Direct to the heart-TOME 2-Chapitre 8
Thor
Après avoir fermé le club de boxe (d'ailleurs, ma nouvelle colocataire a disparu je ne sais où), je me dirige vers le club house. La boutique vient de fermer et je dois surveiller la bâtisse jusqu'à l'arrivée de mes potes. Ceux qui travaillent de jour sont partis depuis au moins une heure et les autres qui bossent de nuit n'arriveront pas avant vingt-deux heures.
Je gare ma moto devant « The Gates of Paradise », puis inspecte l'extérieur du bâtiment. Rien à signaler. Ensuite, je pénètre dans la bâtisse par la porte arrière. Je suspends ma veste sur le crochet qui m'est attribué et me lave les mains puisque je me trouve dans un secteur alimentaire. C'est une habitude que j'ai prise lorsque j'ai commencé à travailler dans la brasserie. J'attache également mes cheveux afin de respecter les normes de salubrité.
La bâtisse neuve a été conçue pour y produire exclusivement de l'alcool. Dans l'aile ouest de la brasserie se trouve tout l'équipement nécessaire à la fabrication de la bière. Nous produisons également du whisky à partir d'orge malté, mais nous sommes surtout reconnus pour nos bières artisanales. Se trouvent donc dans cette pièce le distillateur, le matériel de brassage, les cuves de fermentation et les outils d'embouteillage. Dans notre ancien club house, nous possédions une cave à bière. Dans la nouvelle, une grande chambre froide sert à entreposer les bouteilles de précieux nectar.
« The Gates of Paradise » est l'endroit que je préfère, après mon club de boxe, bien sûr. Personne pour me faire chier, à part Gabin, mais c'est lui le boss, alors il peut se le permettre. J'en profite pour faire de même lorsqu'il vient s'entraîner.
Le nom qu'il a donné à l'endroit est certes excentrique, mais lorsqu'on travaille pour cette brasserie, on réalise à quel point on n'est pas loin du paradis. Les riches arômes qui émanent des grosses cuves nous donnent presque envie de plonger le nez dedans. Il n'y a pourtant qu'une seule personne à avoir eu droit à cette expérience et elle ne l'a assurément pas aimé.
Ce cher Nathan en a bavé, il n'y a pas à dire. Je l'ai d'ailleurs croisé en prison et je crois que son souvenir de moi restera à jamais gravé dans sa chair, sans jeu de mot. Je l'ai tellement tourmenté, le pauvre, qu'il ne voudra jamais sortir de cette prison de peur de croiser à nouveau mon chemin. Malgré tout, il ne verra pas la lumière du jour avant quelques années.
Mon regard se porte sur le plancher immaculé. L'équipe de nettoyage passe tous les jours, juste avant que les bikers n'arrivent. Je les ai d'ailleurs engagés pour mon club de boxe et je n'en suis pas déçu. Les surfaces en acier inoxydable miroitent et confèrent une fière allure à notre petit paradis.
Je ne travaille pas en même temps que la clientèle, Dieu merci ! Je ne suis pas sociable et ces touristes qui cherchent la boisson parfaite me tapent sur le système.
La boutique occupe d'ailleurs le tiers de la surface du bâtiment. Gabin a vu grand. Il faut dire que, ne pouvant plus vendre illégalement nos produits, il a dû songer à une autre façon de rentabiliser l'entreprise. Si j'avais été lui, j'aurais poursuivi la vente clandestine, qui rapportait beaucoup plus, mais je devine qu'il a voulu devenir un honnête citoyen pour plaire à sa douce.
Changer pour une meuf ! Quelle bêtise ! Jamais je ne modifierai ma vie pour l'une d'elle, si merveilleuse soit-elle. Je suis immunisé contre leurs beaux yeux.
Mais pas contre un corps enroulé dans une serviette.
Je secoue la tête en essayant d'oublier cette petite effrontée. Je préfère me concentrer sur mon boulot et j'en profite pour faire le tour de la boutique. C'est ici que les adolescents essaient parfois de s'infiltrer. Ils se croient tout permis, ces abrutis ! Les rares fois où un groupe de jeunes a essayé de nous voler, ils ont pissé d'effroi dans leurs culottes. Disons que je suis doué pour faire peur aux gens. On m'agace quelquefois en me comparant au Dieu Thor, toutefois, je n'ai aucune ressemblance avec lui, si ce n'est que le surnom dont on m'a affublé. C'est toujours mieux que Victor. Je n'ai jamais apprécié ce prénom, alors, lorsque mes potes se sont mis à m'appeler par un diminutif, je ne les ai pas arrêtés. De plus, le fait que j'aie les cheveux longs depuis le lycée à renforci cette idée. La comparaison avec le Dieu est seulement un hasard. Je n'ai aucun marteau, mais plutôt des gants de boxe.
Je m'immobilise en percevant le son de l'entrechoquement de bouteilles, puis j'aperçois de la lumière dans le magasin. Pourtant, celui-ci est fermé depuis plus d'une heure. J'avance silencieusement vers l'origine du tintement, entre dans la vaste pièce agrémentée par la présentation stylisée de nos précieux liquides. La vitrine est d'ailleurs si bien présentée que ça en donne l'eau à la bouche.
