Hated Love-TOME 3- Chapitre 1




Jonas

     Je pousse un long soupir d'ennui en préparant mon café. Le plan de la journée : ne rien faire. J'ai pris deux semaines de vacances pour emménager convenablement dans mon nouveau chez-moi. Je suis immédiatement tombé amoureux de l'endroit en le visitant. L'appartement est spacieux, bien éclairé, moderne et à aire ouverte. C'est grand pour une personne seule, mais j'ai l'intention de décorer les lieux afin que ça paraisse moins vide.

     J'avais besoin de m'éloigner un peu de mes potes, avec qui j'habitais depuis presque dix ans. Ces derniers temps, j'étouffais avec eux. Surtout depuis les événements des derniers mois. Je ne savais plus comment me sentir. Coupable ? Soulagé ? Affligé ? Malheureux ? J'avoue que j'ai éprouvé chacune de ces émotions à tour de rôle, toutefois c'est davantage un mal-être qui m'a envahi... un mal-être qui perdure depuis trois mois.

     Avant, j'étais celui qui faisait rire ses potes, un genre de clown, quelqu'un qui était toujours enjoué, qui aimait aider ses amis et les conseiller. En quelques mois, je suis devenu l'ombre de moi-même. Plus de rigolade, plus de conversation sur l'amour ni sur ma passion pour la moto.

     Rien.

     Ça a été le début de ma pénible descente aux enfers. J'ai commencé à me comporter comme un robot, à exécuter mes tâches la tête ailleurs, à aller uniquement travailler, puis à rentrer chez moi et à m'y enfermer avec mes idées noires et mes regrets.

     Personne ne s'en est rendu compte. Gabin était trop préoccupé sa famille et Thor, par sa nouvelle idylle. Mes autres potes travaillaient sur la terrasse de la brasserie, un agrandissement que Gabin avait à cœur. En temps normal, j'aurais dirigé les opérations avec lui puisque j'ai étudié en menuiserie, mais le cœur n'y était pas. Je trouve toutefois qu'ils sont rapidement passés à autre chose après ce fâcheux incident concernant l'ex-petit copain de Judicaëlle, l'amoureuse de Thor. Ils ont vite oublié ce qui s'est passé sur ce bateau. Moi, non. Cet épisode passe en boucle dans ma tête depuis ce jour. L'enfoiré qui menace Thor et Judicaëlle avec son pistolet. Moi qui fais un choix : eux ou lui. Une détonation. Un mort dans le camp adverse.

     Tout le monde a dit que ce mafieux méritait ce sort, mais je ne suis pas de cet avis puisqu'il y a des châtiments encore pires. Comme la culpabilité qui vous ronge jour après jour.

     J'ai donc décidé de prendre du recul. J'en avais marre d'entendre des éclats de voix à deux heures du matin et des rires qui ne semblaient pas se douter de ma tempête intérieure.

     Mes potes m'ont aidé à emménager dans cette petite maison de ville dans un quartier plutôt tranquille. Beaucoup de gens retraités vivent ici, coulant des jours heureux. J'ai également vu quelques petites familles, mais j'ai rapidement détourné la tête, me rappelant à quel point ma vie est un échec.

     Vingt-neuf ans, seul, sans enfant. Moi qui ai toujours aimé les gosses.

     Quelle déception !

     Je verse de la crème dans mon café, puis m'assois devant la télé afin de regarder les informations télévisées. J'ai pris cette habitude il y a quelques mois, surtout pour me changer les idées.

     À l'heure du midi, je réalise que mon frigo est vide. Depuis quand ne suis-je pas allé au supermarché ? Trop longtemps. Je ne me nourris qu'avec du pain et du beurre depuis mon emménagement. Et je bois au moins huit cafés par jour. Minimum.

