Direct to the heart-TOME 2- Chapitre 29

Judicaëlle

Je cligne des yeux en fixant le texto que m'a envoyé Dominique : « Tu ne m'échapperas pas, petit démon ».

Le choc m'empêche de réagir immédiatement. D'un, comment a-t-il trouvé mon numéro de téléphone et, de deux, pourquoi m'appelle-t-il « petit démon » ? Il ne m'a jamais attribué ce surnom. J'ai peur qu'il sache où je me trouve et, surtout, avec qui, ce qui expliquerait l'allusion au mot « démon ».

Pendant que je cogite, Thor s'approche de moi. Je ne réagis même pas lorsqu'il m'enlève mon téléphone des mains et pianote dessus.

Puis, le boxeur me le redonne.

— J'ai bloqué son numéro, me dit-il. Cet enfoiré ne pourra plus communiquer avec toi. De toute façon, s'il se pointe ici, je vais lui faire sa fête.

Je jette un coup d'œil et remarque qu'il a répondu à mon ex.

« Laisse-la tranquille, sale fils de pute ».

— Et tu penses qu'il va t'écouter ? explosé-je, mécontente. Il va penser que j'ai un nouveau mec et va encore plus poursuivre ses recherches.

— Dans ce cas, il va devoir passer à autre chose puisque tu as effectivement un autre mec.

Je le fixe, éberluée. Vient-il d'officialiser notre relation devant tout le monde, surtout, après notre dispute d'il y a une semaine ? D'accord, il m'a laissé un mot d'excuse, mais ça n'efface pas sa conduite irrespectueuse envers moi, et je ne parle pas de la baise torride, mais de m'avoir foutue dehors juste après. Puisque je n'avais aucune place où dormir, j'ai dû entrer en douce au quartier général à l'aide des clés qu'on m'avait laissées. Depuis, j'ai de la difficulté à lui pardonner son comportement.

— Quel mec ? rétorqué-je. Je ne vois qu'un abruti devant moi.

Il contracte sa mâchoire, apparemment vexé, et je jubile. Pour les fois que c'est moi qui ai le dernier mot !

— Nous en reparlerons plus tard, me promet-il, puisque nous avons des spectateurs indiscrets.

Effectivement, il semble que notre conversation intéresse beaucoup les quelques personnes autour de nous, dont Jonas et quelques autres bikers.

Thor me tourne le dos et fait signe à ses potes de retourner s'entraîner. Je monte donc dans le studio et range mes vêtements qui traînent sur le canapé. J'ai la tête ailleurs ; je suis incapable d'arrêter de songer à mon ex-petit copain. Je pensais qu'il passerait à autre chose, mais il semble toujours déterminé à trouver où je me cache. Cela me fait un peu peur ou, plutôt, me terrorise, mais je sais que je suis sous la protection des Midnight Demons et, surtout, de Thor.

Mon portable sonne à nouveau et je crains soudain un autre message indésirable, mais c'est Lewis qui me félicite pour l'obtention de mon permis d'apprenti-conductrice.

« Il faut fêter ça. Je viens te chercher dans quarante-cinq minutes et je t'emmène boire un verre. »

J'accepte puisque j'ai appris à apprécier ce grand gaillard. De plus, c'est grâce à lui si j'ai réussi l'examen pratique de motocyclette. D'ailleurs, je ne peux boire aucun verre tout en conduisant ma moto. C'est tolérance zéro pour plusieurs mois jusqu'à l'obtention de mon vrai permis. C'est tout de même ironique lorsqu'on songe au fait que je travaille au paradis des bières.

Je revêts donc mon nouveau pantalon de cuir que je n'avais encore jamais porté jusqu'ici et ma veste du même matériau, puis prends mon casque et me faufile discrètement à travers l'ancien entrepôt reconverti en club de boxe.

— Hey ! m'interpelle une voix désormais bien familière.

