Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 7

Judicaëlle

     Cette salle d'entraînement est fort impressionnante, tout comme son propriétaire, d'ailleurs. Cet homme ne donne pas sa place. J'ose à peine le regarder tellement je crains qu'il ne bondisse sur moi comme un fauve.

     Quelques minutes plus tard, Maisie me rejoint, tout sourire.

—    Il a dit oui, m'annonce-t-elle.

—    Ah ouais ?

     C'est drôle, mais j'étais sûre qu'il allait refuser que je cohabite avec lui. Cet homme a l'air d'un ermite et je gage qu'il ne prend pas de gants pour dire ce qu'il pense. En fait, oui, il doit prendre des gants de boxe et taper sur la personne qui le dérange. Ce genre de type règle ses problèmes avec ses poings, et non avec des mots. Du moins, d'après mon expérience.

—    Oui, voilà la clé, me dit Maisie en me tendant l'objet.

—    Il n'a rien dit d'autre ? questionné-je, perplexe.

—    Euh...répond-elle. Il s'attend à ce que tu lui paies un loyer.

—    Mais je suis fauchée ! m'exclamé-je. Comment vais-je faire ?

—    Tu as un job, me répond-elle en me faisant un clin d'œil. Et nous payons très bien, alors tu n'auras pas de soucis pour ça.

     Mince ! Je ne peux plus me désister, maintenant.

—    Tu vas voir, tu vas t'y plaire, ajoute la jeune femme. Et je passerai souvent à la boutique avec les enfants.

     Les enfants ? Elle en a d'autres ? Pourtant, elle parait si jeune.

—     J'habite juste à côté alors, s'il y a un problème, je ne serai pas loin, poursuit-elle.

     Je deviens livide en réalisant que je vais me retrouver seule parmi un groupe d'hommes.

—    Ça va ? me demande-t-elle en remarquant ma pâleur. Tu devrais aller te reposer un peu. Thor m'a dit que tu pouvais utiliser le canapé, à condition que tu ne ronfles pas.

     Je soupire, agacée.

—    Bon, je dois y aller, annonce-t-elle finalement. J'ai promis à Charlotte que je lui ferais des brownies pour le dîner. À plus !

     J'ignore qui est Charlotte, mais je suppose que je vais le découvrir bientôt.

     Je décide de m'éloigner un peu du gym et monte sur la mezzanine, qui est déserte. D'en haut, j'ai une vue intégrale de tout ce qui se passe dans l'entrepôt. C'est immense ! Il doit bien y avoir une cinquantaine de sportifs. Certains s'entraînent sur les appareils de musculation, d'autres sur les tapis, certains sur les sacs de boxe et quelques-uns prennent place autour du ring, où un combat d'entraînement a justement lieu. Thor semble totalement concentré sur les boxeurs. Mince ! C'est brutal !

     Je grimace lorsque l'un d'eux frappe l'autre sous le menton. Ils ont des protections, mais ça doit tout de même faire un mal de chien.

     Je serais curieuse de voir Thor se battre. Il doit être drôlement doué puisqu'il est entraîneur de boxe. Je suppose qu'il a une certaine expérience en combat.

     Je fixe l'homme en détaillant son corps. Puisqu'il porte un tee-shirt, j'aperçois mieux ses tatouages, du moins, l'encre qui recouvre totalement ses bras. D'où je me trouve, je suis incapable de déterminer la nature des dessins. Ses jambes sont également noircies d'encre. Je devine qu'un type comme lui ne doit pas faire les choses à moitié et qu'il doit être tatoué de la tête aux pieds. J'ai moi-même quelques dessins permanents, mais lui abuse carrément. C'est tout juste s'il n'est pas tatoué dans la figue. Les motifs s'arrêtent juste sous son menton et montent jusque derrière ses oreilles. Quel gâchis ! Il serait tellement plus attrayant sans ces tatouages couvrant son corps. Quoique celui-ci paraisse tout de même alléchant si je me fie aux muscles de ses bras.

     Le géant ténébreux lève soudainement la tête vers moi et croise mon regard. Je me détourne, gênée d'avoir été surprise à le mater ainsi, et me dirige vers le petit salon du studio.

     Je range mon sac à dos sous la table basse. Je suis partie de chez moi en vitesse, alors je n'ai apporté que le strict minimum, c'est-à-dire des t-shirts, pantalons et quelques culottes. Je n'ai même pas pensé à amener de soutien-gorge. Je devrai vraiment passer dans une boutique de sous-vêtements pour m'en procurer.

     J'ignore comme déplier le canapé et je suis épuisée, alors je m'allonge dessus. Au moins, mes pieds ne dépassent pas. Si je ne bouge pas trop, l'espace est suffisant pour dormir. Il n'est que treize heures, mais je suis épuisée. Ma blessure à la tête me fait mal et c'est sans parler de mon bleu à la hanche. J'ai l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur.

     Je ferme les yeux et sombre dans le sommeil, qui est toutefois de courte durée lorsqu'une forte lumière traverse mes paupières. J'ouvre les yeux et réalise que quelqu'un se tient à un mètre du fauteuil. Je me redresse en reconnaissant mon nouveau colocataire. Celui-ci me dévisage.

