Hated Love-TOME 3- Chapitre 20
Jonas
June ne semble pas dans son assiette. De plus, elle paraît furieuse contre moi, bien que j'ignore pourquoi. En fait, ça ne m'étonne pas vraiment d'elle. Elle a une dent contre moi depuis que nous nous sommes rencontrés.
— Es-tu blessée ? lui demandé-je en remarquant qu'elle palpe sa clavicule.
— J'ai percuté le coin de ton aquarium et il m'est rentré dans la peau, mais je crois que ça va.
— Tu devrais peut-être mettre un peu de glace, juste au cas où, lui suggéré-je.
— Tu as raison.
— Il y en a dans le congélateur.
Elle se lève en grimaçant et se dirige dans la cuisine. Je la suis avec mes sacs d'achats, que je pose sur le comptoir. Je range ensuite les articles que j'ai achetés dans le placard, jusqu'à ce qu'un cri me fasse sursauter.
Je me tourne vers June, qui semble avoir blanchi.
— Quoi ? lui demandé-je.
— C'est un peu plus grave que je l'imaginais, répond-elle.
— Montre, dis-je en m'approchant. Je connais les blessures. J'ai souvent soigné mes potes lors de bagarres.
— Oublie ça. Je ne te laisserai certainement pas mater mon décolleté.
— Arrête de faire ta coincée et montre-moi. J'ai de la pommade si c'est enflé.
Elle soupire et tire sur le col de son chandail. Ma mâchoire se décroche lorsque j'aperçois une plaie rouge vif qui descend jusqu'entre ses seins. La peau s'est fendue et ce n'est pas joli à voir.
— Putain ! m'exclamé-je en bondissant dans sa direction.
Elle recule, effrayée par ma réaction. Thor a vraiment exagéré. Je veux bien croire qu'il n'ait pas voulu lui faire de mal, mais ça, c'est inacceptable. Il lui doit des excuses.
— Je vais prendre un bain, annonce Blanche-Neige, la douleur devrait s'estomper.
— Il faut te soigner, insisté-je. Je ne crois pas qu'un bain soit conseillé. Ça va te faire un mal de chien.
— C'est à moi d'en juger, argue-t-elle en me tournant le dos.
Quelle tête de mule ! Je ne lui donne même pas cinq minutes et elle sortira. À sa place, je ne tenterais même pas de m'immerger avec cette plaie suintante.
Je termine de ranger les aliments dans le réfrigérateur, puis attends patiemment le retour de Blanche-Neige. J'en profite pour examiner attentivement mon aquarium. Quelques minutes plus tard, ma colocataire réapparait enroulée dans un drap de bain. J'esquisse un petit sourire, tout de même amusé par la situation, lorsqu'elle tend la main vers moi, la paume vers le haut.
— Ta pommade, exige-t-elle.
Je lui remets l'onguent, puis elle repart s'enfermer dans la salle de bain sans un merci. Pour la politesse, on repassera.
Le lendemain, Judicaëlle est de retour au travail. La nouvelle de sa grossesse a fait le tour du club. Maisie a sauté de joie et a déjà commencé à leur donner des articles de bébé, sous le regard désespéré du futur papa. J'aurais bien aimé être là lorsqu'elle a apporté au gymnase huit caisses de vêtements d'enfants. Thor devait s'arracher les cheveux. Je ne douterais pas que ceux-ci raccourcissent pendant la grossesse de sa petite amie.
Les bikers se sont d'ailleurs tous rendus à la salle de boxe pour féliciter Thor. J'ai entendu dire que ce dernier s'est contenté de pincer les lèvres. Apparemment, la nouvelle lui passe difficilement à travers la gorge. À sa place, je serais fou de joie, mais le boxeur a une façon bien différente de voir la vie.
Blanche-Neige, elle, semble nerveuse. Craint-elle la soirée sur la terrasse ? Je lui ai pourtant assurée que mes frères garderaient leurs distances.