     Je décide donc d'aller faire quelques courses afin d'acheter le strict nécessaire. J'enfile un jeans troué aux genoux, un t-shirt noir et ma veste des Midnight Demons. Puis, je prends mon casque et mes clés et sors de la maison. Un miaulement à mes pieds me distrait et je me penche pour caresser Billie, le chat des voisins. Cependant, une déflagration me fait tressaillir et je me redresse immédiatement, tout juste avant de réaliser que ma porte vient d'arrêter une balle de plomb. Putain ! Quelqu'un m'a tiré dessus...et m'a manqué. Je ne remercierai jamais assez Billie.

     Le cœur battant la chamade, je sors mon flingue, caché sous ma veste. Il ne me quitte plus depuis des années. Au moment où je lève la tête, j'aperçois le tireur décamper en vitesse sur une moto sport. Je vise l'émissaire, puis tire alors qu'il s'apprête à tourner le coin de rue. Touché ! Je vois sa moto basculer et l'individu en tomber.

     Je me précipite vers l'endroit où gît celui qui a essayé d'attenter à mes jours. Il semble inconscient puisqu'il ne bouge pas. Du sang tache sa veste, signe qu'il est blessé, mais pas grièvement si je me fie à l'endroit où la balle l'a effleuré.

     Achève-le ! me dit ma conscience.

     Je pointe mon arme sur lui, bien décidé à en finir. Mais avant de l'abattre, je veux voir son visage, alors je lui retire son casque sans délicatesse et recule en découvrant l'individu.

     Putain ! C'est une femme ! Et fichtrement bien foutue. Ses long cheveux noir de jais se déploient autour de sa tête, ses pommettes sont légèrement rougies, probablement sous l'adrénaline du moment, et ses lèvres rosées sont légèrement entrouvertes.

     Je n'arrive pas à réaliser qu'une meuf ait essayé de me tuer. Qui est-elle et pour quelle raison est-elle là ? Je m'attendais depuis plusieurs mois à ce que le gang de Dominique essaie de me tuer, mais jamais je n'aurais imaginé qu'ils auraient envoyé une femme.

     Je la détaille afin de me rappeler si je l'ai déjà rencontrée auparavant. Elle n'est assurément pas une de mes anciennes amantes. D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi l'une d'elles aurait essayé de m'assassiner. Je les ai toujours bien traitées et elles étaient comblées à la fin de nos ébats.

     Elles n'étaient pas aussi séduisantes que cette meuf.

     Cependant, cette fille a beau être super jolie, elle a tout de même essayé de m'éliminer. Je devrais lui régler son compte sinon elle essaiera à nouveau de me tuer.

     Je vise sa tête, mais une pensée m'arrête.

      Je suis un putain de meurtrier.

     Qu'allais-je faire ? Je fixe la jeune femme et abaisse mon arme. Je regarde autour de moi, mais les alentours sont déserts. Personne n'a vu cette scène, ce qui me rassure. Je me demande si je dois la laisser inconsciente dans la rue ou appeler les secours. Qu'est-ce que je vais leur dire : que je lui ai tiré dessus parce qu'elle a essayé de me tuer ?

     Je soupire en la soulevant. Je ne suis pas aussi baraqué que certains de mes frères, mais je suis assez musclé et elle semble peser une plume dans mes bras. Je la conduis donc chez moi en attendant de savoir quel comportement adopter. Devrais-je appeler Gabin ? Après tout, c'est lui qui s'occupe de ce genre de cas, habituellement. Pourtant, j'ai l'impression que cette fois-ci, ça ne concerne que moi.

     Je la couche par terre pour ne pas tacher mon canapé, puis retourne récupérer sa moto. Je pourrais la laisser au milieu de la rue, mais le motard en moi en est incapable. Je la stationne à côté de la mienne, puis rentre dans ma nouvelle demeure. La jeune femme git par terre et je m'empresse de lui retirer sa veste, qui est fichue. Elle porte un débardeur qui met en valeur son décolleté, que je ne peux m'empêcher de lorgner. Ses seins sont hauts et fermes et je suis sûr qu'ils logeraient parfaitement dans mes paumes...et elles sont loin d'être petites. Mes mains sont larges et je dois avouer qu'elles me sont bien utiles lorsque je travaille, mais un peu moins pratiques lors de tâches délicates, comme panser une épaule blessée.

