Hated Love-TOME 3- Chapitre 15


June

Deux secondes avant que la porte ne s'ouvre à la volée, j'entends le bruit d'un ciseau et sens ma masse de cheveux tomber. Si j'avais su que les bikers s'apprêtaient à me jouer un mauvais tour, jamais je ne les aurais suivis. Judicaëlle m'avait proposé de prendre une petite pause et m'avait certifié qu'ils étaient sympas, alors je les ai suivis jusqu'ici. Grosse erreur ! Aussitôt entrés dans le salon de repos, ils se sont approchés d'un air intimidant et m'ont dit que je méritais une leçon. Résultat : pendant que deux d'entre eux me retenaient pour que je ne bouge pas, l'autre a empoigné ma queue de cheval et a sorti une paire de ciseaux. J'ai immédiatement deviné le sort qui m'attendait et, malgré mes cris, le bruit du ciseau a résonné dans la pièce.

J'arrête de gigoter au moment où Jonas apparait dans l'entrée. Il m'aperçoit, puis fronce les sourcils en reconnaissant ses potes, et ceux qui me retenaient me lâchent. Lewis, si j'ai bien retenu son nom, tient ma queue de cheval dans ses mains ou, devrais-je dire, mon ancienne queue de cheval.

Ma main se porte instinctivement dans ma chevelure raccourcie. L'élastique est toujours là, mais ne retient qu'une petite touffe de cheveux. Ma gorge se serre et je retiens un sanglot. Je ne dois pas les laisser croire qu'ils ont gagné.

Hélas, Jonas est arrivé une seconde trop tard.

— Qu'est-ce que vous avez fait ? demande-t-il à ses amis.

— Elle méritait une leçon, mec, lui répond un biker. Cette petite chipie s'en est bien tirée jusqu'à présent, mais regarde tout le mal qu'elle a fait. Elle a blessé Dave, elle a ruiné le mariage de Gabin et, par-dessus tout, elle a failli te tuer. À l'avenir, j'espère qu'elle réfléchira avant de commettre d'autres atrocités.

Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que le poing de Jonas atterrit sur la mâchoire du biker. Ce dernier recule de plusieurs pas, à moitié assommé par la force de son adversaire.

— Qu'est-ce qui te prend, Jonas ? questionne Lewis.

— Ce qui me prend ? éructe-t-il avec force.

Je n'ai jamais vu l'homme à ce point furax. J'en ai peur tellement il parait sur le point d'exploser de rage.

— Vous n'aviez pas le droit de la toucher, hurle-t-il. Depuis quand attaquez-vous les meufs, putains ? Vous n'avez pas honte ? Blanche-Neige a fait des erreurs, tout comme vous au moins une fois dans votre vie.

— Blanche-Neige ? répète le biker qui s'est fait exploser la gueule par Jonas.

Il se frotte la mâchoire sur laquelle on voit apparaître une jolie couleur bleutée.

— Cette meuf n'est pas une princesse, Jonas, lui dit Mathieu. Arrête de croire que tout le monde peut être bienveillant et réalise qu'il existe des gens mauvais. Pense à Dominique. Ce type était une ordure.

Je me lève lorsque je réalise qu'il parle de mon frère, mais Jonas s'approche de moi, ses yeux bleus lançant des éclairs, et saisit ma main.

— Si l'un d'entre vous s'en prend à nouveau à elle, je le démolis, c'est clair ? lance-t-il aux autres. June remplace Dave, que ça vous plaise ou non, alors apprenez à respecter autrui et à réfréner vos besoins de vengeance.

— Tu es beaucoup trop bien pour elle, lui lance un biker en me jetant un regard dégoûté. Ne tombe pas amoureuse d'elle, Jonas. Ce genre de fille ne mérite pas de considération de ta part.

— C'est moi qui décide qui entre dans ma vie ou non, réplique le concerné. Et à partir de maintenant, tenez-vous loin de moi.

— Ne le prends pas ainsi, mon pote, lui dit Mathieu.

— Je le prendrai comme bon me semblera. Je ne veux pas d'ami qui pense pouvoir décider du sort de telle ou telle personne.

Sur ce, il saisit la couette de cheveux que tient toujours le coiffeur en herbe dans sa main.

— Donne-moi ça, lui dit-il.

Puis, il m'entraîne à sa suite.

Je n'ai aucune réaction, encore sous le choc de ce qui s'est passé.

Mes cheveux ! Mes longs cheveux ! Oh mon Dieu ! Je commence à trembler. Non...C'est un cauchemar. Demain, je me réveillerai dans mon lit, loin d'ici, et je me plaindrai de ma petite vie ennuyeuse, mais réconfortante. Je finirai ma vie vieille fille avec trois chats et à l'âge de quarante-cinq ans, j'en aurai marre de préparer des cocktails, alors je déciderai de changer de métier et deviendrai préposée au service à la clientèle. Je gèrerai les clients...et non des satanés bikers cinglés.

