Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 6


Thor

     Ce matin, le club de boxe est rempli. Aussitôt que j'ai annoncé son ouverture, les gens s'y sont précipités afin de s'entraîner. Des hommes, mais aussi quelques femmes, sont en train de s'échauffer sur les appareils cardiovasculaires. Certains font de la corde à sauter et d'autres ont entrepris de lever de la fonte. Je me promène parmi eux, ma bonne humeur revenue, et les salue. Je les connais tous personnellement. Certains d'entre eux habitent les quartiers pauvres et j'admire leur motivation. Ils ne paient évidemment rien, car mon but est de leur changer les idées, leur montrer que malgré les hauts et les bas de la vie, il faut persévérer et faire ce que l'on aime. Dans mon cas, c'est ce qui m'a ramené vers le droit chemin alors que j'étais au bord du gouffre. Toutefois, ça ne m'a pas empêché d'apprendre que, dans la vie, tout peut avoir des conséquences.

     Jeff et Mike se trouvent déjà au centre du ring de boxe et s'échauffent en s'envoyant quelques coups munis de leur équipement de protection, bien sûr.

     Julien, le perdant de ce weekend, ne s'est pas présenté. Je suppose que la honte de son échec cuisant l'empêche de revenir.

     Je secoue la tête en essayant de ne pas y songer, puis continue ma petite tournée. Quelques bikers se sont joints aux boxers, mais puisque la plupart dorment en journée, ils sont à peine cinq à être sortis de leurs lits, dont Gabin, qui a commencé cette discipline deux mois plus tôt. Celui-ci apprend vite, mais ne deviendra pas un combattant professionnel puisqu'il n'est pas le plus doué du lot. Il le sait très bien, mais c'est surtout pour se détendre qu'il vient.

—    Lève les poings plus haut lorsque tu ne frappes pas, lui conseillé-je. Il faut toujours se protéger le visage.

—    Ces temps-ci, ce sont plus mes couilles que je dois protéger, grogne-t-il. Maisie cherche vraiment à me faire regretter ma connerie.

—    Qu'est-ce que tu as fait ? lui demandé-je, curieux.

—    J'ai envoyé Judicaëlle à l'hôpital.

—    Hein ?

     J'ai dû manquer un épisode. Parle-t-il de la jeune femme en serviette que j'ai poursuivie chez moi avant-hier ? Probablement. On n'entend pas ce prénom à tous les coins de rue.

—    Je voulais la rattraper afin qu'elle reste et j'ignorais que sa bagnole n'avait plus de frein, alors elle a fait une sortie de route.

     Je grimace.

—    Maisie me fait dormir sur le fauteuil depuis hier, ajoute-t-il.

     J'éclate de rire, amusé. Cette femme a vraiment du caractère.

—    Tu es devenu mou, mon frère, l'agacé-je. Te laisser contrôler par une meuf ! Je ne pensais jamais que ça t'arriverait.

—    Un jour, ce sera à ton tour, me dit-il.

—    Certainement pas, lui assuré-je. Je ne suis pas assez idiot pour cela.

     Le cours de boxe est sur le point de commencer et, puisque c'est moi l'entraîneur, je dois me préparer un minimum.

     Je me rends au vestiaire et un bref souvenir de la jeune femme en serviette m'assaille. J'ignore pourquoi je ne cesse de songer à elle depuis deux jours. Pourtant, ce n'est pas la seule meuf que j'aie vue à-moitié nue dans ma vie. Avant, j'étais un vrai coureur de jupon. Le sexe opposé aime bien les sportifs, et les boxeurs en font parti. Après un combat, j'avais toujours besoin de décompresser et je me servais du corps des femmes pour y parvenir.

     Je crois que cette Judy-chose trotte dans ma tête à cause des circonstances plutôt cocasses de notre rencontre. De toute façon, je ne la reverrai probablement jamais.

     J'enfile un short et un t-shirt noir et rejoins les boxeurs, qui attendent impatiemment le début du cours.

—    Faites trois minutes sans intermittence de corde à danser, leur ordonné-je en partant le minuteur. 