     Je ne comprends pas pourquoi je m'évertue à soigner cette fille puisqu'elle a essayé de me tuer, mais je suppose que le Jonas d'avant l'aurait fait, celui qui voyait le bon côté des gens et qui se souciait toujours des autres avant lui-même.

     Je lâche du regard son décolleté, puis tourne l'inconnue sur le côté afin d'examiner son épaule. La balle n'a fait que l'effleurer, mais assez pour la faire saigner, et pas qu'un peu. J'entreprends donc de nettoyer la blessure, puis de la désinfecter. Elle n'aura pas besoin de points de suture, mais gardera sans doute une cicatrice qui lui rappellera qu'il ne faut jamais de frotter à moi. J'ai peut-être l'air inoffensif, mais je sais me battre, et par-dessus tout, tirer. Si sa moto n'avait pas été en mouvement, je l'aurais sans doute atteint au cœur. Là, je serais assurément allé en prison. J'ai eu de la chance, la première fois, qu'aucune enquête n'ait été menée. Disons que la police se méfie des règlements de compte entre gangs. Cette fois-ci, ça aurait été différent.

     Je la retourne sur le dos, et, lorsque je suis certain que sa blessure est bandée, je l'allonge sur mon canapé et l'observe. Elle me fait penser à Blanche-Neige...en beaucoup plus sexy. Je me demande d'où elle vient. Travaille-t-elle pour un gang ? Elle n'a vraiment pas l'air d'une des leurs, surtout que qu'il n'y a aucun sigle sur sa veste, si ce n'est sa marque. Je sais pourtant mais les apparences peuvent parfois être trompeuses. Toutefois, je me suis toujours fié à mon intuition et quelque chose me dit qu'elle n'en fait pas partie. Je l'imagine plutôt en massothérapeute. Elle semble délicate, apathique et elle a de longs doigts fins. Je me demande si son sourire est ravageur ou plutôt timide. J'opterais pour la timidité même si sa beauté, elle, est ravageuse. Je vérifie si elle n'a pas d'anneau de fiançailles à son annulaire. Rien. La belle ne semble pas être le genre de meuf à porter des bijoux.

     Tandis que je rêvasse, Blanche-Neige ouvre les yeux. Putain ! Deux topazes bleues me transpercent. Mais...où ai-je déjà vu ces yeux ? Ils me disent quelque chose.

     Nous nous fixons en silence pendant de longue secondes et je me demande qui d'entre nous deux va parler en premier. Cependant, elle me prend par surprise en se redressant subitement et en bondissant sur moi.

—    Je vais te tuer ! s'écrie-t-elle en me plantant ses ongles dans la chair de mon cou.

     J'essaie de l'empêcher de me transpercer la peau en prenant ses deux poignets dans mes mains. Ils sont si petits que je pourrais les briser en les serrant, néanmoins, je fais gaffe car je veux discuter calmement avec elle et si je la blesse plus que je ne l'ai fait, elle ne voudra jamais me parler.

—    Attention, Blanche-Neige, l'avertis-je.

     Ses yeux lancent des éclairs et je ne peux m'empêcher de les admirer. Ses iris flamboyants pourraient pétrifier n'importe qui.

—    Ne m'appelle pas ainsi, crache-t-elle d'une voix qui coule comme une cascade à mes oreilles.

—    Préfères-tu « Méduse » ? rétorqué-je, puisque tes yeux ont le pouvoir de pétrifier tout mortel qui croise ton regard. Par contre, je dois avouer que tu as de plus beaux cheveux qu'elle. Vont-ils se transformer en serpent si je les touche ?

     Elle reste bouche bée quelques instants, puis hurle à nouveau en essayant de me crever un œil.