— Ça va ? me demande Jonas en s'arrêtant. Je suis vraiment désolé. Si j'avais su ce qu'ils s'apprêtaient à faire, je serais intervenu avant.

— Je veux partir d'ici, lui dis-je seulement d'une voix tremblante.

Et voir le désastre de mes cheveux.

Il secoue négativement la tête.

— Impossible. Il reste environ une heure avant la fermeture de la terrasse. Gabin compte sur toi.

— Je ne peux pas travailler ainsi...

Il jette un coup d'œil à ma tignasse, ou plutôt à ce qu'il en reste et retient une grimace.

— Viens, me dit-il en me désignant la salle de bain. Allons voir ce qu'on peut faire pour...améliorer ça.

Ça étant mes cheveux.

Nous entrons dans une pièce plutôt vaste J'aperçois une douche au fond de la pièce. Quelques cabinets de toilettes ainsi qu'un comptoir-lavabo occupent l'espace.

— C'est mixte ? interrogé-je mon compagnon.

— Oui, il n'y a pas beaucoup de filles qui traînent par ici.

— Et les clients ? Ils vont où ?

— Il y a une toilette dans la boutique, alors c'est celle qu'ils utilisent. Judicaëlle et Maisie également. Cet endroit nous est réservé.

Je m'avance vers le miroir afin de constater les dégâts.

— Au moins, ils n'ont pas tout coupé, remarque Jonas. Ils auraient pu tailler encore plus près de l'élastique.

— Essaies-tu de me rassurer ? lui lancé-je. Car ça ne fonctionne pas. Ces...abrutis m'ont attaquée. Je vais porter plainte, je vais me venger et...

— Arrête ! m'interromps Jonas. Il va falloir que tu assumes tes actes. Et arrête de songer toujours à la vengeance. Tu as vu ce que ça a donné, non ? Les gens se concentrent uniquement sur le mauvais, jamais sur le bon. Change d'attitude et ça t'apportera du bon dans ta vie.

— J'ai été sympa avec eux, argué-je.

— Dans ce cas, nous n'avons pas la même vision du mot « sympathie », ma chère.

Je ne réponds pas, trop occupée à détacher l'élastique que j'avais dans les cheveux. Ceux-ci tombent autour de mon visage jusqu'à la base de mon cou.

— Wow ! s'exclame alors Jonas. Ça te fait bien. Tu ressembles encore plus à Blanche-Neige.

Je lui jette un regard noir.

— Si j'avais voulu un carré, je l'aurais fait avant, lui réponds-je.

Je suis découragée. Jamais je n'ai porté mes cheveux aussi courts. Le seul point positif, c'est qu'ils ont été coupés droits. Je frissonne en songeant que j'aurais peut-être dû les tailler encore plus si ce con avait manqué la coupe.

— Lewis a des talents de coiffeuse, blague Jonas, mais ça ne m'amuse pas.

— Comment peux-tu rire de la situation ? Il y a un instant, tu étais prêt à les massacrer.

— J'essaie de te changer les idées pour t'empêcher de chialer comme un bébé, Blanche-Neige, réplique-t-il.

— Je ne vais pas pleurer, soutiens-je.

En réalité, je suis sur le point de fondre en larmes et il l'a remarqué.

— Ouais, ça doit être pour ça que tes lèvres tremblent.

Ce type est vraiment perspicace. Ce n'est pas n'importe quel mec qui aurait remarqué cela. Ils essaient plutôt de fuir la pièce en attendant que la fille cesse de sangloter. Lui ne semble pas du tout mal à l'aise par la situation.

— Le point positif, c'est que ta tignasse sera moins longue à coiffer, ajoute-t-il, et que tu vas passer moins de temps sous la douche.

Je vais assassiner ce mec, qui éclate justement de rire.

— Ce n'est pas drôle, grogné-je.

— Non, mais tu aurais dû voir ton air meurtrier ! s'esclaffe-t-il. Ça me rappelle notre première rencontre...lorsque tu m'as déshabillé.

Je pique un fard. Comment l'oublier ? C'était il y a à peine un mois. Jonas a considérablement changé depuis. Ou il est redevenu comme avant. Je l'ignore puisque je ne le connaissais pas. Toujours est-il qu'il me déstabilise.

— Je...je n'étais pas tout à fait moi-même, lui expliqué-je. Je ne déshabille pas les mecs ainsi, d'habitude.

— Ah non ? Alors tu les déshabilles comment ?