Je me retourne et aperçois le Dieu de la boxe s'approcher.

— Où vas-tu ainsi ? Questionne-t-il en me détaillant de la tête aux pieds.

Il ne peut cacher la lueur de concupiscence au fond de son regard.

— Depuis quand dois-je te dire où je vais ? rétorqué-je.

— Tu ne peux conduire la nuit, répond-il.

Je le sais, alors il n'a pas besoin de me le rappeler.

— Qui te dit que c'est moi qui vais conduire ? lui réponds-je narquoisement. Tourlou !

Je pars avant qu'il ne puisse répondre quoique ce soit. Lewis m'attend déjà devant la bâtisse. J'enfile mon casque et grimpe sur sa moto, juste derrière lui. Il démarre et nous voilà partis ! Il conduit beaucoup mieux que Thor, ça ne fait aucun doute. Il ne se faufile pas entre les voitures et attend son tour. La promenade est beaucoup plus paisible, quoiqu'un peu moins excitante.

Nous arrivons finalement devant un bar où un écriteau est accroché sur la façade du bâtiment.

« The Gates of Hell ».

Alors, c'est ici le fameux bar des bikers ! J'en entends souvent parler, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'y venir.

— Ce soir, c'est plutôt calme, me dit Lewis, mais les weekends, c'est beaucoup plus animé.

Nous entrons dans le bar et mon compagnon salue le videur, qui nous ouvre la porte avec un grand sourire. Je ne l'ai jamais vu auparavant, mais il semble sympathique.

— C'est mon collègue de travail, m'informe Lewis. Il bosse au bar les soirs où je suis occupé.

— Ah bon.

L'endroit m'impressionne. Je m'attendais à un petit bar miteux comme celui de ma ville d'origine, mais il est décoré avec goût. Un mélange de luxure et de mysticisme habite les lieux. Tout est miroitant, chic et...propre. Le style est bien différent de celui de la brasserie. C'est moins accueillant et moins chaleureux. C'est...clinquant.

— Allons nous asseoir, je vais nous commander quelque chose à boire.

Lewis nous dirige vers une table haute et je m'y installe. Aussitôt, une serveuse que je reconnais puisque c'est une amie de la blondasse qui fréquente le gymnase, s'approche de nous.

— Salut, Jasmina, lui dit le jeune homme. Deux bières, s'il te plaît.

— Celle que tu prends d'habitude ? lui demande-t-elle.

— Exactement, tu me connais bien.

— Mieux que ça, je dirais, lui répond-elle en lui faisant un clin d'œil.

Elle m'ignore et repart. J'ai l'impression qu'il a déjà eu des rapprochements intimes avec elle, mais je n'en parle pas.

— Tu n'as pas eu trop de difficulté avec l'examen ? me demande Lewis.

— Ça s'est plutôt bien passé. J'étais nerveuse, mais j'ai réussi.

— Cool ! Ça ne m'étonne pas. Tu es consciencieuse dans tout ce que tu entreprends. Gabin semble satisfait de ton travail à la brasserie.

— J'aime bien ce job. Je ne pensais pas l'apprécier autant.

— Et avec Thor, comment ça se passe ? J'ai entendu quelques ragots vous concernant.

Je me crispe. Ne pourrait-il pas parler d'autre chose ? Je veux me changer les idées et oublier l'homme dont les paroles ne cessent de me hanter. Il a bel et bien dit qu'il était mon mec. Est-ce que ça veut dire que lui et moi sommes plus que colocataires ?

— Quels genres de ragots ? demandé-je.

— Les gars vous ont vus vous embrasser et Thor semble plutôt jaloux lorsqu'il est question de toi.

— Qu'est-ce qui te faire dire ça ?

— Parce qu'il est là.

Il fait un signe du menton vers l'entrée du bar, ou une immense silhouette se dessine et ne laisse aucun doute quant à l'identité du visiteur.

