Hated Love-TOME 3- Chapitre 18

Jonas

Nous nous asseyons à une petite table alors qu'un serveur vient nous accueillir.

— Prendriez-vous quelque chose à boire ? nous demande-t-il.

Je regarde June et elle secoue la tête de gauche à droite.

— Seulement de l'eau, lui dis-je.

Il nous laisse les menus et un silence de plomb s'installe entre nous. La jeune femme semble tendue pour je ne sais quelle raison. Est-ce notre tête-à-tête qui la met mal à l'aise ? Je ne veux pas qu'elle croit que c'est un dîner romantique, loin de là, je ne voulais seulement pas passer à la maison avant d'aller boxer, alors l'idée du restaurant m'a paru bien.

— Leur steak est exquis, assuré-je à ma colocataire.

— Je n'ai pas faim, me répond-elle. Et, pour ton info, m'inviter au resto ne m'amadouera pas.

— T'amadouer ? répété-je, amusé. Jamais je n'oserais, voyons !

J'aurai bien aimé casser la glace entre nous une bonne fois pour toutes, mais Blanche-Neige n'est pas prête à enterrer la hache de guerre. La taquiner ne sert dont à rien.

— De toute façon, mieux vaut ne pas trop manger avant d'aller boxer, ajouté-je.

La jeune femme lève les yeux et me fixe comme si j'avais dit quelque chose de déplacé.

— Tu veux aller au gymnase après le resto ? fait-elle, abasourdie.

— Oui, il y a cours, ce soir.

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée...dit-elle d'une voix hésitante.

— Pourquoi ? Tu peux faire du tapis roulant, en attendant.

— Euh...peut-être que tu pourrais prendre une pause, ce soir.

— Non, je veux reprendre l'entraînement, insisté-je. J'ai fait une pause assez longtemps.

Elle finit par abandonner. Je trouve son attitude étrange. June est difficile à suivre. Elle est secrète et exprime rarement ses sentiments, comme si elle les embouteillait dans l'espoir que jamais ils ne s'échappent.

Le serveur revient et nous commandons ; moi un steak de veau et June, une salade au poulet grillé. Nous mangeons en silence et je vois bien que quelque chose la taraude, mais je n'insiste pas. Si elle ne me fait pas assez confiance pour m'en parler, alors tant pis pour elle.

Une fois nos plats terminés, nous ne nous attardons pas. Je paie l'addition puisque, de toute façon, Blanche-Neige n'a pas un rond, et nous partons en direction de l'école de boxe. Je sens l'excitation monter en moi en vue de l'entraînement. Les cours de Thor déchirent. Il n'y a que lui pour nous pousser au bout de nos forces. À la fin, nous sommes exténués, mais heureux de notre performance.

Cependant, en arrivant, je vois un mot placardé sur la vieille porte.

Fermé pour ce soir.

C'est bizarre. Jamais Thor ne ferme. Habituellement, il me demande de surveiller le gymnase lorsqu'il est occupé.

J'entends alors des éclats de voix de l'autre côté, confirmant qu'il y a une présence à l'intérieur du bâtiment.

— Nous devrions partir, suggère June, mal à l'aise.

En effet, mais quelque chose cloche et je veux découvrir quoi. Je sors mon trousseau de clé. Thor m'en a prêtée une pour que je le remplace lorsqu'il doit s'absenter. Je ne donne pas de cours, mais les adhérents s'entraînent tout de même.

— Qu'est-ce que tu fais ? me demande la jeune femme. Tu n'as pas vu le mot ? C'est fermé.

— Je sais et je compte découvrir pourquoi.

La porte s'ouvre et les voix me parviennent plus clairement. Quelqu'un hurle. Et c'est mon pote, si je me fie au timbre masculin.

Mes yeux parcourent les lieux pour s'arrêter sur la porte de la petite cuisine. Des bruits d'entrechoquement me parviennent, comme si des casseroles tombaient par terre.

— Viens, dis-je à June, qui me suit d'un air inquiet.

