Hated Love-TOME 3- Chapitre 23


June

Le lendemain, Jonas propose d'aller faire un tour à moto puisque ni lui ni moi ne travaillons.

— Où irons-nous ? questionné-je, dubitative.

— Nous ferons le tour de la ville, puis nous nous arrêterons chez un pote que je n'ai pas vu depuis un moment.

— D'accord.

Si j'avais su où il m'emmenait, jamais je n'aurais accepté.

***

C'est la première fois que j'accepte de mon plein gré à monter sur la moto de Jonas et la sensation est bien différente maintenant que je ne suis plus stressée. Je me sens plutôt libre et j'aurais bien aimé poursuivre notre promenade. Au lieu de quoi, le biker tourne dans une rue de la ville et s'arrête devant une bâtisse que je reconnais immédiatement grâce à son enseigne clignotante sur laquelle est inscrit « The Gates of Hell ».

— C'est une farce ? fais-je en jetant au biker un regard irrité.

— Non, mes potes habitent au troisième étage, répond-il.

Il me fait signe de le suivre et nous pénétrons dans la bâtisse, montons les escaliers, puis Jonas frappe à la porte, qui s'ouvre quelques minutes plus tard.

— Jonas ! s'exclame Gregory, apparemment surpris de le voir. Entre.

Mon faux petit-ami me prend la main et m'incite à le suivre. Je reste abasourdie quelques instants par son geste. Je m'attendais qu'il veuille démontrer aux autres que nous sommes ensemble, mais c'est plutôt sa douceur qui me déboussole. Ses doigts se lient aux miens avec une facilité déconcertante, comme si ce n'était pas la première fois, et la chaleur que dégage de sa paume me surprend. J'en frissonne presque dans cet appartement qui m'est austère.

Ses potes remarquent immédiatement notre proximité. Certains paraissent surpris, d'autres non, et je me demande ce que Jonas leur a raconté. Je le suspecte d'avoir planifié cette comédie avant même de m'en parler. Néanmoins, ce n'est pas le moment de lui confier le fond de ma pensée à ce sujet.

— Est-il là ? demande Jonas à Austin.

— Dans le salon, répond ce dernier sans me jeter le moindre regard.

Malgré notre soi-disant rapprochement à Jonas et à moi, il ne semble pas avoir changé d'opinion à mon sujet. Un peu comme Thor...

Quelques bikers sont installés sur les canapés de l'immense salon. Celui-ci est décoré avec goût. Je trouve l'ambiance plus froide que chez Jonas et la masculinité de cet endroit domine par ses nuances de gris, de noir et de blanc. Je remarque plusieurs toiles accrochées aux murs avec le thème de la nature et des éléments avec des dessins de loups. L'immense télévision me fait penser à un cinéma-maison. Elle est justement allumée et une émission de sport y est diffusée.

Un type aux cheveux et à la barbe rousse se lève en nous apercevant. Je perds tous mes moyens lorsque je remarque qu'il porte un cache-œil et m'immobilise au centre de la pièce. Jonas s'en rend à peine compte, occupé à serrer le bras de l'homme.

— Salut, Dave. Je suis venu prendre de tes nouvelles. J'aurais voulu venir avant, mais j'ai été fort...occupé.

— Je vois ça.

J'ai perdu toutes mes couleurs lorsque Jonas a prononcé le prénom de son ami.

Dave.

C'est l'homme que j'ai blessé par inadvertance quelques semaines auparavant. Celui-ci se tourne justement vers moi.

— Je te présente June, lui dit Jonas.

— Ta pyromane ? fait l'homme avec une certaine aigreur.

— Ma compagne.

— Je dirais bien que je suis enchanté de te rencontrer, mais ce serait mentir, m'avoue Dave.

Je déglutis en hochant la tête.

— Je comprends, dis-je en retrouvant enfin la voix. Je tiens à préciser que je ne vous visais pas et je suis désolée des...conséquences que cela a causées.

Le barman ne répond rien, se contentant de boire à-même la bouteille de bière qu'il tient dans sa main.

— June est également mixologue, précise Jonas pour changer de sujet. Elle est vraiment douée.

— Je suppose que, grâce à elle, vous n'aurez plus besoin de mes services.

— Arrête, Dave, aussitôt que tu seras remis, tu pourras travailler à nouveau, lui dit Gregory en se joignant à la conversation.

— Tu as vu mon bras ? rumine le concerné. Je suis brûlé au troisième degré. Le médecin a été clair quant au fait que ma convalescence serait longue.

Et moi qui croyais m'être destituée de ma culpabilité, j'ai seulement envie de supplier cet homme, qui semble découragé, de me pardonner. Hélas, je ne vois pas comment je pourrais faire mieux que de m'excuser.

— Peut-être que ta régulière a fait exprès de me blesser pour prendre mon boulot, ajoute Dave.

Pardon ? Comment peut-il supposer une telle absurdité ?