Il le fait vraiment exprès, cet abruti ! Je ne pense plus à mes cheveux, mais à son corps fabuleux que j'ai entraperçu quelques fois seulement, et pas au complet, bien sûr.

— Tu es vraiment mignonne lorsque tu rougis, me taquine-t-il.

— Ne devons-nous pas retourner travailler ? dis-je pour changer de sujet.

— Oui, Gabin nous attend. Le connaissant, il doit être énervé de ne pas nous voir arriver.

— Est-ce qu'il...

— Ne t'en fais pas. Il grogne, mais ne mord pas.

Je l'espère bien.

Le nombre d'invités a diminué lorsque nous retournons sur la terrasse. Je reprends ma place derrière le bar tout en remerciant Maisie pour le remplacement. Celle-ci est si débordée qu'elle ne remarque pas ma transformation capillaire, ce qui me rassure.

— Une belle brune comme toi, ma jolie, me dit un type, ce qui me fait sortir de ma léthargie.

— Pardon ? lui lancé-je.

— Je veux une belle brune comme toi, répète-t-il avec un air salace.

Je décapsule sa bière et la fait glisser sur le comptoir jusqu'à lui. Il la rattrape juste avant qu'elle ne tombe pas terre et me fixe, stupéfait par mon agressivité.

— Veuillez placer l'argent dans le plat prévu à cet effet, ajouté-je en me détournant de lui.

J'ai assez vu d'enfoirés pour ce soir. J'ai envie de me venger sur ces maudits bikers, mais je songe à ce que Jonas m'a dit. Le pire, c'est qu'il a raison. La vengeance ne mènera nulle part. Et j'ai remarqué que le karma s'en occupait souvent. Le mien est vraiment pourri, il n'y a pas à dire.

En bougeant derrière le comptoir du bar, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose : ma lourde queue de cheval qui se balance derrière moi tandis que je m'active.

J'essaie de songer à autre chose, ou plutôt, de me concentrer sur mon travail. Quelques femmes me demandent des panachés, d'autres osent quelque chose de nouveau, alors j'use de créativité. Une idée me vient en tête lorsque je trouve du sirop d'érable dans le petit réfrigérateur. Dans un shaker, je mélange du sirop, du jus de pomme et de l'extrait de vanille. J'y ajoute du whisky et je complète avec une bière rousse douce. La femme me fixe avec des yeux étonnés et je lui souris, fière de ma création.

— Merci, me dit-elle en me payant. En passant, vos cheveux sont vraiment magnifiques. Je n'ai jamais osé les faire couper, mais vous me donnez envie de faire l'essai.

— Oh ! Euh...merci, c'est gentil.

On me hèle de l'autre côté du bar et je me dépêche d'aller répondre aux clients. J'en oublie presque mon problème de chevelure et me remets à jongler avec les bouteilles. Toutefois, je suis un peu moins gaie qu'avant ma pause.

La soirée s'achève et les clients repartent de bonne humeur en remerciant leurs hôtes. Une fois le dernier invité parti, Maisie s'avance vers Gabin et l'embrasse.

— Bravo, lui souffle-t-elle. C'était parfait.

Le chef des Midnight Demons semble fier de lui. Thor, quant à lui, s'approche de sa douce, qui semble exténuée. Elle est appuyée contre une table ou plutôt, elle se soutient à l'aide d'une table.

— Ça va ? lui demande-t-il, inquiet.

— Oui, je suis juste fatiguée, répond-elle.

— Thor, il est interdit de surmener mes employés à la boxe, lui lance Gabin. Ta pauvre copine tient à peine debout.

— Peut-être que tu devrais engager quelqu'un d'autre pour l'aider, rétorque Thor. C'est elle qui fait tous les horaires d'ouverture de la boutique. Qui parle de surmenage, maintenant ?

Gabin se frotte la barbe, apparemment songeur.

— Tu as raison, il nous faudrait quelqu'un pour l'aider en attendant que Maisie revienne travailler à temps plein.

— Si tu veux, je peux reprendre le travail plus tôt, lui propose la jeune maman.

— Non, je veux que tu en profites pleinement avec les enfants, lui répond son mari. Le temps passe déjà assez vite comme ça.

Le regard du biker de pose sur moi. Il fronce aussitôt les sourcils.

— Qu'est-ce qui est arrivé à tes cheveux ? me demande-t-il.

C'est étrange que ce soit le seul qui s'en soit rendu compte. Et en plus, c'est un homme. Habituellement, ils ne tiennent pas compte de la coiffure des femmes, à part peut-être de leur petite amie. Ce qui veut dire que mon changement doit être drastique.