— Voilà vos boissons, nous dit au même moment Jasmina en déposant les bouteilles devant nous, mais nous l'ignorons, trop concentrés sur Thor.

Elle le remarque finalement et soupire :

— Ce qu'il est chaud ! Tu es vraiment chanceuse.

Est-ce qu'elle me parle ? Peut-être, toutefois je suis trop absorbée par le spectacle de l'homme s'avançant vers nous d'un pas assuré.

— Oublie ce que j'ai dit tout à l'heure, fait Lewis. La soirée ne s'annonce plus calme du tout.

Il ne parait pas trop embêté par la présence de mon colocataire, comme s'il s'y attendait.

Thor se semble pas de bonne humeur, quoique ce n'est pas nouveau. Je me demande vraiment pourquoi il se pointe. N'a-t-il pas un club de boxe à gérer ?

— Salut, mon pote, lui lance Lewis. Tu veux une bière ?

— D'un, je ne suis pas ton pote et, de deux, pourquoi l'as-tu emmenée ici ? lui répond Thor.

— Il n'y a rien de mal à vouloir se détendre, dit Lewis.

— Ouais, on sait tous avec quoi tu te « détends », raille son rival.

Puis, le boxeur se tourne vers moi.

— Viens, on rentre, me dit-il.

Comment ose-t-il se présenter ici et me dicter ce que je dois faire ?

— Garde tes ordres pour les entraînements de boxe, répliqué-je.

— Et te laisser avec cet enfoiré ?

Lewis se lève aussitôt.

— Comment m'as-tu appelé ? gronde-t-il.

— Enfoiré, répète Thor en faisant un pas vers lui.

L'ambiance s'alourdit autour de nous. Les deux hommes se défient du regard et j'ai peur qu'ils en viennent aux mains. Je sais qui gagnerait et je n'ai pas envie que Lewis soit blessé par ma faute.

— Qu'est-ce que tu as contre Lewis, Thor ? lui demandé-je en essayant de désamorcer la bombe. Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

— Son unique but est de coucher avec toi, répond-il sans desserrer les dents.

— Et pas toi, peut-être ?

Ma réponse le déconcerte.

— Ce n'est pas pareil, répond-il finalement.

— Et qu'y a-t-il de différent ? insisté-je.

— Ouais, honorable Thor, le provoque Lewis, dis-nous en quoi tu es si différent de moi.

— Parce que je...

— Tu quoi ?

Il lâche un long soupir.

— Parce que tu es importante pour moi, voilà !

— Comme ça, le grand et imperturbable Thor éprouverait des sentiments pour une meuf, le taquine Lewis. Étonnant !

Je lui jette un regard d'avertissement. Il ne devrait pas plaisanter avec ça. L'ancien athlète éprouve déjà de la difficulté à exprimer ses émotions, alors il n'a pas à rire de lui.

— Écoute, Thor, commencé-je, Lewis m'a emmenée boire un verre en tant qu'ami, sans arrière-pensée. Ce n'est pas parce que je parle avec un autre homme que je vais nécessairement finir dans son lit. Par exemple, ça ne veut pas dire que tu couches irrémédiablement avec une fille qui va s'entraîner au club.

— Il n'en a plus besoin puisqu'il se les a déjà toutes tapées, s'esclaffe Lewis.

Mon amant n'apprécie visiblement pas son commentaire puisqu'il se précipite vers lui et les deux tombent par terre et se débattant.

— Arrêtez ! m'écrié-je.

Plusieurs personnes sont alertées par mes cris et s'approchent, curieux. J'aperçois Dave, qui quitte le comptoir du bar et qui vient vers nous. Le videur et lui essaient de les séparer.

— Ça suffit ! hurlé-je, à bout de nerfs. Vous vous comportez comme des gamins. Et toi, Thor, n'as-tu pas appris de tes erreurs ?