— Absolument pas, craché-je, hors de moi. J'aurais préféré rester chez moi que de venir travailler ici. On m'y a obligée.

— Calme-toi, Blanche-Neige, m'ordonne Jonas. C'était une supposition complètement erronée. Pas vrai Dave ?

Celui-ci se contente de grogner et avalant une autre gorgée de bière. Il balance la bouteille sur le tapis et en saisit une autre qui traîne sur la table de salon.

— Il boit comme un trou à longueur de journée, glisse Gregory à l'oreille de Jonas.

Je suis toutefois assez près pour l'entendre. Dave aussi, puisqu'il jette un regard meurtrier à son pote.

— Mon bras m'empêche de préparer des verres, alors je ne peux que boire, stipule-t-il.

— Tu pourrais également faire autre chose de ton temps libre, lui propose Jonas.

— Comme quoi ? Je ne peux même pas conduire et encore moins boxer. Que veux-tu que je fasse ? Et en plus, je suis gaucher et c'est justement ce bras-là qui est blessé, alors je ne peux même pas me masturber.

Je pique un fard, de plus en plus mal à l'aise par la conversation. Je ne me sens vraiment pas à ma place dans ce salon. Tout ce que je veux, c'est partir d'ici le plus vite possible.

— Alors, c'est le bon moment pour devenir ambidextre, lui lance Jonas avec un clin d'œil.

Dave grimace.

— Pourquoi tu n'irais pas demander à Émilie de t'aider un peu ? le taquine Gregory. Elle aimait bien s'isoler avec toi, d'après mon souvenir.

— Elle est partie, répond l'homme en soupirant. Ça fait environ huit mois que je ne l'ai pas vue. Je lui ai envoyé des messages, mais elle m'a seulement répondu qu'elle visitait de la famille.

Je me demande qui est cette femme dont ils parlent. Sa petite amie ?

— Dommage, dit Jonas. Vous aviez l'air de bien vous entendre.

— Sur le plan sexuel, oui, dit Dave, mais à l'exception de travailler ensemble, nous n'avions pas vraiment d'atomes crochus.

Nous restons encore un quart d'heure, puis, à mon grand soulagement, Jonas décide de prendre congé et nous retournons chez lui. Je lui pose alors la question qui me brûle les lèvres.

— Qui est cette Émilie dont vous parliez, tout à l'heure ? questionné-je.

— Une serveuse, répond Jonas. C'était également une brebis, mais elle couchait uniquement avec Dave.

— Je croyais que les brebis devaient faire des gâteries à tout le monde...

— Au début, oui, mais elle est devenue la protégée de Dave. Il était super-protecteur envers elle.

— Il l'aimait ?

Jonas hausse les épaules.

— Il y a plusieurs façons d'aimer. Je ne sais pas quelle était la leur. D'ailleurs, je me demande pourquoi elle est partie...

— Peut-être qu'elle était lasse de se faire traiter comme un femme-objet. Le simple fait d'y penser me répugne.

— Pourtant, tu voulais faire partie de ces femmes, hier. Tu aurais laissé des hommes te toucher ?

— Probablement pas...

Une chance que j'ai découvert le pot-aux-roses concernant mon frère avant de faire cette énorme bêtise. Et dire que j'avais failli me déshabiller devant plein de pervers ! Je ne remercierai jamais assez Jonas et ses potes de s'être pointés à temps.

— Tu les aurais sucés ? insiste-t-il.

— Ne sois pas vulgaire, Jonas. Ça ne te va pas, lui dis-je en me croisant les bras.

— Ah ouais ? Tu me considères comme un impuissant ou quoi ? Parce que je ne suis pas un mauvais garçon comme mes potes. J'ai l'air d'un clown, peut-être ?

Il crache presque ces derniers mots et je me rends compte qu'il laisse enfin sortir ces paroles qu'il doit garder pour lui depuis fort longtemps. Ils sont empreints de douleur et d'amertume.

Je m'approche du biker et mon regard s'arrime au sien.

— Je ne crois pas que tu sois un bouffon comme tout le monde le dit, lui dis-je.

Il laisse échapper un rire jaune.

— Tu te trompes, June, je suis bel et bien ce gars plein d'humour qui prend tout légèrement. Demande à mes amis. C'est ainsi qu'ils me décriront.

— Ils ne creusent pas assez profond. Je crois que, sous ce corps d'Apollon, tu caches une personnalité plus complexe. Ton arme, c'est l'humour. Tu n'es pas arrogant pour deux sous, pas plus que tu n'aimes la violence. Au début, je croyais que c'était le cas, mais j'ai compris que non. Tu te bats pour te défendre, tu tires pour survivre.

— Tu ne t'es jamais demandé comment j'étais parvenu à t'atteindre, en moto ? me demande-t-il en faisant un pas vers moi.

— Bien sûr que si. Tu n'avais pas l'air d'un débutant.

Il hoche la tête, confirmant mon affirmation.