—    Tu devrais aller changer ton bandage avant de tacher mon canapé, me dit-il en désignant mon front.

     Et moi qui pensais qu'il allait me souhaiter la bienvenue ! Cesse de rêver, Judicaëlle. Ce type est tout, sauf accueillant.

     Je réalise qu'il a raison lorsque je touche mon bandage imbibé de sang.

—    Merde ! lancé-je en me levant.

—    Il y a une petite salle d'eau sous les escaliers, m'informe Thor. Ça t'évitera de traverser l'entrepôt au complet.

—    Merci.

     Je me rends en vitesse à la salle d'eau, enlève mon pansement et réalise qu'un point de suture saigne. Mince ! Je vais devoir faire attention et ne plus plisser le front, ce qui m'arrive lorsque je suis contrariée, et c'est le cas depuis que j'ai rencontré les Midnight Demons. Je nettoie la plaie, applique une gaze propre et retourne sur la mezzanine. Thor m'attend juste en haut de l'escalier.

     Je m'arrête devant lui.

—    Euh...puis-je passer ? lui demandé-je alors qu'il me bloque le passage.

—    Je ne suis vraiment pas ravi de partager mon logis avec toi, me dit-il de but en blanc, mais Maisie a un sacré don de persuasion. Je l'ai fait pour elle, et non pour toi.

     Ce type est de plus en plus charmant !

—     Sache que je n'aime pas qu'on se mêle de ma vie privée.

—    Moi non plus, argué-je.

—    Dans ce cas, occupons-nous chacun de nos affaires et tout ira bien, ajoute-t-il.

     Je hoche la tête et attends qu'il se décale.

—    Autre chose, ajoute-t-il, je ne veux pas que tu parles à mes boxeurs. Ils sont là pour travailler, et non pour se laisser distraire par une meuf dans ton genre.

     Il ne manque pas de culot, celui-là ! Je me demande quel genre de femme il pense que je suis. Ce n'est certainement pas flatteur.

—    Dans mon genre ? répété-je, indignée.

—    Ouais, celle qui s'exhibe.

—    Pardon ? Je ne me dénude pas à tout va.

—    Commence par mettre quelque chose sous ton t-shirt et on en reparlera.

     J'en reste bouche bée. Il a remarqué que je ne portais pas de soutien-gorge ? Je baisse la tête vers ma poitrine et crois mourir de honte lorsque j'aperçois mes seins pointer effrontément à travers le tissu de mon haut. Je croise mes bras pour cacher mon buste.

—    Je disais donc, poursuit-il, tout de même amusé, que tu ne dois pas te mélanger à eux, compris ?

—    Si je comprends bien, je peux loger ici, mais je dois rester en haut.

—    Exactement. Ou tu peux observer ce qu'il se passe depuis la mezzanine. Ça avait l'air de te plaire, tout à l'heure...

     Je rougis, comprenant qu'il fait allusion à ma façon de le fixer.

     Il esquisse un petit sourire victorieux et va rejoindre les quelques sportifs qui s'entraînent encore. La salle s'est vidée, mais il y a cinq ou six personnes qui persistent à s'entraîner. N'ont-ils pas une vie ?

     Puisque je me retrouve seule, je décide de passer un coup de fil à ma mère. Ça fait trois jours que je ne lui ai pas donné de nouvelles. Elle doit se faire un sang d'encre. Elle n'était pas au courant de ce qui se passait dans ma vie. Je ne l'ai confié à personne de peur qu'on ne me croie pas. En plus, elle appréciait beaucoup mon ex Dominique. Chaque fois que nous dînions chez mes parents, il se montrait charmant avec eux. J'ai compris qu'il les avait dupés, tout comme il l'avait fait avec moi.

     J'ouvre mon nouveau portable. J'en ai acheté un nouveau avec mes dernières économies afin que Dominique ne me retrace pas. Par conséquent, mes parents ont été incapables de me joindre. Je compose donc leur numéro de téléphone, que je connais par cœur. Ça sonne deux fois, puis la voix de ma mère répond.

—    Salut, maman, lui dis-je alors.

—    Judicaëlle ! s'écrie-t-elle. C'est bien toi ? Pourquoi es-tu partie sans nous en aviser ? Et pourquoi ton numéro n'est plus en service ? Nous nous inquiétions. En plus, ton copain nous a appelés et te cherchait partout.

     Ça, je n'en doute pas une seconde.

—    Euh, j'avais besoin de vacances, réponds-je. Et Dominique et moi, c'est terminé.

—    Il ne nous l'a pas dit...

—    C'est parce qu'il n'a pas bien pris le fait que je le quittais, mais ma décision est définitive.

—    Ton frère m'a informé que tu lui avais donné ta démission. Nous ne comprenons pas, ma puce. Tu aimais tant travailler au verger...

—    Lorsque papa en était le patron, complété-je. Je n'aime pas la façon de fonctionner de Patrice. Il pense seulement à l'argent.

—    C'est normal qu'au début, ça le tracasse un peu.