—    Ne touche pas mes cheveux, espèce de taré !

     Je suis sur le point de répondre que la cinglée, ici, c'est elle, mais des coups à la porte m'en empêchent.

—    Jonas ! crie Dave de l'autre côté. Tu es là ? Je viens te chercher pour le mariage de Gabin. Magne-toi.

     Merde ! C'est aujourd'hui ? Ça m'était complètement sorti de la tête. Le Jonas d'autrefois aurait été le premier arrivé sur les lieux et aurait aidé les organisateurs à tout installer. Dave m'a envoyé un message-texte la semaine passée pour me demander si je voulais m'y rendre avec lui et j'ai accepté, mais j'ai perdu la notion du temps, cloitré chez moi.

     Si je le laisse entrer, il va tout de suite apercevoir la petite sauvageonne et j'aimerais moi-même régler ce différend avec elle. Or, elle ne semble pas prête à coopérer, alors je sors un mensonge, mon premier depuis que je fais partie des Midnight Demons.

—    Désolé, je ne peux pas. Je suis malade.

     Blanche-Neige s'apprête à crier, mais je la bâillonne avec ma main afin que Dave ne se doute pas que je ne suis pas seul.

—    Vas-y sans moi et présente mes excuses à Gabin, rajouté-je.

—    Tu es sûr ?

—    Oui, je suis incapable de me lever.

—    D'accord, as-tu besoin de quelque chose ?

—    Non, merci. Bonne soirée.

     Je sais qu'il hésite à me laisser seul, mais il finit par partir et je me concentre à nouveau sur la jeune femme, qui se débat dans mes bras.

—    Calme-toi, lui ordonné-je, sinon je t'attache et, crois-moi, tu ne tiens pas à connaître cette facette de ma personne.

     C'est-à-dire ma part obscure. Je peux être un vrai démon lorsque je le veux. C'est d'ailleurs ce qui m'a fait intégrer ce club de biker lorsque j'étais plus jeune. L'adolescent immature et capricieux que j'étais a évolué et a laissé place à un homme mûr et intègre. Marius et mes frères de cœur m'ont aidé à traverser des périodes difficiles, comme la perte de mes parents, et m'ont prouvé que la vie valait la peine d'être vécue.

     Je retire ma main de sa bouche et elle me fusille de son regard.

—    Tu n'es qu'un meurtrier, m'accuse-t-elle en se calmant tout de même un peu.

—    Dit celle qui a essayé de me buter, rétorqué-je.

—    Tu le méritais. Tu as tué mon frère.

     Tout s'éclaircit, maintenant. Ça explique pourquoi ses yeux me semblaient si familiers. Il avait les mêmes qu'elle, à un détail près. Cette innocence que je perçois dans ceux de Blanche-Neige. Elle n'a pas l'air corrompue comme lui. Ses prunelles semblent encore briller telles deux flammes tandis que celles de son frère ne transpiraient que la méchanceté. J'en conclus qu'elle n'est pas comme lui, malgré ses liens familiaux. Cependant, cette petite peste a besoin de se faire remettre à sa place.

—    Il avait beau être ton frère, ce type était le diable incarné, argué-je. Et si tu l'avais mieux connu, tu aurais su que j'ai débarrassé le monde d'une ordure qui était sans pitié avec les autres. J'ai sauvé la vie de mes amis et, si c'était à refaire, je n'hésiterais pas une seconde.

     Elle ouvre la bouche d'un air courroucé, puis essaie à nouveau de m'attaquer. Pourtant, cette fois, je suis prêt. Elle s'agrippe à mon tee-shirt et me l'arrache alors que je la repousse. Je ne crois pas que c'était son intention, si je me fie à ses pupilles dilatées sous la surprise tandis qu'elle fixe le tissu en lambeaux qu'elle tient dans ses mains.

     Finalement, Blanche-Neige n'est pas du tout coopérative. Parfait ! Ma journée ne sera pas ennuyante.

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