— J'ai été entraîné très jeune à tirer. Tous les Midnight Demons doivent apprendre pour faire partie du club. Lorsque nous produisions de l'alcool clandestinement, il arrivait parfois qu'il y ait des bagarres avec des acheteurs qui ne voulaient pas payer. Je devais couvrir mes frères. Je détestais cela, mais j'y étais obligé.

— Un peu comme lorsque tu as tué mon frère.

— Exactement. Tu as enfin compris.

Peut-être, mais j'aurais tout de même préféré qu'il trouve un autre moyen d'arrêter Dominique. Celui-ci aurait fini en prison, tout comme mon père, dont je n'ai plus de nouvelles depuis des lustres.

— J'ai également compris que tu es une âme solitaire, tout, comme moi, ajouté-je

Jonas n'est pas comme les autres membres des Midnight Demons, c'est-à-dire un connard méprisant et imbu de lui-même. Je n'aurais en effet pas supporté qu'il soit comme Thor ou Gabin. Ce genre de type me sort par les yeux. Mon colocataire dissimule peut-être un fort caractère sous ses airs de gentil garçon, mais il n'est pas fourbe.

Le silence s'installe tandis que nous nous observons. Nos visages se touchent presque et je sens mon pouls s'accélérer.

— Et que font deux pauvres âmes en peine lorsqu'elles se croisent ? questionne Jonas à voix si basse que je l'entends à peine.

Son souffle effleure mes lèvres.

— Elles se lient, murmuré-je.

Avant même que je ne puisse ajouter quoique ce soit, nos bouches s'unissent. Les lèvres du biker prennent possession des miennes si facilement que j'en ai le souffle coupé. C'est comme si elles se retrouvaient enfin après une longue séparation et qu'elles savaient où était leur place, c'est-à-dire ensemble. Pourtant, c'est la première fois que Jonas et moi avons de tels rapprochements. Cette intimité devrait m'effrayer, au contraire elle suscite en moi d'étranges sensations. J'en veux plus.

C'est moi qui prends l'initiative d'aller plus loin. Jonas ne me force pas, il effleure délicatement ma lèvre avec sa langue et il n'en faut pas plus pour m'enhardir à ce contact. Je passe mes mains derrière sa nuque et ma langue se fraie un chemin jusqu'à la sienne. J'ai l'impression qu'un courant électrique me traverse lorsque nous nous touchons. La main du biker se pose sur mes reins et il me rapproche davantage à lui. Ma poitrine frôle son buste et, si je ne me retenais pas, je déchirerais son tee-shirt afin de le toucher. Mais que dis-je ? Je l'ai déjà fait...

Mes joues s'échauffent à ce souvenir. La honte s'empare de moi sans que je ne puisse la retenir, si bien que Jonas n'a pas besoin d'être devin pour savoir que je me rétracte. Je retire mes mains et recule. Nos souffles erratiques témoignent de l'effet que ce baiser a eu sur nous.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? me demande Jonas. Je ne voulais pas te forcer et si tu n'as pas aimé, je...

— Ce n'est pas ça, le coupé-je.

— D'accord, mais pourquoi rougis-tu ? Es-tu embarrassée ? Tu n'aimes pas utiliser la langue ?

Oh que oui ! C'était d'ailleurs ma première expérience puisque les seuls baisers auxquels j'ai eu droit ont eu lieu à la sauvette. J'ai adoré celui-ci. Je suis certaine que c'est grâce à cet homme qui sait drôlement bien embrasser. Il a raison : ce n'est pas un débutant en la matière et je ressens une certaine jalousie à l'idée qu'il ait embrassé des tas d'autres filles.

— Ce n'est pas ça, lui assuré-je. C'est juste que je me suis rappelé notre première rencontre.

— Ah bon, répond Jonas d'une voix tout à coup réfrigérante. Tu t'es souvenue de la haine que tu me portais.

Il recule et cela me brise le cœur de le voir aussi froid.

— Écoute, Jonas, commencé-je, mais il m'interrompt.

— Pas la peine de t'expliquer, June, tout ce que je te demande, c'est de faire semblant d'aimer m'embrasser devant mes potes. Tu devrais être capable de feindre...comme tout à l'heure.

— Je n'ai rien feins, m'indigné-je.

— Il va falloir que tu sois plus persuasive.

Sur ce, il tourne les talons et me laisse planter là, la mâchoire décrochée. Ce serait effectivement moins compliqué si je détestais encore cet homme, mais la vérité c'est que j'ai adoré notre baiser. Je me sentais à ma place, dans ses bras, et c'est ce qui m'effraie. Que dirait mon frère s'il s'avait que je viens d'embrasser son assassin ? Il se retournerait probablement dans sa tombe.

Pourtant, après tout ce que j'ai appris sur lui, je me rends compte qu'avoir embrassé Jonas est bien le moins choquant de tout.

J'ai envie de lui prouver que ma haine pour lui est de l'histoire ancienne, mais j'ignore comment. Tout ce que je sais, c'est que je suis imprégnée de lui. 

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