Lorsque nous arrivons devant l'entrée de la pièce, la scène me laisse perplexe. Thor semble hors de lui. Je ne l'ai jamais vu ainsi, même pas lorsque Dominique a enlevé Judicaëlle. Il a l'air...désespéré. Et le mot est faible. Il renverse tout ce qui lui tombe sous la main. Le bloc à couteaux tombe par terre ainsi que le panier de fruits qui reposait sur l'îlot. Les pommes roulent sous la table.

— Tu l'as fait exprès ou quoi ? hurle-t-il.

J'aperçois Judicaëlle dans un coin de la pièce. Elle est assise par terre, tassée sur elle-même, et a replié ses jambes comme pour faire office de protection. Les larmes dévalent ses joues et je vois la douleur transpercer à travers ses yeux.

— Qu'est-ce qu'il se passe ici ? questionné-je.

Le couple se tourne vers moi.

— C'est fermé, me lance Thor.

— J'avais remarqué, rétorqué-je. Qu'est-ce que tu fous, putain ?

Judicaëlle laisse échapper un sanglot et June se dirige vers elle. Elle s'accroupit à côté d'elle et lui touche l'épaule, probablement pour la réconforter. Mais de quoi ?

— Bien sûr, c'est toujours de ma faute, raille Thor.

— Explique-moi, alors.

— Elle savait que je ne voulais pas d'enfant, éclate-t-il en désignant sa petite amie, qui est incapable d'arrêter de sangloter. Elle s'est arrangée pour tomber enceinte dans mon dos.

— Je...je n'ai pas fait exprès, couine Judicaëlle. J'ignore comment j'ai pu tomber enceinte. Je prenais des précautions.

Je la fixe, abasourdi.

— Tu es enceinte ? m'étonné-je.

— Oui.

— Eh bien, félicitation. Wow ! On peut dire que ça arrive comme un cheveu sur la soupe, mais c'est super.

Thor me lance un regard meurtrier que je feins d'ignorer. Je m'approche de la jeune femme et l'aide à se relever.

— Depuis combien de temps ?

— Dix semaines.

Ça fait presque trois mois. Déjà...

— Tu me l'as caché, l'accuse Thor.

— C'est faux, je viens de l'apprendre, réplique la future maman. Tu n'es qu'un gros égoïste qui ne pense qu'à lui. Je ne suis pas enceinte du Messie, je te signale.

— Peut-être que je ne suis pas le père...

J'écarquille les yeux de stupéfaction. Il est sérieux ? Judicaëlle l'adore, c'est flagrant, alors pourquoi insinue-t-il quelque chose comme ça ? Je comprends que c'est la colère qui parle, mais il devrait se la fermer avant de causer plus de dégât.

— Tu crois que je t'ai trompé ? s'écrie-t-elle. Comment oses-tu prétendre ça, espèce de porc ?

Okay...la situation dégénère. Nous devrions les laisser régler ça entre eux, mais je connais Thor et je crains qu'il ne fasse quelque chose de regrettable, comme la ficher dehors. Il agit souvent sous l'impulsion du moment sans réfléchir aux conséquences.

— Ça suffit, les amis, m'interposé-je. Je ne vois pas pourquoi tu es si en colère, Thor. Je tuerais pour être à ta place. Façon de parler...ajouté-je devant le regard catastrophé de Blanche-Neige.

— Je ne veux pas de famille, soutient le géant. Ma vie actuelle me convient, je n'ai pas besoin d'un gosse dans les pattes.

Judicaëlle se lève et s'approche de lui. Elle a des couteaux à la place des yeux.

— Tu m'as déjà dit que, si un jour je tombais enceinte, tu voudrais le savoir, alors voilà ! Je ne t'ai jamais menti. Et si tu n'en veux pas, alors j'élèverai cet enfant seule. Je n'ai pas besoin d'un abruti comme toi dans ma vie.

Elle tourne les talons, nous laissant tous bouche bée. June la suit, me laissant seul avec mon pote.

Thor serre les poings, comme s'il s'apprêtait à briser quelque chose. En effet, quelques secondes plus tard, il saisit le grille-pain et le projette contre le mur.

