Hated Love-TOME 3- Chapitre 17


June

Mon cœur bat encore follement dans ma poitrine et je m'efforce de paraître calme devant Jonas. Il ignore mon état émotionnel en cet instant. Je suis paniquée, effrayée et près de défaillir.

Dix minutes plus tôt, alors que je me promenais dans une allée déserte et que j'observais les poignées de porte, je me suis tout à coup sentie poussée. On m'a acculée contre l'étalage de marchandises. En levant la tête, après que j'aie réalisé qu'on était en train de me bousculer, j'ai croisé le regard d'un homme...qui m'a fait froid dans le dos. Il n'avait l'air aucunement sympathique. Était-ce à cause de la cicatrice qui barrait sa joue, de sa dent manquante ou de ses yeux purement mauvais ? Probablement un mélange de tout ça.

— Es-tu la sœur de Dominique ? m'a-t-il demandé.

Il aurait fallu que je sois folle pour répondre oui.

— Qui ? ai-je feint.

Sa main s'est agrippée à mon cou et il a commencé à serrer, m'étranglant doucement. J'ai essayé de me dégager ; sans succès. J'étais incapable de crier et je peinais à respirer. Des larmes d'impuissance me sont montées aux yeux.

— Ne me mens pas, a-t-il dit d'une voix menaçante. Vous vous ressemblez.

— Alors, pourquoi poser la question ? ai-je rétorqué alors qu'il desserrait légèrement sa prise sur ma gorge.

— Pour savoir à qui j'ai affaire. Il faut croire que tu es aussi racaille que ton frère.

Je n'ai pas aimé la comparaison, toutefois, ce n'était pas le temps de faire l'impertinente.

— Que me voulez-vous ? lui ai-je demandé.

— Ton frère me devait beaucoup de fric, m'a-t-il répondu. Son père étant en prison et sa mère...disparue de la surface du globe, il se trouve que tu es le dernier membre de sa famille encore en vie.

— Et...

— Et tu vas me rembourser ce qu'il me devait.

— Mais je n'ai pas d'argent !

— Ce n'est pas mon problème, débrouille-toi pour en trouver si tu ne veux pas te retrouver également avec une balle dans la tête. Et moi, contrairement au meurtrier de cet enculé, j'en profiterai pour te faire regretter de ne pas m'avoir remboursé.

J'ai dégluti, terrifiée.

— Le type que tu fréquentes est bourré de fric, a-t-il ajouté. Ses potes également.

— Ils vont le découvrir, si je les vole, ai-je fais, catastrophée par cette proposition.

— Débrouille-toi, je m'en bats les couilles de la façon dont tu t'y prendras, mais si je n'ai pas mon pognon d'ici deux semaines, tu rejoindras ton frère dans la tombe.

— Combien ?

— Dix milles.

J'ai écarquillé les yeux de stupeur.

— Je n'arriverai jamais à trouver une telle somme.

— Alors, il te reste deux semaines à vivre. Et n'essaie pas de fuir, car je te retrouverai. J'espionne tous tes moindres mouvements, ma belle.

Sur ce, il m'a relâchée et, après un dernier regard menaçant, s'est esquivé. Je venais à peine de reprendre mon souffle lorsque Jonas est arrivé. Lorsqu'il m'a proposé de travailler à la boutique, j'ai tout de suite accepté puisque je dois rapidement trouver de l'argent. Pourtant, je ne me leurre pas ; jamais je ne parviendrai à accumuler une telle somme.

— Noua allons passer à la brasserie quelques heures, m'annonce Jonas, ainsi tu pourras te familiariser avec le travail.

Je hoche la tête et nous nous dirigeons vers « The Gates of Paradise ». Quelques voitures sont garées devant la façade de bois rond. Il est déjà quinze heures, mais il semble y avoir plusieurs clients à l'intérieur de la boutique.

— Allons-y, me dit Jonas après avoir garé sa moto.

La clochette de la porte tinte alors que nous pénétrons dans la bâtisse. J'aperçois aussitôt Judicaëlle à la caisse en train de facture des articles. Elle n'a pas l'air dans son assiette. Elle est blême et semble harassée.

La jeune femme nous fait signe de la main et s'approche ensuite de nous alors que les clients quittent la boutique.

— Salut, lui dit Jonas avec un grand sourire. Je t'apporte du renfort.

Judicaëlle hausse un sourcil, intriguée.

— Gabin veut que June t'aide avec tout le boulot que tu dois faire. Tu n'as qu'à lui déléguer ce que tu veux. Elle pourra te libérer de ta surcharge de travail.

Elle hoche la tête.

— Euh...tu devrais peut-être te reposer un peu au lieu de boxer, ce soir, lui conseille le biker.

— Mêle-toi de ce qui te regarde, Jonas, lui répond-elle sèchement. Je vais très bien et Gabin va en entendre parler.

Puis, elle se tourne vers moi et s'adoucit un peu.