Mon évocation de son passé tumultueux le calme aussitôt. Il se lève, s'époussète et lance un dernier avertissement à Lewis :

— Touche-la une seule fois et je te casse les deux jambes.

Puis, il s'en va en repoussant Dave.

— Ce type a vraiment un caractère de merde, grommèle ce dernier en retournant travailler.

Lewis se rassit en grimaçant.

— Est-ce que ça va ? m'enquiers-je. Je suis désolée. Je ne m'attendais pas à ce qu'il nous suive.

— Moi, si. Il veut marquer son territoire.

— Hein ?

Je ne suis pas certaine de comprendre.

— Judicaëlle, ce type est fou de toi. C'est évident ! Le problème, c'est qu'il ne sait pas comment te le démontrer.

Je me croise les bras en marmonnant :

— Il n'est pas obligé de se comporter comme un con.

— C'est sa seule façon d'extérioriser ses sentiments. Tout le monde sait qu'il n'a jamais été amoureux. C'est la première fois qu'il est confronté à ce genre de situation et qu'il n'a plus de contrôle sur lui-même. Il est tourmenté, paniqué et ne gère plus rien.

— Comment le sais-tu ?

Il me sourit d'un air mélancolique.

— Ça m'est déjà arrivé.

— Et que s'est-il passé ?

— Malheureusement, je ne l'intéressais pas.

— Oh ! Désolée...

Le jeune homme hausse les épaules.

— Ce n'est pas grave. Comme le disait ma grand-mère : Chaque torchon trouve sa guenille. Je n'ai qu'un conseil pour toi : Avoue-lui tes sentiments avant que ça te ronge par-dedans.

— Je...

— Tu l'aimes, ça crève les yeux. Alors dis-lui avant qu'il ne soit trop tard. La vie est trop courte pour éprouver des regrets.

Je rentre donc en ayant la ferme intention de discuter avec Thor, mais je réalise qu'il est parti travailler, comme chaque soir.

Je pousse un énorme soupir, me lave, puis enfile mon pyjama.

Alors que je suis sur le point de me coucher, mon portable sonne. Je réalise que c'est ma mère. Ce doit être important, puisqu'elle ne m'appelle jamais aussi tard.

— Salut, maman, réponds-je d'un ton enjoué.

— Dieu merci, tu as enfin décroché, répond-elle, l'air paniqué. J'ai essayé de te joindre toute la soirée.

— Qu'est-ce qu'il y a ? questionné-je, quelque peu alarmée.

— Ton père a eu un accident.

— Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Il faisait sa marche quotidienne et se trouvait seul puisque je ne pouvais l'accompagner. Il part toujours une demi-heure et prend toujours le même chemin et, lorsque j'ai réalisé qu'il ne rentrait pas, j'ai appelé la police. Ils l'ont retrouvé inconscient dans le parc. Il a reçu un coup à la tête.

— Oh mon Dieu ! m'écrié-je, catastrophée. Comment va-t-il ?

— Il n'a pas encore repris conscience. Nous sommes à l'hôpital.

Je bondis comme un ressort et jette un coup d'œil à l'heure. Merde ! Je ne peux pas conduire la nuit. En plus, j'ai bu de l'alcool et c'est tolérance zéro. Toutefois, je ne peux attendre le retour de Thor et je ne veux pas non plus dépendre de lui, ni de personne d'autre. Alors, je prends la décision la plus irresponsable de ma vie et fais mon sac.

Pourtant, je ne peux partir ainsi. J'aurais préféré parler avec Thor avant mon départ. Je décide donc de lui laisser une note. Je n'emporte avec moi que le strict minimum. Il verra ainsi que la majorité de mes biens est toujours là, signe que je vais revenir.

J'écris donc les mots que je n'ai jamais osés lui dire.

Je t'aime

Je crois que le message est clair.

Sur ce, j'enfourche ma motocyclette et retourne là où j'espérais de plus jamais mettre les pieds.


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