— Calme-toi, lui conseillé-je. Ce n'est pas ainsi que tu règleras le problème.

— Le problème ? répète-t-il. C'est plus qu'un problème, Jonas, c'est une catastrophe.

Je ne comprends pas pourquoi il réagit ainsi. À sa place, je serais enchanté par la nouvelle. Toutefois, je sais que Thor n'a pas les mêmes ambitions que moi. La boxe a toujours été sa priorité et fonder une famille n'a jamais fait partie de ses plans.

— Je savais qu'elle voulait des enfants, commence Thor, mais je ne pensais pas que ça arriverait ainsi. Ça ne fait même pas un an qu'on se connait.

— Gabin et Maisie aussi ont eu un enfant peu de temps après s'être rencontrés, affirmé-je, et regarde comme ils sont heureux ensemble.

— Ce n'est pas pareil, argue-t-il. Je n'ai pas le mode vie pour avoir des enfants. En plus, cet endroit n'est pas fait pour un gosse.

— Cela veut dire que tu devras faire des choix, lui dis-je. Soit tu poursuis ta petite vie d'entraîneur, soit tu perds Judicaëlle...et beaucoup plus. Réfléchis bien.

Sur ce, je le laisse à ses réflexions et sors de la cuisinette. June est probablement avec Judicaëlle, mais j'ignore où. Toutefois, je n'ai pas besoin de chercher bien loin. La surprise m'immobilise.

Les deux femmes se tiennent dans l'entrée. Judicaëlle porte son sac à dos.

— Je l'ai invitée à loger chez nous, me sort June.

Chez nous ? Elle demeure chez moi depuis à peine deux semaines et elle fait déjà comme chez elle ? Je voulais qu'elle se sente à l'aise...mais peut-être pas au point d'inviter d'autres personnes.

— Euh...je ne crois pas que ce soit une bonne idée, tenté-je. Tu devrais essayer de régler ça avec lui, Judicaëlle. Thor est furieux, mais il se calmera et comprendra finalement que c'est une bonne nouvelle.

Cette dernière secoue la tête de gauche à droite.

— Non, il n'en fera rien, dit-elle. Il ne mérite pas que je reste à ses côtés, pas après ce qu'il m'a dit.

— Il ne le pensait pas.

— Oh que si ! C'est pour cette raison que je ne resterai pas un instant de plus ici. Ce n'est pas grave si tu ne peux pas m'héberger, Jonas. J'irai ailleurs.

Une chanson me trotte dans la tête.

Mais tu iras où, où, où si jamais je m'en vais
Ça m'rendrait eh, eh, eh si jamais tu partais

Si ça avait été n'importe qui d'autre, j'aurais probablement refusé, mais j'ai apprécié cette femme dès l'instant où je l'ai rencontrée et je serais un crétin de la laisser sans endroit où loger. Je sais qu'elle n'a pas de famille dans le coin et, à l'exception de Maisie et des bikers, elle n'a pas d'autres amis.

— Ne dis pas de bêtise, tu pourras dormir sur le sofa en attendant que tout s'arrange, lui dis-je.

Je sais pertinemment que Thor changera d'idée. Mais lorsqu'il le fera et apprendra où sa douce se cache, il voudra me défoncer la tronche. J'ignore où il se trouve actuellement, probablement dans la cuisine à tout détruire.

— Tu devrais lui dire où tu vas, suggéré-je à Judicaëlle, mais celle-ci refuse.

— Il s'en fiche, de toute façon, répond-elle. Et je ne veux plus jamais le revoir.

De mieux en mieux ! Ce n'est pas une petite dispute de couple, j'en ai bien peur. Il a vraiment déconné, cette fois. Accuser sa douce de l'avoir trompé. Il a disjoncté, ma parole !

Judicaëlle prend sa moto et nous suit avec ses maigres bagages qui logent dans son sac à dos. Une fois arrivés, j'invite les deux femmes à entrer et j'installe des couvertures sur le canapé pour ma seconde invitée. À mon grand étonnement, June et Judicaëlle semblent bien s'entendre. Je comprends pourquoi Blanche-Neige ne voulait pas aller au club, ce soir.