— Je crois que ce serait mieux que tu ne portes pas de décolleté ce soir, lui dis-je en désignant son cou.
La marque rouge est toujours aussi distincte et June hoche la tête avant d'aller se préparer. Ce soir, je l'aiderai à servir les bières puisque Judicaëlle sera absente. Elle travaille déjà toute la journée à la boutique et, en plus d'être souvent malade, elle a décidé qu'elle resterait chez elle avec Thor. C'est Gabin qui s'occupera de veiller à ce que tout se déroule bien. Je suis déçu que le boxeur soit absent, car j'aimerais avoir une bonne conversation avec lui, mais ce sera pour une autre fois.
June apparaît vêtue d'un pantalon noir et d'une blouse vaporeuse qui la fait encore plus ressembler à une princesse. Ses cheveux courts mettent son cou gracile en valeur et son maquillage léger la distingue des femmes que je fréquente habituellement. Les brebis m'ont habitué à plus. En outre, les grands yeux bleus de ma colocataire attirent davantage mon attention que n'importe quel fardage.
— Prête ? lui demandé-je.
Elle hoche la tête, l'air ailleurs. Je n'ose lui demander ce qui la rend à ce point nerveuse, bien que je m'en doute, alors j'ajoute :
— Tout va bien se passer, fais-moi confiance.
Elle ne répond rien, ce qui n'est guère surprenant. M'en veut-elle de ne pas avoir été là lorsque Thor s'est pointé ? Peut-être. Après tout, j'aurais probablement été plus en mesure de gérer l'humeur du boxeur.
Nous nous rendons au « Gates of Paradise » à moto. Plusieurs bikers s'y trouvent déjà. Maisie, en bonne hôtesse, accueille les clients. Elle est vêtue d'une jolie robe noire et d'une veste en cuir et a tressé la longue chevelure. Elle est resplendissante, mais ce qui attire l'œil est sans conteste son grand sourire.
— Salut, Jonas, me dit-elle alors que nous franchissons les portes. Il y a foule, mais moins que la dernière fois.
— Super ! m'enthousiasmé-je. Puisque Judicaëlle n'est pas là, je vais aider à servir l'alcool.
— Parfait.
Elle adresse ensuite un franc sourire à Blanche-Neige, qui se contente de hocher la tête en guise de salut.
— Tu devrais être un peu plus amicale, conseillé-je à la mixologue. Tu es aussi glaciale qu'un bloc de glace.
Elle lève les yeux au ciel en guise de réponse et, aussitôt arrivés sur la terrasse, elle va prendre place derrière le bar. Matt et Lewis discutent avec d'autres bikers. Ils s'interrompent quelques secondes, le temps de fixer June, puis recommencent à discuter. Ils n'ont pas intérêt à toucher à un cheveu de June ce soir et ils sont bien avertis. Je sais que Lewis ne lui ferait pas de mal, mais Matt est plus...féroce. Mes autres frères également.
Ma colocataire, elle, les ignore en beauté, et s'occupe de répondre aux clients. Et c'est parti ! Les bouteilles commencent à tourner autour d'elle et à voler dans les airs. Je ne pourrai jamais m'y habituer. Chaque fois, je crains qu'elle n'en échappe une, mais elle les rattrape toutes aussi facilement que si c'était de simples balles. Et encore...je n'ai jamais été capable d'apprendre à jongler, alors je dois dire qu'elle a toute mon admiration.
— Salut, Jonas, fait une voix féminine à ma gauche.
Je reconnais immédiatement Sasha, une danseuse du bar « The Gates of Hell ». Je la connais depuis plusieurs années. Elle a été une de mes amantes pendant un petit moment, puis elle est allée voir ailleurs. Je crois même qu'elle fréquentait plusieurs mecs en même temps. Je savais qu'entre elle et moi, ça n'irait pas plus loin puisque la fidélité n'a jamais fait partie de son vocabulaire.