     Eh voilà ! Mes parents prennent toujours sa défense. Je savais qu'ils ne comprendraient pas ma décision de partir, c'est pour cette raison que je ne leur ai rien dit. Et aussi parce que j'avais trop peur qu'il révèle l'endroit où je me trouve à Dominique.

—    Peut-être, mais n'est pas une raison pour traiter ses employés comme s'ils ne valaient rien, affirmé-je. Lui et sa chère Christina vont devoir se débrouiller sans moi. De toute façon, ils voulaient fermer la petite boutique de produits. Je n'aurais plus servi à rien et ils auraient fini par me renvoyer.

     Silence à l'autre bout du fil. J'ai raison et ma mère le sait. Le petit garçon à papa va se planter, mais ils ne pourront pas dire que je ne les avais pas prévenus.

—    Où te trouves-tu ? me demande ma mère. Vas-tu bientôt revenir ? Tu nous manques.

     Mon cœur se serre. Mes parents me manquent également, mais je n'y peux rien.

—    J'ai changé de pays, maman, alors j'ignore combien de temps durera mon voyage, J'ai rencontré des gens sympas, ici, et je me suis même trouvé un job dans une petite brasserie.

—    Où ça ?

—    Dans une ville loin de chez vous.

     Je ne veux pas lui en dire plus. Je lui en ai déjà trop révélé. Il ne manquerait plus que je lui donne le nom de la brasserie et elle pourrait facilement me localiser.

—    Je vous redonnerai des nouvelles aussitôt que possible, ajouté-je. Au revoir !

—    Mais...

—    Je vous aime, papa et toi. Tu salueras Patrice de ma part.

     Je raccroche avant qu'elle n'insiste. Ma mère est du genre à poser des tas de questions et, si je ne lui coupe pas la parole, elle en a pour des heures à jacasser de tout et de rien. Habituellement, ça ne me dérange pas, mais j'ai peur que quelqu'un devine où je me trouve. J'espère seulement que mon enfoiré d'ex passera à autre chose et que je pourrai retourner chez moi un jour. Probablement pas avant ou an ou deux.

     J'ai à peine terminé mon appel que mon téléphone sonne. Le numéro de ne me dit rien, mais je décroche tout de même.

—    Allô, réponds-je d'une voix incertaine.

—    Judicaëlle ? C'est Maisie. Désolée de te déranger, mais je voulais savoir si tout se déroulait bien avec tu-sais-qui.

—    Pour l'instant, oui. En passant, comment as-tu eu mon numéro de téléphone ?

—    Tu l'avais inscrit sur dans ton curriculum vitae. Puisque tu n'as plus de voiture, je voulais savoir si tu avais besoin de quelque chose.

—    Euh...tandis que tu en parles, j'aurais besoin de passer au supermarché afin d'acheter quelques provisions. Je me doute que le viking ne voudra pas que je pige dans ses réserves. Et j'en profiterais pour faire un petit tour dans une boutique de lingerie. J'ai seulement apporté le strict minimum.

—    Oui, pas de problème. Pendant un instant, j'ai cru que tu allais dire que tu avais oublié d'apporter des soutiens-gorge.

     Maisie se marre à l'autre bout du fil et je me joins à elle. Toutefois, elle ignore à quel point elle est près de la vérité.

—    Dans ce cas, je passe te chercher dans une heure et nous irons acheter ce qu'il te manque.

—    D'accord, merci.

     Une heure et demie plus tard, la voiture de Maisie s'arrête devant l'entrepôt. J'ignore où se trouve Thor puisque je ne l'ai pas revu après notre « conversation », mais je m'en moque. Après tout, je n'ai pas besoin de lui révéler tous mes déplacements. Habiter chez lui ne m'empêchera pas de garder mon indépendance.

     Maisie m'emmène dans un supermarché où j'achète de quoi me nourrir pour au moins une semaine. Ensuite, nous nous arrêtons dans une petite boutique de lingerie où j'en profite pour me munir de ce qu'il me manque.

—    Au début, j'ai cru que tu voulais te procurer des sous-vêtements pour séduire la gent masculine, blague Maisie. 

—    De toute façon, Thor ne veut pas que je cause avec les boxeurs, lui avoué-je.

—    Oh, je ne parlais pas d'eux...

     Je devine à qui elle fait référence et je vois, par son sourire qu'elle me nargue.

—    De toute façon, je n'ai pas pour objectif de draguer quiconque, lui dis-je.

—    Alors, pourquoi opter pour un modèle en dentelle noire avec balconnet ?

—    Tu as raison, soufflé-je en me dirigeant vers la section « sport ». Je vais choisir quelque chose de si affreux qu'aucun homme ne voudra m'approcher.

—    Je te taquinais, me dit Maisie.

     Pourtant, je n'ai pas envie de rire. Je sélectionne quelques modèles assez simples et les paie sans les essayer.

     Une fois mes achats terminés, la jeune maman me dépose au club de boxe et me propose de travailler quelques heures, le lendemain. J'accepte. De toute façon, je n'ai rien d'autre à faire et je préfère ne pas rester au club lorsque Thor s'y trouve. Moins je le croiserai, mieux je me porterai.

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