Elle savait.

— Je vais me faire tout petite, nous assure Judicaëlle. Je ferai des recherches dès demain pour me trouver un nouvel appartement. Ce devra être un endroit sécuritaire pour élever un enfant.

— Ne te presse pas, lui dis-je. Il te reste encore plusieurs mois.

Et j'espère entre-temps que Thor va réparer sa connerie.

— Le plus vite sera le mieux, dit June, le temps qu'elle s'installe.

Elle n'apprécie par Thor et n'est pas près de changer d'avis sur lui, surtout après l'épisode de ce soir. Elle ne peut comprendre le comportement du boxeur puisqu'elle ne le connait pas. Moi, si.

Perdu dans mes pensées, c'est à peine si j'aperçois le regard vitreux de Judicaëlle. Elle renifle et June s'empresse de lui suggérer de regarder un film pour lui changer les idées.

— D'accord, répond la future maman, mais pas de film d'amour.

— Pas de problème, j'ai une idée...

Quelques minutes plus tard, les voilà assises devant MON cinéma maison avec un gros pot de glace à écouter « Rock'n Nonne ». Je les laisse à leur film et nourris mes poissons, puis je règle quelques factures.

Leur long métrage s'achève au moment où je termine mes derniers paiements et nous nous couchons tous en même temps. June et moi, dans la chambre, et Judicaëlle sur le canapé.

Le lendemain, nous rencontrons un second problème : Judicaëlle ne veut pas aller travailler car elle craint de croiser Thor. Elle semble avoir passé une mauvaise nuit car ses yeux sont bouffis et elle parait sur le point de fondre en larmes.

— Tu ne pourras pas l'éviter indéfiniment, lui dis-je.

— Je ne suis pas prête à lui faire face à nouveau, explique-t-elle tout en prenant un chocolat chaud.

Je comprends son point de vue, mais j'ai toujours été le genre de personne à vouloir régler au plus vite mes problèmes.

— Si tu veux, je peux te remplacer à la brasserie, lui proposé-je.

June hausse un sourcil.

— Tu es capable de t'occuper de la boutique ? questionne-t-elle, étonnée.

— Qui crois-tu qui remplace Judicaëlle pendant ses journées de congé ? rétorqué-je. Le pape ? Dave et moi dépannons souvent. Du moins, avant qu'il ne soit blessé.

— C'est vrai, ajoute Judicaëlle. Jonas est parfaitement capable de s'occuper des clients. En plus, il connaît toutes les boissons comme le fond de sa poche.

— N'exagère pas, pouffé-je. Tu es plus douée que moi pour vanter nos bières.

— Mais tu es meilleur pour charmer les dames...

Nous éclatons de rire à l'unisson car il est vrai que les clientes d'une soixantaine d'années demandent souvent de mes nouvelles. Je les envoûte facilement avec mon sourire ravageur et mes yeux rieurs. Quelques petites blagues et les voilà séduites.

June ne semble pas amusée et se contente de manger sa banane. Mon regard s'attarde un instant sur ses lèvres qui semblent si douces. Tout à coup, j'aimerais être à la place du fruit. Merde ! Pourquoi est-ce que je pense à cela ? En pleine matinée ?

Je crois que ça fait trop longtemps que j'ai tiré mon coup. À moins que ce ne soit la jeune femme qui me fasse cet effet.

Je préfère songer à autre chose plutôt que de m'attarder sur ce détail.

— C'est réglé, annoncé-je. June et moi allons te remplacer pour la journée et tu pourras ainsi prendre congé et te reposer.

Blanche-Neige arrondit ses yeux comme des soucoupes.

— Toi et moi ? répète-t-elle comme si elle avait mal compris.

— Oui, toi et moi, répété-je en ancrant mon regard dans le sien.

Ses joues rougissent instantanément pour je ne sais quelle raison. Étrangement, il me tarde de travailler avec la jeune femme. La journée va être intéressante...



« Reste » par Gims & Sting

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