Ils sont très gentils.

— Je...

— June ! me coupe la voix de Jonas. Viens. Je suis prêt à partir.

Je retourne auprès du biker, qui a choisi le plus gros aquarium de l'animalerie. Ils doivent le lui livrer le soir-même.

— Je t'avais dit de ne pas t'éloigner, m'admoneste le biker, contrarié.

— J'étais juste à côté, rétorqué-je.

— Je ne dois pas te quitter des yeux. Ordre de Gabin.

— Et où crois-tu que j'irai sans téléphone, sans argent et sans carte d'identité ?

Il hausse les épaules, puis m'enjoint à le suivre. Nous sortons de la boutique et retournons dans le stationnement où la moto de Jonas est garée.

— J'ai faim, lui dis-je soudain. Observer des poissons m'a creusé l'appétit. J'ai soudainement envie de sushis.

Le biker hausse un sourcil, pas amusé par ma réplique.

— Pourquoi aimes-tu autant les poissons ? lui demandé-je alors. Ça ne sert absolument à rien. Tout ce que ça fait, c'est ouvrir et fermer la bouche en tournant en rond.

Jonas lève les yeux au ciel.

— Tu ne peux pas comprendre, toi qui parais ne jamais t'arrêter, me dit-il, l'air découragé. Ce n'est pas seulement les poissons que je regarde, c'est tout le décor de l'aquarium ; les diverses couleurs créées par les coraux, les teintes des plantes aquatiques et leur contraste avec les poissons et les pierres au fond de l'aquarium. C'est comme posséder une minuscule partie de l'océan dans son salon.

Mince ! Il est encore plus taré que je le pensais !

Il pousse un soupir devant ma grimace.

— Bon, je suppose que quelqu'un comme toi ne comprendras jamais, souffle-t-il.

— Comme moi ? répété-je, outrée. Que veux-tu insinuer ?

— Que tu ressembles à une girouette et que tu ne t'arrêtes jamais pour observer les petits détails.

— Tu ne me connais que depuis un jour, m'indigné-je.

— Pourtant, j'ai l'impression de te connaître depuis toujours. Comme si nous nous étions rencontrés dans une autre vie.

Pendant un instant, je me demande de quoi il aurait eu l'air des siècles plus tôt. Aurait-il été un preux et fidèle chevalier ou plutôt un pauvre fermier. Probablement ni l'un ni l'autre. Je l'imagine plutôt en capitaine de corsaire, voguant sur les flots, son premier amour.

Je ricane en y songeant.

— Qu'est-ce que tu as ? me demande-t-il.

— Peut-être que tu étais un animal et que je t'ai mangé plusieurs siècles auparavant, raillé-je.

Un rictus étire son visage.

— Si j'étais un Urechis unicinctus, alors ça m'aurait fait plaisir.

Un quoi ?

Blanche-Neige, tu devrais vraiment te documenter. C'est une espèce de ver maritime qui a la forme d'un pénis. Ça se mange en Asie.

J'entrouvre la bouche, estomaquée. Je ne sais pas si c'est à cause du mot représentant l'organe masculin que Jonas vient de prononcer, ou parce qu'il vient juste de faire un sous-entendu sexuel.

Je sais que tu as faim, mais tu devrais fermer ta bouche, ajoute ce connard en me faisant un clin d'œil.

Enfoiré, grincé-je.

Il se marre tandis que je me renfrogne.

Plus sérieusement, je sais que tu es le type de personne qui ne prend jamais le temps de relaxer, ajoute-t-il. Tu exerces un métier qui nécessite sans cesse de bouger et de gesticuler. Être mixologue, c'est ne pas aimer rester assis à ne rien faire. Je me trompe ?

Il a raison. Si j'avais voulu un job ennuyeux à mourir, j'aurais fait un travail de bureau. Sans vouloir vexer personne. Être assise devant un ordinateur toute la journée, non merci !

— Non, marmonné-je.

— Tu vois ? Je suis observateur. En plus, Dave est exactement comme toi.

— Bravo, monsieur le pédant, fais-je, agacée.

— Il n'y a rien de mal à aimer bouger, Blanche-Neige, dit-il d'une voix plus rauque qu'à l'ordinaire en me fixant droit dans les yeux. Il y a des moments pour s'activer...et d'autres pour relaxer.

J'ignore pourquoi, mais mon cerveau se met à songer à des trucs...qui ne peuvent être racontés à voix haute. Je déglutis en observant ses prunelles qui semblent me sonder comme s'ils essayaient de lire en moi. Cependant, il n'y arrivera pas. Il a peut-être deviné que j'étais une fille énergique, mais il ne sait rien du reste.

— C'est bien beau, tout ça, mais j'ai quand même faim, dis-je pour changer de sujet.

— Bon...je t'emmène casser la croûte, mais oublie les sushis, me répond-il.

— Il ne faudrait pas offusquer tes amis les poissons, raillé-je.

Il me tourne le dos, alors je ne vois pas son expression. C'est difficile de savoir s'il est agacé ou amusé. Le plus souvent, il prend tout de façon plutôt humoristique, mais il y a des sujets délicats, d'après ce que j'ai remarqué. 

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