Je m'immobilise en apercevant du mouvement à l'avant de la boutique. Sur le haut d'un escabeau se tient un individu qui n'est pas Maisie. Plus j'avance et plus je reconnais cette silhouette.
— Qu'est-ce que tu fous là ? éclaté-je, furieux.
Cette petite voleuse sursaute et l'inévitable se produit. Elle perd l'équilibre, lâche la bouteille qu'elle tenait en haut de la pyramide de bières et tout s'effondre comme un jeu de quille. L'escabeau, lui, chancelle et la jeune femme perd l'équilibre. Elle bat des bras comme si elle essayait de s'envoler, mais la gravité l'attire rapidement vers le sol. Son corps chute d'une manière fort spectaculaire et je me précipite vers elle avant qu'elle ne se rompe le cou.
Une fraction de seconde plus tard, elle atterrit dans mes bras.
— Oh, mon Dieu ! s'écrie une voix catastrophée.
Maisie se tient à l'entrée de la boutique, une main contre sa joue et, l'autre, sur son ventre rond. Ses yeux semblent près de sortir de leurs orbites. Elle fixe, consternée, l'état du magasin.
— Dieu n'a rien à voir là-dedans, grommelé-je en aidant mon fardeau à se redresser.
— Ça va, Judicaëlle ? lui demande Maisie, inquiète.
Celle-ci hoche la tête et fixe le chaos qu'elle vient de provoquer. Une multitude de bouteilles jonche le sol, ayant éclaté par-delà le rayonnage. Le verre recouvre le plancher et le liquide s'étend jusqu'à la porte.
— Je...je suis désolée, souffle la coupable. Cette brute a crié et m'a surprise.
Elle parle apparemment de moi. Pourtant, c'est elle la cause de ce beau bordel.
— Je t'ai coincée en train de nous voler et, cette fois, tu n'as aucune excuse, l'accusé-je.
— Euh, Gabin, m'interrompt Maisie, je l'ai engagée pour me remplacer. Judicaëlle m'aidait seulement à placer les bouteilles en haut des pyramides. J'ai dû m'éclipser quelques minutes pour une envie pressante.
Je les fixe, abasourdi. Quoi ! Ils ont engagé cette...cette inconnue dans notre brasserie ?
— Pourquoi personne ne m'a-t-il informé de cela ? grondé-je, fort mécontent.
— Je pensais que tu le savais, dit Maisie, dépitée.
— Je comprends maintenant pourquoi vous teniez tant à l'empêcher de fuir.
La concernée est sur le point de se mettre à chialer. Sa lèvre tremble et elle fixe l'horrible gâchis d'un air épouvanté.
— Je...je vais nettoyer, dit-elle en se baissant pour ramasser les morceaux de verre.
— Pas touche, lui ordonné-je en la retenant par le coude. Tu pourrais te blesser. Tu as déjà failli te briser le cou, pas la peine d'en rajouter.
Elle prend un air dépité qui me fait jubiler. Prends ça, la nouvelle ! Tu vas regretter d'avoir mis le petit orteil chez les Midnight Demons.
Maisie, elle, tente de la rassurer.
— Ne t'inquiète pas pour ça, lui assure-t-elle. J'ai déjà fait pire. De toute façon, l'équipe de nettoyage arrive dans moins d'une heure. Elle aura du boulot cette nuit, mais ce n'est pas grave.
— Je vais vous rembourser, lui assure Judy-chose. Vous n'aurez qu'à déduire les frais de mon salaire.
C'est une excellente idée, cependant Maisie secoue la tête.
— Non, dit-elle. Tu fais partie des nôtres, maintenant, alors tu n'as pas à débourser pour ça. De plus, Thor est également dans le tort.
La nouvelle éclate de rire, suivie par Maisie, et je comprends qu'elles plaisantent avec mon surnom.
— Désolée pour le jeu de mots, rigole Maisie en essuyant une larme.
— Ah, les meufs ! lâché-je d'un air bougon. Je vous laisse vous arranger avec ça. Je n'en peux plus de vos frasques.
Sur ce, je laisse ces deux rigolotes glousser comme des dindes et poursuis ma tournée, de mauvaise humeur. Donc, en plus de devoir supporter cette fille chez moi, je vais devoir travailler avec elle. Pas vraiment « avec », mais nous allons forcément nous croiser. Je pouvais tolérer Maisie, mais elle...je ne peux la blairer. J'ignore pourquoi, mais c'est ainsi.
Un peu plus tard, mes potes commencent à arriver. Certains bikers travaillent au bar de danseuses, d'autres à la micro-brasserie, et quelques-uns se tapent même deux boulots d'affilés, un peu comme moi, le premier en tant qu'entraîneur et, le second, comme surveillant de la bâtisse. De toute façon, ça me va puisque les Midnight Demons représentent ma famille. Ma vie gravite autour d'eux depuis plus de quinze ans. Les bikers et la boxe représentent mes deux seules occupations, alors je m'investis à 100%.