     Tout le monde s'exécute et je les observe d'un air sévère. Lorsque je me mets en mode entraineur, je deviens plus strict et très exigeant. On doit m'obéir si on veut rester dans mon cour. Quelqu'un qui n'est pas capable de suivre est immédiatement exclu. J'ai beau posséder un club de boxe pour amateurs, j'exige tout de même un minimum de forme physique. Quelqu'un qui n'est pas capable de faire trois minutes de corde à sauter ne se qualifie par pour mon cours.

     J'entends la porte claquer. Encore des retardataires ! Je déteste lorsque quelqu'un arrive en retard. C'est un énorme manque de respect.

     Je m'apprête à vilipender le nouveau venu lorsque je m'immobilise. C'est Maisie, alors je comprends qu'elle n'est certainement pas venue boxer. J'aperçois ensuite la fille à la serviette qui l'accompagne. Un pansement recouvre son front et elle a l'air un peu moins énergique que la première fois que je l'ai rencontrée. Elle ne fera certainement pas de la course à obstacle aujourd'hui.

—    Si tu veux voir Gabin, il s'entraîne sur les sacs, informé-je Maisie.

—    En fait, c'est à toi que je voulais m'adresser, me dit-elle, mais je vais attendre la fin du cours. Ça te dérange si on regarde en attendant que tu aies terminé ?

     Je secoue la tête en jetant un regard curieux à Judy-quelque-chose. Son prénom m'échappe. Je me souviens seulement que la fin se termine en « el ».

—    Puisque je suppose que vous n'allez pas participer, vous pouvez vous asseoir là-bas, leur dis-je.

—    Hey ! Thor ! Tu les piges où, tes boxeuses ? me lance un type hyper pompeux. Une femme enceinte et une atrophiée ! On n'est pas prêts de gagner les prochains combats.

     Je lui lance un regard qui ferait fuir n'importe qui et il recule la queue entre les jambes. L'amie de Maisie fait un pas menaçant en direction de l'imbécile, mais Maisie la retient par le bras.

—    Ce n'est pas le moment de défier ce connard, lui chuchote-t-elle à l'oreille, mais assez fort pour que je l'entende. Tu lui feras regretter plus tard, mais pour l'instant, le docteur a dit que tu devais te reposer, d'accord ?

     La jeune femme hoche la tête et elles vont s'asseoir au fond de la salle. Je poursuis mon cours, mais mes yeux dévient souvent vers les deux spectatrices ou, plutôt, vers la spectatrice, puisque Maisie a intercepté son petit ami et tous les deux semblent avoir une discussion fort animée. Je suis certain que Gabin va encore y passer. Toutefois, j'espère pour lui que ce malentendu sera bientôt réglé.

     Je place mes élèves deux par deux et leur fait pratiquer des combinaisons de coups, dont l'uppercut combiné au crochet du droit. Judy-la-belle (je crois qu'elle s'appelle ainsi) suit le cours avec attention. Elle scrute les boxeurs comme si elle essayait d'apprendre à travers eux.

     Je m'approche d'elle et lui demande, en la faisant légèrement sursauter :

—    Tu as déjà fait de la boxe ?

—    Qu'est-ce que tu en penses ?

—    Je pense que tu n'as pas l'étoffe d'une boxeuse. Tu es trop petite.

     Elle me jette un regard noir auquel je réponds par un sourire narquois. J'adore la provoquer.

     Elle fait par la suite mine de m'ignorer. J'en suis presqu'insulté. Lorsque je parle à quelqu'un, j'aime voir son visage, ses expressions et, surtout, ses yeux. Je peux ainsi évaluer s'il représente une menace ou pas. Une habitude que j'ai acquise en prison.

—    La forme se gagne à force de travail, affirmé-je. Mais la détermination, on l'a ou pas. Je suppose que chez certaines personnes, la volonté de réussir n'est pas aussi présente que chez certaines autres.

     Elle se décide enfin à me regarder et c'est pour me fusiller du regard.

—    Parles-tu de moi ? me demande-t-elle en desserrant à peine les dents.