— Ce n'est pas contre toi, June, mais je suis capable d'effectuer seule mes tâches.

Je hausse les épaules. De toute façon, ce n'est pas moi qui décide.

— Dans ce cas, tu n'auras qu'à en parler avec le propriétaire de la brasserie, répond Jonas, pas insulté le moins du monde par la réponse de Judicaëlle.

S'il travaille avec ces abrutis de bikers, il doit être habitué à se faire répondre brutalement.

— Ne t'en fais pas, il va le savoir, grogne la jeune femme.

— Bon, je vous laisse, nous dit Jonas. J'ai du travail à faire. Je viens te chercher dans trois heures, Blanche-Neige. Après, on ira dîner et ensuite à la boxe. Il y a cours, ce soir.

Sur ce, il s'éclipse, me laissant avec une jeune femme remontée.

— Pour qui me prennent-ils ? éclate-t-elle. Une faiblarde ?

— Il n'y a pas de mal à être fatiguée de temps en temps, lui assuré-je. Un weekend par mois, je prends congé et je reste couchée pendant 48 heures à lire, regarder des émissions et surfer sur internet. Par la suite, je suis sur pied et prête à me taper un quart de travail de quinze heures d'affilée.

Elle écarquille ses yeux, surprise.

— Tu bosses quinze heures en ligne ? interroge-t-elle.

— À mon ancien job, oui, précisé-je. Six jours par semaine. J'ai arrêté il y a quelques mois.

— Donc, tu ne dois pas avoir beaucoup de temps libres pour t'amuser.

Je laisse échapper un petit rire.

— La mixologie, c'est toute ma vie. Je ne me verrais pas faire autre chose.

— Tu n'as aucun hobby ?

— Euh...je fais de la danse en ligne, avoué-je. Durant ma soirée de congé. Mon amie travaille dans une salle de spectacle et je prends des cours de danse.

— C'est vrai que j'ai remarqué que tu étais douée lorsque nous sommes allées te chercher. Personnellement, je ne parviens jamais à me souvenir d'aucun pas de danse. J'ai essayé le hip hop lorsque j'étais adolescente, mais j'ai vite abandonné. Bon, au boulot. Si tu veux remplir les étalages vides, je vais te montrer où aller chercher les bouteilles.

Pendant presqu'une heure, je replace les bières sur les tablettes. C'est un travail facile et le temps passe vite. Judicaëlle répond aux clients et au téléphone pendant ce temps.

— Un petit groupe arrive dans dix minutes, m'annonce-t-elle. Je leur fais déguster une sélection de quatre bières que voici.

Elle me montre les bouteilles contenant des bières blondes, brunes et rousses. Chacune a une amertume et un goût différents. L'une a même une légère saveur d'agrumes.

— Pendant que je leur parlerai des différentes boissons, tu pourrais leur servir dans des petits verres de dégustation, me dit ma nouvelle collègue. Tu es bien meilleure que moi pour cela. J'en renverse toujours partout.

J'éclate de rire et elle me rejoint dans mon hilarité.

— Je vais faire un petit tour aux toilettes et je reviens tout de suite, ajoute-t-elle.

Pendant qu'elle s'absente quelques minutes, mon regard se promène dans la boutique. C'est un endroit convivial, digne d'une micro-brasserie artisanale. Il y a un petit quelque chose dans cet endroit qui donne envie d'y rester. Tout est en bois, du plancher au plafond, et des luminaires originaux sont suspendus et donnent une ambiance feutrée à la petite section de dégustation. Le comptoir de la caisse est composé d'une grande planche déposée sur des barils couchés et où plusieurs bières sont présentées.

Mon regard est attirée par la caisse-enregistreuse.

Non ! Je ne peux pas faire ça.

Et si je leur remboursais par la suite ? Ça augmenterait mes dettes envers eux, mais au point où j'en suis...

Je regarde autour de moi afin de m'assurer d'être seule, puis appuie sur le bouton pour ouvrir le tiroir-caisse. Mes yeux se posent sur une liasse de billets de vingt dollars. J'en saisis rapidement quelques-uns, en plus d'un billet de cinquante et de plusieurs dix. Je fais mentalement le calcul. Deux cent dollars. Je suis bien loin du compte, mais c'est mieux que rien.

Je fourre les billets dans la poche de mon pantalon, puis retourne au fond du magasin. Judicaëlle sort au même moment des toilettes. Son visage est blafard et elle n'a pas l'air bien.

— Ça va ? lui demandé-je. Tu es toute blanche.

— Bien sûr, aboie-t-elle, sur la défensive.