Une fois tout le monde arrivé, Maisie propose de fêter la venue de la nouvelle, alors nous sommes tous installés dans la micro-brasserie autour des tables. Je ne vois pas l'utilité de cette célébration puisque je suis certain que cette meuf ne restera pas longtemps. Il y a quelque chose chez elle qui cloche, alors je m'en méfie. Ce n'est peut-être pas une voleuse, mais elle n'est sûrement pas un ange non plus. Quoique son corps ressemble pas mal à l'idée que je me fais des êtres célestes...
Les bikers, dont Dave et Jonas, ont entrepris de faire goûter notre gamme complète de produits à la nouvelle. Cette dernière s'est remise de sa petite chute et a pris soin de se placer à l'opposé de moi. Je ricane. Chérie, tu vas dormir à moins de trois mètres de moi, ce soir. Ça ne sert à rien de fuir.
— Je ne m'y connais pas beaucoup en bière, annonce la jeune femme, mais ce houblon est délicieux.
Elle est douée pour complimenter et mes frères sourient jusqu'aux oreilles.
Je lève les yeux au ciel. Ils sont tous tombés en pamoison devant elle. D'accord, elle a un petit charme innocent, mais c'est pour mieux nous leurrer. J'ai rencontré plusieurs types d'individus dans ma vie, et c'est de ceux-ci dont il faut le plus se méfier. Ils paraissent inoffensifs, mais ils vous surprennent alors que vous baissez la garde. Ils sont hypocrites, un peu comme les chats.
— Comme ça, il parait que tu as déjà travaillé dans une cidrerie, lance Dave à la nouvelle.
— Euh...en fait, mon père était pomiculteur, répond-elle. Il possédait un verger et je l'aidais. Il produisait un peu de cidre de pomme, mais il se spécialisait plutôt dans les arbres fruitiers et le miel.
— Intéressant ! siffle Jonas, épaté.
— Il a pris sa retraite et c'est mon frère qui a hérité de l'entreprise, ajoute-t-elle.
— Pourquoi n'es-tu pas restée là-bas ? questionne Gabin.
— À cause de nos points de vue divergents. Lorsque mon père était le propriétaire, j'adorais ce travail, surtout dans le temps de la cueillette. Recevoir les clients, leur faire goûter nos merveilleuses pommes, les diriger vers la bonne variété et leur présenter les différents dérivés de notre pomiculture faisaient partie de mes tâches. Cependant, lorsque mon frère a hérité du verger, il a effectué plusieurs changements...qui ne me plaisaient pas. Il se fichait pas mal de la clientèle. Il préférait vendre à grande échelle aux supermarchés, alors j'ai pris mes clics et mes clacs et je suis partie. De toute façon, je ne m'entendais pas très bien avec lui, alors c'était mieux ainsi.
Quelque chose cloche dans son histoire. Gabin et moi échangeons un regard circonspect ; lui aussi songe à la même chose. Toutefois, il n'émet aucun commentaire et se contente de serrer sa douce contre lui. Maisie en profite pour appuyer sa tête contre son épaule. Parfois, ils dégoulinent tant d'amour l'un pour l'autre que c'en est presque écœurant.
— Je vais devoir y aller, annonce justement Maisie en se levant. Il est tard et demain je...
Elle s'arrête subitement et écarquille ses yeux de stupeur.
— Qu'est-ce qu'il y a, chaton ? lui demande Gabin.
La jeune femme baisse les yeux vers le sol et tous les regards convergent vers le plancher...mouillé.
— Oh, putain ! s'écrie Gabin en se levant.
Tout le monde comprend alors que Maisie vient de crever ses eaux. S'ensuit une panique générale digne des comédies. Gabin se conduit comme le pire des crétins.
— J'appelle l'ambulance, s'écrie-t-il en sortant son téléphone.
— Gabin, l'interpelle son amoureuse. Ce n'est pas nécessaire. Les valises se trouvent dans la voiture depuis trois semaines. Tout est prêt, alors pas besoin de paniquer. Tu n'as qu'à m'emmener tranquillement à l'hôpital. Ce n'est pas la mer à boire.
J'admire le sens de l'organisation de la jeune femme. Elle a un don pour gérer les aléas d'une famille recomposée. En outre, elle semble si calme à l'approche de la naissance de son troisième enfant, contrairement à Gabin, pour qui ce sera sa première expérience à la maternité. Il a déjà une fille, Audélie, mais elle était née lorsqu'il a appris son existence.
— Bonne chance, leur souhaite la nouvelle employée alors que les futurs parents quittent le club house.
Mes frères sont si excités par l'arrivée d'un futur mini-biker qu'ils sont incapables de se concentrer sur leur travail. Ils se contentent de trinquer en attendant des nouvelles de Gabin et Maisie.
Je jette un regard à Judy-quelque chose.
Ça m'a tout l'air que c'est moi qui devrai la ramener au club de boxe.
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