— Hey ! C'est vrai ! s'exclame Judicaëlle. Je n'ai même pas remarqué. Tu n'avais pas les cheveux attachés en queue de cheval en arrivant, tout à l'heure ?

— Euh...

— Il y a eu un...incident, dit Jonas.

— Quel genre d'incident ? interroge Gabin d'une voix qui démontre sa colère.

— Du genre que Steve va avoir une tronche à faire peur, demain, lui répond le biker.

Il n'a pas besoin de plus d'explications.

— Bon, on y va, annonce Jonas tandis que le silence s'étire. À demain !

— Tu reviens travailler ? s'étonne Gabin.

— Ouais, mes vacances sont terminées.

— Parfait. Oh...j'oubliais.

Le président des bikers me tend mon portable.

— Ton téléphone, comme promis, me dit-il. Essaie de ne pas contacter tous les mafieux de ton coin et ça devrais aller.

Ce n'est vraiment pas drôle et mon air rebuté doit laisser transparaître mon agacement.

Il se racle la gorge dans un silence embarrassant et nous salue tandis que nous partons, Jonas et moi.

Une fois de retour chez mon colocataire, je vais prendre ma douche sans un mot pour Jonas. J'ai besoin d'être seule et de faire le point sur ce qu'il s'est passé ce soir. J'ouvre le robinet, me déshabille et pénètre dans la cabine. La température de l'eau me saisit, mais je m'y habitue rapidement. J'adore prendre ma douche sous l'eau bouillante. J'ai l'impression qu'en plus de pénétrer mes membres, l'eau me réchauffe jusqu'au plus profond de moi. Ma peau rougit légèrement, surtout parce que je frotte l'éponge vigoureusement sur ma peau. Puis, lorsque ma main passe dans mes cheveux et que mes doigts glissent dans le vide, j'ouvre les vannes. Lorsque j'ai vu le biker sortir les ciseaux, j'ai eu peur qu'il me les plante dans la cuisse, puis lorsque j'ai deviné ce qu'il s'apprêtait à faire, j'ai hurlé, j'ai supplié, mais il était sourd à mes protestations. Comment peut-on ne pas avoir de cœur au point d'enlever cette parure à une femme ? Par leur faute, je suis devenue laide. Je n'ai jamais voulu porter mes cheveux courts. Ça arrondit mon visage et ça me donne l'air d'une gamine. Je crois que la dernière fois que je les ai eus ainsi, j'avais six ans...et j'avais l'air d'un garçon. Par la suite, je les ai faits pousser et plus jamais coupés, à part pour en entretenir les pointes.

Je me laisse glisser contre le mur et appuie ma tête contre la céramique derrière moi. J'ignore combien de temps je reste sous l'eau, mais ça m'est égal. Je pleure la perte de mes cheveux, mais ce sera la seule et unique fois. Je sais qu'ils repousseront, mais pas en une semaine. Cela prendra au moins deux ans avant qu'ils ne soient aussi longs qu'avant.

Je ferme les yeux et me concentre sur les gouttelettes d'eau qui fondent sur moi. Je me trouve sous le jet pluie et je me relaxe au fur et à mesure que le temps avance, jusqu'à ce que mes larmes se tarissent et soient balayées par l'eau.

Soudain, la douche s'arrête.

Un bras est entré dans la cabine et a fermé le robinet. Puis, ce même bras me tend une serviette. Je reste sans voix. Bien que la vitre qui entoure la douche soit embuée et qu'on ne me voie pas à travers, Jonas est tout de même entré dans la salle de bain alors que j'avais verrouillé la porte. Ce type est vraiment gonflé.

— Sors tout de suite d'ici ! m'écrié-je.

— Tu as passé près d'un quart sous la douche, me dit-il de l'autre côté de la paroi vitrée. Ce qui est arrivé à tes cheveux est malheureux, mais dis-toi qu'il y a pire. Et tu es aussi sexy qu'avant, ne t'inquiète pas.

Il vient de dire que je suis sexy ?

Mes joues s'empourprent. Par chance, il ne me voit pas.

— Sort d'ici, répété-je.

— D'accord, mais toi, sors de la douche. Tu y es restée assez longtemps.

Je pousse un long soupir et entends la porte se refermer. Je me sèche donc et enfile mon pyjama. Il est tard et je suis vannée.

Jonas est déjà couché lorsque j'entre dans sa chambre. Je m'étends sur le matelas gonflable, qui a d'ailleurs déjà commencé à dégonfler. Si je dois dormir à long terme là-dessus, mon dos ne s'en sortira pas.

Toutefois, ce soir, ou plutôt, cette nuit puisqu'il est très tard, je ne m'en préoccupe point. J'ai seulement envie de dormir et d'oublier à quel point ma vie est nulle.

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