Je sens que quelque chose cloche. Toutefois, je ne peux insister puisque le groupe de clients arrivent. Ce sont, pour la plupart, des baby-boomers et c'est leur première visite au « Gates of Paradise ». Judicaëlle se pare de son plus beau sourire et les salue chaleureusement. Elle leur raconte l'histoire de la brasserie et, même si je la connais plus ou moins, je suis captivée par ses paroles. La jeune femme est une excellente oratrice. Elle met de l'intonation où il faut et sait captiver ses auditeurs. Lorsqu'elle commence à parler des différentes bières produites, je l'écoute avec attention. Elle doit même me rappeler mon job d'un signe de la main, alors je sers les clients tout en l'écoutant.

— Ceci est une bière brune avec des reflets rougeâtres. Un sucre résiduel franc est rapidement substitué par une amertume qui monopolise le palais et la langue. Vous pouvez également percevoir des notes fumées.

Mince ! Elle est douée ! Elle me donne presqu'envie d'y goûter, moi aussi.

— Mesdames, nous avons ici une bière de dames sucrée aromatisée à la framboise et à la groseille. Elle ne contient aucune amertume et offre les arômes marqués de fruits et une finale douce, voire légèrement sucrée.

Moi qui aime les boissons sucrées, je serais curieuse de connaître le goût de cette bière blanche.

Judicaëlle doit encore s'absenter quelques minutes et je continue de servir les clients. Lors de son retour, elle se contente de répondre aux questions et ils repartent tous avec des sacs remplis de différentes boissons.

Le sourire de ma collègue est de courte durée puisqu'en l'espace de quelques secondes, elle se penche et vomit dans la petite poubelle à côté de la caisse.

— Désolée, me dit-elle d'une voix tremblotante en s'essuyant la bouche. L'odeur de la bière me donne envie de gerber. Je ne sais pas pourquoi...Habituellement, je trouve qu'elle sent bon, mais depuis trois jours, je suis incapable de soutenir les différents parfums.

— Euh...tu dis que tu ressens des nausées depuis quelques jours ?

Elle hoche la tête.

— Et tes règles ?

— Quoi mes règles ?

— Es-tu en retard ?

Je la vois faire le calcul mental et elle blêmit davantage.

— Merde ! gémit-elle.

— Tu ne dois pas t'alarmer tout de suite, la rassuré-je. C'est peut-être seulement un virus.

Elle se prend la tête entre les mains.

— Je suis enceinte, gémit-elle.

— Euh...je vois que ce n'était pas prévu.

La boxeuse lève la tête et me fixe d'un air incrédule.

— Pas prévu ? répète-t-elle. Thor ne veut pas d'enfant. Je ne sais pas comment ça a pu arriver. Je prends la pilule contraceptive, pourtant !

— J'ai entendu dire que son taux d'efficacité était d'un peu plus de 90%, révélé-je à Judicaëlle, ce qui veut dire qu'environ neuf femmes sur cent peuvent tomber enceinte quand même.

— Qu'est-ce que je vais faire ? gémit-elle.

— Tu peux te faire avorter, lui suggéré-je.

Elle écarquille ses yeux d'horreur.

— C'est hors de question, crache-t-elle.

— D'accord, dis-je, surprise par sa réaction. Commence par faire un test de grossesse avant de t'alarmer. Tu es peut-être seulement angoissée et tes règles tardent. Ça m'est déjà arrivé.

La jeune femme semble légèrement rassurée.

— Tu as raison, dit-elle. Je vais passer à la pharmacie après la fermeture du magasin, alors j'aurai aussitôt ma réponse.

— Et si le test s'avère positif, ne tarde pas trop pour l'annoncer à ton copain, lui recommandé-je.

— Il va vouloir me tuer...

Je crois qu'elle exagère.

— Avec ses yeux au rayon X, ajoute-t-elle.

— Qu'est-ce que tu vas faire si tu es réellement enceinte et qu'il ne veut pas d'enfant.

— Probablement partir. Je l'élèverai toute seule.

J'ai de la peine pour elle. Jamais je n'ai été confrontée à cette situation et si cela continue, jamais je n'aurai la chance de devenir enceinte ; on me tuera d'ici là.

Judicaëlle et moi fermons le magasin. Je l'entends marmonner : « j'étais certaine d'avoir vendu davantage d'alcool, aujourd'hui » et mon cœur se serre. Je suis une voleuse. Une traître. Une hypocrite.

Jonas revient à ce moment, ce qui me sort de mes sombres élucubrations.

— Et puis, comment ça s'est passé ? demande-t-il d'un air léger.

— Ça a bien été, mens-je puisque rien ne va plus depuis quelques heures.

— Tant mieux, dit-il d'un air enjoué.

Il salut ma nouvelle collègue et nous partons à destination d'un petit resto choisi par lui. Je suis un peu nerveuse parce que c'est la première fois que nous mangerons en tête-à-tête. La fois où nous sommes allés dans un fast food ne compte pas.

Jonas gare sa moto devant un restaurant qui se nomme « The Grill »

— Un steak house ? questionné-je.

— Oui, le meilleur en ville. Viens, je meurs de faim.

Et moi, je crains de mourir d'autre chose... 

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