Elle m'embrasse directement sur la bouche, comme chaque fois que nous nous rencontrons. Sasha ne possède aucune timidité, ni retenue. J'entends au même instant un fracas et me retourne pour apercevoir June nous fixer avec animosité en manipulant des glaçons comme si c'était des explosifs...destinées à Sasha et moi.
— C'est elle, la nouvelle ? interroge la danseuse. Elle a l'air aussi sympathique qu'on la décrit...
— Ne te fie pas aux rumeurs, lui conseillé-je.
— Donc, elle n'a pas tenté de te supprimer et n'a pas gâché la réception de mariage de Maisie et Gabin ?
— Effectivement, mais elle est en train de réparer ses torts. Elle remplace Dave jusqu'à ce que ce dernier aille mieux.
— Cela va de soi. Après tout, il est blessé par sa faute, non ? Comment va-t-il, au fait ?
— Il ne pourra pas travailler tout de suite à cause de son état, mais on m'a dit qu'il allait de mieux en mieux.
— Son état.
— Son œil gauche a perdu 70% de son aptitude.
Sasha parait sincèrement désolée. Son visage fort maquillé prend un air triste et elle pose sa main sur mon épaule comme si c'était moi qui étais éploré.
— S'il a besoin de compagnie, dis-lui que je suis disposée à m'occuper de lui, ajoute-t-elle en me faisant un clin d'œil.
Je songe aussitôt au fait que je n'ai pas visité Dave une seule fois depuis « l'accident ». Je lui ai envoyé plusieurs messages, mais je me sens comme une merde. J'en ai voulu à mes frères pour me laisser broyer du noir durant les derniers mois, mais je fais la même chose avec Dave ! Il faut dire que je n'ai eu aucun moment de libre avec la présence de June et que j'ai quelque peu oublié le reste.
Je me rends compte que plusieurs clients attendent de se faire servir, alors je leur apporte des bières et fait de le tour de la terrasse afin de répondre à tout le monde.
— Les serveuses sont moins sexy que la dernière fois, plaisante un homme alors que je lui tends sa boisson.
— Moi, je ne trouve pas, dit sa copine en m'adressant un clin d'œil.
Tout le monde éclate de rire et je me joins à eux, puis je poursuis mon travail. Il y a plusieurs personnes au bar et je remarque que Sasha est en grande conversation avec June. Que peut-elle bien lui raconter ? Rien qui pourrait me nuire, j'espère.
Gabin s'approche de moi. Il parait satisfait de sa deuxième soirée à la terrasse.
— Comme ça, il parait que Thor a fait un sacré numéro à Judicaëlle, me dit-il.
— Tu le connais. Il est incapable de réfléchir convenablement lorsqu'il est en colère, lui dis-je.
— Je sais. Il me fait un peu penser à moi, parfois.
Ce doit être pour cette raison que ces deux-là s'entendent si bien.
— Il a blessé June lorsqu'elle a tenté de s'interposer entre Judicaëlle et lui, lui révélé-je.
Le Président des Midnight Demons parait surpris par mon aveu.
— Peux-tu m'expliquer ? insiste-t-il.
— J'ai hébergé Judicaëlle chez moi le temps que Thor digère la nouvelle de sa grossesse et lorsqu'il s'est présenté pour s'excuser, June a essayé de l'empêcher d'entrer, alors il l'a repoussée violemment. Je n'étais pas à la maison, sinon j'aurais empêché cela.
Gabin pousse un long soupir en se frottant la barbe.
— Je déplore son comportement, mais tu sais que je ne peux rien faire, dit-il. Thor reste Thor : dangereux et sauvage.
— Il n'est pas un animal, alors il aurait pu s'excuser, aboyé-je.
J'ai envie de me pointer chez lui et de lui faire regretter son acte. Gabin devine à quoi je pense et secoue la tête de gauche à droite.
— Laisse tomber, me dit-il. Cette fille, bien que jolie, ne mérite pas que tu te battes pour elle. Elle ne sème que la pagaille sur son passage.