—    Ce n'est pas mon problème si tu te sens visée, raillé-je en m'éloignant de son banc.

     Je lance ensuite à mes élèves :

—    Tout le monde sur les sacs !

     Ces derniers sont suspendus au plafond par des chaines et, grâce à une poulie, on peut les faire descendre à notre guise.

     Maisie a rejoint sa copine, qui semble ruminer dans son coin. Elle a croisé ses bras sur sa poitrine et ses yeux lancent des éclairs à tout-va. Je souris en songeant que c'est à cause de moi. Elle serait tellement facile à pousser à bout au combat. Une vraie partie de plaisir ! Toutefois, ce genre de fille chiale chaque fois qu'on touche à un de ses cheveux.

—    Gabin, l'interpellé-je soudain, qu'est-ce que tu fabriques ?

—    Je frappe le sac, me répond-il en fronçant les sourcils.

—    On dirait que tu le baises, rétorqué-je. Recule de deux bas. Tu ne pourras jamais le frapper si tu es aussi près.

     Mon commentaire a déclenché l'hilarité. Maisie et sa copine son pliées de rire et plusieurs boxeurs ont arrêté de frapper.

—    Si vous ne poursuivez pas l'exercice, je vous fiche dehors, les menacé-je.

     Du coup, tout le monde s'interrompt et reprend l'entraînement. Seul Gabin me jette un regard noir. Je crois que j'ai heurté sa dignité. Je suis bien le seul qu'il ne soit pas capable d'envoyer au tapis. Quiconque lui aurait sorti un commentaire de ce genre l'aurait amèrement regretté. Le chef des Midnight Demons n'est pas à la tête des bikers pour rien !

     À la fin du cours, Maisie et son amie s'approchent de moi.

—    J'ai une requête pour toi, me demande Maisie.

—    Est-ce que ça concerne ta charmante amie ici présente ?

     La « charmante » amie les yeux au ciel et me tourne le dos pour se diriger vers les équipements de boxe.

—    Oui, me répond Maisie, mal à l'aise. Comme tu le sais probablement, à cause de mon imbécile de petit copain, sa voiture est détruite et puisqu'elle ne peut plus partir, j'avais espoir que tu accepterais qu'elle loge ici en attendant.

     Je la fixe en enregistrant ce qu'elle vient de me dire.

—    Hors de question, réponds-je sèchement.

—    S'il te plaît, insiste-t-elle. Elle n'a nulle part où aller et...

—    Ce n'est pas mon problème, la coupé-je. Je ne vais tout de même pas héberger une fille que vous avez rencontrée il y a à peine deux jours. Vous ignorez qui elle est et d'où elle vient.

     Maisie place ses mains de part et d'autres de ses hanches, agacée par mon comportement.

—    J'ai vu son curriculum vitae, m'explique-t-elle. Elle a l'air tout à fait correct.

—    Son cv ! ricané-je. Et je suppose qu'elle raconte sa vie à l'intérieur.

     Maisie souffle, excédée.

—    Je croyais que tu serais plus condescendant à son égard, me dit-elle. Après tout, tu es la preuve vivante qu'il ne faut pas se fier à la première impression. Si c'était le cas, bon nombre de gens s'enfuiraient en courant.

—    Comme ta copine, peut-être ? ironisé-je.

     Elle éclate de rire.

—    Ce que j'aurais aimé voir ça ! Il est vrai que tu es légèrement intimidant.

     Elle plaisante, puisque je sais que je suis un peu plus que « légèrement » intimidant.

—    Elle va te payer un loyer, ajoute Maisie. Je t'en prie, Thor. C'est seulement à court terme.

—    Bon, tu as gagné, soufflé-je, excédé. Mais aussitôt qu'elle aura réglé son problème de voiture, elle dégage.

     La jeune maman bondit de joie, ou plutôt, essaie. Son ventre l'empêche de bouger comme elle le voudrait.

—    Merci, Thor.

     Eh merde ! Je le regrette déjà. J'espère que cette fille n'a pas un caractère de merde sinon ça va mal aller.

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