Je commence à en avoir marre qu'on la juge. Tout le monde a droit à une deuxième chance, alors pourquoi pas elle ? Après tout, elle est en train de se racheter en travaillant pour nous.
— C'est à moi d'en décider, argué-je.
— Arrête de vivre au pays des Calinours, Jonas. Cette fille, contrairement à ce que tu peux en penser, n'est pas blanche comme neige.
Son commentaire est plutôt ironique, surtout lorsque je songe au fait que je la surnomme Blanche-Neige.
Gabin se penche vers moi.
— On a perdu de l'argent, me dit-il à l'oreille.
— Pardon ?
— J'ai fait le compte de nos ventes et il manque mille trois cents dollars.
— Tu penses que quelqu'un nous a volés ?
— Oui, et je la soupçonne.
Je lui jette un regard désapprobateur, mais il s'empresse de justifier :
— Il n'y a que Judicaëlle, June et toi qui avez travaillé à la boutique cette semaine. Or, j'ai une confiance absolue en Judicaëlle et toi. Je parierais ma moto que c'est ta colocataire.
À bien y penser, je me souviens avoir surpris Blanche-Neige en train de compter la caisse, la veille. Se pourrait-il que...
— Laisse-moi mener ma petite enquête, dis-je à mon pote.
Il hoche la tête tandis que nous retournons bosser. Toutefois, je suis incapable de me concentrer. Pourquoi June aurait-elle volé ? Défier les Midnight Demons une fois n'a pas suffit ? Jusqu'où osera-t-elle aller pour que tout le club la déteste ? Et moi qui essaie de l'intégrer parmi nous ! S'il s'avère qu'elle nous vole, mes efforts auront été vains.
Je surveille Blanche-Neige du coin de l'œil le reste de la soirée. Elle semble placer tout l'argent et ses pourboires dans la caisse et n'arrête pas une minute pour souffler. Je réalise que jongler avec des bouteilles remplies de liquide ne doit pas être reposant. Elle semble toutefois bien entraînée. Elle n'est certes pas une athlète, ni une boxeuse, mais je la considère maintenant d'un autre œil. Plus le temps passe, et plus je la trouve attirante, tant par ses mimiques rigolotes que par son air boudeur ou son sourire enjôleur, comme celui qu'elle adopte lorsqu'elle remet sa boisson à un type. Celui-ci essaie d'engager la conversation avec elle après lui avoir glissé une liasse de billets, mais la belle est déjà passée à un autre client. J'apprécie son comportement professionnel. Maisie, Judicaëlle et June ne flirtent pas ouvertement avec les clients de la brasserie, pas comme les brebis du bar « The Gates of Hell ». Je me demande encore ce que j'ai pu leur trouver. Elles ne sont pas jolies ; plutôt vulgaires. J'avais probablement trop envie de compagnie à cette époque.
La soirée s'achève enfin. J'avais hâte qu'elle se termine pour élucider le mystère de l'argent « perdu ». Après avoir salué mes potes, nous partons. June parait exténuée et frotte subtilement sa blessure, qui semble démanger.
Une fois arrivé à la maison, elle s'empresse d'aller prendre sa douche. C'est le moment où jamais pour fouiller la chambre. Je regarde partout : dans son sac, les placards, les tiroirs, mais rien ne parait louche.
« Si j'étais elle, où aurais-je caché le fric ? » me demandé-je en me frottant la barbe.
Mon regard se dirige vers son lit. Je regarde sous l'oreiller, dans ses chaussettes, partout. Si elle me surprenait, elle chercherait probablement à me zigouiller en m'apercevant fouiller ses dessous.
Dans un dernier espoir, je soulève les matelas...et mon cœur s'arrête. Plusieurs billets étaient cachés. Je compte environ 1500$.
Je prends une longue inspiration pour me calmer. Il va falloir que l'on s'explique, elle et moi. Elle revient justement de la salle de bain, ne se doutant aucunement de ce que je viens de découvrir. J'espère qu'elle a une excellente excuse.
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